Georges Boudarel

Georges Boudarel

Emile Raymond Georges Marius Boudarel (21 décembre 1926, Saint-Étienne26 décembre 2003 (à 77 ans), Les Lilas) est un universitaire et militant communiste français, responsable dans un camp de prisonniers, accusé d'avoir torturé des soldats français lors de la Guerre d'Indochine.

Sommaire

Biographie

Né à Saint-Étienne en 1926 d'un père comptable, il étudie dans un séminaire des Pères maristes. Chrétien progressiste et marxiste, militant du Parti communiste français. Après l'obtention de sa licence de philosophie, sursitaire, il rejoint l'Indochine en avril 1948 et il est nommé professeur de philosophie au lycée Yersin de Dalat. En 1949, il est nommé au Lycée Marie-Curie à Saigon. Il anime l'antenne indochinoise du PCF, le Groupe culturel marxiste, auquel Jean Chesneaux a appartenu.

Il abandonne son poste le 17 décembre 1950 pour rejoindre le Việt Minh. Il est affecté comme rédacteur créateur de l'émission en langue française de La voix de Saïgon-Cholon libre, station de radio clandestine du Việt Minh dissimulée dans une boucle de la rivière Song Bé. Il y restera 18 mois. En juin 1952, il est désigné pour rejoindre le Tonkin. Ce voyage à pied durera 6 mois[1]. Selon une autre source, il n'aurait été désigné qu'en décembre 1951, mis en route début 1952 pour n'arriver au Tonkin qu'en décembre 1952 après un voyage à pied de 9 mois[2]. Pendant ce temps, il est appelé sous les drapeaux en Indochine et, ne se présentant pas, sera considéré comme « insoumis par l'armée française puis déserteur et condamné à mort par contumace[2] ». Arrivé au Tonkin, il est nommé commissaire politique dans un camp de rééducation de prisonniers, le camp 113[3], et est appelé Dai Dong[4]. D'après de nombreux témoignages de rescapés du camp, il se serait rendu coupable de tortures contre des soldats de l'armée française. Durant l'année de son activité au camp 113, Boudarel reconnait lui même un taux de mortalité de 50%[5], les survivants eux assurent qu'il y eu 278 morts sur 320 prisonniers[6].

Georges Boudarel se marie à Hanoï en 1962 (il divorcera en 1974), puis quitte le pays en 1964[7] et se rend en URSS, puis travaille en Tchécoslovaquie pour la Fédération syndicale mondiale (FSM) sous domination de l'URSS.

Il rentre en France en 1966, profitant de la loi d'amnistie votée en juin 1966[8] : devenu l'assistant de Jean Chesneaux — professeur et fondateur, avec Emmanuel Le Roy Ladurie, de la section Histoire du Département de « Géographie – Histoire et Sciences de la Société » et membre du PCF —, il est ensuite promu maître de conférences à l'Université de Paris VII et chercheur au CNRS, se spécialisant dans l'histoire du Vietnam et acquérant dans ce domaine une renommée internationale[réf. nécessaire].

Affaire Boudarel I

Le 13 février 1991, lors d'un colloque organisé au Sénat par le Centre des hautes études sur l’Afrique et l’Asie modernes, il est reconnu par Jean-Jacques Beucler, secrétaire d'État aux Anciens combattants ayant lui-même participé à la guerre d'Indochine durant laquelle il avait été prisonnier pendant 4 ans dans le camp 113. D'autres témoignages sont déposés ensuite contre Georges Boudarel qui fait l'objet en 1991 d'une plainte pour crimes contre l'humanité déposée par d'anciens prisonniers français du camp 113. Cette plainte a donné lieu à un rejet de la Cour de cassation motivé par la loi d'amnistie de 1966[9].

Affaire Boudarel II

L'affaire Boudarel II commence en mai 1993[10]. Boudarel décide, malgré l'arrêt des poursuites contre lui à la suite de la décision de la cour de cassation, de maintenir la plainte en diffamation qu'il avait déposée en retour contre ses accusateurs.

