Institut universitaire de formation des maitres

Institut universitaire de formation des maitres

Institut universitaire de formation des maîtres

En France, les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) sont des composantes des universités françaises. Ils sont chargés de la formation des enseignants du premier et du second degrés, y compris les conseillers principaux d'éducation.

Sommaire

Histoire des IUFM

IUFM Saint-Agne à Toulouse

La Loi Jospin[1] (1989) prévoit la création des instituts universitaires de formation des maîtres. En 1990 et 1991, les IUFM remplacent :

  • pour les instituteurs : les écoles normales d'instituteurs ; ils étaient recrutés par concours niveau DEUG
  • pour les professeurs des lycées et collèges : les centres pédagogiques régionaux (CPR) ; ils étaient recrutés par concours (CAPES, Licence +1 ou agrégation, Maîtrise + 1)
  • pour les professeurs de l'enseignement professionnel : les écoles normales nationales d'apprentissage. concours souvent après validation des acquis de l'expérience.

Ils avaient pour vocation de rapprocher la formation professionnelle, ,jusqu'ici cloisonnée, de ces différents corps d'enseignants intervenant dans le même domaine de l'enseignement obligatoire, primaire et secondaire.

Les trente-et-un IUFM existants, soit un par académie, étaient alors sous statut juridique d'établissement public à caractère administratif (EPA), et dirigés par un directeur nommé par le ministre en charge de l'enseignement supérieur et administrés par un conseil présidé par le recteur d'académie.

Leur création s'est donc inscrite dans un mouvement de rapprochement entre enseignants du primaire et professeurs du secondaire (collège et lycée), désormais tous recrutés après la licence et alignés sur même grille de salaires (à l'exception des Agrégés et des Certifiés Biadmissibles au concours de l'Agrégation) [2]. C'est ainsi qu'a été créé le corps des professeurs des écoles en remplacement (à terme) de celui des instituteurs, avec de meilleurs salaires, mais sans droit à des logements de fonction, ni à une retraite précoce.

Ce rapprochement aurait eu, entre autres, pour objectif de tirer au niveau du corps enseignant les conséquences de l'unification progressive du système scolaire offert aux élèves (obligation scolaire portée à 16 ans, école unique remplaçant la dualité entre le Petit lycée et l'école primaire, collège unique, développement massif de l'accès au baccalauréat) : les professeurs des écoles, les professeurs de collèges et de lycées devraient logiquement bénéficier d'une formation suffisamment cohérente pour assurer la continuité du cursus proposé aux élèves dont près de 80 % sont officiellement susceptibles de traverser les trois niveaux. Un tel projet supposait, via l'exigence d'un cursus universitaire plus long, le renforcement de la maîtrise des connaissances disciplinaires chez les maîtres du primaire ainsi que la mise en place d'une véritable formation pédagogique chez ceux du secondaire. Etait visé l'effacement des ruptures de culture scolaire vécues par les élèves évoluant d'un niveau au suivant.

Entre 2006 et 2008, en application de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de 2005 (ou "Loi Fillon"), les IUFM sont intégrés à leur université de rattachement. Ils ne sont donc plus des établissements indépendants[3]. Ils ont le statut d'école interne à l'université au même titre que les IUT par exemple.

Fonctions des IUFM

Les IUFM assurent :

  • auprès des étudiants, la préparation de certains concours de l'enseignement, appelée première année d'IUFM ;
  • auprès des fonctionnaires stagiaires, la formation initiale des lauréats à ces différents concours, appelée seconde année d'IUFM ;
  • auprès des fonctionnaires titulaires (enseignants en poste), la formation continue.

La seconde année d'IUFM est l'activité la plus importante des IUFM, si bien que parfois le terme IUFM est utilisé pour désigner cette année de formation (en particulier, les critiques de l'IUFM concernent le plus souvent celle-ci).

