Alchimie taoiste

Alchimie taoiste

Alchimie taoïste

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Taoïsme

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Ayant pris très tôt pour objectif principal la fabrication de pilules de longue vie, lalchimie est pratiquée en Chine dès les Han occidentaux par des membres des courants religieux chinois qui constitueront le taoïsme, en même temps que dautres techniques à but similaire : médecine, gymnastique daoyin, respiration, pratiques sexuelles ou méditations. Elle fournit à cette religion une grande partie de son langage métaphorique et au moins 1/5 des textes du Canon en traitent spécifiquement. Séloignant de lexpérimentation proto-chimique pour se concentrer sur la reproduction symbolique des évolutions cosmologiques, elle adopte bientôt les mêmes bases doctrinales que les courants spirituels : Yin-Yang, théorie des Cinq éléments, transmutations du dao etc... Par ailleurs, le corps humain remplace progressivement le creuset, et ses composantes (souffle, essence, esprit etc..) prennent la place des matières premières. Lalchimie externe waidan (外丹) et ses élixirs souvent toxiques cédent la place à lalchimie interne neidan (內丹) qui domine dès la fin des Tang.

Les alchimistes exercent longtemps indépendamment ou en petits groupes maitre-disciples sans constituer de grandes écoles. Des courants centrés sur lalchimie interne apparaissent sous les Tang et surtout sous les Jin/Song avec Quanzhen, lune des grandes écoles taoïstes du XIIe siècle à nos jours. Le courant des alchimistes du Sud se constitue à son imitation un siècle plus tard.

Sommaire

Noms

Le terme jindanshu (金丹術), « techniques de lor et du cinabre », est lappellation la plus répandue de lalchimie externe waidan (外丹) ; à partir des Tang, il désigne aussi les premiers courants dalchimie interne neidan (內丹). Jindan pai beizong (金丹派北宗) ou Quanzhen et Jindan pai nanzong (金丹派南宗) sont les deux grands courants dalchimie interne, dits « du Nord » et « du Sud ».

Les premières techniques alchimiques sont mentionnées dans des ouvrages comme le Huainanzi sous le terme de huangbaishu (黄白術) « techniques du jaune et du blanc », couleurs désignant lor et largent - ou leurs substituts. Le cinabre prend bientôt une grande importance, au moins symbolique, dans la fabrication des pilules ou élixirs de longue vie. Cette opération est nommée liandanshu (煉丹術) « techniques de raffinement du cinabre », ou parfois xiandanshu (仙丹術) « techniques du cinabre dimmortalité ». À partir des Song, le terme dandingpai (丹鼎派) « cinabre et creuset » est également employé pour désigner lalchimie en général.

Généralités

Lalchimie externe ou interne réalise une involution (ni ) vers létat primordial, en sens contraire de lévolution spontanée (shun ) qui entraine la différenciation puis la mort. Elle a pour base théorique le principe du dao engendrant les dix-mille êtres et choses (wanwu 萬物), déduit de livres comme le Daode jing par les commentateurs. Le creuset reconstitue le chaos primordial hundun (渾沌) ; en contrôlant l'opération, l'alchimiste reproduit en les condensant temporellement les étapes de la cosmogonie. Le produit obtenu se nomme « or » ou « élixir dor », symbole de pureté et de stabilité, bien qu'il nen soit typiquement pas. À partir des Tang, il est aussi nommé huandan (還丹), « cinabre de retour [au primordial] ». Bien qu'il soit principalement ingéré, il peut aussi être conservé comme talisman. Dans lalchimie interne, ce sont les trois composantes de lhumain, esprit, souffle et essence (shen qi jing ) qui involuent grâce à lascèse en yin et yang, puis en elixir interne primordial.

