- Geometrie non euclidienne
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Géométrie non euclidienne
On nomme géométrie non euclidienne une théorie géométrique modifiant au moins un des axiomes postulés par Euclide dans les Éléments.
Les différentes géométries non euclidiennes sont issues de la volonté de démontrer le cinquième postulat (le postulat, après que les quatre autres eurent été déclarés des axiomes) qui semblait peu satisfaisant car trop complexe, et peut-être redondant. Ce à quoi Saccheri, procédant par l'absurde, avait échoué à la fin du XVIIe siècle.
Dans les Éléments d'Euclide, le postulat ressemble à la conclusion d'un théorème, mais qui ne comporterait pas de démonstration :
- Si une droite, tombant sur deux droites, fait les angles intérieurs du même côté plus petits que deux droits, ces droites, prolongées à l'infini, se rencontreront du côté où les angles sont plus petits que deux droits
et qu'on peut comprendre comme :
- Par un point extérieur à une droite, il passe toujours une parallèle à cette droite, et une seule.
Durant plusieurs siècles, la géométrie euclidienne a été utilisée sans que l'on mette en doute sa validité. Elle a même été longtemps considérée comme l'archétype du raisonnement logico-déductif. Elle présentait en effet l'avantage de définir les propriétés intuitives des objets géométriques dans une construction mathématique rigoureuse.
Sommaire
Le développement des géométries non euclidiennes
Les géométries à n dimensions et les géométries non euclidiennes sont deux branches séparées de la géométrie, qui peuvent être combinées, mais pas obligatoirement. Une confusion s'est établie dans la littérature populaire à propos de ces deux géométries. Parce que la géométrie euclidienne était à trois dimensions, on en concluait que les géométries non euclidiennes comportaient nécessairement des dimensions supérieures.
C'est Gauss qui, en 1824, avait formulé la possibilité qu'il existe des géométries alternatives à celles d'Euclide.
On distingue les géométries à courbure négative, comme celle de Lobatchevsky (1829) et Bolyai (1832) (somme des angles d'un triangle inférieure à 180°, nombre infini de parallèles possibles à une droite par un point), des géométries à courbure positive comme celle de Riemann (1867) (somme des angles d'un triangle supérieure à 180°, parallèles se rejoignant aux pôles). La géométrie communément appelée « géométrie de Riemann » est un espace sphérique à trois dimensions, espace fini et cependant sans bornes, à courbure régulière, alternative au postulat euclidien des parallèles. Riemann a conçu par ailleurs une théorie étendue des géométries non euclidiennes à n dimensions (conférence de 1854).
L'idée de « géométrie non euclidienne » sous-entend généralement l'idée d'un espace courbe, mais la géométrie d'un espace courbe n'est qu'une représentation de la géométrie non euclidienne, précise Sommerville dans Les éléments de la géométrie non euclidienne (Londres, 1914). Il existe des espaces non-euclidiens à trois dimensions.
Les différents types de géométrie non euclidienne
La géométrie hyperbolique
Article détaillé : Géométrie hyperbolique.Lobatchevsky, Klein et Poincaré ont créé des modèles de géométrie dans lesquelles on peut tracer une infinité de parallèles à une droite donnée et passant par un même point.
Il est remarquable que seul le cinquième postulat d'Euclide ait été levé ; les géométries non euclidiennes respectent par ailleurs toutes les autres définitions d'Euclide. En particulier, une droite est toujours définie comme la ligne de plus court chemin joignant deux points sur une surface. Il existe plusieurs modèles de géométrie hyperbolique à deux dimensions : le disque de Poincaré, le demi-plan de Poincaré, …
La géométrie elliptique
Riemann a introduit un autre modèle de géométrie non euclidienne, la géométrie elliptique. Dans ce cas, par un point extérieur à une droite on ne peut mener aucune parallèle. Le modèle est très simple :
- les points sont les paires de points antipodes d'une sphère ;
- les droites sont les grands cercles (c'est-à-dire dire les cercles ayant le même centre que la sphère).