La préparation aux concours

La première année d'IUFM est consacrée à la préparation des étudiants aux différents concours de l'enseignement :

Pendant cette année, les étudiants sont appelés "PE1" (préparant le CRPE), "PLC1" (préparant un CAPES, un CAPET ou une agrégation), "PLP1", "CPE1"...

Certains concours, comme l'agrégation, se préparent principalement dans d'autres institutions (Université, École Normale Supérieure...). Par ailleurs, la plupart des IUFM délèguent la préparation du CAPES aux universités, tandis que, dans d'autres, la préparation de l'IUFM vient en plus de celle de l'université. Enfin les candidats libres sont nombreux à concourir. Si bien que certains lauréats au concours entrent directement en seconde année d'IUFM, sans passer par la première année. Cela tient d'une part au fait que le recrutement se fait par concours ouvert à tous, sous condition de titres universitaires et que, d'autre part, les épreuves sont de type académique bien plus que professionnel. Même dans l'épreuve d'admission dite "pré-professionnelle", les candidats sont plutôt jugés sur ce qu'ils disent que sur leurs véritables aptitudes professionnelles ou... sur les règles professionnelles qu'ils ont réellement l'intention de respecter. Cette situation n'est ni le fait des IUFM ni celui des universités, mais suit de la conception du concours, qui relève de la responsabilité du Ministère de l'Education nationale.

La formation initiale

La seconde année d'IUFM est un passage obligatoire[4] pour les futurs enseignants. Durant cette année, les lauréats au concours ont le statut de fonctionnaire stagiaire[5], et leur titularisation s'effectue en fin de cette année, selon la proposition de l'IUFM, et la décision de l'employeur (Rectorat, Inspection académique, qui constituent un jury académique) tenant compte de cette proposition.

Lors de la deuxième année, les IUFM assurent la formation professionnelle des lauréats des concours cités ci-dessus pendant leur année de fonctionnaire stagiaire, afin de valider la partie pratique de leur concours.

Lors de cette année, les stagiaires sont appelés PE2 (lauréats du CRPE), PLC2 (lauréats d'un CAPES ou d'une agrégation), PLP2, CPE2... Pour être titularisés, ces enseignants débutants doivent satisfaire à l'acquisition d'un ensemble de compétences décrites par le ministère de l'Education Nationale dans le nouveau cahier des charges des IUFM (2007). Le mémoire professionnel a disparu du cahier des charges. En revanche les IUFM peuvent le maintenir dans le cadre de leur autonomie. L'admission par le jury académique se fera sur la base de l'évaluation du stage, ou des stages, en situation et de l'étude du dossier de compétences que le stagiaire présentera, après l'avoir constitué en IUFM, aux membres du jury académique.

S'ils sont admis par le jury académique, ils obtiennent leur diplôme professionnel ou leur certificat d'aptitude du recteur d'académie puis sont titularisés par ce dernier (enseignants du second degré) ou par l'inspecteur d'académie, directeur des services de l'Éducation nationale du département dont ils dépendent (enseignants du premier degré).

La formation continue

Les IUFM participent aussi à la formation continue des personnels enseignants en poste depuis la suppression des MAFPEN en 1998.

Les enseignants peuvent s'inscrire annuellement à des modules paraissant dans le « Plan académique de formation » ou le « Plan départemental de formation ». Une fois obtenue la possibilité de participer aux stages, ceux-ci se déroulent soit sur le temps scolaire (les enseignants sont remplacés par des enseignants titulaires d'un poste de remplacement ou des professeurs stagiaires), soit hors temps scolaire.

La formation permanente, qui n'est pas obligatoire, est aussi assurée par d'autres institutions (universités, IREM ...).

