Guerre des Demoiselles

Guerre des Demoiselles

La guerre des Demoiselles est une rébellion ayant eu lieu en Ariège de 1829 à 1832 (moins intense jusqu'en 1872). C'est le mouvement de contestation le plus connu parmi ceux qui se développèrent dans les Pyrénées au XIXe siècle.

Sommaire

Présentation

Elle est due au vote le 27 mai 1827 d'une nouvelle règlementation du code forestier qui sera effectivement appliquée à partir de 1829. Ce nouveau code impose « une nouvelle réglementation de l'usage des forêts, en particulier concernant le ramassage du bois, les coupes et surtout le pâturage désormais mis en défens (interdit), le droit de marronnage, et les droits de chasse, de pêche et de cueillette ».

La guerre des Demoiselles doit son nom au fait que les paysans apparaissaient déguisés en femmes avec de longues chemises blanches ou des peaux de moutons, des foulards ou des perruques, le visage noirci ou caché pour attaquer essentiellement la nuit, les grands propriétaires, les gardes forestiers et gendarmes, les maîtres de forges et les charbonniers.

Études

Trois séries d'études ont été menées sur le sujet. La plus ancienne est celle qui fut menée par Prosper Barousse et publiée en 1839[1]. Plus poète qu'historien, Barousse décrit la légende qui très tôt naquit avec les exploits des Demoiselles. Faisant retentir dans tout le pays le son de leurs trompes, communiquant par des signaux de fumée, les révoltés ariégeois sont décrits comme de véritables corps organisés et disciplinés obéissant à des chefs de guerre. Barousse contribua à populariser le mythe de Jean Vidalou, un pauvre berger devenu grand général des Demoiselles. Ce dernier recevait ses instructions d'un personnage mystérieux avec lequel il avait rendez-vous la nuit. Barousse qui prit de sérieuses libertés avec l'histoire forgeait ainsi l'image d'un chef hors du commun. Ce faisant, il n'était pas le premier à exploiter à des fins littéraires la révolte ariégeoise.

La première étude vraiment historique sur le sujet fut signée par Michel Dubedat en 1900. Sommaire et incomplète, peu dégagée de l'esprit de la précédente, elle apporta cependant une vision globale du déroulement des faits[2].

Vers 1930, René Dupont reprit le sujet avec la volonté d'élaborer une étude rigoureusement historique en dépouillant les dossiers des archives départementales de l'Ariège. Il parvint à reconstituer minutieusement la chronologie des troubles et à en présenter une interprétation. Ses travaux furent abondamment réutilisés dans les études qui suivirent[3]. Ainsi, une thèse de 3e cycle fut soutenue par Louis Clarenc sur les "Délits forestiers et troubles politiques dans les Pyrénées centrales de 1827 à 1851" à l'université de Toulouse. Cette dernière s'appuya sur de nouveaux éléments issus des archives nationales.

En 1969, François Baby s'intéressa à un aspect inédit de cette révolte : la place et le rôle du folklore. Le résultat de son étude fut un mémoire de lettres rigoureux et brillant publié en 1972[4].

Jean-François Soulet enfin replaça la guerre des Demoiselles dans la mouvance des contestations collectives du monde pyrénéen et apporta une lumière nouvelle en présentant la révolte comme une des manifestations déjà anciennes d'opposition de la société civile à l'entreprise centralisatrice de l'État. Son travail a montré que la guerre des Demoiselles est à considérer comme "un maillon dans une longue chaine de révoltes débutant bien avant 1829, se poursuivant bien au-delà de 1831 et intéressant à un moment ou à un autre, presque toutes les vallées pyrénéennes"[5].

