Gonpo Tseten

Gonpo Tseten

Choekyi Gyaltsen

Réincarnation du Panchen Lama
Detail d'une gouache du peintre Claude-Max Lochu
Choekyi Gyaltsen
Nom de naissance
Nom de réincarnation Lobsang Trinley Lhündrub Chökyi Gyaltsen
Prédecesseur Thubten Chökyi Nyima
Successeur Gedhun Choekyi Nyima ou Qoigyijabu (appuyé par la Chine)
Date de naissance 1938
Lieu de naissance Tibet

Lobsang Trinley Lhündrub Chökyi Gyaltsen (19 février 1938 - 28 janvier 1989) était le 10e panchen-lama du Tibet. Il est souvent dénommé plus simplement Choekyi Gyaltsen (également écrit Choekyi Gyaltse, Choskyi Gyantsen, etc.), même si c'est également le nom de nombreuses autres personnalités de l'histoire tibétaine.

Sommaire

Biographie

Le 10e panchen-lama est né le 19 février 1938 dans le village de Karang Bidho de l'Amdo, le Nord Est du plateau du Tibet. Plus précisément, ce village se situe dans la région de Dowi (tibétain, appelé Xunhua en chinois mandarin), rattachée depuis 1959 à la province chinoise du Qinghai. Son père, Gonpo Tseten et sa mère, Sonam Drolma, lui donnèrent le nom de Gonpo Tseten.

Le 3 juin 1949, le Guomindang et l'entourage du 9e panchen-lama reconnurent Gonpo Tseten comme la 10e réincarnation du Panchen-Lama. Il fut célébré le 11 juin 1949 dans l'Amdo (Qinghai) par les responsables chinois.

Il ne fut pas reconnu par le dalaï-lama avant le début des négociations sur l'accord en 17 points en 1951.

Le dalaï-lama reconnut en 1954 que l'ambiance entre lui et le panchen-lama au départ n'était pas à la coopération mais qu'ils étaient désormais tous deux bons amis et coopéraient comme deux frères [1].

En 1954, il accompagna, avec le 16e Karmapa, le 14e dalaï-lama à Pékin pour discuter de la question du Tibet avec Mao Zedong.

En 1956, il partit en pèlerinage pour l'Inde avec le dalaï-lama, alors que l'Inde célébrait le 2500e anniversaire de Bouddha Jayanti.

Lorsque en 1959 le Dalaï-Lama se réfugia en Inde , l'ensemble de son gouvernement le suivit. Le panchen-lama resta au Tibet.

Zhou Enlai, le 10e panchen lama, Mao Zedong et le 14e dalaï-lama, en 1955 à Pékin.

Fin 1960, le monastère de Tashilhunpo subit, comme de nombreux autres monastères tibétains, les dévastations de l’Armée populaire de libération, et ses moines furent arrêtés ou sécularisés. Le 10e panchen-lama protesta auprès du Parti communiste chinois et prit la défense, pour la première fois, du 14e dalaï-lama, alors qu’il avait été jusque-là un instrument docile aux mains du Parti communiste chinois et exerçait des fonctions honorifiques au sein des différentes commissions créées par la Chine au Tibet.

La Pétition en 70 000 caractères

Article principal : Pétition en 70 000 caractères.

Après le départ en exil du 14e dalaï-lama, en 1959, le 10e panchen-lama s'était vu offrir la présidence du comité préparatoire pour l'établissement de la Région autonome du Tibet. En 1960, les Chinois lui donnèrent la vice-présidence du Congrès national du Peuple afin qu'il y soit le porte parole de leur politique au Tibet. À ce titre le 10e panchen-lama visita plusieurs régions chinoises, « partout il ne vit que misère et désolation ». En 1962, il rencontra des occidentaux à Lhassa[2] la capitale de l'actuelle Région autonome du Tibet. Il leur confia son désir d'« accomplir son devoir révolutionnaire envers le peuple » et de « vivre la vie d'un bon bouddhiste ». Le panchen-lama rejoignit Pékin sur l'ordre de Mao. Pendant ce voyage, des foules de Tibétains l'implorèrent de « mettre fin à leurs souffrances et aux privations endurées ». À Pékin il demanda directement au Grand Timonier de « faire cesser les exactions commises à l'encontre du peuple tibétain, à augmenter les rations alimentaires, à faire donner des soins aux personnes agées et aux infirmes et à respecter la liberté religieuse ». Mao l'écouta poliment mais aucune mesure ne fut prise [3].

Le panchen-lama n'avait que 24 ans quand il se permit de s'opposer au parti communiste chinois. Son entourage essaya de le convaincre de tempérer le ton de sa pétition, il refusa, indiquant qu'il parlait au nom du peuple tibétain et que les dirigeants chinois avaient droit à une critique rigoureuse [4].

