Guerre des Cévennes

Guerre des Cévennes
Guerre des Cévennes
Jean Cavalier chef camisard.jpg
Jean Cavalier, chef camisard, peinture de Pierre-Antoine Labouchère, 1864.
Informations générales
Date 1702 - 1704
Lieu Cévennes, Bas-Languedoc (France)
Issue Victoire des armées royales
Belligérants
Royaume de France Royaume de France Huguenot cross.svg Camisards
Commandants
Nicolas de Lamoignon de Basville
Victor-Maurice de Broglie
Maréchal de Montrevel
Maréchal de Villars
Maréchal de Berwick
Jean Cavalier
Pierre Laporte, dit Rolland
Forces en présence
• Troupes de ligne:
20 000 hommes

• Milice:
2 000 à 3 000 hommes
7 500 à 10 000 hommes
Pertes
3 000 morts
Guerre des Cévennes

La guerre des Cévennes ou guerre des Camisards fut un soulèvement de paysans protestants dans les Cévennes et Bas-Languedoc sous le règne de Louis XIV. Le soulèvement a pour origine la révocation de l'édit de Nantes en 1685 qui provoqua les premiers troubles qui durèrent jusqu'en 1711. Mais les combats furent particulièrement nombreux de septembre 1702 à avril 1704.

Sommaire

Origine de la guerre

L'Assemblée surprise, peinture de Karl Girardet, 1842.

La guerre des Cévennes tire son origine de l'Édit de Fontainebleau, signé par Louis XIV le 18 octobre 1685, qui révoque l'Édit de Nantes et interdit le protestantisme. Aussi dans les provinces à forte implantation protestante, le Poitou, la Guyenne, le Dauphiné et le Languedoc, les protestants sont convertis de force au catholicisme dans le cadre des dragonnades. De nombreux protestants préfèrent émigrer, d'autres continuent de célébrer leur culte clandestinement malgré leur conversion. Dès la fin octobre 1685, des Assemblées clandestines sont signalées, mais les peines contre ceux qui y participent se durcissent, une conversion rétractée étant considérée comme un crime très grave, les hommes sont condamnés à mort ou aux galères, les femmes sont tondues et emprisonnées et les enfants sont enlevés à leurs parents pour être envoyés dans des familles ou des collèges catholiques.

Dans les Cévennes, situées dans le Languedoc dirigé par l'intendant Nicolas de Lamoignon de Basville, 84 personnes sont exécutées, une cinquantaine sont condamnées aux galères et 300 sont déportées aux Amériques en 1686 et en 1687. Néanmoins les Assemblées se poursuivent les années suivantes, mais à partir de 1701, les troubles se multiplient alors que la France est engagée dans la Guerre de Succession d'Espagne.

Déclenchement des combats

Le 24 juillet 1702, au Pont-de-Montvert, une soixantaine d'hommes, armés de sabres et de faux, menés par Abraham Mazel, pénètrent dans la ville en chantant un psaume, pensant délivrer sans combat les protestants détenus et torturés par l'abbé François de Langlade du Chayla, inspecteur des missions des Cévennes pour le compte du marquis de Basville. Ils enfoncent la porte et pénètrent dans la maison de l'abbé, qui fut tué au cours du violent combat qui s'ensuivit[1]. Le meurtre de l'abbé du Chayla[2] marque le début de la guerre des Cévennes[3].

À partir de cette date, des bandes de dizaines ou centaines d'hommes armés se forment, menés par des prophètes, appelés les « inspirés ». Les insurgés commettent alors des actes de vengeance contre des prêtres et des catholiques. Le lieutenant général Victor-Maurice de Broglie, commandant des troupes royales du Languedoc charge le capitaine Poul de réprimer les actes de rébellion, mais sans grand résultat. Gédéon Laporte, un des premiers chefs, est cependant tué lors du mois d'octobre.

D'autres protestants, sous l'impulsion des élites villageoises, préférèrent une attitude loyaliste et combattirent les Camisards. Ce fut le cas des habitants de Fraissinet-de-Lozère, pourtant très proches du Pont-de-Montvert. Ils seront cependant également victimes de la destruction de leurs maisons pendant le "Grand Brûlement des Cévennes" à la fin de l'année 1703[4].