Il précise son accusation dans les mois suivants en isolant cinq accusations dont il assure qu'elles sont sans fondements, et donc diffamatoires. Afin de trancher clairement la question de la vérité de ces accusations, le juge Jean-Pierre Getti décide alors de mener une instruction la plus exhaustive possible pour déterminer les éléments matériels qui accusent Boudarel, ainsi que leur contexte, et relance donc le débat que la décision de la cour de cassation semblait pourtant avoir fermé sur leur qualification de « crimes contre l'humanité ».

Il finit, après avoir mis en examen l'un des accusateurs en 1994[11] et recueilli 23 volumes de dépositions, par clôturer l'affaire sur une ordonnance de non-lieu en 1996[12].

Le feuilleton ne s'arrête pas là, puisque les accusateurs lancent à la suite de cette décision une nouvelle procédure contre Boudarel, cette fois pour dénonciation calomnieuse[12]. Celle-ci est rapidement rejetée en 1998, la cour considérant que l'amnistie éteint aussi la possibilité de cette action. Ils soumettent alors en 2000 leurs griefs à la CEDH qui met un terme définitif aux procédures en 2003, considérant que la décision remise en cause est en fait celle de la cour de cassation en 1993, et donc que la demande a été déposée hors délai.

Voir aussi

Ouvrages

  • Georges Boudarel, Giap, Éditions Atlas, 1977
  • Georges Boudarel, La Bureaucratie au Viêt Nam, L'Harmattan, 1983.
  • Georges Boudarel, Cent fleurs éclosent dans la nuit du Viêt Nam : communisme et dissidence, 1954-1956, Jacques Bertoin, 1991
  • Georges Boudarel, Autobiographie, Jacques Bertoin, 1991
  • Georges Boudarel et Nguyên Van Ky, Hanoi 1936-1996 : du drapeau rouge au billet vert, Autrement, 1997

Articles liés

Bibliographie

  • Marc Charuel, L'affaire Boudarel, Ed. du Rocher, 1991
  • Claude Baylé, Prisonnier au camp 113 : le camp de Boudarel, Perrin, 1991
  • Jean-Jacques Beucler, Mémoires, France-Empire, 1991
  • Thomas Capitaine, Deux ans de captivité dans les camps du Viet-Minh, Union nationale inter-universitaire, Paris, 1991.
  • Yves Daoudal, préface de Jean-Baptiste Biaggi, Le dossier Boudarel ou Le procès impossible du communisme, Editions Remi Perrin, 2002.
  • Claude Cohen, « La problématique du crime contre l'humanité », Gazette du Palais, 26 février 2002, n° 57, p.46
  • Gérard Gilles Epain, Indo-Chine : une histoire coloniale oubliée, L'Harmattan, 2008.

Liens externes

Jurisprudence

Notes

  1. Jacques Doyon, Les soldats blancs de Hô Chi Minh, Fayard, 1973.
  2. a et b Biographie de Georges Boudarel
  3. Situé à Lang-Kieu non loin de la frontière de Chine, au sud d’Ha-Giang, dans le bassin de la Rivière Claire (Song Lô), à une vingtaine de kilomètres de Vinh Thuy.
  4. « Paris Journal; Vietnam Echo Stuns France: Case of Treachery? », New York Times, 20 mars 1991.
  5. Biographie de Georges Boudarel
  6. L'affaire Boudarel
  7. Chronique nécrologique
  8. Loi 66-409 du 18 juin 1966 portant amnistie, article 30 : « Sont amnistiés de plein droit tous crimes ou délits commis en liaison avec les événements consécutifs à l'insurrection vietnamienne et antérieurement au 1er octobre 1957. » Cet article a été inséré dans ce texte prévu à l'origine pour amnistier les actes commis durant la Guerre d'Algérie à la demande de députés communistes.
  9. De même un recours du 25 février 2000 devant la Cour européenne des droits de l'homme à l'encontre de la France contestant l'arrêt de la Cour de cassation et invoquant une violation du droit à la liberté d'expression a été déclaré irrecevable en mars 2003 (Sobanski c. France, 20 mars 2003, n°56165/00).
  10. Éric Conan, « Boudarel, le retour », L'Express, 14 octobre 1993.
  11. ANAPI 1994 - 1997 Chronologie des événements et des procédures
  12. a et b CEDH DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ de la requête no 56165/00 Wladyslaw SOBANSKI contre la France

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