Ainsi en 1962 le panchen-lama a adressé au premier ministre chinois Zhou Enlai, un document intitulé la pétition en 70 000 caractères où il dénonce la politique draconienne et les actions de la République populaire de Chine au Tibet. Il critique le grand bond en avant; une multitude d'« ordres ineptes » de la part des autorités du Parti communiste chinois a entraîné une pénurie alimentaire chronique.

Il termine son rapport en portant de terribles accusations concernant des avortements forcés à partir de 1955 dans le Kham et l'Amdo[5].

Le rapport du Panchen Rinpoche traite de la situation tibétaine en des termes clairs, s'en prenant au projet de Mao Zedong : « Bien que sur le papier et dans les discours, il y ait eu un grand bond en avant, il n'est pas certain qu'il se soit traduit dans la réalité. »

Selon Barry Sautman, professeur associé en sciences sociales à l'université de science et de technologie de Hong-Kong, le 10e panchen-lama est censé avoir visité trois régions du Tibet avant la rédaction de ce rapport : Ping'an, Hualong et Xunhua, et sa description d'une famine ne concerne que la région dont il est originaire, Xunhua. Ces trois régions se trouvent dans la préfecture de Haidong, une zone de la province du Qinghai dont la population est à 90% non tibétaine et ne relève pas du Tibet « culturel ». De plus, un ancien dirigeant de la région autonome du Tibet conteste le fait que le panchen-lama ait visité une quelconque zone tibétaine avant son rapport [6]. Le professeur Sautman ajoute que l'accusation selon laquelle le Tibet aurait été la région de Chine la plus touchée par la famine, repose non pas sur des statistiques recueillies dans les zones tibétaines mais sur des récits anonymes de réfugiés ne comportant pas de données numériques précises [7].

Soutien du dalaï-lama et emprisonnement

En 1964, il soutint ouvertement le 14e dalaï-lama et se prononça en faveur de l’indépendance du Tibet. Du 18 septembre au 4 novembre 1964, il fut violemment critiqué pour ses prises de position alors qu’il participait au 7e congrès de la « Commission préparatoire pour la création de la Région autonome du Tibet ». Il fut démis de ses fonctions de président par intérim de la Commission.

À la fin de l’année 1964, il quitta Lhassa pour Pékin. Sa situation s'est encore dégradée lors de la révolution culturelle. Il resta emprisonné plus de treize ans. Le célèbre dissident chinois Wei Jingsheng a écrit en mars 1979 un essai dénonçant les conditions inhumaines de la prison de Qincheng où avait été incarcéré le 10e Panchen-Lama et qui le conduisirent à une tentative de suicide [8]. Relâché en octobre 1977, il fut maintenu en résidence surveillée à Beijing jusqu'en 1982.

Il épousa en 1979 Li Jie, une Han qui était médecin dans l’Armée populaire de libération. En 1983, ils eurent une fille, nommée Yabshi Pan Rinzinwangmo [9],[10].

Sa réhabilitation

Le Panchen-Lama a été libéré après la purge de la « bande des quatre ». Cette libération semble s'inscrire dans une politique plus large. Il y aurait eu une libération de vingt-quatre prisonniers importants, impliqués dans la révolte de 1959. Le vice-président du Comité révolutionnaire, Dian Bao, aurait déclaré « bienvenus (...) à tous les patriotes qui auront acquis une «compréhension claire» de la situation interne en Chine et rejetteront toute tentative de «séparatisme» ». Après la révolution culturelle, le gouvernement chinois lui attribua de nouveau des titres officiels : il fut nommé député à l’Assemblée nationale populaire en 1978, puis vice-président de l’Assemblée nationale populaire en 1980. Le gouvernement chinois l’autorisa enfin à retourner au Tibet en 1982, puis en 1986. Ses deux voyages révélèrent à quel point il était vénéré par les Tibétains. L’influence du 10e Panchen-Lama étant toujours aussi grande, le gouvernement chinois décida de lui accorder un nouveau rôle après les premières émeutes nationalistes qui éclatèrent à Lhassa le 27 septembre et le 1er octobre 1987 : celui de stabilisateur et de modérateur. En dépit de cela, de nouvelles manifestations éclatèrent à Lhassa en mars 1988. Peu après, le 4 avril, Ngapo Ngawang Jigmé condamna violemment l’attitude des Tibétains tandis que le 10e Panchen-Lama évitait d’accuser le 14e dalaï-lama d’être à l’origine des troubles. Le 10e Panchen-Lama était devenu l’indispensable médiateur entre les Tibétains et le Parti Communiste Chinois. C'est à ce titre qu'en 1988 il fut officiellement réhabilité [11].

Cependant, à partir de 1988, le 10e Panchen-Lama se fit plus actif. Il chercha à rétablir l’usage de la langue tibétaine dans l’administration et il ouvrit des instituts bouddhiques. Surtout, il dénonça l’absurdité de certaines des politiques conduites au Tibet. En janvier 1989, il se rendit au monastère de Tashilungpo dans le but d’inaugurer un stupa rassemblant les dépouilles des précédents panchen-lamas qui avaient été profanées par les gardes rouges durant la révolution culturelle.[12].

