Jean-Antoine Riqueti de Mirabeau

Jean-Antoine Riqueti de Mirabeau
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Jean-Antoine Riqueti de Mirabeau (1717-1794), frère cadet de Victor Riqueti, marquis de Mirabeau, oncle du tribun révolutionnaire Gabriel-Honoré, comte de Mirabeau, et de André Boniface Riqueti, vicomte de Mirabeau fut chevalier de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, gouverneur de la Guadeloupe[1] puis bailli de son Ordre.

Sommaire

Biographie

Pierre-Paul Riquet,
le constructeur du Canal du Midi
parent des Riqueti de Mirabeau

De Riquet à Riqueti

L'origine de la famille reste sujette à caution et deux hypothèses s'y rapportent. La première est qu'elle serait venue d'Italie, la seconde considère que c'est une légende créée de toute pièce, les Riqueti trouvant leurs origines, non pas en Italie mais à Seyne-les-Alpes, où ils avaient simplement Riquet pour patronyme. Une branche descendit en basse Provence et s’enrichit dans le négoce à Marseille. Ce fut là qu’elle italianisa son nom. Une autre se fixa en Languedoc et Pierre-Paul Riquet, le constructeur du « Canal du Midi » en est issu[2].

Quand au XVIe siècle, le magistrat marseillais Jean Riqueti acheta le fief de Mirabeau à Anne de Barras, il s’empressa de déclarer que sa famille était noble depuis des temps immémoriaux. Ce n’était pas par simple besoin de nier sa roture mais pour éviter de verser au Trésor royal le droit de franc-fief qui frappait toute terre noble possédée par un bourgeois[3].

Il s’empressa donc de faire dresser un faux arbre généalogique démontrant que ses ancêtres étaient arrivés en Provence au XIVe siècle sous le règne du comte-roi Robert d’Anjou et descendaient d’un noble florentin dénommé Pietro Arrigheti. Ce tour de passe-passe abusa le fisc royal ce qui était le but recherché.

Cet état de fait fut transformé en droit acquis quand Louis XIV érigea en marquisat les seigneuries des Riqueti en Provence et celles des Riquet en Languedoc.

La supercherie devenue inutile n’en continua pas moins à être utilisée. Quand Mirabeau descendit en Provence pour se faire élire aux États généraux dans la sénéchaussée d’Aix, il publia, entre autres, un libelle en date du 3 février 1789 qui affirmait :

« Mes pères, proscrits d’une ville agitée, furent, il y a 520 ans, accueillis dans cette province. »

« Le Flambeau de Provence » faisait ce jour-là remonter son « ancêtre florentin » au temps de Charles Ier d’Anjou, roi de Sicile, d’Épire, d’Albanie et de Jérusalem, qui fut au XIIIe siècle comte de Provence.

Le bailli de Mirabeau

Le port de Mahon
Salle d'honneur de la commanderie de Sainte-Eulalie-de-Cernon

Jean-Antoine naquit à Pertuis et passa toute son enfance au pied du Luberon où son père, colonel en retraite, le redoutable « Col d’Argent », menait ses domaines et sa famille à la façon de ses régiments. Frère cadet de Victor, sur ordre paternel, il entra à douze ans chez les chevaliers de Malte. Dans l’île, son compagnon d’armes fut Richard de Sade[4], l’oncle du Divin Marquis. Devenu profès, il y fit toutes ses caravanes[5] et eut en charge le gouvernement de Guadeloupe.

Le duc de Richelieu assiégeant Port-Mahon aux Baléares, Jean-Antoine Riquetti fit partie du convoi qui vint à sa rescousse en 1757. Les galères de l’Ordre firent le blocus du port et le Bailli de Mirabeau ne dut d’avoir la vie sauve qu’à son Virgile. Une balle tirée par un défenseur minorquin l’atteignit à la poitrine mais elle se ficha dans son livre.

La même année sa réputation de marin et son rang le firent pressentir pour le portefeuille de ministre de la Marine. Mais la Pompadour qui préférait Peyrenc de Moras l’imposa au roi. Déçu, le Bailli acheta alors la charge de général des galères pour la somme de 150 000 livres qu’il emprunta à son frère aîné[6] en gageant les revenus de sa commanderie de Sainte-Eulalie-de-Cernon.

Puis il se retira à Mirabeau huit ans plus tard. Grand épistolier, le Bailli rédigea alors plus de 4 000 lettres dont une majeure partie à son frère Victor.

