Galemys

Galemys

Desman des Pyrénées

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Desman des Pyrénées
 Galemys pyrenaicus en la rivière de Balboa,Province de León, Espagne.
Galemys pyrenaicus en la rivière de Balboa,
Province de León, Espagne.
Classification classique
Règne Animalia
Embranchement Chordata
Sous-embr. Vertebrata
Classe Mammalia
Sous-classe Theria
Infra-classe Eutheria
Ordre Soricomorpha
Famille Talpidae
Sous-famille Talpinae selon ITIS
Desmaninae selon MSW
Tribu Desmanini selon ITIS
Genre
Galemys
Kaup, 1829
Nom binominal
Galemys pyrenaicus
É. Geoffroy Saint-Hilaire, 1811
Statut de conservation IUCN :

VU B1+2c : Vulnérable
Schéma montrant le risque d'extinction sur le classement de l'IUCN.

Répartition géographique
Aire de distribution des Galemys pyrenaicus
Aire de distribution des Galemys pyrenaicus

     /   Galemys pyrenaicus subsp. pyrenaicus
     /   Galemys pyrenaicus subsp. rufulus

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Le desman des Pyrénées (Galemys pyrenaicus) est un mammifère de la famille des talpidés qui ne vit que dans les Pyrénées et le nord de l'Espagne et du Portugal. C'est un insectivore semi-aquatique, vivant à proximité des torrents et de mœurs essentiellement nocturne. Il est surnommé rat à trompette à cause de la forme de son museau.

C'est une des 79 espèces animales répertoriées comme vulnérables en France par le World Conservation Monitoring Centre[1],[2].

Le desman des Pyrénées vit dans les torrents et lacs des Pyrénées franco-espagnoles et du nord de la péninsule ibérique[3]. C’est un animal discret, difficile à observer et qui craint peu l’homme. Il se nourrit exclusivement de larves aquatiques sensibles à la pollution : larves de plécoptères, de trichoptères et d'éphéméroptères[4]. Pour cette raison il est considéré comme un marqueur de son environnement.

Le desman ressemble anatomiquement à d'autres animaux tel le rat, la taupe ou la musaraigne :

  • Du rat (Rattus norvegicus), il possède tout l’arrière-train : des pattes robustes, des cuisses trapues, une longue queue lui servant à se déplacer aisément dans son milieu de prédilection, l’eau ;
  • De la taupe (Talpa europaea), il possède la partie avant du corps : des pattes griffues servant à creuser la terre pour aménager le terrier, centre d’éducation pour ses petits et abri indispensable contre ses différents prédateurs ;
  • De la musaraigne (Sorex araneus), il possède une trompe hyper-développée lui servant à repérer les larves dont il se nourrit. Cet organe très perfectionné lui est donc indispensable pour sa survie.

Sommaire

Répartition géographique

Pouvant vivre du niveau de la mer à 2 500 m d'altitude[5], le desman des Pyrénées se répartit dans les régions montagneuses de la chaîne des Pyrénées (du nord au sud et d'ouest en est), de la Cordillère cantabrique et du Système central. On le trouve principalement dans ces zones le long des cours d'eau suivants[2] :

Comme ces cours d'eaux se trouvent de part et d'autre de la ligne de partage des eaux ou ne sont tout simplement pas sur les mêmes bassins versant, la distribution géographique des desmans est par conséquent très segmentée, au point qu'on l'a classée en deux sous-espèces, voir plus, malgré le territoire restreint de la population globale.

Description externe

Détail de la trompe avec organes sensoriels tels que les vibrisses.

Le desman des Pyrénées (Galemys pyrenaicus) est un mammifère insectivore de la famille des talpidé et de la sous-famille des desmaninés. Il fut décrit pour la première fois en 1811 par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire à partir de spécimens que lui avait adressés M. Derouay. C’est en fait par hasard que cet animal fut découvert.

Deux sous-espèces du desman des Pyrénées ont été distinguées, bien que cette séparation ne soit pas claire :

  • Galemys pyrenaicus pyrenaicus
  • Galemys pyrenaicus rufulus

La première espèce vivrait exclusivement dans les Pyrénées, la seconde dans la péninsule ibérique. Le desman mesure environ 25 cm, dont plus de la moitié pour la queue, et pèse de 50 à 60 grammes (Geoffroy Saint-Hilaire, 1811).

