- Shangqing
-
Shangqing pai
série
Courants Textes Personnalités Notions et pratiques Divinités Shangqing 上清 Shangqing pai 上清派 ou Pureté suprême est un courant taoïste qui a pris forme à partir des Jin occidentaux au sein de l’aristocratie. Sa première matriarche est Wei Huacun, mais Tao Hongjing, qui en a structuré la théorie et la pratique et refondu le canon, est souvent considéré comme son vrai fondateur. Son prestige a grandement contribué à l’essor du courant qui a pris dès la fin du Ve siècle le nom de la montagne sur laquelle se trouvait son ermitage, Maoshan [1]. Situé sur le territoire de la commune de Jurong [2] au Jiangsu, non loin de Nankin, le mont Mao est resté jusqu’à aujourd’hui le siège principal de l'école.
La pratique de Shangqing privilégie les techniques de méditation, de visualisation et de respiration, ainsi que la gymnastique douce daoyin, plutôt que l’alchimie et les talismans. La récitation du canon, de nature sacrée, y joue également un rôle important. Pratique essentiellement individuelle, elle néglige les rituels collectifs à la différence des Maîtres célestes ou du courant Lingbao. Recrutant dans les couches sociales supérieures, elle est sous les Tang l’école taoïste dominante, et son influence se retrouve jusque dans la littérature de l’époque. Son importance ne commence à diminuer qu’à partir de la seconde moitié des Song du Nord. Sous les Yuan, connue sous le nom de Maoshan, elle a d'ores et déjà changé de nature et délaissé la méditation pour les rituels et les talismans, renommés pour leur puissance comme en témoigne le mythe du jiangshi. Elle rejoint l’alliance Zhengyi. Au XXIe siècle, les « techniques Maoshan » [3] sont connues comme une sorte de magie parfois sulfureuse, très éloignée de l'esprit originel du courant.
Son texte de référence est le Vrai livre de la grande grotte de la pureté suprême [4]
Sommaire
Histoire
Wei Huacun, aristocrate de la dynastie Jin et ascète taoïste, serait la première à avoir rassemblé et commenté les textes qui consitueront le canon de l’école. Selon Tao Hongjing, ils lui auraient été remis par des immortels, anciens ermites sur le mont Yangluo [5] au Henan. À sa mort, elle les aurait laissés à ses fils, l’un officier et l’autre haut fonctionnaire. Trois décennies plus tard, de 364 à 370, le medium Yang Xi [6] (330–386) rédigea le Livre de la pureté suprême en prétendant qu’elle le lui avait dicté. Il exercait ses fonctions sur le mont Leiping [7] à Maoshan, où l’officier Xu Mi [8] possédait un domaine sur lequel il avait ouvert avec son frère Xu Hui [9] un lieu de divination. Tao Hongjing, précepteur des princes Qi, se joignit au groupe. Il commenta et compléta le livre, développant un système assez bien structuré comprenant un panthéon et de nouvelles pratiques d'immortalité donnant une grande place à la méditation. Plus intéressé par le taoïsme et le bouddhisme que par la fonction publique, il reçut en 492 l’autorisation de quitter la cour pour s’installer sur le mont. Il y fit construire, avec l’aide de l’empereur Wudi des Liang avec qui il entretenait d’excellentes relations, l’ermitage Huayang [10], premier temple Maoshan ; d’autres suivront rapidement.
Après sa mort, l’école continua de prospérer, recrutant beaucoup au sein de l’aristocratie. Le renom de ses textes transmis de façon ésotérique était tel qu'il y eut des vols et des fabrications de faux. Implantée à l'origine non loin de l'actuelle Nankin, elle connut une certaine diffusion dans le nord de la Chine quand les proscriptions de 504 et 517 obligèrent certains maîtres à s’exiler. Ainsi, l'encyclopédie taoïste publiée sous le patronage de l'empereur Wu des Zhou du Nord (r.561-578) mettait au premier rang les textes de Shangqing.
