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Exclusion sociale
L'exclusion sociale est la relégation ou marginalisation sociale de personnes, ne correspondant pas ou plus au modèle dominant d'une société. Elle n'est généralement ni véritablement délibérée, ni socialement admise, mais constitue un processus plus ou moins brutal de rupture parfois progressive des liens sociaux.
Ce terme a commencé de trouver un usage social courant dans les années 1980 dans les sociétés post-industrielles. Alors que le phénomène de mise à l'écart se retrouve dans de très nombreuses sociétés et remonte à des temps anciens, le phénomène actuel d'exclusion sociale ne recouvre pas forcément, ni exactement celui de la pauvreté.
L'une des expressions dominantes des sociétés occidentales est la participation active au marché du travail. Nombre de chômeurs se sentent exclus socialement, d'autant plus ceux qui étaient syndiqués, puisqu'avec la perte de leur travail, ils perdent généralement aussi tout lien et reconnaissance au niveau de leur syndicat.
L'exclusion sociale, en privant un individu ou un groupe d'une reconnaissance, nie son identité. Et lorsque l'on passe de l'état de fait au statut, alors s'opère un processus de stigmatisation.
Cependant, l'exclusion sociale a aussi concerné d'autres champs, d'autres valeurs, comme la famille, le mariage, le logement, la culture, la scolarisation...
Lorsque des groupes se sentant exclus socialement, diposent d'encore assez de ressources (humaines, financières,...), ils peuvent développer des réactions à cette exclusion : contre-culture, manifestations,...
Par contre, lorsque cette exclusion concerne des groupes très fragilisés (économiquement), elle entretient leur stigmatisation.
Sommaire
Question à la citoyenneté
Les sociétés démocratiques sont censées garantir à leurs membres, l'exercice de leurs droits et de leurs devoirs : la désocialisation d'une partie de la population pose la question de la citoyenneté effective et non plus de principe. Par exemple, dans la France de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle, connaissant une population croissante d'exclus, « les services sociaux apparaissent comme les derniers endroits où ils sont encore considérés comme des citoyens… »[1] par la Nation, en dehors des campagnes électorales. La vie associative est un autre espace d'expression et de reconnaissance sociale, voir un lieu de reconstruction du lien social.
Aux origines de l'exclusion, l'exploitation ?
Article détaillé : Exploitation sociale.Dans une première approche, il est possible d'associer directement exclusion et exploitation. Ainsi, les anarchistes[2], les altermondialistes[3] et de manière générale l'extrême-gauche[4], considèrent que l'exclusion sociale est produite par l'exploitation sociale. Une partie d'entre eux condamne toutefois la différentiation sémantique qui est vue comme un refus d'utiliser le langage marxiste. Par exemple, selon Eric Hazan, "lorsqu'on parle d'exclu il n'y a plus d'exploiteur[5]".
D'un autre coté, il faut s'interroger sur ce qu'implique l'utilisation du concept d'exclusion. Si le terme d’ “ exclusion ” a été largement diffusé dans la littérature scientifique et les media, en particulier après le rapport du père Joseph Wresinski au Conseil Économique et Social "Grande pauvreté et précarité économique et sociale" de 1987, la société ne saurait pour autant être envisagée comme divisée en deux : d'un coté les “exclus” et, de l'autre, les “inclus”. La situation des exclus est multiple. Les concepts de "déclassement", selon Pierre Bourdieu, ou de "disqualification sociale", selon Serge Paugam ou encore de "désaffiliation" selon Robert Castel, montrent mieux comment de plus en plus de personnes, qui se trouvent en situation de grande vulnérabilité sociale, en finissent pas se trouver "déclassées" ou "disqualifiées" en tant que membres de leurs catégories initiales d'appartenance.
Dès l'enfance ?
Problème de l'éducation
L'exclusion peut frapper dès l'enfance, lors de la scolarisation et des premières années en famille. En effet, l'enfant ayant subi une éducation trop sévère voire violente, ou encore le divorce ou la séparation de ses parents, voire un traumatisme grave (inceste, renvoi du foyer parental), peut intérioriser le jugement de sa famille (tel qu'il le comprend et se le représente) et s'exclure lui-même de la société, se sentant différent de ses camarades. Ce malaise se traduit souvent par un échec scolaire. Et plus tard, l'adolescent devenu adulte pourra se vivre comme sans avenir professionnel, et donc sans avenir, du fait de cette exclusion initiale. En France, ce type d'exclusion, concerne pourtant l'enfance de milliers d'exclus[réf. nécessaire]. L'enfant peut aussi être exclu lors de la socialisation primaire. C'est-à-dire dès ses premières années à l'école et dès sa première socialisation familiale.
