- Echantillon (musique)
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Échantillon (musique)
Un échantillon (sample en anglais) est un extrait de musique ou un son réutilisé dans une nouvelle composition musicale, souvent joué en boucle. L'extrait original peut être une note, un motif musical ou sonore quelconque. Il peut être original ou réutilisé en dehors de son contexte d'origine.
L'échantillonnage (sampling en anglais) peut être réalisé avec un échantillonneur (sampler en anglais), qui peut être un équipement électronique ou un programme informatique sur un ordinateur. Il est également possible d'échantillonner avec des boucles de bande magnétique sur une machine reel to reel.
Sommaire
Histoire
Les compositeurs de musiques concrète et électroacoustique et les pionniers de la musique électronique ont utilisé des méthodes semblables dès les années 1940-1950, mais le sampling tel qu'il est pratiqué dans les musiques actuelles est plus récent. L'origine de ce sampling moderne est à chercher dans le Dub jamaïcain, le rock expérimental allemand, et quelques « ovnis » musicaux.
Parmi eux on trouve le groupe new-yorkais Silver Apples, qui dès 1968 sort un premier album d'une electro-pop psychédélique, composé à l'aide d'une machine ancêtre du synthétiseur fabriquée par le groupe, avec notamment la présence de neuf oscillateurs, commandés à l'aide des mains, des pieds, des genoux… Le groupe génère des sons électroniques, rajoute des collages sonores en échantillonnant toute sorte de bruits (radio, circulation…), le tout sur des rythmes tribaux, le résultat étant incroyablement avant-gardiste (écouter le titre Program).
En Allemagne, l'influence du rock anglo-saxon était très présente à cette époque, mais quelques artistes allemands, en poussant leurs recherches musicales, allèrent plus loin et se mirent à incorporer des techniques de sampling dans leurs morceaux. À partir du début des années 1970, exploitant les technologies naissantes et expérimentant en studio (bandes passées à l'envers, échos et délais sur les rythmiques - s'inspirant directement des travaux des électroacousticiens des années 1950), des groupes comme Can ou Faust composaient des morceaux en intégrant des extraits sonores, ou carrément en construisant tout un titre autour d'un ou plusieurs samples, le tout étant réalisé sur bandes magnétiques. Parmi les collages musicaux enregistrés à cette époque, certains sont encore étonnamment modernes (voir Tago Mago de Can, The Faust Tapes de Faust).
De leur côté, les DJ jamaïcains improvisaient des gimmicks et des paroles censées faire bouger le public (lors de sound system) sur des instrumentaux de reggae puis des dubs (remixs instrumentaux et dépouillés de morceaux reggae). Certains de ces dubs présentaient des caractéristiques expérimentales qui allaient annoncer le sampling moderne (comme le principe de rembobiner la bande en plein enregistrement du remix). Au début des années 1970 certains DJ jamaïcains commencèrent à enregistrer leurs propres disques mais ces DJ n'avaient rien à voir encore avec les DJ de hip-hop tels qu'on les conçoit maintenant : les DJ jamaïcains jouent le rôle que jouent les MC dans le hip-hop malgré leur dénomination de « DJ ». C'était en réalité les ingénieurs du son - qui produisaient les dubs - qui ont inventé le sampling en mettant bout à bout des rythmiques pour créer de nouveaux morceaux.
La première trace de cet échantillonnage rythmique en Jamaïque date de 1972 avec le morceau Cow thief skank du musicien jamaïcain Lee Perry qui est une succession, un « cut » de plusieurs rythmiques de morceaux tels que l'auraient fait des DJ américains, le tout étant réalisé avec des bandes magnétiques et non avec des platines. Sur cette partie instrumentale recomposée s'est ajouté un « proto-rap » d'un DJ jamaïcain. Ce même Lee Perry en 1974 enregistra un album, Revolution Dub où il superposa à ses dubs des dialogues de film de Kung Fu.
