- Fonction multiforme
-
Fonction multivaluée
En mathématiques, une fonction multivaluée (aussi appelée multiforme) est une fonction qui associe à une variable plusieurs valeurs. À proprement parler, ce n'est donc pas une fonction puisque par définition une fonction associe une unique valeur à un point de son domaine.
Elles proviennent souvent des fonctions qui ne sont pas injectives. Elles ne possèdent pas à proprement parler de fonctions réciproques mais on peut les considérer dans le cadre des fonctions multivaluées.
Ces relations sont particulièrement intéressantes en analyse complexe où l'on peut considérer des déterminations, c'est-à-dire des restrictions sur ces relations qui en font des fonctions et qui permettent de calculer certaines intégrales réelles par le biais du théorème des résidus comme ce sera illustré plus bas.
Sommaire
Exemples
La racine carrée
Article détaillé : racine carrée.Article détaillé : racine d'un nombre complexe.- Dans les réels, à chaque élément positif x, la relation "racine carrée" fait correspondre deux éléments | y | et − | y | avec | y | 2 = x. On se restreint de manière habituelle à la valeur positive | y | pour avoir alors la fonction racine carrée.
- Dans les complexes, en définissant un élément z du plan complexe par z = | z | eiθ avec θ l'argument de z, les racines carrées de z sont les nombres wk () donnés par :
- on vérifie en effet que puisque e2iπk vaut l'unité pour tout entier k.
Le logarithme complexe
Article détaillé : logarithme complexe.En définissant un élément z du plan complexe comme précédemment, le logarithme complexe de z sont les nombres wk () donnés par :
- wk = ln | z | + iθ + 2iπk
on vérifie en effet que exp(wk) = | z | eiθe2iπk = z puisque, comme précédemment, e2iπk vaut l'unité pour tout entier k.
Déterminations
Pour la racine carrée complexe et le logarithme complexe, on appelle détermination une restriction sur l'argument θ de la valeur correspondante. Plus explicitement, une détermination pour la racine carrée est donnée par :
avec θ0 un angle quelconque caractérisant la détermination.
De même, une détermination pour le logarithme complexe est donnée par :
On appelle détermination principale du logarithme la restriction de l'argument à l'intervalle semi-ouvert [ − π,π[.
Remarquons que, à une détermination près, la fonction racine carrée complexe et le logarithme complexe sont des fonctions holomorphes sur tout le plan complexe excepté la demi-droite partant de l'origine et d'angle θ0 par rapport à l'axe des abscisses. Dans le cas de la détermination principale, les deux fonctions sont holomorphes sur . La discontinuité sur l'axe réel négatif est illustrée sur les deux figures ci-dessous.
Détermination principale Application au calcul d'intégrales réelles
Considérer une détermination particulière permet, en s'aidant du théorème des résidus, de calculer certaines intégrales réelles qu'il serait autrement ardu de calculer.
Remarque : la relation suivante est souvent utilisée comme ce sera illustré dans l'exemple ci-dessous : zα = eαlog(z).
Exemple avec le logarithme complexe
Problème : calculer l'intégrale suivante :
pour | a | < 1.
Solution : En considérant le contour γ illustré à la figure 3 ainsi que la détermination suivante du logarithme :
(le contour "entoure" donc la discontinuité de la détermination que nous avons choisie), on obtient : pour 0 < | a | < 1 : et pour a = 0, l'intégrale vaut π.