À terre, son corps s’apparente à une petite boule de poils gris bruns, luisants, argentés en dessous, avec une teinte fauve dans la région pectorale, regroupés en petits paquets donnant l’illusion d’écailles. Ces poils garantissent une très grande étanchéité grâce à un toilettage quotidien avec une substance sécrétée par une glande abdominale. La fourrure du desman est parfaitement conçue pour les plongées sub-aquatiques. Elle est composée de deux couches de poils : une couche interne, un duvet bouffant et soyeux qui ne se mouille jamais, et une couche externe – la jarre – faite de longs poils d’inégales longueurs, aplatis comme des bandes. Sous l’eau, cette combinaison ne forme plus qu’une épaisseur bien lisse lui permettant d’économiser le maximum d’énergie calorifique grâce à un très grand dynamisme. De plus, elle emprisonne une couche d’air isolante qui le protège de l’eau et du froid. Mais cette membrane d’air le fait remonter à la surface comme un bouchon de liège. Le desman est donc obligé d’être continuellement en mouvement pour pouvoir chasser ses proies, ce qui entraîne une dépense calorifique supplémentaire.

Ses yeux minuscules sont cachés sous ses poils. Le desman des Pyrénées est quasiment aveugle, comme la plupart des membres de sa famille, les Talpidae. Il est à peine capable de distinguer les ombres de la lumière. Ses oreilles, dépourvues de pavillons, sont cachées sous sa fourrure. Cet organe auditif se présente sous la forme d’une simple perforation de 2 à 4 millimètres. De cette petite boule dépasse, à l’arrière, une queue robuste au départ qui s’affine et se termine par une petite touffe de poils blancs, et, à l’avant, une trompe poilue et mobile, décomposée en deux lobes.

Cette trompe est l’organe de perception le plus important pour le desman. C'est à l’aide de celle-ci qu’il repère ses proies sous l'eau et qu'il perçoit son environnement aérien et aquatique. En effet, elle est structurée de plusieurs dizaines de poils – ou organes d’Eimer – qui lui servent à percevoir son milieu.

À la manière de beaucoup d’espèces animales possédant une trompe, il serait possible que l’appendice nasal du desman lui serve à communiquer avec ses congénères, et notamment à intimider l’adversaire lors de la saison des amours. Elle est comme chez les éléphants le résultat de la coalescence des narines et de la lèvre supérieure, mais également un organe très développé qui vaut au desman la réputation de précurseur du radar et de la vision nocturne. Dans l’eau, son milieu privilégié, son corps devient fuselé, ses pattes avant repliées contre lui, ses pattes arrière robustes, palmées et écartées à 45 degrés, servant de pagaies, sont dotées de vingt griffes pointues comme des aiguilles et lui permettent de s’agripper aux rochers lisses malgré la force du courant. Durant ses plongées d’une vingtaine de secondes chacune, un clapet ferme ses narines, prouvant ainsi que l’évolution l'a équipé des systèmes les plus performants pour une vie aquatique. Le desman des Pyrénées se déplace rapidement dans l’eau, à la recherche de ses proies favorites.

L'organe de Jacobson, ou organe voméro-nasal, lui sert très vraisemblablement à « sentir » ses proies sous l’eau. Cet organe se trouve au niveau de l’entrée des fosses nasales, qui communiquent avec la bouche au niveau du palais du desman, et possède la forme d'un long poil. Son odorat, très développé, lui permet de repérer les larves à 5 cm sous l’eau. Cet organe très primitif est le seul odorat des poissons et des amphibiens, mais c’est également celui des embryons des mammifères, sans en exclure l’Homme. Les mammifères le perdent à la naissance car ils ont développé le sens avec l’utilisation des cornets du fond des fosses nasales.

Éthologie

Activité – Actes locomoteurs – Migration annuelle

L’activité du desman des Pyrénées est essentiellement nocturne. Cependant, il existe une période de forte activité diurne entre les mois de février et de mai, qui correspond à la saison de reproduction des individus.