L’oncle et le neveu

Mirabeau
Gabriel-Honoré ressemblait à son oncle Jean-Antoine

La première rencontre du Bailli avec son neveu Gabriel-Honoré, eut lieu au pied du Luberon le 14 mai 1770. Un courant de sympathie passa immédiatement entre les deux hommes. Le vieux marin écrivit alors à son frère :

« J’ai été enchanté de le voir. Je ne sais si, comme on dit, j’ai la foire au cœur, mais le mien s’élargit beaucoup en le voyant. »

Il savait que « l’Ami des Hommes » n’apprécierait pas. Déjà dès la naissance de son aîné, il avait écrit au chevalier de Malte pour lui décrire méchamment les tares de son neveu : un crâne énorme, une langue enchaînée par un filet, un pied tordu, deux dents formées, etc. Trois ans plus tard, quand le jeune garçon fut atteint de la petite vérole, son oncle reçut ce mot laconique :

« Ton neveu est laid comme celui de Satan. »

Pourtant Gabriel-Honoré passait pour ressembler au Bailli. Celui-ci modifia donc le tir vis-à-vis de son aîné :

« Ou c’est le plus grand persifleur de l’Univers ou ce sera le plus grand sujet de l’Europe pour être pape, ministre, général de terre ou de mer et peut-être agriculteur. Il sera meilleur que Marc-Aurèle s’il n’est pire que Néron. »

Deux ans plus tard, ce fut l’oncle qui se chargea d’aller demander pour le jeune comte de Mirabeau la main de Mademoiselle de Marignane à son père. Il fut poliment éconduit. Gabriel-Honoré dut user alors d’un moyen fort spectaculaire pour faire céder la famille et obtenir la dot de la riche héritière.

Au cours des années 1782 et 1783, les deux hommes furent amenés à passer ensemble de longs mois tant à Mirabeau qu’à Aix-en-Provence. Confronté à son beau-père qui demandait la séparation du couple, le comte ne pouvait compter sur aucun soutien de son père. Au contraire, celui-ci déversait sur son compte des kyrielles d’insanités. Le Bailli, circonvenu contre son neveu, le reçut donc fraîchement. Il écrivit le 5 octobre au marquis :

« J’ai pris une aversion pour cet homme qui est surprenante. »

Et de lui reprocher son orgueil et d’avoir « la certitude que lui seul sait penser ». Mais quelques jours plus tard, le charme du neveu avait opéré. Il fit savoir à son frère :

« Monsieur Honoré m’a paru très assagi quant aux idées, qu’à tout prendre il est très agréable et docile. »

Pourtant, au cours du procès, où son neveu se révéla un formidable orateur, le Bailli découvrit avec stupeur les lettres accablantes que « l’Ami des Hommes » avait fait parvenir à la belle-famille de son fils. Outré, il apostropha vertement son frère :

« Je ne pouvais en croire mes yeux, où as-tu été chercher tout ce que tu écris et dont tu dis que j’ai les preuves, ce qui n’est pas ?. »

Du coup, pour soutenir la cause de son neveu, il engagea au Mont-de-Piété sa croix de Malte enrichie de diamants.

De l’admiration au dédain

Le château de Mirabeau
dit la Grand Bastide
Monnaie d'argent de Malte au début de la Révolution française

Le procès fini et perdu en dépit du talent de Mirabeau, les rapports des deux hommes ne retrouvèrent jamais le caractère qui avait été le leur. L’ingratitude de Gabriel-Honoré envers la seule personne qui l’avait apprécié et admiré y fut sans doute pour beaucoup. Et quand celui-ci tentera, au cours de l’été 1778, de renouer avec son oncle, le Bailli restera de marbre.

Il faut dire qu’il se heurtait dans le même temps aux résultats désastreux de la gestion de « l’Ami des Hommes » dans ses seigneuries de Mirabeau et de Beaumont. Une note envoyée à celui-ci l’avertissait que ses bastides et ses moulins tombaient en ruines tout comme ses châteaux qui avaient besoin de sérieuses réparations. Il obtint pour toute réponse une fin de non recevoir. À tel point que l’on peut se demander si c’est au neveu ou au frère qu’il en voulait le plus !