Toutes les étapes - transmission des textes et des instructions orales, construction du laboratoire, scellement du creuset, allumage et contrôle du feu, ingestion de lélixir - sont encadrées par des règles concernant le lieu et le temps (fengshui et cycle sexagésimal) et par des rituels de purification ainsi que des invocations et des offrandes aux dieux. Lalchimiste doit en outre savoir se protéger contre les mauvais esprits et avoir les connaissances médicales nécessaires pour faire face aux accidents comme les morsures de serpent. Selon le Taiqing jing, le laboratoire doit être idéalement construit dans un endroit isolé à proximité dun cours deau. Seul lalchimiste - éventuellement son assistant - peut y pénétrer, et il doit sefforcer de ne pas être vu durant la période de travail. Les textes proviennent de lEmpereur Jaune, qui les a lui-même reçus de la Femme Obscure (xuannü 玄女). Un siège vide est préparé pour elle lors de la transmission des textes de maître à disciple. Les instructions orales (koujue 口訣) qui les complètent sont prononcées avec une bouche rougie au sang ou au cinabre. Avant d'entamer le travail, des objets rituels en or, argent, soie ou coton sont jetés dans le cours deau et une libation est offerte à la terre. Les ingrédients alchimiques, qui peuvent comporter des herbes en plus des minerais, ne doivent pas faire lobjet dun marchandage ni être acquis auprès dun commerçant en deuil. Le creuset est scellé à laide dune boue magique.

Aperçu historique

Lalchimie apparaît dès le IIe siècle av. J.-C. dans les textes comme lencyclopédie Huainanzi ou les sources historiques. Ainsi, Li Shaojun (李少君), fangshi au service de Wudi des Han, est un alchimiste.

Les manuels proprement dits datent du IIIe siècle ap. J.-C. La Grande Pureté (Taiqingjing 太清經 ou 太清金液神氣經) attribué à Yinchang sheng (陰長生) et ses dérivés présentent des recettes sans élaboration doctrinale. Lopération principale y est lextraction du mercure considéré comme yin à partir du cinabre yang, puis son mélange à du soufre yang. Lopération est répétée sept ou neuf fois et lélixir obtenu est considéré comme le yang pur (chunyang 純陽), concrétisation de lunité absolue et élixir magique. Deux autres textes importants sont Les Neuf Creusets de Huangdi (Huangdi jiudingshendan jing 黃帝九鼎神丹經), attribué sans fondement à Zhang Ling, et le Baopuzi (抱朴子) de Ge Hong, héritier de la tradition du mont Luofu par son beau-père et des textes précédemment cités par son maitre Zheng Yin.

Aux Ve-VIe siècles, Tao Hongjing, co-fondateur du courant Shangqing, pratique lalchimie en même temps que de nombreuses autres techniques dont la méditation, la médecine et les pratiques sexuelles. Il réunit de nombreuses recettes dans le Bencaojizhu (本草集註). Son courant sappuie aussi sur le Huangting jing (黃庭經) qui décrit des techniques de gymnastique ou de méditation préfigurant lalchimie interne.

À partir des Tang, le Zhouyi cantong qi (周易參同契) attribué à lalchimiste Wei Boyang (魏伯陽) des Han orientaux - mais vraisemblablement plus tardif dans sa version actuelleprend une place importante. Ouvrage essentiellement théorique sur la non dualité du dao employant le langage alchimique comme métaphore, il fait lobjet de nombreux commentaires cosmologiques et devient un grand ouvrage de référence.

Le médecin Sun Simiao / Sun simo (孫思邈) (581-673?) rassemble de nombreuses recettes dans LEssentiel de la Grande Pureté (Taiqing danjing yaojue 太清丹經要訣). Chen Shaowei (陳少微), auteur du Xiufulingsha miaojue (修伏靈砂妙訣) et du Jiuhuanjindan miaojue (九還金丹妙訣), crée un élixir appelé jinyi (金液) ou huandan (還丹) à partir de cinabre raffiné, qui connaît un grand succès. Le couple yin-yang mercure-soufre est plus souvent remplacé par le couple plomb raffiné-mercure. Des ouvrages insistent dailleurs sur le fait que la nature des ingrédients de base est moins importante que laction des Cinq éléments.