Le déroulement de la révolte

Contre ceux qui font entrave à la libre utilisation des forêts (Castillonnais et vallée de Massat de 1829 à 1830)

Entre le printemps 1829 et le printemps 1830, les révoltés furent très nombreux (entre 300 à 400 individus selon les procès-verbaux) et les sorties des Demoiselles très fréquentes. Les troubles se concentrèrent dans deux régions : D'abord le Castillonnais au sud-ouest de Saint-Girons jusqu'en décembre 1829, puis la vallée de Massat en janvier 1830. La révolte s'étendit ensuite à l'ensemble du département à compter du printemps 1830. Durant cet intervalle de temps, les Demoiselles ne manifestent pas de revendications à caractère social. Elles s'en prennent à tous ceux qui les empêchent de jouir des forêts en toutes libertés : gardes, gendarmes et charbonniers. Les résistances aux saisies du bétail occupé à la dépaisance dans les espaces forestiers défendus constituent les premières véritables occasions de sorties pour les Demoiselles.

Ainsi, leur première apparition s'effectue au cours de l'une de ces opérations de saisie dans la forêt de Saint-Lary entre le 25 et le 30 mai 1829. Vingt gardes forestiers ayant surpris six bergers en délit avec leurs troupeaux veulent s'emparer des bêtes; mais ils se retrouvent très rapidement face à une centaine de paysans déguisés et armés qui les insultent, leur jettent des pierres et tirent même des coups de fusil. Effrayés et impuissants, les gardes se retirent.

Au mois de juillet 1829, les incidents de ce genre se multiplient et des renforts de gendarmerie (4 brigades, 2 compagnies de ligne sillonnent le Castillonnais et la Bellongue; 2 compagnies surveillent le Saint-Gironnais) n'empêchent pas l'insurrection de s'étendre. Les révoltés pratiquent des techniques de guérilla consistant à éviter l'affrontement direct avec la troupe et à privilégier les escarmouches avec les gardes forestiers.

À la mi-août 1829, une nouvelle tentative de saisie de bétail en Bellongue près du petit village de Buzan, provoque l'un des plus vif affrontement de l'année. Le 16 de ce mois, un inspecteur, deux géomètres et plusieurs gardes et agents forestiers venus marquer la coupe usagère dans la forêt de Buzan découvrent deux troupeaux de moutons en délit. Leurs bergers ayant refusé de décliner leur identité, ils sont ligotés dans l'attente d'être envoyés en prison. Aussitôt, plusieurs habitants du village et communes voisines, qui étaient présents au moment de l'altercation, manifestent hautement leur mécontentement. Le tocsin retentit ameutant les populations alentour. Une armée furieuse de Demoiselles, munie de bâtons de faux et de fusils, intervient et libère les prisonniers. Lorsque quelques jours après, les gendarmes se présentent pour arrêter les deux bergers, un nouvel attroupement des plus menaçants se forme.

Durant l'été 1829, les Demoiselles s'en prennent aussi aux charbonniers, accusés d'exploiter les arbres. Au mois de juin, des charbonniers font l'objet de violences à Sentein, en vallée de Biros puis en juillet à Ustou dans le sud du Saint-Gironnais. Les charbonnières sont incendiées, leurs cabanes et leurs objets détruits. Ils essuient plusieurs coups de fusil. Dans la nuit du 29 août, les Demoiselles envahissent la forêt d'Augirein en Bellelongue exploitées par les charbonniers de la forge d'Engomer. En novembre, les charbonniers de Buzan sont sommés sur un placard de quitter la forêt avant qu'il ne leur arrive malheur. L'hostilité des Demoiselles se poursuit jusqu'au printemps 1830 et dès le mois d'avril de cette année, une trentaine de charbonniers sont mis en fuite et blessés dans la forêt de Saint-Lary.