Formateurs de l'IUFM

Les formateurs sont les enseignants de l'IUFM. La caractéristique essentielle de ces formateurs est qu'ils sont d'horizons et de parcours très variés, contrairement à la plupart des établissements d'enseignement, et dans l'idéal se veulent former des équipes pédagogiques sans hiérarchisation. Leur nom de "formateur" est utilisé dans ce but, pour éviter d'autres termes qui feraient immanquablement référence au statut et au grade. Ils peuvent être :

  • maîtres formateurs : instituteurs ou professeurs des écoles ayant passé avec succès le CAFIMF (certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur maître formateur) ou le CAFIPEMF (certificat d'aptitude aux fonctions de professeur des écoles maître formateur) ; ces formateurs continuent d'enseigner dans leur classe, mais interviennent à l'IUFM pendant un temps de décharge d'enseignement.
  • enseignants agrégés ou certifiés issus du secondaire (PRAG, PRCE) ou professeurs des écoles issus du primaire (PREC) et enseignants détachés ou en temps partagé (travaillant à la fois dans leur classe et dans les IUFM). Ces enseignants interviennent pour assurer des formations dans les disciplines de l'enseignement primaire ou secondaire, mais aussi en philosophie de l'éducation et parfois dans d'autres sciences humaines pour l'éducation ;
  • enseignants-chercheurs : maîtres de conférences et professeurs des universités ;
  • intervenants extérieurs : personnes d'horizons divers apportant une expertise dans un domaine particulier.

Les IUFM recrutent des enseignants en temps partagé (IUFM et un autre établissement, du primaire ou du secondaire pour des contrats de cinq ans), des enseignants à temps plein (Agrégé, certifié ou professeur des écoles) et des enseignants-chercheurs. Il existe un programme national pour les IUFM, (cf. le cahier des charges des IUFM publié en 2007 au Bulletin Officiel du Ministère de l'Éducation Nationale). Les postes sont publiés dans le Bulletin Officiel de l'Education Nationale et les candidatures sont sélectionnées par une commission mixte, sur le modèle universitaire (concours sur dossier puis audition).

Débat autour des IUFM

Biais et subjectivité des critiques

Au moment de la création des IUFM, seuls les États-Unis disposaient, avec les Schools for education, d'un système comparable de formation des enseignants. Dans les deux pays, ces nouvelles institutions ont fait l'objet de fortes polémiques. De manière très approximative, le soutien venait des "pédagogues" et de la Gauche. Le clivage droite / gauche n'est cependant qu'une approximation, car il en cache un autre, dont la topographie politique est plus complexe et dépend de la mission qu'on assigne aux institutions scolaires et à ses agents : simple transmission de connaissances ou action éducative; formation d'une élite progressivement sélectionnée ou du plus grand nombre. On conçoit que le profil attendu d'un enseignant ne sera pas le même selon les options retenues. Nombre d'intellectuels de gauche ont été sceptiques. C'est ainsi que, dès 1991, Laurent Schwartz, connu pour ses positions de gauche, lançait cet avertissement : « Si le développement des IUFM se poursuit comme il a commencé, il mènera l'enseignement secondaire à un désastre sans précédent dans son histoire ». Inversement, en dépit d'un positionnement public plutôt critique, les ministères de droite ont rarement remis en question de façon radicale le nouveau système de formation des enseignants.

On observe que, dès la naissance des IUFM, le journal Le Figaro a publié de très nombreuses critiques, tandis que le journal Le Monde s'est ouvert à de nombreuses tribunes favorables, en particulier de Philippe Meirieu. Par ailleurs, la réforme ayant été mise en place par Lionel Jospin, les instituts ont été longtemps défendus par le Parti Socialiste et les Verts (le Parti Communiste[6] et le Mouvement des citoyens[7] ayant eu une attitude réservée).

Les critiques d'acteurs, dont les prérogatives ont été réduites par la création des IUFM, ont pu être mises sur le compte de l'amertume, voir par exemple l'entretien[8] du directeur de l'IUFM de Lorraine :

« Le directeur d’école normale était sous l’autorité directe de l’inspecteur d’académie. Celui-ci était chez lui dans les locaux de l’école normale : ce fut une catastrophe dans un département lorrain lorsque le directeur de l’IUFM de Lorraine demanda à l’inspecteur d’académie et à ses services de restituer les clés des locaux. »

Les IUFM, en effet, ont été créé en retirant à la fois aux Rectorats et Inspections académiques, aux corps d'inspection, aux universités, une partie de leur pouvoir. On pouvait s'attendre à ce que cette situation fasse le lit d'un certain nombre de critiques. Par ailleurs ces critiques ont pu apparaître de bon droit comme des procès d'intention, puisque ces établissements n'avaient pas encore fait leurs preuves. La défense et la critique des IUFM dans les premières années de leur mise en place ont donc été biaisées par des considérations politiques, psychologiques et idéologiques.