Beaucoup dalchimistes des Tang, comme Zhang Guo (張果), auteur du Yudongdashendansha zhenyaojue (玉洞大神丹砂真要訣), ou Dongbin, seront revendiqués comme fondateurs par les courants dalchimie interne à partir du XIe siècle et intégrés au groupe des huit immortels. Parmi les textes importants de la période, on compte aussi le Yinfu jing (陰符經) et le Qingjing jing (清靜經) attribué sans grande vraisemblance à Ge Xuan.

Lalchimie externe, qui aurait fait six victimes parmi les empereurs Tang et encore plus chez les dignitaires - selon Zhaoyi (趙翼) des Qing - disparait progressivement vers la fin de cette dynastie au profit de lalchimie interne. Celle-ci domine à partir des Jin/Song avec lapparition de Quanzhen, lun des plus importants courants du taoïsme jusquà nos jours, puis le regroupement à postériori dalchimistes indépendants dans une École du Sud Jindanpai nanzong (金丹派南宗) ou Quanzhen nanzong (全真南宗). Lopération alchimique de fabrication de lélixir de longue vie est désormais réalisée entièrement dans le corps du pratiquant grâce à des gymnastiques, régimes et méditations mettant en jeu les trois composantes de lhumain : lesprit shen (), lessence jing () et le souffle qi (). Rompant avec la tradition individualiste des alchimistes, ces écoles obtiennent le soutien des autorités en soutenant le syncrétisme entre les trois enseignements (taoïsme, confucianisme, bouddhisme) et en proposant, outre l'ascèse individuelle, une gamme de services comprenant des rituels destinés à la cour et des enseignements moraux. Les auteurs principaux de lépoque sont les alchimistes du Sud Shi Tai (石泰) (Huanyuanpian 還源篇), Xue Shi (薛式) (Fumingpian 覆命篇), Chen Nan (陳楠) ou Bai Yuchan (白玉蟾) (auteurs possibles du Cuixupian 翠虛篇), Chen Zhixu (陳致虛), Zhang Boduan (Wuzhenpian 悟真篇 et Jindan sibaizi 金丹四百字) ainsi que Wang Chongyang, fondateur de Quanzhen (écrits).

L'un des derniers « alchimistes » influents est Liu Yiming (劉一明) (1734-1821), auteur du Wuzhen zhizhi, pour qui lélixir dor est la nature primordiale ou graine dimmortalité spirituelle présente en chacun, semblable à la nature de bouddha du mahayana. Influencé par le bouddhisme, il considère que la « vertu supérieure » (shangde 上德) est la capacité de réaliser immédiatement la « vérité céleste » (tianzhen 天真) et que la réalisation du dao grâce à lalchimie interne est une « vertu inférieure » (xiade 下德) qui peut néanmoins être une étape préliminaire à latteinte de la vérité céleste.

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

  • Fabrizio Pregadio Great Clarity: Daoism and Alchemy in Early Medieval China Stanford University Press, 2006 (ISBN 0804751773)
  • Mircéa Eliade Alchimie asiatique L'Herne Collection : Méandres octobre 1990 (ISBN 285197212X) (ISBN 978-2851972125)
  • Baldrian-Hussein, Farzeen. Procédés Secrets du Joyau Magique. Traité d'Alchimie Taoïste du XIe siècle. Paris: Les Deux Océans, 1984.
  • Robinet, Isabelle. Introduction à l'alchimie intérieure taoïste. De l'unité et de la multiplicité. Paris: Les Éditions du Cerf, 1995.
  • Needham, Joseph, et al. Science and Civilisation in China, vol. V, parts 2-5. Cambridge: Cambridge University Press, 1974, 1976, 1980, 1983.
  • Sivin, Nathan. Chinese Alchemy: Preliminary Studies. Cambridge (Mass.): Harvard University Press, 1968.
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