Selon Stone (1987), la période diurne, située après 12 heures, se situe entre 10 et 30 % de la longueur du jour. La période d’activité nocturne, quant à elle, occupe entre 70 et 89 % de la durée de la nuit. L’analyse du graphique nycthéméral montre que l’activité du desman est à son maximum aux environs de 16 heures pour le jour et à son minimum entre 17 et 19 heures.

En revanche, l’activité diurne, qui est la plus intense, atteint son maximum entre 23 heures et 5 heures et son minimum à partir de 7 heures et ce jusqu’au commencement du second nycthémère.

Il semble évident que le desman privilégie l’activité nocturne, période à laquelle il risque le moins d’être perçu par ses principaux prédateurs (loutre Lutra lutra, buse Butéo butéo, cigogne blanche Ciconia ciconia, brochet Esox lucius, vison d’Amérique Mustela vison, hermine Mustela herminea, chouette hulotte Strix aluco et autre rapaces nocturnes).

Les principaux déplacements du desman s’effectuent dans le milieu aquatique au cours de la recherche de la nourriture. Sa nage est très rapide et le mouvement alterné de ses pattes postérieures lui donnerait une nage zigzagante, si sa queue, puissante, n’en corrigeait pas les écarts. Ses rares déplacements terrestres sur les berges ou sur un rocher au milieu de la rivière, ne sont que moments de repos consacrés à sa toilette (étanchéité du pelage, débarras des parasites…) ou au séchage de son épaisse fourrure. À terre, le desman se déplace en claudiquant du fait de l’importante taille de ses membres postérieurs.

Cependant certains individus erratiques vagabondent le long d’un cours d’eau. Ces spécimens effectuent donc de longs déplacements quotidiens et ont en conséquence un besoin énergétique beaucoup plus important que les individus possédant un territoire.

Il existe, chez ces mêmes individus erratiques, des migrations annuelles qui correspondent à la recherche de partenaires durant les saisons de reproduction.

La recherche de la nourriture

Coupe de la cavité nasale d’un embryon long de 28 mm. L’organe de Jacobson est identifié à droite.

Le desman des Pyrénées repère ses proies et les détecte à l’aide des sens tactiles et olfactifs.

Les sens de perception siègent principalement dans la trompe du desman. Celle-ci possède trois types d’organes : les vibrisses – lui permettant de sonder entre les graviers du fond des cours d’eau – qui contrairement aux apparences ne sont pas de simples poils (ce sont des organes très évolués sur le plan de la sensibilité), l’organe d’Eimer, des sortes de longs poils détectant les moindres vibrations, et l’organe de Jacobson qui lui permet de « sentir l’eau et d’y distinguer les odeurs de ses proies ». Ces organes jouent un rôle prépondérant dans la détection des objets que ce soit en milieu aquatique ou aérien. Une bonne précision de la localisation d’une proie dans l’eau ne semble être atteinte que pour une distance de 4 à 5 centimètres. Le contact avec le monde extérieur se trouve donc centralisé à l’extrémité de la trompe du desman.

Le desman des Pyrénées est cependant incapable de poursuivre une proie qui nage ou que le courant emporte. Il se nourrit donc de larves fixées à des rochers ou d’insectes s’approchant trop près de la surface de l’eau.

Le desman des Pyrénées émet de petites bulles de manière continue lors de ses déplacements aquatiques. Cette technique de localisation semble très proche de l’écholocalisation des proies, à la manière de beaucoup d’autres mammifères aquatiques, tels que les Delphinidés. Richard y fait d’ailleurs allusion dans sa thèse à paraître sur le desman des Pyrénées.

Le territoire et le mode de vie

Le domaine vital du desman, son territoire, semble varier en fonction du lieu (abondance de nourriture ou non, densité de population…) et en fonction du sexe de l’individu. Chaque spécimen connaît son territoire sur le bout de sa trompe. Il a gravé dans sa mémoire, le goût de son eau, l’odeur des berges, le circuit familier et immuable de son labyrinthe.

Les desmans vivent soit en couples, soit seuls, errant le long d’un cours d’eau. Le territoire occupe environ pour les femelles 250 mètres linéaires, 450 mètres pour les mâles et 800 mètres pour les couples vivant sur un même secteur (Stone, 1987), le long des ruisseaux oligotrophes à courant moyen à fort, aux eaux parfaitement neutres de toute pollution anthropique. Les membres des couples restent très éloignés l’un de l’autre. Selon Richard, la femelle occuperait le milieu du territoire et le mâle la périphérie. Les mâles et les femelles vivent donc dans tous les cas dans des terriers différents.

