Henri de Boulainvilliers

Henri de Boulainvilliers
Anne Gabriel Henri Bernard de Boulainvilliers
Pays Royaume de France Royaume de France
Titre Comte
Autres fonctions Historien
Astrologue
Biographie
Naissance 11 octobre 1658
à Saint-Saire
Décès 23 janvier 1722 (à 63 ans)
à Paris

Anne Gabriel Henri Bernard, comte de Boulainvilliers (ou Henry de Boulainviller, son patronyme connaît plusieurs orthographes[1],[2]), né à Saint-Saire le 11 octobre 1658 et mort à Paris le 23 janvier 1722, est un historien et astrologue français.

Un théoricien de l'aristocratie française sous l'Ancien Régime

Militaire de carrière jusqu’à la mort de son père survenue en 1697, Boulainvilliers se lança alors dans l’histoire et fut le premier à analyser l’histoire des institutions françaises. Il est considéré comme un des premiers historiens à considérer l’art de gouverner comme une science.

Pénétré d’idées aristocratiques, Boulainvilliers fut un ardent défenseur du système féodal, le seul, à ses yeux, juste, légitime et conforme à la réalité historique. Il fut le principal représentant du courant idéologique de réaction féodale au XVIIIe siècle qui a envisagé les institutions médiévales comme une république fédérative et aristocratique, plutôt que monarchique. Selon sa doctrine, la noblesse française descendait des conquérants francs établis en France à la chute de l’Empire romain et le tiers état des Gaulois. Les seigneurs francs étaient, à ce titre, indépendants et libres de faire justice à leurs sujets sans interférence de la part du roi, simple magistrat civil choisi afin d’arbitrer les disputes entre individus. Tous les membres de la noblesse étaient donc, comme tels, sur un pied d’égalité avec le roi, simple primus inter pares.

Boulainvilliers tenait la monarchie française pour responsable du déclin progressif des privilèges de la noblesse, parallèlement à la montée de la bourgeoisie. Il fait remonter le début de ce déclin aux Croisades pour lesquelles nombre de nobles auraient hypothéqué ou vendu leurs honoraires à des plébéiens aisés. En s’introduisant, à cette occasion, dans la noblesse, ceux-ci, qu’il qualifiait d’« ignobles », la corrompirent. Ensuite, l’ignorance et la négligence des seigneurs rendant la justice les forcèrent à se décharger des fonctions judiciaires dont ils étaient les dépositaires légitimes sur des clercs et des juristes, la dignité intrinsèque à ce rôle rendant bientôt aussi importants que ceux au nom desquels ils rendaient la justice. Boulainvilliers considérait la nouvelle « noblesse de robe » née de cette circonstance comme une « monstruosité ». Il y avait enfin la politique de la monarchie capétienne qu’il considère comme le fossoyeur du féodalisme. Les Capétiens affaiblirent d’abord le pouvoir de la noblesse française éblouie par le brillant de la cour en ajoutant de grands fiefs au domaine royal. En résultat, les rois assumèrent une importance jusque-là inconnue d’eux et bientôt entièrement disproportionnée. Les seigneurs seraient alors devenus les serviteurs de ceux dont ils avaient été les pairs. L’admission aux rangs de la noblesse de bureaucrates plébéiens qui n’y avaient nul droit puis celle du Tiers état aux États généraux aurait, selon lui, achevé de consommer le renversement de la noblesse.

Cette réaction contre l’alliance entre le monarque absolu et le Tiers état fait de lui un antinational, quand l’idée de nation, fondée sur l’égalité des droits, était ressentie comme révolutionnaire.

En posant une soi-disant origine généalogique originale à la prétendue spécificité aristocratique, Boulainvilliers a été le premier à élaborer une théorie des classes. Bien que le caractère radicalement inégalitaire sur lequel il adosse la supériorité présumée de l’aristocratie repose sur « le droit de conquête et le besoin de soumission toujours dû au plus fort » et qu’il parle toujours non de races mais d’individus, de « droit du plus fort » et non de caractéristiques biologiques de groupe, la distinction entre peuples germains et gaulois à laquelle il s’est livré a été exploitée par une pensée racialiste, voire raciste. Ses œuvres ne furent publiés en Hollande qu’après sa mort et interdites en France.

