Gouvernance d'entreprise

Gouvernance d'entreprise

Gouvernement d'entreprise

La gouvernance d'entreprise[1] est l'ensemble des processus, réglementations, lois et institutions influant la manière dont l'entreprise est dirigée, administrée et contrôlée.

La gouvernance inclut aussi les relations entre les nombreux acteurs impliqués (les parties prenantes[2]) et les objectifs qui gouvernent l'entreprise. Les acteurs principaux sont les actionnaires[3], la direction et le conseil d'administration. Les autres parties prenantes incluent les employés, les fournisseurs, les clients, les banques ou autres prêteurs, le voisinage, l'environnement et la communauté au sens large.

Le mot gouvernance est une nouvelle expression en langue française, qui a une étymologie complexe.

Sommaire

Une crise de confiance

Les années 1990, décrites par le « Prix Nobel » d'économie Joseph Stiglitz comme les Roaring Nineties en référence aux Roaring Twenties (les Années Folles qui ont précédé le krach de 1929) sont caractérisées par une exubérance boursière et un certain nombre de dérives :

  • une explosion de la rémunération des dirigeants d'entreprise en particulier de leur partie variable adossée à des stock-options, la tentation est grande de faire passer ses intérêts privés avant ceux de la société ;
  • l'introduction de nouveaux instruments financiers et de nouvelles techniques comptables qui (pour simplifier à l'extrême) permettent de ne pas comptabiliser ou de ne pas montrer l'étendue réelle de l'endettement au bilan de l'entreprise, la tentation est grande de les utiliser pour que les résultats de la société soient améliorés, le cours de bourse haussé et les stock-options d'autant plus rémunérateurs ;
  • une déréglementation, en particulier dans le secteur bancaire, qui en assouplissant les règles affaiblit les mécanismes institutionnels de contrôle ;
  • et pour tout dire, un certain relâchement dans l'éthique des classes dirigeantes (le puritanisme qui fit les beaux jours du capitalisme américain et l'éthique protestante que Max Weber associe avec l'esprit du capitalisme, sont alors clairement en berne), un cynisme ambiant (des analystes financiers de banques d'investissement de renom vantant au public les qualités d'actions qu'ils jugent en interne pourries) ;

Tout cela nous mène à des abus, des scandales et une crise de confiance dommageable pour le bon fonctionnement des marchés boursiers.

Suite aux affaires Enron (2001), Andersen (2002) et WorldCom ou Parmalat (2003), il est apparu nécessaire de redonner confiance aux actionnaires, créanciers et employés, lésés par les nombreux scandales financiers qui défrayent la chronique des entreprises américaines et autres. Cette reconquête de confiance se devait de passer par la mise en place de réformes radicales dans la gouvernance d'entreprise.

La loi Sarbanes-Oxley

La loi Sarbanes-Oxley (ou SOX) a été adoptée en 2002 dans la foulée du scandale Enron. Elle impose à toutes les entreprises cotées aux États-Unis, de présenter à la Commission américaine des opérations de bourse (SEC) des comptes certifiés personnellement par leur dirigeant. Cette loi concerne aussi les 1 300 groupes européens ayant des intérêts aux États-Unis.

Elle rend donc les dirigeants pénalement responsables des comptes publiés. Elle assure aussi et surtout l'indépendance des auditeurs face aux pressions dont ils peuvent être (et sont) l'objet de la part des dirigeants d'entreprise.

Le rapport de Richard Breeden

À la demande du juge des faillites, s'occupant aux États-Unis de la survie de la société MCI (ex-WorldCom), Richard Breeden, l'ancien Président de la SEC, l'organe de régulation des marchés boursiers américains, a dans un rapport de 149 pages, rendu public en mai 2003, produit 78 recommandations. Ce rapport devrait à terme devenir la base de la réforme de la gouvernance d'entreprise et ses propositions s'imposer à toutes les grandes et moyennes entreprises.

Le nouveau conseil d'administration de MCI a procédé, en juillet 2003 à l'adoption de toutes les propositions du rapport. Il s'agit d'empêcher que puissent se reproduire les abus commis par l'ancien patron Bernie Ebbers et ses collaborateurs qui régnaient par intimidation sur une société en apparence profitable dans un secteur où la concurrence réalisait des pertes. Une double comptabilité masquait, en fait, 11 milliards de dollars de pertes cumulées entre 1999 et 2002, alors que, dans le même temps, Bernie Ebbers se faisait voter un prêt personnel de 400 millions de dollars par les administrateurs, et cela sans aucune question.