Néanmoins, à partir des années 2000, il a été possible d'évaluer avec un recul suffisant le fonctionnement des IUFM. Le Monde a ainsi commencé à publier des textes critiques et les IUFM ont fait l'objet de débats au sein même du Parti Socialiste. Les articles du Figaro ont été mieux documentés, comme par exemple l'article[9] de Marielle Court sur le rapport de l'Inspection Générale de 2003. Les syndicats, qui avaient obtenu des revalorisations de carrière à la création des IUFM, ont adopté un discours plus distancié[10].

Citons par exemple une partie de l'allocution de Laurent Lafforgue, de l'Académie des Sciences de Paris, prononcée en 2006 devant le club de réflexion Utopia, courant commun du Parti Socialiste et des Verts:

« Enfin, et c'est sans doute le point le plus important et le plus urgent, il faut que cesse le scandale des IUFM. Ceux-ci empoisonnent littéralement l'école. Les futurs instituteurs et professeurs y subissent une prétendue formation qui n'est pas seulement inutile mais nuisible. La doctrine profonde des IUFM, inspirée d'une vision instrumentale de l'homme, et véhiculée par les soi-disant sciences de l'éducation et autres psychopédagogies qui y règnent, est le refus du savoir et de la transmission. C'est elle qui est déversée sur les stagiaires.On cherche à les transformer en animateurs plutôt qu'en enseignants... »[11]

Citons aussi un extrait de l'article[12] « En finir avec les iufm » de Fabrice Barthélémy et Antoine Calagué (tous deux agrégés d'histoire), dans Le Monde de septembre 2002:

« Depuis dix ans, la formation initiale des professeurs est dispensée dans des établissements dits "IUFM" (instituts universitaires de formation des maîtres). On pourrait résumer le bilan de cette expérience dans un consternant triptyque : l' IUFM est inefficace, inutile et parasitaire[13]. »

Le point principal des critiques, l'approche pédagogique retenue à l'IUFM, est discutée dans la section suivante.

Pédagogie

L'objet principal des critiques des IUFM porte sur les parti-pris pédagogiques qu'on les accuse à tort ou à raison de dispenser.


Pour clarifier le débat, faisons une distinction utile: sont critiquées, mais pas forcément dans la même optique, d'une part la pédagogie présumée prônée par de nombreux formateurs et équipes de direction, pédagogie qui se veut critique à l'égard d'une certaine "forme scolaire traditionnelle"; et d'autre part, la formation pratiquée de fait à l'IUFM, ainsi que ses dérives bureaucratiques.


Dans son livre[14] à grand succès médiatisé Journal d'une institutrice clandestine, l'institutrice Rachel Boutonnet[15] décrit la pédagogie qu'elle utilise en classe:

« J’applique aujourd’hui des méthodes pédagogiques auxquelles j’ai longuement réfléchi, qui sont aussi précisément celles que l’IUFM voue aux gémonies, mais je vois mes élèves apprendre et en être fiers. »

Dans cet ouvrage, Boutonnet raconte, de façon évidemment très partiale, comment chaque professeur (formateur dans la terminologie des iufm) déverse, heure après heure, la même doctrine, celle de l'élève qui construit ses propres savoirs. Elle note que le professeur de philosophie ne fait pas exception à la règle.