Boulainvilliers a été un auteur prolixe mais la paternité de certains ouvrages est parfois plus que contestable : « Tout ce qui est imprimé sous le nom du comte de Boulainvillier n’est pas sorti de sa plume, ses ouvrages qu’il communiquait volontiers à ses amis ont été copiés dans des tems différents et plusieurs avant qu’il les eut retouchés... La réputation qu’il s’estoit acquise a fait mettre sous son nom plusieurs traités qu’il n’a ni composez ni revûs » (Bibl. du Sénat, ms. 985, II). Il a réalisé la traduction française de l’Éthique de Spinoza d’après le manuscrit inédit conservé à la bibliothèque municipale de Lyon.

L'astrologue

Boulainvilliers a aussi été un remarquable astrologue, mais ses ouvrages d'astrologie ont été interdits de publication de son vivant. Son traité d'astrologie, écrit en 1717, reprend le titre et l'ordre du manuel d'astrologie d'Auger Ferrier de 1550, tout en tenant compte de la nouvelle place assignée au soleil, au centre des planètes (héliocentrique). Pour le rédiger Bolulainvilliers a compulsé plus de deux cents ouvrages. Il a circulé sous forme de manuscrit pendant plus de deux siècles et n'a été publié qu'en 1947. Il semble ne subsister de cet ouvrage que trois exemplaires manuscrits, dans les bibliothèques publiques (deux à la Bibliothèque Nationale et un à la BM d'Angoulème).

Influences

Voltaire a enrôlé Boulainvilliers dans sa propre croisade contre « l’infâme » en faisant de lui un personnage de son Dîner du Comte de Boulainvilliers (1767).

L’influence de Boulainvilliers sur l’aristocratie française était forte à la veille de la Révolution. Du Buat-Nançay, dans ses Origines de l’Ancien Gouvernement de France, de l’Allemagne et de l’Italie publiées en 1789, reprenait ses thèses antinationales pour en appeler à « la création d’une sorte d’internationale de l’aristocratie d’origine barbare ». Les Émigrés contribuèrent à la diffusion de ces idées en Europe, notamment dans les États allemands, puisque les origines de la noblesse française étaient supposées identiques à celles de la noblesse allemande.

On trouve en négatif des traces de ces thèses dans le pamphlet Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? Sieyès y invite en effet le Tiers à « renvoyer dans les forêts de Franconie toutes les familles qui conservent la folle prétention d’être issues de la race des conquérants et d’avoir succédé à des droits de conquête. »

Cette identification des classes dominantes à des races supérieures se retrouve ensuite chez les historiens français du XIXe siècle tels qu’Augustin Thierry, qui distingue « noblesse germanique » et « bourgeoisie celte », ou Charles de Rémusat, qui postule l’origine germanique de toute l’aristocratie européenne. C’est finalement avec Gobineau qu’elle versera dans le racisme à prétention scientifique.

Hommages

  • Il existe une rue et une gare de Boulainvilliers à Paris.