Il apparaissait nécessaire, à beaucoup, que se termine l'ère, pendant laquelle des patrons règnaient sans limite et sans partage sur des sociétés dans lesquelles personne n'osait poser des questions embarrassantes. Les propositions de Richard Breeden vont permettre en instaurant de multiples cordes de limiter les patrons mégalomanes, ou ayant de fortes personnalités, et disposant d'une grande latitude dans leur gestion, en tentant de rendre la totalité des administrateurs indépendants de la direction de l'entreprise.

Les propositions

Parmi ces 79 propositions :

  • Interdiction du cumul des fonctions de Chief Executive Officer (CEO) et de président du Conseil d'administration.
  • Inéligibilité au Conseil d'administration de tout responsable de société travaillant avec la société à administrer.
  • Meilleure rémunération des administrateurs (pour MCI de 35.000 $US à 150.000 $US) mais obligation de consacrer 25% de leur revenu après impôts à l'achat, sur le marché boursier, d'actions de la société à administrer.
  • Interdiction aux administrateurs de siéger au Conseil d'administration de plus de deux firmes cotées en bourse.
  • Obligation au Conseil d'administration de se réunir au moins 8 fois par an.
  • Obligation aux membres du Conseil d'administration d'aller visiter les installations et sites de l'entreprise.
  • Obligation aux membres du Conseil d'administration de recevoir chaque année une formation spéciale pour mieux comprendre l'entreprise et son secteur.
  • Interdiction à un administrateur de conserver son poste plus de dix ans.
  • Obligation de remplacer chaque année un des administrateurs, afin d'éviter que la collégialité du conseil n'aboutisse à la passivité.
  • Interdiction de payer les dirigeants avec des stock-options.
  • Création d'un plafond de rémunération pour les dirigeants, dont seul un vote des actionnaires permettra de le dépasser occasionnellement (pour MCI 10 millions $US au patron et 5 millions $US pour les autres dirigeants employés).
  • Renforcement de la démocratie directe donnée aux actionnaires de base. Pour MCI cela passe par la création d'un site Internet spécialement dédié aux actionnaires qui souhaitent alerter les administrateurs et les autres actionnaires de leurs inquiétudes, avec la possibilité de faire voter des résolutions sans passer par l'assemblée générale.
  • Renforcement (ou établissement) de liens basés sur une convergence d'intérêts entre actionnaires et salariés (cf /site l'harmattan l'article de Rémi Guillet "Pour une gouvernance d'entreprise revisitée fondée sur le renforcement des liens entre actionnaires et salariés"

On remarque dans les points cités, aucune allusion aux relations sociales: Tant que l'administrateur connait son produit son marché et sa rentabilité (à laquelle il est de plus en plus impliqué car doit acquérir des actions en fonction de sa rémunération), il peut négliger les forces vives de son entreprises: les salariés

En France

Deux systèmes de direction :

Système moniste: La société avec conseil d'administration. Dans cette forme le pouvoir est partagé entre le conseil d'administration et la direction générale. La répartition des pouvoirs est faite conformément à la loi et aux dispositions du Code de commerce. Ce type de gouvernance qui se peut avoir deux modalités:
1) Cumul - le président du Conseil d'Administration est également Directeur Général
2) Dissociation - le président du CA n'est pas le Directeur Général

Système dualiste: La société anonyme à directoire (fonction exécutive) et conseil de surveillance (fonction de contrôle).

Depuis 1995, plusieurs rapports ont eu pour objectif de renforcer l'indépendance des administrateurs par rapport au président du conseil d'administration, qui concentrait trop de pouvoirs à lui seul :

  • Rapport Viénot I (juillet 1995), à l'initiative du CNPF et de l'AFEP : ce rapport insiste sur l'information des actionnaires, l'examen périodique de la composition, de l'organisation et du fonctionnement du conseil d'administration, la présence d'au moins deux administrateurs indépendants dans les conseils, les droits et obligations du conseil, la création d'un comité des comptes et d'un comité des rémunérations,
  • Rapport Marini (1996), dissociation entre président du CA et DG, limitation des mandats d'administrateurs, étendre le pouvoir du comité d'audit
  • Rapport Viénot II (juillet 1999), à l'initiative du MEDEF et de l'AFEP,
  • Rapport de Daniel Bouton (septembre 2002) : ce rapport a mis l'accent sur l'éthique, la transparence, et le code monétaire et financier.
  • Rapport de Pascal Clément, député, (Décembre 2003) : Mission d'information sur le gouverment d'entreprise : liberté, transparence, responsabilité. Rapport rédigé au sein de la commission des lois de l'Assemblée nationale et propose 15 propositions visant à Réhabiliter l'actionnaire, Responsabiliser le conseil d'administration et Clarifier les pratiques en matières de rémunérations. Cette mission d'information a égalément procédé dans le cadre de sa réflexion à l'audition d'une quarantaine de chefs d'entreprises, juristes, experts et professeurs.