Comme exemple de réponses à ces critiques, citons un extrait de l'entretien[16] de Patrick Baranger, directeur de l'IUFM de Lorraine :

« Ce n’est qu’après, à l’occasion même de ces stages qu’ils [les stagiaires] font la découverte de besoins de formation précis. En fin de deuxième année d’IUFM, la conversion intellectuelle n’est pas pleinement réalisée, leur appréciation est mitigée, voire paradoxale : la formation qu’ils ont reçue leur apparaît à la fois inutile et incomplète, superflue et insuffisante. Ce n’est qu’après... longtemps après... après quelques années d’exercice... que la formation peut être revisitée. Elle prend sens, elle apparaît moins inutile tout en demeurant insuffisante. »

Pour évaluer les contributions, critiques ou favorables, il convient de distinguer d'une part :

  • les textes émanant d'acteurs de terrains, d'anciens stagiaires comme Rachel Boutonnet ou autres [17], ou des intervenants à l'IUFM, comme Philippe Meirieu[18] (directeur de l'IUFM de Lyon jusqu'en 2006) ou Patrick Baranger (directeur de l'IUFM de Lorraine);

et d'autre part:

  • les textes ou études, critiques et documentés, dont les auteurs sont clairement extérieurs aux IUFM. Citons par exemple l'étude de la DEP : Les enseignants des écoles publiques et la formation[19] ou différents textes d'universitaires, académiciens.

Les IUFM représentant l'employeur, les stagiaires utilisent souvent des pseudonymes, ce qui rend la qualité de leurs témoignages plus difficile à apprécier. Les justifications des intervenants dans les IUFM sont également à examiner de manière circonstanciée[20]. Pour éviter les biais politiques, aucune source antérieure à 1999 n'a été citée.

Un reproche qui est souvent formulé par les stagiaires eux-mêmes, voire par des chercheurs, revient à souligner le décalage entre le métier et la formation, trop théorique. Reste à savoir ce qu'on entend ici par "théorique" : le fonctionnement des écoles et des établissements secondaires étant par exemple rarement conforme aux directives de l'autorité ministérielle de tutelle, pourra être qualifié de théorique tout décalage entre le fait et le droit. Plus profondément, cette accusation pourrait bien être due au fait que la création des IUFM a fait naître une demande à laquelle il est très difficile, voire impossible, de répondre : fournir au stagiaire une compétence pédagogique que seul l'enseignant peut progressivement élaborer en situation réelle. La critique peut ainsi être issue aussi bien d'un refus idéologique de toute formation pédagogique (la maîtrise universitaire des disciplines serait une garantie suffisante de la compétence de l'enseignant) qu'au contraire, d'une demande excessive de formation pratique "clef en main".

Ce reproche ressort d'enquêtes statistiques[21] ou de textes de chercheurs en science de l'éducation, comme par exemple Philippe Perrenoud [22].

=

Insuffisance du nombre de stages

La coupure systématique entre la culture théorique et la compétence pratique est l'un des points faibles de la formation initialement dispensée par les IUFM. Les professeurs débutants reprochent souvent à leur formation l'insuffisance du nombre de stages au profit d'un excès de formation théorique didactique et pédagogique, voir par exemple Sauver les lettres.

Cependant, le point de vue de certains formateurs est différent. Il est exprimé par Philippe Meirieu qui constate que:

« La création des IUFM prend sa source dans une double et contradictoire exigence (La machine-école). D'une part il s'agissait de s'inspirer des acquis pédagogiques élaborés pour l'essentiel dans l'école primaire. Mais d'autre part, on voulait renforcer les disciplines et « universitariser » la formation des enseignants du primaire. C'est ce mariage de la carpe et du lapin qui explique la convergence de critiques issues de points de vue opposés.» Cette tension peut être analysée comme un héritage historique issu de plus d'un siècle de "dualisme scolaire", la vocation respective de l'enseignement primaire destiné aux enfants du peuples et de l'enseignement secondaire réservé essentiellement aux enfants de la bourgeoisie ayant conduit à des profils d'enseignants radicalement différents. L'évolution de la formation des maîtres s'efforcerait alors, avec plus ou moins de succès, de réaliser au niveau du corps enseignant l'unification elle même plus ou moins bien réussie du système scolaire français. On remarquera dans cet esprit la solidarité qui existe souvent entre la conception exclusivement académique de la formation des enseignants et le refus plus ou moins affirmé de la démocratisation (ou, selon ses détracteurs, "massification") de l'accès à l'enseignement secondaire, voire supérieur.