Espace géométrique, espace représentatif chez Poincaré
« L'espace moteur aurait autant de dimensions que nous avons de muscles »[1] Cette affirmation de Poincaré dans La science et l'hypothèse est la marque de distinction la plus claire entre les deux sortes d'espaces qu'il envisage, l'espace géométrique et l'espace représentatif.
Espace géométrique
Pour Poincaré, l’espace géométrique possède les propriétés suivantes :
- il est continu ;
- il est infini ;
- il a trois dimensions ;
- il est homogène, c’est-à-dire que tous ses points sont identiques entre eux ;
- il est isotrope, c’est-à-dire que toutes les droites qui passent par un même point sont identiques entre elles.[2]
Espace représentatif
Chez Poincaré, l'espace représentatif se manifeste sous une triple forme : l'espace visuel pur, l'espace tactile, l'espace moteur.
Les caractéristiques de l'espace représentatif sont les suivantes :
Pour Poincaré, nos représentations ne sont que la reproduction de nos sensations (visuelles, tactiles, motrices). Nous ne nous représentons donc pas les corps extérieurs dans l'espace géométrique (continu, infini, homogène, isotrope, à trois dimensions), mais nous raisonnons sur ces corps, comme s'ils étaient situés dans l'espace géométrique.
- Il nous est aussi impossible de nous représenter les corps extérieurs dans l'espace géométrique qu'il est impossible à un peintre de peindre, sur un tableau plan, des objets avec leurs trois dimensions.
- Les axiomes géométriques ne sont (donc) ni des jugements synthétiques a priori, ni des faits expérimentaux. Ce sont des conventions, […] des définitions déguisées […]. Une géométrie ne peut pas être plus vraie qu'une autre, elle peut simplement être plus commode.
La quatrième dimension chez Poincaré
Pour Poincaré, l’accès à des objets à quatre dimensions ne saurait être que fortuit et notre base perceptive reste l’espace à 3 dimensions :
- Une expérience quelle qu'elle soit, comporte une interprétation dans l'hypothèse euclidienne.
Si Poincaré envisage un « solide invariable à quatre dimensions », la notion de temps comme quatrième dimension, qui existe déjà chez d'Alembert dans son Encyclopédie de 1754, sera surtout développée chez Einstein avec le continuum d'espace-temps pseudo-euclidien de Minkowski (espace quadridimensionnel rigide).
Un tel espace-temps peut contenir le devenir d'un être à trois dimensions dans la relativité restreinte, puis variété pseudo-riemannienne avec ses systèmes de coordonnées curvilignes d'espace et de temps en relativité générale[3]. Son intersection avec un espace tridimensionnel donne le « présent » d'un univers[4].
Notes
- ↑ Henri Poincaré, La science et l'hypothèse, chapitre IV, "L'espace et la géométrie", édition Champs-Flammarion, p.81
- ↑ Ibidem, p.78
- ↑ Pour faire un aparté littéraire, dans sa variante euclidienne, cette idée avait été ébauchée par les romans Voyage au pays de la quatrième dimension (Gaston de Pawlowski, de l'Institut), Flatland (Abbott) et La machine à explorer le temps de H. G. Wells.
- ↑ Néanmoins, lorsqu'on accepte la notion d'espace-temps global où temps et espace se transforment conjointement, la notion de présent n'est pas absolue mais dépend d'un choix de référentiel. C'est la subtilité de la notion de simultanéité en relativité.
Voir aussi
Articles connexes
- Courbure
- Géométrie dans l'espace
- Géométrie différentielle
- Géométrie euclidienne
- Relativité générale
- Géométrie hyperbolique
- Théorème de plongement de Nash
- 4ème dimension (art)
Bibliographie
- Jean-Pierre Bourguignon, Espaces courbes, dans Université de tous les savoirs - Vol. 4 : qu'est-ce que l'Univers ?, Odile Jacob (2001), ISBN 2-7381-0917-9
superbe introduction non technique au sujet ; l'auteur, actuellement directeur de l'IHES, a longtemps enseigné la géométrie différentielle à l'école polytechnique.
