Sensualisme

Sensualisme
John Locke, précurseur du sensualisme.

Le sensualisme est un courant philosophique et, en tant que dérivé de la théorie plus générale de l’empirisme, une des principales théories de la connaissance au XVIIIe siècle.

Sommaire

Histoire du mot

Le terme lui-même n’a été proposé qu’ultérieurement, en 1804, par Joseph Marie baron de Gérando (1772-1842), dans la seconde édition de son ouvrage Histoire comparée des systèmes de philosophie relativement aux principes des connaissances[1]. On préfère parfois le terme de « sensationnisme ». En anglais, on emploie couramment le terme « sensationism ».

Origines

Le sensualisme est une doctrine fortement influencée par l’empirisme, notamment par le Essay on Human Understanding (1690) de John Locke, qui affirme que les sensations sont à l’origine de toutes nos connaissances. Comme l’empirisme, le sensualisme s’est développé notamment en opposition au rationalisme cartésien (la notion des idées innées), mais également par opposition à Malebranche et à Leibniz.

Principaux représentants

Le représentant le plus influent du sensualisme est Condillac qui a proposé une formulation complète et rigoureuse du sensualisme dans son Traité des sensations de 1754. Le sensualisme a notamment été défendu, pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, par les philosophes matérialistes, par exemple par Helvétius dans son De l’esprit de 1758.

Une théorie de la connaissance

Condillac, représentant du sensualisme.

Le sensualisme va plus loin que l’empirisme de Locke : il affirme non seulement qu’il n’y a pas d’idées innées, mais qu’il n'y a pas non plus de capacités mentales innées. Pour le sensualisme, sensation et connaissance sont co-extensives, et toute connaissance, toute réflexion, tout jugement, tout acte d’imagination, n’est, en dernière analyse, qu’une sensation mémorisée, modifiée, associée ou comparée avec d’autres sensations. Ainsi Helvétius affirme-t-il que « penser, c’est sentir ». Les sensations sont définies comme « des impressions qui s’excitent en nous à l’occasion des objets extérieurs »[2].

Condillac explique et développe sa théorie des sensations et de la connaissance à travers la célèbre expérience de pensée de la statue successivement dotée des cinq sens, et acquérant en fonction des sensations qu’elle reçoit de plus en plus d’idées et de plus en plus grandes facultés d’entendement.

Les questions qu’aborde le sensualisme concernent notamment les relations entre les sensations, les idées, les jugements et le langage.

Postérité

Le sensualisme fournira le point de départ aux réflexions des Idéologues (par exemple Destutt de Tracy), vers la fin du XVIIIe siècle et au premier tiers du XIXe siècle. C’était un terme et une théorie courants jusqu’à la fin du XIXe siècle, lorsqu’il tomba en désuétude. Le sensualisme de Condillac a cependant influencé encore les théories éducatives de Maria Montessori. Condillac reste en tout cas un des premiers à proposer une psychologie cognitive et développementale avant la lettre.

Cette doctrine a été condamnée par le pape Pie X dans l’encyclique Pascendi. Il considère que le sensualisme est une forme d’immanentisme, c’est-à-dire qu’il provient de l’agnosticisme de Kant et Spinoza.

Notes et références

  1. Selon Sylvain Auroux. Article « Sensualisme », in : Dictionnaire européen des Lumières, sous la direction de Michel Delon, Paris : PUF, 1997, p. 990.
  2. Article « Sensations », Encyclopédie des Arts et des métiers, tome XV.

Textes

Sources

  • Sylvain Auroux, « Sensualisme », in : Dictionnaire européen des Lumières, sous la direction de Michel Delon, Paris : PUF, 1997, p. 990-2.
  • Article « Etienne Bonnot de Condillac », in : Stanford Encyclopedia of Philosophy, [1], 2002, révision 2007.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Sensualisme de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать реферат

Regardez d'autres dictionnaires:

  • sensualisme — [ sɑ̃sɥalism ] n. m. • 1803; du lat. sensualis « des sens » ♦ Philos. Doctrine d après laquelle toutes les connaissances viennent des sensations. ⇒ sensationnisme. Le sensualisme de Condillac. ♢ Doctrine selon laquelle le beau s identifie à l… …   Encyclopédie Universelle

  • SENSUALISME — n. m. T. de Philosophie Système dans lequel on fait dériver des sensations tous les faits psychiques. Le sensualisme de Condillac …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

  • sensualisme — (san su a li sm ) s. m. Terme de philosophie. Doctrine dans laquelle on attribue, dans la génération des idées, tout à l action des sens externes.    Par dénigrement, et comme si sensualisme venait de sensuel, tandis qu il vient du latin… …   Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré

  • sensualisme — sen|su|a|lis|me Mot Pla Nom masculí …   Diccionari Català-Català

  • Sensualisme — Den mening, at al erkendelse skyldes sanseindtryk. Livssyn med sanselig nydelse som mål …   Danske encyklopædi

  • sensualisme — sen|su|a|lis|me sb., n (sanselighed; FILOSOFI den opfattelse at al erkendelse stammer fra sanseindtryk) …   Dansk ordbog

  • Sensualisme —    см. Сенсуализм …   Философский словарь Спонвиля

  • sensualiste — [ sɑ̃sɥalist ] adj. et n. • 1801; de sensualisme ♦ Philos. Qui appartient au sensualisme, soutient le sensualisme. « Le mot sensualiste appelle naturellement l idée d un matérialisme pratique qui sacrifie aux jouissances des sens [...] rien ne s… …   Encyclopédie Universelle

  • Claude-Adrien Helvétius — Pour les articles homonymes, voir Helvétius. Claude Adrien Helvétius Philosophe Occidental Époque Contemporaine …   Wikipédia en Français

  • IMMÉDIAT — La constitution du mot recèle le nœud des problèmes philosophiques où s’embarrasse la pensée qui veut prendre l’immédiat pour objet. Mieux vaudrait dire: sa re constitution puisque l’adjectif substantivé – » immédiat » – n’est que le double… …   Encyclopédie Universelle

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”