Sa disparition

En 1989, à l'âge de 49 ans, le 10e Panchen-Lama décéda d'une crise cardiaque à Shigatse [13].

Le 27 janvier, il avait organisé un banquet dans sa résidence en l'honneur de cadres de la ville. Le banquet terminé, il alla se coucher vers minuit. A 4 h du matin, il fut réveillé par des douleurs à la poitrine ainsi que dans le dos et les bras. Après avoir subi un examen, il retourna se coucher. A 8h 25, il eut une attaque et perdit connaissance. Averti, le gouvernement central dépêcha immédiatement une équipe de spécialistes mais malgré les soins d'urgence, le malade devait décéder dans la soirée, à 20h 16 [14].

Les Exilés tibétains disent qu'il a été empoisonné quelques jours après son discours historique critiquant la politique chinoise et affirmant sa loyauté envers le Dalaï Lama [15]. Le Panchen-Lama avait notamment déclaré que le progrès apporté au Tibet par la Chine ne saurait compenser la somme de destructions et de souffrances infligées au peuple tibétain.[16].

Les Tibétains et les Chinois venaient de perdre l'un de leurs dénominateurs communs les plus importants.

Un symbole encore présent de l'aspiration des Tibétains en exil

Près de 20 ans après sa mort, alors que Pékin et les Tibétains en exil ne s'accordent pas sur son successeur, la ferveur publique qui lui fut témoignée à l'occasion du 70e anniversaire de sa naissance suggère qu'il reste un symbole puissant de l'aspiration des Tibétains [17].

Citation

« Sachez que je considère le Dalaï Lama comme mon refuge dans cette vie et dans la suivante », déclaration publique lors des fêtes de Monlam en 1964.

Bibliographie

  • Gilles Van Grasdorff: Panchen Lama, otage de Pékin, Ramsay, 1999, ISBN 2-84114-283-3
  • Patrick French, Tibet, Tibet, une histoire personnelle d'un pays perdu, traduit de l'anglais par William Oliver Desmond, Albin Michel, 2005

Notes et références

  1. Miscellaneous, Progress of Tibet, in The Hindu, October 28, 1954; citation : « The Dalai Lama admitted that relations between him and the Panchen Lama some time ago were "not very cooperative". But now "we are good friends and cooperate with each other like brothers." »
  2. Le panchen-lama y possédait une résidence où il se rendait souvent.
  3. Panchen Lama, Otage de Pékin de Gilles Van Grasdorff Ramsay, 1999 pages 235 et 236
  4. Source :Tibet, Tibet, une histoire personnelle d'un pays perdu, de Patrick French traduit de l'anglais par William Oliver Desmond, Albin Michel, 2005 Page 78.
  5. La nouvelle histoire du Tibet, de Gilles Van Grasdorff, édition Perrin, octobre 2006 Page 337
  6. (en) Barry Sautman, June Teufel Dreyer (eds), Contemporary Tibet: politics, development, and society in a disputed region, M. E. Sharpe, 2006, 360 p., ISBN 0-7656-1354-9 ISNB 9780765613547 , en particulier Barry Sautman, "Demographic Annihilation" and Tibet, pp. 230-257.
  7. (en) Barry Sautman, "Demographic Annihilation" and Tibet, op. cit. ; citation : « Others claim that Tibet was the region most hit by China's famine of 1959-1962 ("Secret Panchen Lama Report" 1996), based ont on statistics gathered in Tibetan areas, but on anonymous refugee reports lacking in numerical specificity ».
  8. (en) Excerpts from Qincheng: A Twentieth Century Bastille, in Exploration, mars 1979.
  9. (en) BUDDHA'S DAUGHTER: A YOUNG TIBETAN-CHINESE WOMAN
  10. La fille du Bouddha).
  11. (en) Secret Report by the Panchen Lama Criticises China (TIN).
  12. (en) Nicholas D. Kristof, The Panchen Lama Is Dead at 50; Key Figure in China's Tibet Policy, New York Times, 30 janvier 1989.
  13. (en) The Panchen Lama passes on.
  14. (en) Sitting-inthe-bed with the 11th Panchen Erdeni, IV - 10th Panchen died in Tashilumpo Monastery, www.chinaview.cn, 9 avril 2009.
  15. (en) Peking's poison fails to touch Tibetan hearts.
  16. (en) Tibet's Stolen Child, the 11th Panchen Lama.
  17. (en) Thousands in China pay tribute to late Tibetan lama.

Liens externes

(en)

Voir aussi


Précédé de :
Thubten Chökyi Nyima
10e Réincarnation du Panchen Lama :
Lobsang Trinley Lhündrub Chökyi Gyaltsen

Suivi de :
Gedhun Choekyi Nyima (D'après le gouvernement tibétain en exil)
Erdini Qoigyijabu (D'après le gouvernement de la république populaire de Chine)
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