Aspects historiques
- Marvin J. Greenberg, Euclidean & Non-Euclidean geometries - Development & History, W.H. Freeman & Co., New-York (3e édition-1996)
un livre de mathématiques qui retrace l'histoire et le développement des géométries non Euclidiennes, essentiellement à deux dimensions (géométries de Gauss, Bolai et Lobachevsky) ; accessible à l' « honnête homme cultivé ».
- Luciano Boi, Le problème mathématique de l'espace - Une quête de l'intelligible, Springer-Verlag (1995)
une histoire philosophique du concept mathématique d'espace, de la géométrie euclidienne au développement des géométrie modernes non euclidiennes, dont la version riemannienne est indispensable pour la formulation de la relativité générale ; niveau premier cycle universitaire minimum.
- Max Jammer, Concepts of space - The history of theories of space in physics, Dover Publications, Inc. (3e édition-1993)
une histoire érudite du concept d'espace, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours ; niveau premier cycle universitaire.
Ouvrages de mathématiques
- John Stillwell, Geometry of Surfaces, Universitext, Springer-Verlag (1992), ISBN 0-387-97743-0.
- Birger Iversen, Hyperbolic Geometry, London Mathematical Society Student Texts 25, Cambridge University Press (1992), ISBN 0-521-43528-5.
- Boris Doubrovine, Sergueï Novikov & Anatoli Fomenko, Géométrie contemporaine - Méthodes & applications (Première partie : géométrie des surfaces, des groupes de transformations et des champs), Mir (1982)
une introduction très pédagogique à la géométrie, avec des applications à la physique, écrite par des spécialistes russes ; l'approche étant plutôt intuitive, cet ouvrage est accessible à partir du premier cycle universitaire pour un « bon » étudiant motivé.
- Marcel Berger, Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions]
- Michael Spivak, (A Comprehensive Introduction to) Differential Geometry, Publish or Perish, Inc. (2e édition - 1979), ISBN 0-914098-83-7<r /> traité de référence en cinq volumes.
- (en) Marcel Berger, A Panoramic View of Riemannian Geometry [détail des éditions]
comme l'indique son titre, le grand géomètre français nous convie ici à une longue (824 pages) promenade panoramique dans le monde de la géométrie riemannienne ; les divers résultats sont pour la plupart donnés sans démonstrations détaillées, mais avec les références idoines pour le lecteur qui souhaiterait mettre « les mains dans le cambouis » ; le dernier chapitre donne les bases techniques du domaine.
Ouvrages pour physiciens théoriciens
- Theodore Frenkel, The Geometry of Physics - An introduction, Cambridge University Press (1997), ISBN 0-521-38753-1.
- Mikio Nakahara, Geometry, Topology ans Physics, Institute of Physics Publishing (1990), ISBN 0-85274-095-6.
- Charles Nash & Siddharta Sen, Topology & Geometry for Physicists, Academic Press (1982), ISBN 0-12-514080-0.
- Yvonne Choquet-Bruhat & Cécile deWitt-Morette, Analysis, Manifolds & Physics - Part I: Basics, North-Holland/Elsevier (2e édition révisée - 1982), ISBN 0-444-86017-7.
Aspects ludiques
- Jean-Pierre Petit, Le géométricon, bande dessinée de la collection Les aventures d'Anselme Lanturlu, éd. Belin,
Liens externes
- Promenade non euclidienne, conférence donnée par Charles Boubel, ENS Lyon.
- Tractrices, pseudosphère
- http://www-cabri.imag.fr/abracadabri/GeoNonE/GeoNonE.htm
- http://xavier.hubaut.info/coursmath/var/planhyp.htm
- Le chemin le plus court sur différentes surfaces, dans différents milieux (travail étudiant)
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