Le terrier est généralement une cavité déjà creusée sur la berge par d’autres espèces, ou des anfractuosités entre des racines, entre quelques pierres venant d’anciennes constructions telles que des moulins, des habitations… (Nous devons noter que nous sommes là en présence de la seule pollution tolérée par le desman, ces édifices étant en matériau naturel). De nombreuses expérience réalisées sur des desmans des Pyrénées ont révélé que le terrier était composé d’un long couloir d’une dizaine de centimètres à l’entrée, se terminant par une chambre tapissée de mousse, de branches et d’herbe qui sert de nid aux individus.

Les travaux fréquents concernant l’aménagement de berges en pierre participent à l’éradication progressive du desman qui désertera toute la zone où il ne pourra construire son terrier.

Espérance de vie

Les mâles et les femelles ont une espérance de vie équivalente à trois ou quatre ans. En effet, des animaux marqués lors de recherches ont été recapturés au maximum trois ans après leur capture initiale. De plus, l’étude de la denture de 87 animaux prouve que la longévité de l’animal dépasse les trois années (Richard, 1976).

Il n'y a jamais eu d'accouplement lorsque l’animal est en captivité. De plus, si l’aménagement de son enclos ne correspond pas à ses exigences, le desman se laissera dépérir, ce qui prouve qu'il faut respecter au mieux son biotope.

Reproduction et gestation – Comportement sexuel

La période de reproduction se situe entre les mois de février et mai (voire juin) en fonction de la température, du climat et de l’altitude mais il semblerait que les femelles desmans aient leurs chaleurs en permanence (Peyre, 1961). On en déduira donc qu’il n’existe pas à proprement parler de période de reproduction, mais un pic de reproduction situé dans l’intervalle de temps donné précédemment. Le desman attend les beaux jours pour garantir un taux de survie optimale à sa progéniture. Les scientifiques pensent que les femelles peuvent avoir trois portées par an.

Étant donné la durée de vie très courte des desmans, les individus vivant en couples sont fidèles durant toute leur vie. Les contacts entre partenaires n’ont lieu qu’au moment d’attirances réciproques du mâle et de la femelle (la femelle étant plus grosse que le mâle). En dehors de ces périodes, toute approche à moins de cinq centimètres de deux individus (zone de perception d’un desman) entraîne irrémédiablement des combats souvent très violents. Hormis donc ces combats relativement rares, les mâles ayant une partenaire ne participent pas à des actes agonistiques pour obtenir les faveurs d’une dulcinée. En revanche, les individus erratiques étant certainement polygames, ils pourraient se livrer à des scènes intimidatrices suivis d’une parade pour influencer la femelle dans son choix.

Pour la durée de gestation, les données sur ce point sont absentes. Cependant, le desman appartenant à la famille des taupes (Talpidae), on peut estimer cette durée à 30 jours.

La mise à bas a lieu dans les terriers décrits précédemment. Le nombre de petits par portée est au maximum de cinq. En effet, nous avons pu retrouver une femelle morte avec cinq embryons dans l’utérus, mais la majorité des 55 femelles avaient 3-4 embryons (Peyre, 1961). La femelle possède 8 mamelles : 2 pectorales, 2 abdominales et 4 inguinales. La maturité sexuelle est atteinte dès la saison de reproduction suivant la naissance.

Écologie

L’habitat

L’habitat caractéristique du desman est composé de cours d’eau, dit « oligotrophes » de basse, moyenne et haute altitude (cours d’eau déficients en sels minéraux essentiels à la croissance des plantes donc constitués de peu d’algues).

Les cours d’eau que côtoie le desman sont neutres de toute pollution anthropique. En effet, les larves dont il se nourrit sont sensibles aux moindres variations d’acidité, de température, d’oxygénation et d’opacité de l’eau. En conséquence, la présence du desman sur une rivière démontre la haute qualité des eaux qu’elle charrie.