Les Camisards

Caverne, baume fortifiée typique, ayant servi d'abri aux Camisards à Saint-Julien-de-la-Nef
Article détaillé : Camisard.

À partir de janvier 1703, les insurgés protestants, surnommés les « fanatiques » par les Royaux, prennent progressivement le nom de Camisards. Plusieurs bandes sont formées, les principaux chefs sont Jean Cavalier, à la tête de 700 hommes avec comme lieutenants : Rastelet, Abdias Maurel, dit Catinat, Ravanel, Bonbonnoux et Claris. Pierre Laporte, dit Rolland, commande 300 à 400 hommes auxquels se joignent souvent les 50 à 100 hommes d'Abraham Mazel. Nicolas Jouany commande 300 à 400 hommes dans la montagne du Bougès. Enfin Castanet dirige une petite bande dans le mont Aigoual. On compte quelques autres chefs notamment Salomon Couderc.

Les Camisards sont généralement des paysans ou des artisans du textile, dont la moyenne d'âge se situe entre 20 et 25 ans. Géographiquement l'insurrection se situe dans l'actuel département du Gard, à l'exception du territoire situé à l'est d'une ligne allant de Nîmes à Barjac et au nord d'une ligne entre Génolhac et Saint-Ambroix. Dans l'actuel arrondissement du Vigan, le territoire à l'ouest de la commune d'Aulas n'est pas touchée. En revanche la bordure sud-est de l'actuel département de la Lozère se situe également dans les zones de combats.

Les troupes royales

Face aux Camisards, les troupes royales commandées par le lieutenant général Victor-Maurice de Broglie disposent dès mars 1703 de 20 000 soldats, fusiliers et dragons. De plus, plusieurs compagnies de milice sont formées dans les paroisses catholiques ; on y trouve les « Florentins » ou « Camisards blancs » ; 200 à 700 hommes, les « Cadets de la Croix »; 1 500 à 2 000 hommes originaires de l'Uzège à l'est qui commettent de nombreuses exactions, et les « Compagnies franches de partisans », 200 à 300 hommes originaires du Vaunage au sud, formés comme des troupes régulières.

Les combats

Nicolas Auguste de La Baume de Montrevel
peinture de Saint-Evre Gillot, 1835.
Monument commémoratif de la victoire des Camisards de Cavalier à la bataille du Déves de Martignargues.

Pendant les mois qui suivent, de nombreux affrontements, escarmouches, embuscades et actes de guérilla, opposent les Royaux et les Camisards. Le capitaine Poul a été tué le 12 janvier. Face aux exactions des troupes régulières et surtout des milices bourgeoises moins disciplinées, les Camisards assassinent les prêtres et incendient les églises catholiques. Les représailles les plus sanglantes ont lieu le 21 février 1703 à Fraissinet-de-Fourques où 40 femmes et enfants de miliciens catholiques sont massacrés par les Camisards de Castanet.

Le 14 janvier 1703, le Maréchal de France, Nicolas Auguste de La Baume de Montrevel remplace le comte de Broglie à la tête des troupes royales et amène avec lui 3 000 Miquelets. Le 25 février, par ordonnance royale Basville et Montrevel reçoivent tous les pouvoirs; les camisards pris les armes à la mains sont exécutés sans jugement, par pendaison ou par le supplice de la Roue, voire le bûcher, de plus leurs maisons sont rasées et leurs biens confisqués.

Le 1er août, une vingtaine de femmes et d'enfants protestants sont surpris à une assemblée près de Nîmes et meurent brûlés vifs lors du Massacre du moulin de l'Agau ordonné par le Maréchal de Montrevel.

Le 20 septembre les villages catholiques de Saturargues et de Saint-Sériès sont attaqués par les Camisards, 60 Saturarguois et 11 Saint-Sériains, hommes, femmes et enfants sont massacrés[5].

De leur côté les Huguenots français réfugiés à l'étranger, le marquis de Miremont notamment, tentent de convaincre les pays en guerre contre la France de débarquer des troupes pour appuyer les Camisards. Des navires anglais et hollandais s'approchent des côtes dans les environs de Sète mais Montrevel prend la menace au sérieux et fait surveiller les côtes ce qui provoque l'échec de la tentative de jonction.