Les ruptures familiales précoces et les situations de maltraitance durant l'enfance débouchent fréquemment sur l'exclusion sociale. De nombreuses enquêtes ont été conduites récemment sur ce sujet, aussi bien en France qu'aux Etats-Unis, en Suède ou au Royaume-Uni :
- Les travaux de Jean-Marie Firdion et Maryse Marpsat (2000) montrent très clairement que le risque de s'engager dans une trajectoire de SDF est fortement accru par le fait d'avoir vécu des graves problèmes familiaux (mésentente ou violence des parents) durant sa jeunesse.
- Ces résultats sont confirmés également par les enquêtes de Maryse Esterle-Hedibel (1997) pour les itinéraires des jeunes s'engageant dans des bandes aux comportements violents.
- Les études de l'IRDES sur les personnes recourant aux services de soins gratuits montrent les liens entre maltraitance durant l'enfance, propension à se retrouver dans des situations d'exclusion sociale et plus forte fréquence des prises de risque en matière de santé[6].
- Les travaux impulsés sous la coordination deSerge Paugam en ce qui concerne d'autres trajectoires en rupture vont dans le même sens, en particulier l'étude de la cohorte dite SIRS[7] qui étend les résultats issus d' une enquête conduite en Île-de-France dans cinq Zones urbaines sensibles (ZUS) avec le soutien de l’Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, de l’Ined et de l’Inserm.
Problème de la ségrégation sociale
L'enfant joue plus ou moins avec ses parents. En fonction de l'origine sociale des parents, ils ont plus ou moins de temps, d'énergie et de connaissance à partager avec leurs enfants. Les enfants des couches les moins favorisées socialement ont moins l'occasion de jouer, donc de se développer. La scolarité est donc un challenge d'autant plus élevé. De même pour la carrière professionnelle. D'où l'exclusion sociale de l'enfant et de ses enfants futurs.[8]
Critique du concept
Certains, généralement de tendance libérale, sont susceptibles de critiquer le recours concept d'exclusion dans un contexte social, car celui-ci laisse penser à tort qu'une action positive de tout ou partie de la Société serait à l'origine de l'exclusion dont il s'agit et que par suite la Société serait responsable de la situation, y compris le cas échéant financièrement. Ils considèrent qu'il faut revenir à une description objective de la pauvreté pour en analyser ensuite les causes de façon rationnelle en identifiant les freins sociaux au développement individuel, qui sont souvent d'origine étatique.
Voir aussi
- Pauvreté, misère, Quart monde, cité, nouveau pauvre, travailleur pauvre, paupérisme
- Psychologie sociale
- Maltraitance
- Maltraitance des enfants
- Discrimination à l'embauche
- Nolife
- Hikikomori
- Exclusion liée au logement
- Associations
Notes et références
- ↑ « Des travailleurs sociaux amers et réduits à bricoler ». Article du Monde du 9 avril 1995, suite au colloque « L'action sociale et la prévention » de Saint-Claude
- ↑ voir l'infokiosque, Increvables Anarchistes, No Pasaran, L'En dehors,...
- ↑ Comment les riches détruisent la planète d'Hervé Kempf, S!lence, José Bové, Daniel Mermet...
- ↑ que ce soit la presse (CQFD, Le Plan B,...) ou les partis politiques
- ↑ Lire, de Eric Hazan, LQR aux Raisons d'Agir, mars 2006
- ↑ Selon l'enquêtePrécalog analysée par Marc Collet, Georges Menahem et Hervé Picard], « Une personne sur deux en situation de précarité déclare avoir souffert de douleurs difficiles à supporter dans l’année précédant l’enquête. Pourtant, plus de la moitié d’entre elles renoncent ou retardent le moment de se faire soigner. Tout se passe comme si certaines étaient réticentes aux soins médicaux : elles diffèrent en effet le moment de consulter ou n’y recourent que ponctuellement, alors que d’autres n’observent pas les traitements qui leur ont été prescrits ou vont même jusqu’à refuser de soigner leurs troubles de santé. »
- ↑ Programme Santé, Inégalités et ruptures sociales comportant une enquête internationale coordonnée à l’INSERM, au LASMAS et à l’INED et portant à ce jour sur six métropoles : Abidjan, Antananarivo, New York, Paris, São Paulo et Varsovie. À Paris, elle comprend notamment une étude de cohorte démarrée en 2005 sur l'Île-de-France]
- ↑ Le livre de Jean Gadrey se propose de vulgariser l'étendue des chiffres disponibles en 2006, voir ci-dessous.
Bibliographie
- Robert Castel, Les Métamorphoses de la question sociale, Fayard, 1995.
- Jean Gadrey, En finir avec les inégalités, aux éditions Mango, 2006.
- Bruno Karsenti, « Le piège de l'exclusion », Futur Antérieur, n°35-36, 1996.
- Serge Paugam, ed. L’exclusion, l’état des savoirs, Paris, La Découverte, 1996
- Bernard Heckel, Face à la montée des exclusions, Union Sociale, (N.67, JANVIER 1994)
Filmographie
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