Œuvres

  • Mémoire pour la noblesse de France contre les ducs et pairs, 1717
  • Essai sur la noblesse de France, 1732
  • François-Xavier de Feller, Dictionnaire historique ; ou, Histoire abrégée des hommes qui se sont fait un nom, t. 4, Paris, Houdaille, 1836, p. 225.
  • Histoire de l’ancien gouvernement de la France avec XIV lettres historiques sur les Parlements ou États-Généraux, La Haye & Amsterdam, aux dépens de la compagnie, 1727, 3 tomes.
    Cet ouvrage est considéré par Renée Simon comme « le chef-d’œuvre de Boulainvilliers ». Il dénonce ici l’absolutisme royal qu’il accuse d’avoir détruit le système féodal qui assurait plus de liberté au peuple. Il réclame le rétablissement des États généraux comme contrôle du pouvoir royal.
  • État de la France, dans lequel on voit tout ce qui regarde le gouvernement ecclésiastique, le militaire, la justice, les finances, le commerce, les manufactures, le nombre des habitans, & en general tout ce qui peut faire connoitre a fond cette monarchie: extrait des memoires dressez par les intendans du Royaume, par ordre du Roi, Louis XIV. a l... Londres, T.Wood & S. Palmer 1727-1728.
  • Histoire de l’ancien gouvernement de la France. Avec XIV lettres historiques sur les Parlemens ou États-Généraux, A La Haye, Amsterdam, Aux dépens de la Compagnie, 1727. 3 volumes.
  • Mémoires présentés à Monseigneur d’Orléans, contenant les moyens de rendre ce royaume très-puissant, & d’augmenter considérablement les revenus du Roy et du peuple. A La Haye & à Amsterdam, Aux dépens de la Compagnie, 1727. 2 volumes.
    Boulainvilliers étudie les finances publiques et essaye de trouver des solutions libérales pour faire progresser la situation des classes laborieuses. Il s’y montre opposé aux taxations arbitraires, à la gabelle et au désordre des finances publiques. L’édition originale fut interdite par les autorités françaises. Rédigé en réalité à la fin du XVIIe siècle, cet ouvrage posthume place Boulainvilliers, par les réformes qu’il propose, parmi les précurseurs de Boisguilbert et de Vauban.
  • La Vie de Mahomed ; avec des réflexions sur la religion mahometane, & les coutumes des musulmans. London, et se trouve à Amsterdam chez P. Humbert, 1730. Amsterdam, Francois Changuion, 1731.
  • Réfutation des Erreurs de Benoît de Spinosa. Par M. De Fenelon....., par le P. Lami...... & par M. le Comte de Boulainvilliers. Avec la vie de Spinose, Ecrite par M. [Jean Colerus, Ministre de l’Eglise Lutherienne de la Haye; augmentée de beaucoup de particularités tirées d’une Vie Manuscrite de ce Philosophe, faite par un de ses Amis. A Bruxelles, Chez François Foppens, 1731.
  • Essais sur la noblesse de France, contenans une dissertation sur son origine & abaissement. Avec des notes historiques, Critiques et Politiques ; Un projet de Dissertation sur les premiers Français & leurs Colonies ; et un Supplément aux notes par forme de Dictionnaire pour la Noblesse, Amsterdam Rouen, 1732.
    Boulainvilliers s’y déclare favorable au commerce et attribue le déclin de la noblesse à une excessive centralisation. Son œuvre fournit des armes à Voltaire qui l’avait rencontré ; « il a servi d’inspirateur à Montesquieu et ses thèses sont reproduites dans la dernière partie de l’Esprit des Lois » (cf. G. Lefebvre, « Naissance de l’historiographie moderne », p. 100 sq.).
  • Abrégé chronologique de l’histoire de France, La Haye : Gosse et Neaulme, 1733. 3 volumes.
  • Anecdotes curieuses du règne de saint Louis, roi de France, depuis 1226 jusqu’en l’an 1270, laissées manuscrites par le Comte de Boullainvilliers, 1753.
    Il s’agit en fait d’un ouvrage demeuré inédit dont l’auteur serait Antoine Aubéry. L’erreur d’attribution provient du fait que Boulainvilliers est l’auteur de la préface et non des Anecdotes proprement dites.
  • Lettres sur les anciens Parlemens de France qu’on nomme États-Généraux, A Londres, Chez T. Wood & S. Palmer, 1753. 3 volumes.
    Première édition séparée d’un des ouvrages importants de Boulainvilliers. Tous ses livres furent publiés hors de France, où, interdits, ils circulaient sous le manteau.
  • Analyse du Traité Théologi-politique de Spinosa, par le comte de Boulainvilliers, Londres, 1767.

Éditions modernes

  • Œuvres philosophiques, Éd. Renée Simon, La Haye, Nijhoff, 1973-1975
  • Traité d'astrologie. Pratique abrégée des jugemens astronomiques sur les natiuités [1717], Éd. Renée Simon, Garches, Éditions du Nouvel Humanisme, 1947.
  • Astrologie mondiale. Histoire du mouvement de l’apogée du Soleil ou pratique des règles d’astrologie pour juger des événements généraux [1711], Éd. Renée Simon, Garches, Éditions du Nouvel Humanisme, 1949.

Bibliographie

  • Fabrizio Frigerio, « Une source méconnue de la Vie de Mahomed du comte de Boulainvilliers », Studi settecenteschi, Pavie, 2001, n.21, p. 35-41.
  • Renée Simon, À la recherche d’un homme et d’un auteur. Essai de bibliographie des ouvrages du comte de Boulainvilliers, Paris, Boivin, 1941
  • Renée Simon, Henry de Boulainvilliers. Historien, politique, philosophe, astrologue 1658-1722, Paris, Boivin, 1941
  • Renée Simon, Un révolté du grand siècle, Henry de Boulainvillers, Garches, Nouvel humanisme, 1948
  • Hannah Arendt, Penser la race avant le racisme, in L’impérialisme, Fayard, 1982, pp.75-80

Références

  1. Source: Cahiers Astrologiques n° 12 (nouvelle série), Novembre-Décembre 1947, page 360.
  2. c'est l'orthographe de l'épitaphe de sa famille sur la pierre tombale de l'église de Saint-Saire.

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