La loi sur les Nouvelles Régulations Économiques (NRE) de mai 2001 a sensiblement modifié le fonctionnement du conseil d'administration, en dissociant les fonctions exécutive et de contrôle. Elle a eu pour effet de renforcer l'indépendance des administrateurs par rapport au président. Corrélativement, elle a accru la transparence par rapport aux actionnaires, poussant ainsi les entreprises à satisfaire les exigences de rating financier et les intérêts des marchés financiers (valeur actionnariale).

L'article 225-102 de la loi NRE demande aux entreprises cotées de communiquer sur les conséquences sociales et environnementales de leurs activités, dans le cadre de leur responsabilité sociétale. Il n'est pas prévu de véritable sanction en cas de non application de cet article, de sorte que les entreprises ne sont pas obligées de satisfaire les intérêts des parties prenantes (valeur partenariale). Il semble que la France soit le seul pays où l'on soit passé par la voie législative pour traiter cette question.

La loi relative à la Sécurité Financière (août 2003) reprend différents points du rapport BOUTON afin d'assurer une meilleure transparence des informations financières.

L'ensemble de ces rapports et textes de lois a été publié dans un combined code à la française en Octobre 2003 à l'initiative de l'AFEP et du MEDEF.

Les perspectives de la gouvernance d'entreprise

On peut dégager deux grands types de gouvernance d'entreprise :

Valeur actionnariale

Dans un premier système qui privilégie la création de valeur pour l'actionnaire (shareholder value en anglais), l'entreprise cherche à maximiser le cours boursier des titres détenus par les actionnaires. Les intérêts des dirigeants s'alignent sur ceux des actionnaires et des investisseurs financiers. L'organisation du conseil d'administration et la réglementation en matière de transparence et de rémunération des dirigeants sont définies dans cet objectif.

Valeur partenariale

Dans un deuxième système, on valorise plutôt la création de valeur pour l'ensemble des partenaires (stakeholder value en anglais). Dans ce cas, on cherchera à créer de la richesse entre les différentes ressources humaines et matérielles par coopération avec différents types de parties prenantes : clients, fournisseurs, employés, actionnaires, collectivités territoriales,...). La performance est mesurée au regard de l'ensemble des partenaires. Ce type de gouvernance favorisera le développement de deux types de capital : le capital financier, mais aussi le capital humain (savoir-faire, compétences, innovation).

Il est ici interessant de constater que l'on retrouve des valeurs du XIX siècle français développé par des utopistes français (proudhon, ...) ou mieux des catholiques( de maistre...)

Bibliographie

Peter WIRTZ (professeur à l'université Lumière Lyon II), "Les meilleures pratiques de gouvernance d'entreprise" éditions La Découverte Paris 2008

  • Boutillier M., Labye A., Lagoutte C., Lévy N., Oheix V., « Financement et gouvernement des entreprises : exceptions et convergences européennes », Revue d’économie politique, juillet-août 2002
  • Collectif, « Le gouvernement d’entreprise », Revue d’économie financière, n° 63, 2001
  • Kreps D., « Corporate Culture and Economic Theory », in Alt J., Shepsle K., Perspectives on Positive Political Economy, Cambridge University Press, 1990
  • Dominique Plihon, « Quel scénario pour la gouvernance d’entreprise ? Une hypothèse de double convergence », Revue d’économie financière, n° 63, 2001
  • Antoine Rebérioux, « Gouvernance d’entreprise et théorie de la firme », Revue d’économie industrielle, n° 104, 2003 Article en ligne
  • Schleifer A. & Vishny R., « A Survey of Corporate Governance », The Journal of Finance, vol. 52, juin 1997

Notes et références

  1. En anglais corporate governance.
  2. En anglais stakeholders.
  3. En anglais shareholders.

Liens


Voir aussi

Généralités

Intelligence économique

Gestion des risques

RSE

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