Le Bailli en avertissant son aîné avait pourtant été clair :

« Le Bourget a besoin de beaucoup de réparations, Négréaux est inhabitable, Clapier est dans un état triste et déplorable. La Grand Bastide menace d’une ruine prochaine, Quatre Tours et Laigue ont besoin d’être refait à neuf. Quant aux moulins presque tous tombent en bas, beaucoup de bâtiments menacent ruines et il a bien à réparer. »

Et comme Jean-Antoine suggérait de faire réaménager le château (la Grand Bastide), il se fit rétorquer par son frère :

« Ainsi que tu ne suis pas les modes, quant à toi, pour la frisure, je ne les suis pas pour le château… Je vois que tous les châteaux décorés et grandement bâtis il y a 150 ans sont encore beaux et tenus pour tels. »

Pendant la Révolution, le Bailli s’en fut s’installer à Malte où il séjourna en même temps que le jeune chevalier de Sade, Donatien-Claude-Armand, le fils du Divin Marquis, pour lequel son grand-oncle Richard avait obtenu une commanderie en 1789. Jean-Antoine de Riquetti, Bailli de Mirabeau, s’éteignit dans l’île en 1794.

Notes et références

  1. chevalier de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, gouverneur de la Guadeloupe (1752-1755), puis bailli de son Ordre.
    "Veux-tu savoir ce que disait hier de toi, dans le salon du maréchal (de Belle-Isle), un homme que l'on écoute et que l'on croit ? On est fort content de la manutention du chevalier, et l'on rend justice à la bonne envie qu'il a de bien faire. Les fripons , qui ne sont pas en petit nombre, tremblent; les honnêtes gens se rejouissent, et les pauvres savent que la justice leur sera rendue, sans acception de personne. La porte de leur gouverneur leur est ouverte, disent-ils, a toute heure, et toute la colonie sait qu'aucun de ses gens ne serait assez osé pour empêcher le plus petit et pauvre nègre de conter ses raisons au gouverneur; ils savent aussi qu'il ne veut point de présent, ni de bien mal acquis; qu'il n'a ni femme, ni maîtresse, ni parens, ni amis; qu'il est un vrai Melchisédec , qui ne boit, ne joue, ne représente; qu'enfin il ne pourrait manquer de rendre justice , que parce qu'il se tromperait; et, partout, on pardonne ce qui ne part pas du cœur." (Lettre inédite du marquis au bailli de Mirabeau, du 27 avril 1754).
    "Revoyant, l'autre jour, notre homme, je lui parlai de ta pénurie ; il me répéta tout un système de commerce licite que tu serais à portée de faire ; que M. le comte de Toulouse y avait beaucoup gagné; et que la maison de Penthièvre le continuait. Que le maréchal d'Eslrées, né sans biens , et mort sans dettes, n'avait fait tant et de si folles dépenses, que par le moyen du commerce qu'il faisait par tout le monde. Je répondis que, préposé à la police de cette partie , tu essuierais la calomnie, alors que tu ne chercherais que la justice; il répondit que nous n'étions que des buses, avec nos romans et nos systèmes , et je me tus." (Lettre inédite du marquis au bailli de Mirabeau , du 26 octobre 1754.)
    Mémoires biographiques, littéraires et politiques de Mirabeau,Mémoires biographiques, littéraires et politiques de Mirabeau, écrits par lui-même, par son père [Victor Riqueti, Mis de Mirabeau], son oncle [le bailli de Mirabeau] et son fils adoptif (J.-M.-N. Lucas de Montigny), Volume 1 : XVIIIe ‑ XIXe siècle : 1700-1835, Paris, Louis Hauman, 1834-1835 .(notice BNF no FRBNF30842595z)
  2. René de la Croix, duc de Castries, op. cité.
  3. Ce droit de franc-fief représentait dix-huit mois de revenus tous les vingt ans.
  4. Tout comme Jean-Antoine de Mirabeau, Richard de Sade devint bailli de l’Ordre avant d’accéder à la charge de Grand Prieur de Toulouse, la plus haute fonction de la Langue Provençale.
  5. Dans le langage des chevaliers de Malte, les caravanes correspondaient à des campagnes maritimes. Le temps de service était considéré comme accompli après avoir réalisé au moins trois de celle-ci.
  6. Cette somme fut empruntée à l’Ami des Hommes. On dit que ce fut la meilleure affaire que fit le marquis ! La commanderie rouergate de Sainte-Eulalie rapportait chaque année 15 000 livres de rentes. Elle avait été d’abord aux templiers qui s’y étaient installés en 1152 à la suite d’un don de l’abbaye de Gellone à Saint-Guilhem-le-Désert.

Voir aussi

Liens internes

Bibliographie

  • René de la Croix, duc de Castries, Mirabeau ou l'échec d'un destin, Éditions Fayard, Paris, 1960.
  • Albert Soboul (avant propos d'), Les Mirabeau et leur temps, Société des études roberpierristes, Centre aixois d'études et de recherches sur le XVIIIe siècle, 1968.
  • Gilles Henry, Mirabeau Père, Éditions Tallandier, 1989.

Notes et références


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