Les populations de desmans vivant sur les rives des lacs d’Ayous dans le parc national des Pyrénées occidentales ont un mode de vie et d’habitat particulier. En effet, cet ensemble d’une dizaine de lacs est profondément gelé 6 mois dans l’année. Les populations se réfugieraient donc dans les rivières souterraines. Une partie des desmans serait donc troglodyte (Combes et Salvayre, 1964).

Le régime alimentaire

Larve de Plécoptère.
Larves de trichoptères.

Suite à plusieurs analyses de contenus stomacaux, d’observations réalisées en captivité et à des analyses de fèces, les scientifiques ont pu déterminer le régime alimentaire du desman[6],(Bertrand, 1987, 1988, 1992)[7].

Le desman des Pyrénées a besoin d’ingérer au quotidien plus du tiers de son poids en nourriture (20 grammes) pour être en pleine forme. L’analyse de près de 1500 fèces réalisée par différents scientifiques (Bertrand et Clergue, 1992), montre que son régime alimentaire se compose exclusivement de larves d’invertébrés benthiques, de trois ordres :

Pendant longtemps, on a cru que le desman des Pyrénées était très sensible à la pollution issue des activités anthropiques, mais en fait, ce sont les larves dont il se nourrit qui meurent à la moindre perturbation du courant, de l’acidité ou de l’oxygénation de l’eau. Il est donc important de déterminer les indices biotiques de l’environnement aquatique, notamment l' analyse de DBO5 (Demande Biotique en Oxygène), qui correspond au taux d’oxygène consommé par les bactéries pour décomposer la matière organique présente dans un échantillon d’eau en 5 jours, permettant ainsi de déterminer une pureté relative de l’eau.

Le desman des Pyrénées semble privilégier les larves de Trichoptères, à valeur énergétique élevée, qu’il chasse exclusivement en plongeant de 15 à 20 secondes dans l’eau. De plus, ces larves sont de taille plus importante, donc plus faciles à capturer et par conséquent d'un grand apport d’énergie pour un effort moindre.

Celles-ci seront consommées hors de l'eau, sur la berge, en position assise sur les pattes postérieures. Et c'est à l'aide de sa trompe, une fois encore, qu'il les poussera vers sa gueule.

La consommation de poissons n’a jamais été remarquée au cours des différents travaux d’analyse. Le desman des Pyrénées ne consomme donc, à de rares exceptions près, jamais de poissons. Cette information jouit d’une certaine importance quand on sait que l’une des causes d’extermination du desman est cette réputation établie par des magazines de pêche en particulier.

Les magazines « Univers du vivant » de septembre 1985 et « Pyrénées Magazine » de janvier 1989, épaulés par de nombreux reportages télévisés, ont publié des photographies de desmans ingérant du poisson. Ces photographies ont été réalisées avec des desmans vivant en captivité et prouvent ainsi l’absurdité d’un tel geste ; si on laisse un animal dans une cage avec comme seule nourriture du poisson, il en est de soi que cet animal dévorera le poisson plutôt que de mourir de faim. Mais cette alimentation imposée par l’homme n’est pas le reflet de la réalité constatée dans la nature.

Répartition géographique

Le desman des Pyrénées possède une capacité d’adaptation élevée à l’altitude : on peut le trouver à partir de 15 mètres au-dessus du niveau de la mer, au niveau de Saint-Pé-de-Bigorre dans le bassin de la Nivelle (Pyrénées Occidentales) et jusqu’à 2021 mètres au niveau des lacs d’Ayous situés dans la haute vallée d'Ossau (Pyrénées-Atlantiques).

Toutefois, malgré cette grande diversité d’adaptation sur le plan altitudinal, il existe d’autres facteurs prépondérants, notamment des causes climatiques.

Limite liée à la pluviométrie

L’aire de répartition du desman reçoit des taux de précipitations annuelles supérieures à 1000 millimètres. Des travaux effectués dans un laboratoire du CNRS à Moulis en Ariège (09) ont montré que le desman avait besoin de torrents assez profonds (qui amènent beaucoup d’eau) pour s’épanouir[8]. On a pu observé sur le bassin du Salat, en amont de Saint-Girons (Rivière Bouigane, Garbet), que le desman n’était présent que sur les affluents de la rive gauche qui parcourent des secteurs dont la pluviométrie dépasse les 1500 millimètres annuels, alors qu’il est totalement absent des affluents de la rive droite qui traversent des zones où les précipitations annuelles ne dépassent pas les 900 millimètres par an.