Cependant les troupes royales restent tenues en échec et en septembre, Basville décide de dépeupler les Cévennes. Selon son plan, approuvé par le Roi, les 31 paroisses désignées doivent être réduites en cendres et leurs 13 212 habitants reçoivent l'ordre de gagner les villes tenues par les Royaux. De septembre à décembre 1703 toutes ces paroisses sont incendiées avec au passage de nombreux meurtres et pillages.

Mais, le 14 mars 1704, 1 100 Camisards commandés par Jean Cavalier remportent leur plus grande victoire, 400 à 600 soldats d'élite de la marine et 60 dragons sont mis en déroute à Martignargues, entre 180 et 350 soldats royaux sont tués lors de l'affrontement contre une vingtaine de morts pour les Camisards. À l'annonce de cette nouvelle, Louis XIV renvoie Montrevel et nomme un autre maréchal de France Claude Louis Hector de Villars pour le remplacer.

En avril, 150 paysans sont massacrés par les Royaux à Branoux-les-Taillades et Saint-Paul-la-Coste

Néanmoins, le 19 avril, deux jours avant son départ, Montrevel à la tête de 1 000 hommes bat Cavalier et s'empare même de son quartier général. Aussi le 30 avril, Jean Cavalier entame des négociations avec les Royaux.

La fin de la guerre

Le 16 mai, Cavalier rencontre à Nîmes le Maréchal de Villars. Cavalier demande l'amnistie pour lui et ses hommes, l'autorisation de quitter la France et la libération des prisonniers. Une trêve est conclue en attendant la réponse du Roi. Celle-ci arrive le 27 mai et se montre favorable aux requêtes des Camisards, Cavalier, suivi d'une centaine de fidèles quitte la France le 23 juin. Cependant cette capitulation n'est pas du tout approuvée par les autres chefs camisards, en particulier Pierre Laporte, qui n'était pas dans une situation aussi alarmante.

Entrevue du Maréchal de Villars, et de Jean Cavalier à Nîmes le 16 mai 1704.
peinture de Jules Salles, vers 1865.

Fin juin, les Anglais et les Hollandais tentent de débarquer dans le golfe du Lion mais l'expédition échoue à cause d'une tempête.

Des hommes de Cavalier s'étant joints à lui, Rolland commande 1 200 hommes. Cependant, trahi, Rolland est tué au château de Castelnau-Valence le 13 août 1704. Finalement en septembre et octobre, les chefs camisards, Castanet, Jouany, Couderc, la Rose et Mazel se soumettent. Ils sont autorisés à quitter la France et se réfugient en Suisse.

En décembre, les derniers irréductibles sont réduits par Villars. La guerre des Cévennes est terminée, Villars quitte la région et est remplacé par le Maréchal de France Jacques Fitz-James de Berwick, des troubles sporadiques se maintiennent jusqu'en 1710.

Derniers troubles

Malgré la pacification, Ravanel et Claris ont refusé de se soumettre, de même Mazel ne reste pas longtemps inactif et organise des assemblées il est néanmoins arrêté en janvier 1705. Plusieurs chefs camisards exilés, comme Catinat, Castanet ou Élie Marion ne tardent pas à rentrer en France et tentent de relancer la guerre. Ils sont cependant traqués par les troupes royales et ne disposent plus du soutien de la population, aussi la plupart sont rapidement capturés et exécutés. Castanet est roué vif à Montpellier en mars 1705.

En avril 1705, Vilas, un protestant de Genève s'associe avec Catinat et Ravanel et organise le complot de la « ligue des enfants de dieu » visant à enlever le duc de Berwick et Nicolas de Lamoignon de Basville, à prendre le port de Sète pour faire débarquer les troupes anglaises et soulever de nouveau les Cévennes. Mais le complot est déjoué, et une centaine de personnes sont arrêtées et jugées. Trente sont condamnées à mort parmi lesquels Vilas, roué vif, ainsi que Catinat et Ravanel qui sont brûlés vifs. Salomon Couderc périt à son tour sur le bûcher un mois plus tard.

