Hérophile

Hérophile

Hérophile de Chalcédoine, né vers 330-320 av. J.-C. et mort vers 260-250 av. J.-C., est un médecin grec né à Chalcédoine en Asie Mineure (actuellement Kadiköy en Turquie). Avec Érasistrate, il est l'un des pères de l'anatomie et un fondateur de la grande école médicale d'Alexandrie. Il a été le premier scientifique à effectuer systématiquement des dissections de cadavres humains. Aucun de ses neuf traités n'a survécu à l'incendie de la Bibliothèque d'Alexandrie, mais ses travaux ont été cités notamment par Rufus d'Éphèse, Soranos, Celse et Galien.

Sommaire

Biographie

Hérophile est né à Chalcédoine en Anatolie, en 335 av. J.-C. On ne connaît rien de son enfance rien sinon qu’il est arrivé à Alexandrie à un âge relativement jeune pour y commencer sa scolarité. Il suit des études de médecine et devient l'apprenti de Praxagoras, probablement à Cos dont ce dernier est originaire[1].

Ses dates de naissance et de mort ne sont pas connues avec certitude. Quelques indices peuvent néanmoins être utilisés pour les déterminer :

– le fait que Praxagoras est le maître d'Hérophile ;
– la tradition doxographique, qui veut qu'Hérophile appartienne à la génération qui suit Praxagoras ;
– la réputation d'Hérophile comme médecin alexandrin ;
– la mention d'Érasistrate, Phylotimus et Diodore Cronos comme ses contemporains.

Sur ces bases, Hérophile serait né vers 330-320 av. J.-C. et mort vers 260-250 av. J.-C[2].

Hérophile a enseigné la médecine, et il est l'auteur d'au moins neuf textes réunis dans son livre intitulé, Le pouls, qui explorait le flux sanguin à partir du cœur suivant le trajet des artères, et dans son livre intitulé les sages-femmes, qui a étudié la durée et les phases de l’accouchement. À Alexandrie, il a pratiqué la dissection et la vivisection, souvent en public, afin de pouvoir expliquer ce qu'il faisait à des spectateurs qui étaient fascinés. Il a invité Érasistrate à devenir son élève. Ensemble, ils ont fondé à Alexandrie une école de médecine qui attirait des étudiants venus de tout le monde antique en raison de la réputation d’Hérophile. Ses œuvres ont été perdues, mais beaucoup ont été citées par Galien au deuxième siècle de notre ère. Hérophile a été le premier scientifique à effectuer systématiquement des dissections de cadavres humains dans un but scientifique. Les dissections de cadavres humains étaient interdites à l'époque dans la plupart des villes, à l'exception d'Alexandrie. Celse dans « De Medicina » et un des premiers théologiens de l’église Tertullien ont rapporté qu'il avait pratiqué la vivisection sur au moins 600 prisonniers vivants (même s'il est à noter que Tertullien a vécu plusieurs siècles après Hérophile et avait sans doute des raisons de discréditer ce qu'il considérait comme une hérésie)[3].

Après la mort d’Hérophile, les recherches anatomiques ont cessé jusqu'à ce que Mondino de' Liuzzi recommence à disséquer les cadavres humains, près de 1600 ans plus tard.

Œuvre

Hérophile est considéré comme l'un des fondateurs de la méthode scientifique. Il a introduit la méthode expérimentale en médecine, car il considérait qu'il était essentiel de fonder les connaissances sur des bases empiriques. Pour cela, il a été critiqué par Galien au motif que la méthode expérimentale contredisait la rationalité.

La médecine conventionnelle de l'époque tournait autour de la Théorie des humeurs, selon laquelle c’était un déséquilibre entre la bile, la bile noire, le flegme et le sang qui provoquait la maladie. On croyait que les veines étaient remplies de sang et d'un mélange d'air et d'eau.

Hérophile fut le premier, avec Érasistrate, à fonder ses conclusions sur la dissection du corps humain. Il prêta une attention particulière au système nerveux ; distinguant les nerfs des vaisseaux sanguins, il semble qu'il fut le premier à distinguer les nerfs moteurs des nerfs sensoriels. Il a décrit le rôle du nerf optique et des nerfs oculomoteurs dans la vue et les mouvement oculaires. Il distingua le cerveau du cervelet, le quatrième ventricule, le calamus scriptorius (qu’il considérait comme le siège de l'âme humaine) et le torcular, les méninges, le sinus veineux, ainsi que les nerfs rachidiens. Il étudia le cerveau et l'identifia comme le centre du système nerveux et l'emplacement de l'intelligence. Il enseignait que les nerfs sensoriels et moteurs partaient du cerveau et que la transmission nerveuse se faisait par le biais du pneuma . Une partie de sa conception du corps humain impliquait l’existence du pneuma, qui selon lui était une substance qui coulait dans les artères avec le sang. Dépassant les doctrines médicales de l'époque, Hérophile professait que les maladies survenaient lorsque l'excès de l'une des quatre humeurs empêchait le pneuma d'atteindre le cerveau.