Limite liée à la nature géologique du terrain

L’analyse de la nature du sous-sol à partir de cartes géologiques franco-ibérique nous révèle qu’une très grande majorité du territoire du desman se limite uniquement à un sous-sol composé de roches métamorphiques ou ignées (granite, syénite, basalte, marbre, ardoise, gneiss, schistes...). En fonction de la nature géologique des espaces traversés, les cours d’eau brassent, en quantité plus ou moins grande, des alluvions qui favorisent la croissance des algues micro- et macroscopiques. Le desman ne vivant, en partie à cause des larves dont il se nourrit et qui sont très sensibles aux perturbation environnementales (notamment à la luminosité), que dans des cous d’eau dits « oligotrophes », c’est-à-dire néant de toute phytobiologie, survivra plus difficilement dans des milieux où la quantité de sédiments est importance (rapport indirect).

Évaluation du nombre d’individus

Selon les données géographiques les plus récentes, datant de 1993, le desman serait présent sur 236 zones des Pyrénées françaises (1 zone = environ 71,5 kilomètres carrés, soit sur une carte géographique un rectangle de 0,1 x 0,1 grade de côté) ; ce qui représente une zone d’habitat française de 1 687 400 hectares. Ce chiffre ne montre pas la réalité. En effet, le desman ne vit que sur les cours d’eau de ces zones, ce qui réduit sensiblement son espace de vie.

Selon les données de densités communiquées par le parc national des Pyrénées (Maison du parc national des Pyrénées à Gabas, magazine « Empreinte », n° 6) le nombre d’individus au kilomètre carré serait de l’ordre d’un seul individu dans une zone établie .

En considérant ces données identiques pour toutes les Pyrénées, la population de desmans s’élèverait à moins de 17 000 individus sur la zone française.

Certaines personnes pourront estimer que cette population est suffisante pour garantir un taux de naissance au-delà du seuil de régénérescence de l’espèce, et donc augmenter le nombre de spécimens, mais le taux de mortalité augmentant, le nombre d’individus se stabilise. Il ne faudrait pas que cette tendance très « aléatoire » ne s’inverse en défaveur du desman des Pyrénées. Or, la pollution anthropique atteignant de plus en plus souvent le dernier sanctuaire de notre petit protégé, l’homme doit agir pour le sauver.

Avenir et protection de l'espèce

En 1811, Étienne Geoffroy Saint-Hilaire écrivait à propos de sa découverte que cet étrange animal ne se trouvait jamais au-dessus de 1000 mètres d’altitude. Aujourd’hui, on aperçoit des desmans à plus de 2000 mètres d’altitude au niveau des lacs d'Ayous. Cette évolution alarmante nous montre que le desman se réfugie de plus en plus haut pour se préserver des différentes pollutions ; il est donc essentiel de protéger très activement ce petit animal.

L’avenir du desman, espèce emblématique des Pyrénées, tant en France que dans la péninsule ibérique, repose à l’évidence essentiellement sur la conservation et/ou la restauration de son habitat.

Les populations de desmans semblent s’être stabilisées depuis plusieurs années ; l’espèce semble en danger latent (livre rouge des espèces menacées, Beaufort, 1983).

Une campagne d’information semble s’imposer notamment auprès des pisciculteurs. Des brochures sur le desman pourront être données à chaque exploitation aquacole, de façon à ce que les professionnels de l’élevage aquatique innocentent d’eux-mêmes l’animal. Ces brochures pourront, dans certaines zones où la cohabitation homme/desman semble très tendue, inciter les pisciculteurs à protéger leur bassin avec une clôture en rondin de bois de vingt centimètres de hauteur. Cette clôture empêchera tout desman de s’approcher trop prés du bassin, l’élevage sera donc entièrement protégé. L’homme est le pire prédateur du desman. Les pisciculteurs tuent, du fait des croyances populaires, des centaines de desmans chaque année. Il doit donc s’investir dans la sauvegarde d’un animal inoffensif ;

Un autre danger, issu également de l’explosion technologique de ces dernières décennies, menace le desman : ce sont les retenues d’eau. Ces retenues, en effet, font varier le débit du cours d’eau, ce qui entraîne une modification du niveau, donc par conséquent, une modification brutale de la température. Les pollutions, par des décharges sauvages, influencent également l’écosystème aquatique.