Innovations pédagogiques des IUFM

Ces dernières années, les responsables des IUFM, réunis au sein de la Conférence des Directeurs, ont souhaité prendre en compte les apports des chercheurs (Bernard Lahire, ou encore Bernard Charlot) qui montrent que l'essentiel dans la réussite scolaire, c'est le rapport au savoir, l'ouverture à la pensée symbolique et abstraite. Ainsi, il est erroné de vouloir tout enseigner via des gestes, de tout réduire à des savoirs-faire.

Ils ont notamment fait valoir les résultats de leur recherche sur l'apprentissage de la lecture afin de préserver une formation des maîtres adossée aux recherches pédagogiques en la matière. Néanmoins, faute d'études sérieuses sur le sujet, on ne peut attribuer le recours à telle ou telle méthodes pédagogiques aux IUFM. De fait, les IUFM proposent un empilement de pratiques d'inspiration diverse, en fonction des directives nationales successives, mais aussi de la formation pratique et idéologique de chaque formateur.

Autres critiques

  • Avec la suppression des Écoles Normales d'Instituteurs, les nouveaux professeurs des écoles sont recrutés à un niveau de qualification plus élevé que les anciens instituteurs. Il est souvent suggéré[23] que cela a réduit l'accès des classes populaires aux métiers des enseignants du primaire; voir par exemple l'étude[24]d'Ismail Ferhat. L'instituteur de la Troisième République était toujours un enfant du peuple issu de l'Ecole primaire et enseignant à des enfants du peuple. Le professeur des écoles d'aujourd'hui est le plus souvent issu de la classe moyenne et est exposé à enseigner à toutes sortes de publics dont les valeurs familiales lui sont éventuellement totalement étrangères. Inversement, le professeur du secondaire est désormais destiné à enseigner à des publics dont la majorité ne mettaient pas les pieds, autrefois, dans l'enseignement secondaire. S'il n'est pas certain que ces arguments jouent en faveur d'une formation exclusivement académique des enseignants, reste à savoir si celle que dispensent les IUFM répond à ces exigences nouvelles.
  • Certains auteurs[Qui ?] dénoncent le coût excessif des IUFM. En effet le coût de la formation par étudiant se rapproche davantage de ce qui existe en classes préparatoires que de la situation universitaire.

Changements récents à l'IUFM

Nouveau cahier des charges des IUFM

En 2007, le nouveau cahier des charges des IUFM impulsé par le ministère[25] augmente la présence des stagiaires face aux élèves lors de leur formation, transforme le mémoire professionnel en écrits professionnels déterminés localement par les établissements, et établit la notion de dossier de compétences pour le stagiaire. Ces dix compétences, que le jeune professeur devra obligatoirement maîtriser, sont :

1° Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable.
2° Maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer.
3° Maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale.
4° Concevoir et mettre en oeuvre son enseignement.
5° Organiser le travail de la classe.
6° Prendre en compte la diversité des élèves.
7° Évaluer les élèves.
8° Maîtriser les technologies de l’information et de la communication (référentiel du C2i enseignant).
9° Travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école.
10° Se former et innover.

Chacune de ces compétences est ensuite déclinée en sous-compétences, capacités, attitudes propres à construire le métier d'enseignant.
Ce référentiel, qui est très exigeant, met l'accent à la fois sur les grandes valeurs républicaines réputées être présentes dans tous les niveaux de l'enseignement en France, mais aussi sur la présence de techniques diverses et d'apprentissages différents pour devenir professeur. Il met donc en lumière le fait que le métier de professeur est un métier qui s'apprend, hors même le champ des disciplines enseignées. De plus, par les compétences d'organisation du travail et de préparation, mais aussi par les compétences 9 et 10, de travail obligatoire en équipe, et de formation personnelle, obligatoire elle aussi, il justifie d'une certaine manière la différence qui existe entre le travail en présence des élèves (en général équivalent à un mi-temps) et le travail hors présence des élèves, important pour les professeurs.