Les gardes forestiers, insultés, malmenés et terrorisés sont également la cible privilégiée des Demoiselles. Le 17 décembre 1829, les gardes de la vallée d'Autrech sur la commune de Saint-Lary décident de cesser tout service après avoir été menacés par quinze Demoiselles armées de haches. Le 21 janvier 1830, un garde de Lafon de Sentenac est blessé à la tête par un coup de hache et les menaces contre les gardes forestiers augmentent en intensité. La révolte commence à s'étendre de la zone de Massat au massif de l'Arize. Ainsi une bande de Demoiselles cerne la maison des Delpla-Roquemaurel et chasse leurs gardes privés. De janvier à mai 1830, les actions se multiplient. Le 27 janvier, les Demoiselles pillent la tour Laffon à Boussenac qui servait d'abri aux gardes ; le 17 février, elles saccagent la maison de l'un d'eux à la Bernède ; le 29 mars, deux cents Demoiselles somment le maire de Rivèrenert de leur livrer les gardes. Enfin dans la nuit du 10 au 11 mai, une centaine de Demoiselles attaquent à coups de fusil la maison d'un garde à Saleich dans la Haute-Garonne à dix kilomètres au sud de Salies-de-Salat. Le garde riposte et blesse à mort un jeune assaillant de vingt ans.

Ces actions simples et directes menées contre tous ceux qui entravaient la libre utilisation des forêt fut très rapidement populaires et le mouvement ne tarda pas à s'étendre dans les régions voisines du département de l'Ariège.

L'enracinement de la révolte

Confortés par les succès de ces premières actions de guérilla, la révolte se propage dans la vallée d'Arbas en Haute-Garonne et à la haute Ariège dans le canton des Cabannes et dans la région d'Ax. À partir de janvier 1830, une bonne partie du département de l'Ariège est en effervescence et les Demoiselles effectuent plusieurs démonstrations de force. Le 24 juillet à Balaguères (Castillonnais) le jour de la fête locale, elles défilent dans les rues armées de haches et de fusils au son d'un hautbois et d'un tambour. Trois jours plus tard, quatre cents à cinq cents Demoiselles défilent à Massat en criant : "À bas les gardes forestiers!". Le 17 février, elles sont à peu près le double et le maire réussit à éviter l'affrontement de justesse. De telles manifestations montrent le soutien dont bénéficient les Demoiselles auprès des populations et des autorités locales comme les maires. Les renforts de troupe envoyés sur place se révèlent inopérants car les actions de guérillas des révoltés sont sporadiques et se développent sur des territoires de montagnes très accidentés et mal connus. Entre 1829 et 1830, les hautes autorités ne s'alarment guère de cette révolte car les revendications des Demoiselles contre l'administration forestières ne paraissent pas exorbitantes.

Adaptations

Cette rébellion fut à l'origine dès 1830 d'une pièce de théâtre Le Drame des Demoiselles qui se joua au Théâtre de la Gaîté. En 1983, Jacques Nichet réalise un long-métrage de 90 minutes nommé La guerre des demoiselles.

Références

  1. Prosper Barousse, Les Demoiselles, La Mosaïque du Midi, janvier 1839, p. 1-9.
  2. Michel Dubedat, Le procès des Demoiselles. Résistance à l'application du Code forestier dans les montagnes de l'Ariège (1828-1830), Bulletin de la société ariégeoise des sciences lettres et arts, 1899-1900, p. 281-295.
  3. René Dupont, La guerre des Demoiselles dans les forêts de l'Ariège (1829-1831), Travaux du laboratoire forestier de Toulouse, t. 1, article 27, Toulouse, 1933, 82 p.
  4. François Baby, La guerre des Demoiselles en Ariège (1829-1872), Montbel, 1972.
  5. Jean-François Soulet, Les Pyrénées au XIXe siècle. L'éveil d'une société civile, éditions Sud-Ouest, Luçon, 2004, p. 708.

Bibliographie

  • Jean-François Soulet, « La Guerre des Demoiselles », Les Pyrénées au XIXe siècle, éditions Eché, 1987 (ISBN 2879015553).
  • Georges Labouysse, « D’étranges demoiselles… » dans Occitania, mensuel, n°147 (05/2006), [lire en ligne],
    (et numéros suivants 148–149)

Lien externe


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