Les variations du courant, de la profondeur, de l’acidité et de la teneur en oxygène tuent irrémédiablement les larves de trichoptères et d’éphéméroptères, qui constituent principalement l’alimentation du desman. Ce dernier est donc condamné à périr de faim.

Les retenues d’eau

La loi du 29 juin 1984 impose le maintien d’un débit minimum au niveau des retenues d’eau. Mais ce débit minimum est-il suffisant? Les scientifiques portugais, espagnols et français ne sont actuellement pas en mesure de pouvoir répondre à cette question.

Cependant, pour vérifier si les barrages et autres installations sur cours d’eau provoquent un danger réel pour le desman des Pyrénées, des analyses biotiques de l’eau ont été effectuées en amont et en aval du barrage de Bious-Artigues dans les Pyrénées occidentales, ainsi qu’en amont et en aval de la papeterie de Saint-Girons en Ariège, source très polluante du Salat.

Après l’analyse au microscope optique, on observe qu’il y a autant de microparticules essentielles à l’alimentation des trichoptères et autres larves appartenant au régime alimentaire du desman en amont qu’en aval du barrage. L’analyse de la DBO5 ne révèle aucun changement entre amont et aval du barrage. Les retenues d’eau ne présentent donc pas de danger pour l’alimentation du desman. En revanche, l'aménagement de sites industriels puisant l’eau d’une rivière, telles que des papeteries, provoque un réel bouleversement dans l’écosystème aquatique, au point même que le traitement effectué des eaux usées ne suffise plus à rétablir l’équilibre originel favorable au desman. Ces installations industrielles doivent remettre en cause l’utilisation qu’elles font de l’eau sous peine de réduire inexorablement l’aire de répartition du desman.

De plus, les changements brutaux (courant, température, acidité, teneur en oxygène) qu’exécutent les retenues peuvent lui être fatal. Une montée des eaux inonde son terrier et le noie, et une baisse flagrante l’éloigne de sa source d’alimentation : le lac. L’aménagement d’un lac artificiel diminue souvent fortement les possibilités de refuge au niveau des berges. Par exemple, en février 2001, La société de gestion du barrage avait vidé une très grande partie de la réserve d’eau du lac de Bious-Artigues, le remplaçant temporairement par un ruisseau. Or le desman des Pyrénées est présent sur les rives de ce lac (relevé de féces, nombreux témoignages...), cette perturbation majeure de son environnement a pu tuer plusieurs individus.

Il ne faut en rien perturber l'écosystème qu'intègre le desman. Cet écosystème se compose d'éléments dits « producteurs » (phytoplancton...), de « consommateurs primaires » (larves, zooplancton), de « consommateurs secondaires » (desman, loutre) et de décomposeurs. On comprend donc qu’une seule perturbation à n’importe quel endroit de ce cycle écologique menace l'espèce. La protection d’un animal tel que le desman doit commencer par un respect de son biotope.

Pour de nombreux sites, l’économie industrielle (notamment hydroélectrique) prime sur la protection de l’environnement et des espèces animales endémiques. Pourtant, quelques mesures simples pourraient protéger le desman et ainsi générer une harmonie entre industries et nature. Ainsi, plutôt que de vidanger les barrages en une seule fois, il serait plus utile de libérer, quand le besoin s’impose, de petites quantités d’eau (par exemple un dixième du contenu du lac), ce qui laisserait au desman, ainsi qu’au larves aquatiques, une période d’adaptation suffisante pour survivre.

L’enrochement des berges

Une étude publiée en 1998 dans la revue du Parc National des Pyrénées[9] montre l’évolution des populations de desmans avant et après l’enrochement des berges du gave d'Aspe dans la vallée d'Ossau. La modification des berges de ce cours d’eau avec en l’occurrence la pratique de l’enrochement a réduit les possibilités de zones de refuges pour l’espèce. Ainsi, sur 25 endroits où les berges ont été modifiées et où historiquement le desman était présent, seuls 6 sont encore occupés en 1998.