DéveloppementLa fonction f définie par a deux pôles simples () tous deux d'indice +1 par rapport à γ (pour ε < 1 et R > 1). A la limite et , le théorème des résidus nous donne donc :
En décomposant l'intégrale curviligne en ses quatre parties principales et en appliquant le lemme d'estimation pour montrer que l'intégrale le long de γε et celle le long de γR tendent vers zéro à la limite, il nous reste :
En utilisant la détermination choisie ci-dessus, on a que :
- za = ealog(z) = ea(ln | z | + iθ) = | z | aeaiθ
à la limite , le long du chemin γ1, l'argument θ tend vers zéro ; le long du chemin γ2, l'argument tend vers 2π, on a donc :
et
où l'on a utilisé la formule de Moivre dans la dernière égalité. On a donc :
- ou
il nous reste à calculer I * via les résidus de la fonction en :
et
où l'on a utilisé que, dans la détermination choisie, l'argument de + i (resp. − i) est π / 2 (resp. 3π / 2). On obtient donc :
et finalement pour | a | < 1 et :
où l'on a utilisé la partie réelle de I * pour la première égalité et la partie imaginaire pour la seconde. Pour a = 0, l'intégrale est connue et vaut π, résultat que l'on retrouve par ailleurs en passant à la limite pour chacune des deux expressions possibles données ci-dessus.
Exemple avec la racine carrée complexe
Problème : calculer l'intégrale suivante par le biais des résidus :
(la fonction est uniformisée par la coupure le long de l'axe réel reliant à -1 et 1 à .)
Solution : l'intégrande a une primitive (à savoir ) et on a donc immédiatement . On obtient ce même résultat en considérant le contour γ illustré à la figure 4 ci-contre et en utilisant :
Pour le premier terme du produit, on considérera la détermination suivante :
- ,
pour l'autre, on considérera la détermination principale :
- .
sous ces déterminations, la fonction est holomorphe sur .
DéveloppementLa fonction f définie par a trois singularités[1] : les deux points de branchement () et le pôle simple (l'origine) qui est la seule singularité d'indice non nul par rapport au contour ; à la limite et , le théorème des résidus nous donne donc :
I * = ∫ f(z)dz = 2iπRes(f,0) γ et , on a donc I * = 2π.
En décomposant l'intégrale curviligne en ses sept parties principales et en appliquant le lemme d'estimation pour montrer que l'intégrale le long de γε, γε' et γR tendent vers zéro à la limite, il nous reste :
à la limite , le long du chemin γ1, l'argument θ tend vers zéro pour les deux déterminations, le long du chemin γ2, l'argument tend vers 2π (resp. zéro) pour la première détermination (resp. la détermination principale), le long du chemin γ3 l'argument tend vers π pour les deux déterminations et pour γ4, l'argument tend vers π (resp. − π) pour la première détermination (resp. la détermination principale).
On a donc en notant symboliquement θ1 (resp. θ2) l'argument dans la première détermination (resp. la détermination principale) :
avec θ1 = θ2 = 0 pour la partie γ1. On a de même :
avec θ1 = 2π, θ2 = 0 et eiπ = − 1. Finalement on a aussi :
où on a utilisé dans dans les deux égalités précédentes que la fonction est paire et que l'intégrale sur est égale à l'intégrale sur .
On a donc : 4I = I * et finalement, ainsi que prévu.
Surfaces de Riemann
Article détaillé : surface de Riemann.La théorie peu opérante des fonctions multivaluées pour les fonctions de la variable complexe est remplacée dans les mathématiques modernes par le concept plus abstrait de surface de Riemann.
Ce point de vue consiste à considérer le domaine de définition d'une fonction multivaluée comme d'un objet plus complexe (une variété complexe de dimension 1).
Voir aussi
Notes
- ↑ on parle ici de singularité au sens large du terme (et donc pas uniquement d'une singularité isolée) c'est-à-dire que la fonction n'est pas analytique en la singularité mais que n'importe quel voisinage ouvert non vide de la singularité contient au moins un point pour lequel la fonction est analytique. [MATHEWS, HOWELL - p.232]
Références
- Murray R. SPIEGEL, Variables Complexes, Schaum, (ISBN 2-7042-0020-3)
- John H. MATHEWS, Russel W. HOWELL, "Complex Analysis for Mathematics and Engineering", 3d edition, 1997, Jones and Bartlett Publishers International, (ISBN 0-7637-0270-6)
- Portail des mathématiques
Catégories : Analyse | Analyse complexe
Wikimedia Foundation. 2010.