Elle dominait la scène taoïste sous les Tang, représentée entre autres par Wang Yuanzhi [11], Pan Shizheng [12], Sima Chengzhen [13], Wu Jun [14] et Li Hanguang [15]. Pendant cette période, tous ses patriarches reçurent un titre de l’empereur. Sima Chengzhen initia à certains textes le poète Li Bo et l'empereur Xuanzong, qui mit en 721 les divinités de Shangqing en charge des monts sacrés. L'empereur Taizong patronna personnellement trois temples du mont Mao : Taiping [16], Chongyuan [17] et Ziyang [18]. La section taoïste de l’encyclopédie impériale Taiping yulan [19] est composée en majorité de textes de l'école.
Dans le même temps, Shangqing amorça une transformation de nature, intégrant des textes des écoles Lingbao et des Maîtres célestes qui la rapprochèrent de ces courants. Une plus grande place fut donnée au clergé et plus d’importance accordée aux rituels publics réclamés par la cour et la société.
Pendant la seconde moitié des Song du Nord, son influence auprès de la cour est en déclin, mais elle reste active car, ayant changé d’orientation, elle est s’est spécialisée dans les rituels et talismans. Elle est l’une des Trois montagnes de talismans [20] avec Gezao et Longhu. De nouvelles constructions apparaissent sur le mont Mao, dont les Trois temples et les Cinq monastères [21] qui subsisteront jusqu’à la Révolution culturelle. Sous les Song, quelques-uns de ses patriarches bénéficient encore de la faveur impériale, comme le 23e patriarche Zhu Ziying [22] dont les prières auraient donné un héritier à Zhenzong. Il reçoit le titre de Maitre national [23], récompense suprême pour les religieux. Les 35e et 44e patriarches, Ren Yuanpu [24] (?-1263) et Wang Daomeng [25], furent également distingués pour avoir mis fin respectivement à une inondation et à une invasion de sauterelles. Sous les Yuan, Maoshan intègre l'alliance Zhengyi.
A la fin du XXe siècle, les Taiping, l'armée japonaise et la révolution culturelle avaient entièrement détruit les temples du mont. Deux d'entre eux, Jiuxiaogong [26] et Yuanfugong [27], ont été reconstruits dans un but plus touristique que religieux ; on peut y voir le sceau et les insignes officiels de l'école datant des Song. Des cérémonies y ont lieu du 17 du douzième mois au 18 du troisième mois.
Maoshan, « le mont Mao », tire son nom des trois frères Mao Ying [28], Mao Gu [29] et Mao Zhong [30]. ermites et guérisseurs de la dynastie Han, A l’époque de Tao Hongjing, on l'appelait également Juqu [31] (de qu, courbe) ou Poumon de la terre [32]. C’est une des terres d’immortalité du taoïsme. Le mont et ses mythes sont décrits en détail dans une monographie rédigée sous les Yuan par Liu Dabin [33].
Pratiques
Le courant Shangqing reprend à son compte beaucoup de concepts et croyances du fond religieux chinois, ainsi que quelques éléments des Maîtres célestes, mais la tradition alchimique individualiste qui fut celle de Ge Hong, importante au sud du Fleuve bleu, l'a beaucoup influencé. Néanmoins, l’absorpsion d’élixirs et autres potions d’immortalité y est remplacée en grande partie par un ensemble de pratiques qui préfigurent l’alchimie interne Neidan qui naitra sous les Song, tandis que dans ses textes le vocabulaire des alchimistes prend un sens nouveau lié à l'expérience de la méditation. C’est Shangqing qui a inventé le terme zhenren [34] « être véritable », qui remplace dans ce courant l’immortel d'origine, xianren [35]. Comme chez les alchimistes, il y a des maîtres et des disciples, mais pas de clergé ; chacun est son propre officiant.