Le desman des Pyrénées utilise pour son terrier des cavités formées par des murs effondrés, les racines d’un arbre, etc. Mais l’enrochement des berges effectué de façon artificielle réduit considérablement les possibilités de refuge. Actuellement, cette pratique d’embellissement des rivages s'avère s'imposer dans les communes pyrénéennes et étant donné l’impossibilité de stopper ces actes nuisibles au desman, il est alors proposé la répartition, sur les cours d’eau à faible accès des berges, de terriers artificiels en bois, de trente centimètres de long et d’une vingtaine de centimètres de largeur, tapissés à l’intérieur de mousse naturelle et d’une litière de feuilles mortes, le tout fait pour un respect total de l’environnement (emploi d’aucun produit industriel polluant, d’aucune peinture...). Cet abri résistant est placé dans des lieux faciles d’accès, très proche de l’eau. Il a été conçu à partir d’études de véritables terriers de desman. En effet, si l’on sait que le desman utilise des cavités déjà formées pour construire son nid, il effectue tout de même un grand nombre de modifications, telles que la diminution du diamètre de l’entrée avec des branchages, l’aménagement d’une chambre avec des feuilles mortes…

Assurer la protection du desman dans les Pyrénées et dans la péninsule ibérique permet d’assurer la conservation de l’espèce, dont la précarité a été reconnue par les scientifiques[1],[2]. Les réflexions menées par des équipes espagnoles, portugaises et françaises durant ces dernières années abondent dans ce sens.

N’oublions pas que chaque jour, son dernier habitat mondial se réduit. Nous devons nous-mêmes agir en individu responsable pour assurer sa protection car il ne nous a pas révélé tous ses secrets.

Il semble donc qu’un agrandissement du Parc National des Pyrénées, tant du côté espagnol que français soit nécessaire pour cela, et la réglementation protégeant les animaux en voie de disparition doit être plus stricte. La création d’une « zone sanctuaire », ultime refuge où aucun être humain ne pourra pénétrer a été proposée.

Protéger son environnement naturel, c’est assurer sa sauvegarde. Mais le desman est aussi le témoin d’une nature saine et non polluée nécessaire à l’homme et à la survie de notre planète. Il nous incite à réfléchir sur une gestion globale des eaux pyrénéennes, européennes, mondiales.

Notes et références

  1. a  et b Base de donnée sur le Desman sur http://www.unep-wcmc.org United Nations Environment Programme (UNEP) - World Conservation Monitoring Centre (WCMC). Consulté le 5 octobre 2009(en)
  2. a , b  et c Référence IUCN : espèce Galemys pyrenaicus (É. Geoffroy, 1811) (en)
  3. Voir carte dans l'infobox ou La carte de l'IUCN.
  4. Fiche descriptive sur le Desman sur http://inpn.mnhn.fr/isb/index.jsp Inventaire national du patrimoine naturel français., p. 31. Consulté le 5 octobre 2009
  5. Palomo and Gisbert, 2002
  6. J. Santamarina et J. Guittian, « Quelque données sur le régime alimentaire du desman (Galemys pyrenaicus) dans le nord-ouest de l'Espagne », dans http://cat.inist.fr Fonds documentaires de l'INIST/CNRS, vol. 52, no 3, 1988, p. 301-307 (ISSN 0025-1461) [texte intégral (page consultée le 5 octobre 2009)] 
  7. A. Bertrand et M. Clergue, Écologie comparée des populations de Desman des Pyrénées (Galemys pyrenaicus), du Cincle plongeur (Cinclus cinclus) et de l’Euprocte des Pyrénées (Euproctus asper). : I. Stratégies alimentaires du Desman et du Cincle., Étude interdisciplinaire du fonctionnement des écosystèmes pyrénéens. Exemple du bassin d’Olhadoko, Larrau, Pyrénées-Atlantiques. Rapport SRETIE., 1992, 87 p. 
  8. A. Bertrand, Le Desman des Pyrénées : statut, écologie et conservation, Rapport inédit, Ministère de l’Environnement, Direction de la Protection de la Nature, 1992, 94 p. 
  9. Revue Empreintes, journal du Parc National des Pyrénées, n° 6, 1998.

Annexes

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Liens externes

Bibliographie


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