Il fut aussi le premier à découvrir que les artères transportaient du sang et non de l'air, le premier à démontrer le rôle du cœur dans les pulsations, rôle qu’il compara à la respiration. Après avoir étudié l'écoulement du sang, il a été capable de différencier les artères et les veines. Il a remarqué que lorsque le sang coulait à travers les artères, elles étaient le siège d’une pulsation rythmique. Il a travaillé sur des méthodes de mesure du pouls et utilisé ces techniques comme aide au diagnostic des maladies. Pour mesurer le pouls, il avait fabriqué une clepsydre.

Grâce à la dissection de l’œil, il a découvert les différentes parties et les membranes de l'œil: la cornée, la rétine, l’iris et la choroïde.

Hérophile a également introduit un grand nombre de termes scientifiques utilisés de nos jours pour décrire les phénomènes anatomiques. Il a été parmi les premiers à introduire la notion de terminologie classique, par opposition à l'utilisation de « noms naturels », en utilisant des termes qu'il avait créés pour décrire ses objets d’étude, en les nommant pour la première fois. Le confluent des sinus du crâne a été désigné après lui sous le terme de torcular Herophili. Torcular est une traduction latine du terme d’Hérophile, ληνός, lenos, 'cuve' ou 'cavité'[4]. Il a également nommé le dua denum (Duodénum), qui est une partie de l’intestin grêle. Hérophile est réputé avoir étudié la physiologie du système reproducteur. Dans son livre intitulé les sages-femmes, il a évoqué les étapes et la durée de la grossesse ainsi que les causes d'un accouchement difficile. L'objectif de ce travail était d'aider les sages-femmes et les autres médecins de l'époque à mieux comprendre le processus de la procréation et de la grossesse. On lui attribue la découverte de l’ovule[5],[3]. Ses travaux d’anatomie concernent aussi d'autres domaines, le foie, le pancréas, l'appareil digestif, ainsi que les organes salivaires et génitaux.

Hérophile pensait que l’activité physique et une alimentation saine faisaient partie intégrante de la santé corporelle d'un individu. D'après lui, « quand la santé est absente, la sagesse ne peut pas se révéler, l'art ne peut pas se manifester, la force ne peut pas être utilisée pour combattre, la richesse devient inutile et l'intelligence ne peut pas être mise en œuvre. »

Notes

  1. Von Staden, pp. 42-43.
  2. Von Staden, p. 50.
  3. a et b Galen. On Semen. DeLacy P (trans.) Akademie Verlag, 1992. p.147 l.22
  4. Herophilus. Heinrich Von Staden. Cambridge University Press, 1989. p.158
  5. Connell SM. Aristotle and Galen on sex difference and reproduction: a new approach to an ancient rivalry. Studies In History and Philosophy of Science Part A 31(3): 405-27, September 2000

Bibliographie

  • Geoffrey E. R. Lloyd, La Science grecque après Aristote, La Découverte, coll. « Textes à l'appui », 1990 (1re édition 1973) (ISBN 2-7071-1951-2), p. 93-99.
  • Heinrich von Staden, Herophilus : The Art of Medicine in Early Alexandria, Cambridge University Press, Cambridge, 1989 (ISBN 0-521-23646-0) Lire en ligne
  • Simon Hornblower and Anthony Spawford, Herophilus, The Oxford Classical Dictionary, New York, Oxford University Press, 1999
  • Herophilus, Encyclopedia of World Biography Supplement Vol. 25, Thomson Gale, (Michigan).
  • Louis Bourgey, Observation et expérience chez les médecins de la Collection hippocratique, Vrin, 1953
  • Adrian Wills, Herophilus, Erasistratus, and the birth of neuroscience, The Lancet, (November 13, 1999): 1719 Expanded Academic ASAP. Gale, 30 Nov. 2008.
  • On the Localization of the Functions of the Brain with Special Reference to the Faculty of Language, Anthropological Review, Vol. 6, (Oct. 1868) 336.
  • Bernard Vitrac, Médecine et philosophie au temps d'Hippocrate, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 1989.

Voir aussi


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