De son côté, Jean Cavalier forme un régiment, en partie composé de Camisards, pour le service du Royaume d'Angleterre et combat contre le Royaume de France, néanmoins son régiment est détruit le 25 avril 1707 à la bataille d'Almanza, Cavalier, lui-même grièvement blessé se réfugie en Angleterre et cesse dès lors toute activité militaire.

Emprisonné, Abraham Mazel s'évade en juillet 1705 et s'enfuit en Angleterre. Il regagne la France en 1709 et tente d'organiser une nouvelle insurrection avec le soutien des Anglais. Mazel rassemble une centaine d'hommes, exige le rétablissement de l'édit de Nantes et la libération des Camisards prisonniers et galériens, capturés depuis la pacification. Mais les Camisards sont écrasés.

Mazel n'abandonne pas, en 1710, secondé par Claris, il tente d'organiser un débarquement de troupes anglaises. En juillet les Anglais débarquent à Sète mais face à l'arrivée de troupes françaises, réembarquent presque aussitôt. Finalement, dénoncé, Mazel est tué près d'Uzès le 14 octobre 1710. Claris est roué vif en octobre et Jouany est exécuté en 1711.

En 1713, le Royaume de France signe la paix avec le Royaume de Grande-Bretagne, la Guerre de Succession d'Espagne est presque terminée. À la demande de Anne, reine de Grande-Bretagne, Louis XIV gracie 136 galériens emprisonnés pour fait de religion, ils sont relâchés et exilés en Angleterre.

Les persécutions du Royaume de France contre les protestants cesseront définitivement le 7 novembre 1787 par l'Édit de Versailles, dit « édit de tolérance », signé par Louis XVI, et dont Chrétien François de Lamoignon de Bâville, le propre fils de Nicolas de Lamoignon de Basville avait été à l'origine.

Bilan humain

Selon le chef camisard Pierre Laporte, dit Rolland sur les 7 500 à 10 000 Camisards qui ont pris part à la guerre, au moins 2 000 sont morts au combat et 1 000 ont été exécutés sommairement, 200 ont été exécutés après jugement, par pendaison, supplice de la roue et bûcher. 2 000 ont été emprisonnés ou envoyés à l'armée et 200 condamnés aux galères. Pour les rescapés 1 000 à 1 200 se sont rendus en 1704, beaucoup se sont exilés en Suisse[6].

Selon le prêtre catholique Jean Rouquette, au moins 471 civils ont été massacrés par les Camisards[7].

Voir aussi

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Notes et références

  1. Abraham Mazel, Élie Marion, Jacques Bonbonnoux, 1983. Mémoires sur la guerre des Camisards. Les Presses du Languedoc, Montpellier.
  2. Robert Poujol, 1986. Bourreau ou martyr? L'abbé du Chaila (1648-1702): du Siam aux Cévennes. Nouvelles Presses du Languedoc, Sète.
  3. Pierre-Jean Ruff, 2008. Le Temple du Rouve: lieu de mémoire des Camisards. Editions Lacour-Ollé, Nîmes.
  4. D'après l'ouvrage à paraître, Ghislain Baury, La dynastie Rouvière de Fraissinet-de-Lozère. Les élites villageoises dans les Cévennes protestantes à l'époque moderne d'après un fonds documentaire inédit (1403-1908), Sète, Les Nouvelles Presses du Languedoc, 2011 , http://sites.google.com/site/dynastierouviere/
  5. Midi Libre
  6. Marianne Carbonnier-Burkard, Comprendre la révolte des Camisards, Éditions Ouest-France, 2008 , p.78.
  7. Liste de victimes des Camisards par Thierry Ducros

Bibliographie

  • Marianne Carbonnier-Burkard, Comprendre la révolte des Camisards, Éditions Ouest-France, 2008 
  • Jean Cavalier (trad. Franck Puaux), Mémoires sur la guerre des Cévennes, Payot & Cie, 1913 
  • Philippe Joutard, La légende des camisards : une sensibilité au passé, Paris, Gallimard, 1977  * Philippe Joutard, « La Cévenne camisarde », dans L'Histoire, no 1, mai 1978, p. 54-63 
  • Philippe Joutard, « La Cévenne des camisards », dans Les Collections de l'Histoire, no 17, juin 2002, p. 76-81 

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Guerre des Cévennes de Wikipédia en français (auteurs)

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