L'école est marquée par l’origine sociale de ses membres. Les déités décrites par Tao Hongjing dans la Hiérarchie des esprits parfaits [36] sont ordonnées comme les aristocrates et les fonctionnaires des dynasties du Nord et du Sud. L’importance donnée à l’écrit, la place limitée des talismans et de l’alchimie, le rejet des pratiques sexuelles sont autant de traits qui reflètent la culture du milieu des adeptes. La récitation du canon est censée produire le même effet que les pratiques écartées, permettant de s'en dispenser. L’accent est mis sur la méditation. S'appuyant sur les descriptions détaillées du canon, l’adepte contemple l’intérieur de son corps et maintient à leur place propre les nombreuses divinités qu’il contient, assurant sa pérennité. Une conduite morale est également nécessaire. Le bouddhisme a aussi pu exercer une influence car Tao Hongjing s’y intéressait ; il voyait d’un œil favorable les emprunts, aussi bien à cette nouvelle religion qu’au confucianisme.
Au départ centrée sur le perfectionnement individuel, l'école changea progressivement d'orientation pour se spécialiser dans les rituels et les talismans. Les « techniques de Maoshan » étaient déjà considérées sous les Song comme une forme de magie. Elles se sont conservées surtout dans le Sud et dans la diaspora chinoise d'Asie du Sud-Est.
Dieux
La déité supérieure du courant Shangqing est le Vénérable des origines, premier des Trois Purs. Il y a des divinités que l’on révère et de qui on sollicite l’aide, les considérant comme des maîtres, et d’autres à qui l’on commande. Le panthéon décrit par Tao Hongjing n’occupe pas moins de vingt-huit pages, mais les grandes divinités sont peu mentionnées dans le canon où les dieux du corps occupent la première place. Reflet de l'importance accordée aux textes, le mont Kunlun où vit Xiwangmu est comparé à une bibliothèque.
Canon
Les textes Shangqing d'origine se distinguent par leur qualité littéraire et leur lyrisme et comprennent des hymnes aux divinités. Ils rappellent en cela la littérature antique du pays de Chu. Les textes du canon sont considérés comme la condensation du souffle primordial, tout d’abord sous la forme d'un rayon de lumière qui prend forme au fur et à mesure. L’écriture, quoique sacrée, est donc la forme grossière d’une vérité subtile. La récitation doit s'en faire avec soin et attention, répétée en écho par les dieux dans les cieux ; elle devient alors une sorte de chemin qui permet de revenir aux origines.
La transmission du texte consacre l’entrée officielle dans l’école. Elle doit se faire de maître à disciple sans assistance, après un jeûne de plusieurs jours. Le disciple prête un serment où il s’engage en particulier à ne jamais divulguer le texte à la légère sous peine de perdre ses chances d’immortalité. Un texte révélé indûment s'envole au ciel ou s'enflamme.
Le texte principal de l'école Shangqing-Maoshan est le Vrai livre de la grande grotte de la pureté suprême [4], appelé aussi Livre de la grande grotte , Livre de la pureté suprême ou Livre en 39 sections [37], d’après le nombre de ses chapitres. Une tradition rapportée par Zhang Junfang [38] (début du XIe siècle) prétend que le Pur de jade aurait envoyé à Wei Huacun trente-neuf immortels porteurs chacun d’un chapitre. Il s'inspire d'un ouvrage plus ancien, le Livre de jade du paysage intérieur de la cour jaune [39], importante référence pour les alchimistes. Il sera repris plus tard par Quanzhen.
Notes
Voir aussi
- Isabelle Robinet La révélation du shangqing dans l'histoire du taoisme EFEO, 1/1/1984, (ISBN 2855397375)
- (fr)Histoire du taoïsme religieux jusqu'aux Tang avec bibliographie
- (en)Informations sur les courants taoïstes – Association taoïste de Hong Kong
- Portail du monde chinois
Catégorie : Courant taoïste
Wikimedia Foundation. 2010.