Tenant compte des critiques, le Ministère choisit de favoriser la formation par le terrain en éloignant la dimension réflexive de la formation (notamment en supprimant l'obligation de produire un mémoire professionnel) et en pragmatisant la formation professionnelle des stagiaires par l'élaboration d'un portefeuille de compétences qui suivra le jeune enseignant dans les premières années de son activité en établissement scolaire. On ne peut cependant ignorer que ce choix ministériel est également un choix économique : les stagiaires, de plus en plus, sont directement utilisés comme moyens d'enseignement et de remplacement.

Intégration universitaire

La loi Fillon de 2005, qui a intégré les IUFM à l'université, a été aussi l'objet de polémiques.

D'une part, les pédagogues estiment que malgré une intégration de la structure IUFM à l'université, le Ministère de l'Éducation Nationale maintient par le cahier des charges et l'organisation de la formation une logique d'école professionnelle, accentuant ainsi le paradoxe relevé il y a quelque temps déjà par Philippe Meirieu.

Mais les universitaires estiment que l'intégration n'est pas assez poussée. Ainsi les académiciens Roger Balian, Jean-Michel Bismut, Alain Connes, Jean-Pierre Demailly, Laurent Lafforgue, Pierre Lelong et Jean-Pierre Serre écrivent[26] :

« Nous préconisons de fondre les IUFM dans les universités, pour redonner une place prépondérante à la formation disciplinaire à côté de quelques enseignements spécifiques (réflexion pédagogique, histoire des sciences, etc.), la dernière année comprenant un stage en classe sous la tutelle d’enseignants expérimentés. »

Cas particulier

  • En l'absence d'université à Mayotte, l'île dispose d’un Institut de formation des maîtres (IFM) non universitaire[27].
  • Une revue[28] sur le créole à l'IUFM des Antilles.

2010 : vers la fin des IUFM?

La réforme des concours du primaire et du secondaire prévoit de reporter le niveau requis pour passer le concours de Bac+3 à Bac+5 et de créer des masters d'enseignement à l'Université, ce qui devait transformer à la rentrée 2009 le rôle des IUFMs qui deviendraient des « prestataires de services » fournissant des modules professionnalisants pour ces masters. Certains syndicats, comme l'UNEF, s'inquiètent toutefois à terme de leur possible disparition. Cette réforme a connu une importante opposition au cours du large mouvement universitaire de 2009 en France, amenant Xavier Darcos et Valérie Pécresse à annoncer le maintien des IUFM dans leur rôle actuel pour l'année universitaire 2009-2010. Les défis de la réforme en cours risquent de ne pas être simples : il s'agit de mettre en oeuvre la formation qui concilient l'exigence légitime de maîtrise des disciplines auxquelles l'enseignant devra donner accès avec la capacité de gérer des publics scolaires dont le rapport au savoir scolaire n'est pas toujours a priori favorable aux apprentissages.

