Fort d'Eben-Emael

Fort d'Eben-Emael

Fort d'Ében-Émael

50° 47′ 49″ N 5° 40′ 47″ E / 50.796991, 5.679621

La situation du fort, à proximité de la frontière entre la Belgique et les Pays-Bas.

Le fort belge d’Eben-Emael a été construit entre 1932 et 1935 en tant que pièce maîtresse du Nord de la ceinture fortifiée de Liège.

Le fort se trouve à environ 10 kilomètres au sud de la ville néerlandaise de Maastricht, sur la Montagne Saint-Pierre, séparant les vallées de la Meuse et du Geer, ainsi qu'à environ 10 kilomètres au nord de la ville belge wallonne de Visé. Ces deux communes ont d'ailleurs donné leur nom au système de casemates du fort ("Maastricht 1 et 2" et "Visé 1 et 2"), en fonction de l'orientation géographique de ces structures vers ces villes.

Le fort surplombe de 65 mètres le Canal Albert qui relie Liège au port d'Anvers et qui coupe la Montagne Saint-Pierre par la Tranchée de Caster. Une coupole s’ouvrait d’ailleurs directement sur la tranchée, pour contrôler le passage sur le canal.

Le dispositif de défense ressemble, à bien des égards, à celui des ouvrages construits en France pour la ligne Maginot, bien qu'il comporte quelques particularités. Le plan du fort est un pentagone irrégulier d’une surface de 0,75 km², dont la forme est inspirée des constructions françaises similaires des XVIe et XVIIe siècles. Les dessus du fort (les superstructures), à eux seuls, avaient une superficie d'environ 0,45 km². Cela suffisait à faire d'Eben-Emael, à l’époque, le plus grand fort jamais construit.

Sommaire

Structure du fort

Armement principal du fort

  • La tourelle pivotante d'une masse totale de 450 tonnes était armée de deux canons de calibre 120 mm.
  • Les deux tourelles Nord et Sud, à éclipse, pouvaient être abaissées lorsqu'elles étaient inutilisées. Ces deux tourelles étaient pivotantes et armées, chacune, de deux canons de 75 mm.
  • Deux casemates situées vers le nord (nommées Maastricht 1 et 2) et deux casemates orientées vers le sud (nommées Visé 1 et 2) étaient toutes armées de trois canons de 75 mm.
  • Trois tourelles factices en tôle de la taille d'une tourelle de 120 devaient faire paraître le fort plus grand qu'il n'était.

Armement secondaire du fort

La coupole 120, à gauche derrière les casemates Visé 1
La tranchée de Caster dans la montagne Saint-Pierre, par laquelle passe le canal Albert. Le fort d'Eben-Emael est construit dans la colline dans la partie sud (à gauche de la photographie)
Entrée principale du Fort
Effets d'une charge creuse
Le bunker sur la tranchée de Caster
  • Bloc I comme entrée principale
  • Bloc II
  • Bloc IV
  • Bloc V
  • Bloc VI
  • Canal Nord
  • Canal Sud
  • Abri de mitrailleuses mi-Nord
  • Abri de mitrailleuses mi-Sud
  • Bloc 01, à l’extérieur du fort

Le dernier bloc était relié au fort par un souterrain. Ces différents blocs étaient dévolus à l’observation et équipés de phares ainsi que de canons 60 mm. Des postes d’observation mieux équipés furent installés dans trois de ces blocs.

Défense passive

Le fort était barré à l’est par la tranchée de Caster. De plus, la Montagne Saint-Pierre présente elle-même quelques escarpements infranchissables. De très nombreux dispositifs, notamment des fossés, avaient été aménagés pour parer des attaques de blindés. Le réseau souterrain s’étend sur plus de trois kilomètres et sur une hauteur de 40 mètres. L'aération du fort était équipée de filtres spéciaux, les enseignements des batailles de la Première Guerre mondiale en matière de gaz de combat étant présents à l'esprit des concepteurs du fort.

Faiblesses

La principale faiblesse du fort, qui lui sera fatale, c'est son toit. Cette vaste étendue plane, qui accueille aujourd’hui une forêt et un champ de blé, n’est, en effet, pas défendue : nulle mine, nul obstacle antiaérien. La raison de cette non-préparation montre bien que la Belgique n'était pas prête à la guerre : ce vaste espace servait de terrain de football aux soldats du fort (les soldats avaient même lancés une pétition pour empêcher que le toit soit miné)[1].

A noter également que les canons ont une portée de 11 et 17.5 km. L'armée belge n'en a pas installé de plus puissants car la neutralité de la Belgique imposait que le territoire allemand ne soit pas à portée de canons.

La stratégie d’utilisation du Fort d’Eben-Emael

Conçu dès le XIXe siècle le fort devait completer le cercle défensif des 12 forts construits entre 1870 et 1890 afin de défendre de la Belgique d'une invasion française ou allemande.

A la fin des années 1880, le général Brialmont, concepteurs de ces fortifications, réclame la construction d’un ultime fort entre la ville de Visé, au nord-est de Liège, et Maastricht afin de bloquer un envahisseur venu de l’est ou remontant la Meuse, en attendant l’arrivée de renforts. En effet, cette trouée du Limbourg, permet de pénétrer jusqu’au centre de la Belgique sans difficulté. Le général ne fut pas entendu et il lâcha, en 1887, un prémonitoire : « vous pleurerez des larmes de sang pour n’avoir pas construit ce fort ». De fait, en 1914, c’est par là, en application du plan von Schlieffen modifié par von Moltke (plan dit de la « porte à tambour ») que l'Armée du Kaiser pénétra en Belgique et franchit la Meuse. C’est pour réparer cette erreur que la construction du fort d’Eben-Emael est entreprise en 1932 pour être achevée en 1935.