Notes et références

  1. Loi d'orientation sur l'Éducation du 10 juillet 1989
  2. http://www.laviedesidees.fr/Quelle-formation-pour-quels.html
  3. Articles 85 à 87 de la loi n°2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.
  4. en mars 2009, d'autres institutions, publiques ou privées ont déposé des demandes d'homologation de Master de l'enseignement. Il est donc plausible que nombre de futurs enseignants soient formés en dehors des IUFM
  5. Ce statut devrait disparaitre en septembre 2009
  6. Voir http://www.pcf-rhonealpes.fr/spip.php?article680&lang=fr, où les auteurs craignent la diminution des moyens pour l'Éucation Nationale plus que la réforme des IUFM
  7. Voir le débat de 2004 co-organisé par Vive la république, proche de ce parti http://www.revue-republicaine.fr/spip.php?article245
  8. Cahier Pédagogique 410 de janvier 2003, entretien de Patrick Baranger http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=127
  9. "Formation des professeurs: le rapport [de l'inspection générale] qui accuse", Marielle Court, Le Figaro, mars 2003 http://www.r-lecole.freesurf.fr/iufm/rapforme.html
  10. par exemple, journal de Sud de novembre 2006 http://www.sudeducation75.org/IMG/pdf/journal_iufm_rentree_2006.pdf
  11. Point 11 de Quelles réformes pour le primaire ?, allocution prononcée le 6 juin 2006 devant l'association « Utopia », voir ici.
  12. Fabrice Barthélémy et Antoine Calagué : "En finir avec les IUFM" Le Monde, 3 septembre 2002. http://www.r-lecole.freesurf.fr/iufm/controverse1.htm. Cet article est trés fameux, car il a constitué la première critique publiée par "Le Monde". Elle a provoqué une réponse, indignée, du président des CDIFM, la "Lettre au Monde" par Gérard Gonfroy. Cette lettre, refusée par "Le Monde", est disponible en ligne: http://www.r-lecole.freesurf.fr/iufm/controverse2.htm: si cette lettre est peu argumentée, elle est en revanche révélatrice du poids politique dont les IUFM a disposé. Par suite, Fabrice Barthélémy et Antoine Calagué ont reçu de nombreux soutiens privés et publiques, dont celui l'universitaire Pierre Cordoba, Président de l’Association « Reconstruire l’École »: http://www.r-lecole.freesurf.fr/iufm/controverse3.htm (voir aussi http://www.lire-ecrire.org/dossiers/debacle-de-lecole/iufm/mettre-hors-la-loi-les-iufm.html)
  13. Cette introduction abrupte est suivie d'un argumentaire détaillé
  14. Rachel Boutonnet, Journal d'une institutrice clandestine, Ramsay
  15. Pour une interview de l'auteur, voir NousVousIls de novembre 2003 http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_actualite_de_la_se/avec_recul/&key=itm_20031103_173545_liufm_ou_la_haine_du_savoir.txt.
  16. Cahier pédagogique 410, entretien de Patrick Baranger, directeur de l'IUFM de Lorraine. http://www.cahiers-pedagogiques.com article.php3?id_article=127
  17. "La ferme aux professeurs" (dont l'auteur avoue qu'il « se réserve la liberté littéraire d'agencer les faits pour le plaisir du lecteur mais sans jamais trahir le fond des choses ») http://www.bloglafermeauxprofesseurs.com/lafermeauxprofesseurs/liens.php
  18. voir aussi le riche site de P. Merieux:http://www.meirieu.com/index.html
  19. Les enseignants des écoles publiques et la formation, août 2006, lire en ligne
  20. Par exemple l'interview http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=127, d'après lesquelles les critiques s'expliqueraient facilement par un rapport de force
  21. La seconde année de l'IUFM critiquée par les enseignants, étude de la DEPP d'août 2006] [1]
  22. P. Perrenoud, La recherche en sciences de l’éducation dans les IUFM : quelques réflexions imprudentes, http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1999/1999_12.html
  23. voir la discussion de Gérard Clément dans http://fr.wikipedia.org/wiki/Discuter:Institut_universitaire_de_formation_des_ma%C3%AEtres
  24. « Quelle formation pour quels enseignants ? », La vie des idées.fr, mars 2009 : http://www.laviedesidees.fr/Quelle-formation-pour-quels.html
  25. Les compétences du professeur et le cahier des charges des IUFM dans le Bulletin Officiel du Ministère de l'Education Nationale
  26. Les savoirs fondamentaux au service de l'avenir scientifique et technique. Comment les réenseigner? Les Cahiers du débat, Fondation Pour l’innovation politique. Novembre 2004
  27. Code de l'éducation, art. L.972-3.
  28. http://www.montraykreyol.org/spip.php?article2119

Voir aussi

Articles connexes

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