En plus de se prémunir contre une attaque venant de l'est, il assurait également le contrôle des ponts sur le canal Albert et des trois routes arrivant du sud de Maastricht vers la Belgique (vallée du Geer, Meuse rive gauche, Meuse rive droite). Six cents hommes défendaient le fort.

Eben-Emael, ce fort en forme de diamant, était l’espoir de la Belgique pour défendre l'est du pays d’une invasion. Il a aussi servi de protection au sud, ce qui a été appelé l’Ecart d'Etau.

La chute du fort

Le plan allemand mis en œuvre contre le Fort d’Eben-Emael pendant la Seconde Guerre mondiale

Les Allemands, préparant la guerre, avaient réussi à obtenir beaucoup d'informations sur le fort. Leurs espions leur avaient clairement montré qu'ils ne pourraient pas attaquer Eben-Emael par des moyens conventionnels. Le fort était réputé imprenable. Par ailleurs, la défense aérienne n'était nulle part aussi présente qu'autour du fort.

C'est sur cette série de constatations que se construisit le plan d'attaque allemand. Il fallut tout d'abord mettre au point une arme nouvelle pour détruire les tourelles : les charges creuses, dont la plus lourde pesait 50 kg. Ces charges creuses devaient être posées et amorcées directement sur les tourelles par les assaillants eux-mêmes. Le dard (jet de métal fondu) perforait le blindage à la vitesse de 10 km/s et détruisait tout ce qui se trouvait derrière.

Mais comme les charges creuses étaient extrêmement sensibles, leur transport en parachute n'était pas envisageable. Les stratèges allemands conçurent donc des planeurs, comme par exemple le DFS 230, remorqués à haute altitude au-dessus du territoire allemand par des avions comme le bombardier Junkers Ju 87, le chasseur Messerschmitt Me 110 ou bien le transporteur Junkers Ju 52/3m. Ils étaient ensuite lâchés et n'avaient plus qu'à parcourir les 30 km qui séparaient la frontière allemande du fort d'Eben-Emael. Là, ils passèrent complètement inaperçus et 85 parachutistes, menés par le Lieutenant Witzig, atterrirent en une spirale abrupte aux petites heures du 10 mai 1940 sur les dessus du fort.

Une nouvelle phase de la Seconde Guerre mondiale avait commencé : les opérations d'espionnage et une planification méticuleuse, combinées à la malchance et au manque de préparation du côté belge ont contribué au succès de l'exécution du premier plan secret de Hitler.

Au même moment débutaient les offensives allemandes contre les Pays-Bas, la France et le Luxembourg.

Les combats du Fort d'Eben-Emael

Sur les dessus du fort, les positions de combat furent prises en très peu de temps. Les attaquants allemands essayèrent plus tard de se frayer un chemin vers l'intérieur du fort. Les parachutistes furent les premiers à y parvenir.

Le lendemain, le régiment d’infanterie allemand arrivait en renfort. Après 36 heures de combat, le fort dut abandonner toute résistance. Le 11 mai à 13 h 30, la forteresse capitulait.

Dans cette bataille, 24 soldats belges et six Fallschirmjäger allemands perdirent la vie. Les 1 200 survivants belges furent faits prisonniers.

C'est de la même façon que furent ensuite attaqués les ponts de Kanne, Vroenhoven et Veldwezelt. L'armée belge venait de recevoir un terrible coup au moral, mais cette attaque de diversion (qui attira les armées françaises vers les Pays-Bas), ne l'empêcha pas de résister durement dans la suite de la campagne.

Les soldats belges sont cependant parvenus à détruire un des ponts sur le canal Albert, l’empêchant ainsi d’être utilisé par les Allemands. Ultérieurement, les Britanniques utilisèrent des planeurs pour capturer le Pont Pégase dans le premier assaut du Jour J.

Conséquences dans le déroulement de la guerre

Suite à la chute du fort, les Allemands ont pu passer par les ponts du canal Albert et déborder par le nord la place fortifiée liégeoise bien que l'essentiel de la défaite des Alliés s'est joué dans les Ardennes.

D’un point de vue psychologique, la chute rapide du Fort d’Eben-Emael a été fatale pour les Alliés, car ils n’ont rien su des méthodes d’attaque, ainsi que pour l'armée belge en particulier, persuadés que la Wehrmacht ne pouvait être arrêtée. Durant tout le déroulement de la guerre, cette méthode fut reprise sans que les soldats ne puissent rien y faire.

En ce qui concerne la politique extérieure, Adolf Hitler a essayé d’entraîner le dictateur espagnol Franco en lui proposant l’aide des soldats victorieux d’Eben-Emael pour attaquer la forteresse anglaise de Gibraltar, ce que le dictateur ibérique déclina.

Le Fort d’Eben-Emael aujourd’hui

Depuis quelques années, le fort d’Eben-Emael est devenu un musée qui peut être visité un week-end par mois. Les installations extérieures sont librement accessibles. Diverses traces de la bataille sont toujours visibles, ainsi que les blindages et certains armements.

Début 2009, il bénéficie d'un regain d'intérêt du public, suite à la diffusion de la série télévisée L'Empereur du goût, dont certaines scènes ont été tournées dans le fort, évoquant dans le cadre de cette fiction des événements survenus en mai 1940.

Autres lectures

  • Jean Mabire, Les paras du matin rouge, Presses de la Cité, 1987, (ISBN 2-258-008255).
  • Bartz, Karl, Quand le ciel était en feu (Als der himmel brannte), Corrêa, 1955.

Notes et références

  1. LIBERATION, 13 août 2009, Eben-Emael: le point faible du fort

Voir aussi

Liens externes

  • Province de Liège Province de Liège
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