Au même moment, aux États-Unis au début des années 1970 un DJ d'origine jamaïquaine DJ Kool Herc, qui s'était installé dans le Bronx, invente le « cut », technique consistant à n'écouter que certains passages des disques qu'il passait avec ses platines et à « jongler » d'un disque à un autre sans interruptions. C'est de cette manière qu'il donna au DJ un rôle nouveau qu'il garde désormais : celui d'assembler en live plusieurs extraits de morceaux pour en faire un nouveau.
À la fin des années 1970, le style de Herc franchit les frontières du Bronx pour conquérir tout New York. Ayant vite abandonné le reggae, Herc ne passait plus que du disco et du funk. Mais il ne passait pas les tubes que tout le monde connaissait, il faisait des « cuts » des breaks de batterie et percussions de l'album au grand plaisir des danseurs. Ainsi, avec des MC, des breakdanceurs il initia le hip-hop lors des Block-Parties.
L'échantillonnage fit sa véritable percée à la fin des années 1970 où le groupe The Sugarhill Gang reprit des extraits de Good Times de Chic comme base de leur Rapper's Delight qui devint le premier 45 tours de hip-hop à rencontrer un succès commercial. C'était également le premier à faire face à des difficultés légales, car Bernard Edwards et Nile Rodgers, les compositeurs des Good Times, n'ont pas été crédités sur le disque.
Le hip-hop était loin d'être la seule musique populaire à utiliser le principe de l'échantillonnage pendant les années 1970 et le début des années 1980. Psychedelic Shack des Temptations comporte un échantillon provenant des 45 tours de leurs succès I Can't Get Next to You et My Life In The Bush of Ghosts, un album de 1981 par Brian Eno et David Byrne, fait un usage étendu d'échantillons vocaux.
Vers le milieu des années 1980, la musique hip-hop rencontrant un large succès commercial et le prix des échantillonneurs devenant accessible à tous, l'échantillonnage atteignit un statut grand public.
L'un des groupes les plus connus dans les années 1980 fut Art Of Noise (Dragnet, Moments in Love, Close to the edit…) qui mélangeait séquences électroniques avec des échantillons allant de l'extrait de discours politique aux bruits de moteurs.
Citations
« Un collage, un bon collage, est quelque chose de nouveau, même si ses éléments ne le sont pas. »« Echantillonner, c'est comme s'envoyer à soi-même un fax des débris sonores du futur. Si le fax est une copie d'un document que tu as fait et que tu envoies, alors au revoir, adios, bye-bye. Tu peux envoyer un fax n'importe où. C'est pareil avec les beats. Pour moi, l'échantillonneur est une sorte de machine à remonter le temps. C'est une façon de manipuler et de reconfigurer des morceaux du passé dans le présent, et de permettre aux permutations du présent de refléter vraiment ce que la musique pourrait devenir. Et te voilà en train de jouer avec le passé, le présent, le futur et l'imparfait du langage même. »« Je pense qu'il serait intéressant de faire un disque dont tous les samples seraient identifiés et classés, un peu comme un travail d'archéologue. On aurait ainsi un graphique avec un code couleur qui nous apprendrait que telle grosse caisse, avec tel type de reverb, vient de tel studio en 1963. Je pense que ce serait une révélation pour les gens qui pensent que le sampling se limite à coller sa voix par-dessus de larges extraits de disques enregistrés par d'autres. Ils verraient jusqu'à quel point la musique est devenue collage. »Questions juridiques
Là où les compositeurs de musique concrète enregistraient eux-mêmes tous leurs échantillons musicaux, les techniques de l'échantillonnage moderne se basent surtout sur une exploitation de musiques déjà existantes, d'où les problèmes juridiques des ayants droit des créations et des enregistrements utilisés, et les controverses qu'ils ont engendrés.
Une fois que le hip-hop et les autres formes musicales intégrant des échantillons commencèrent à représenter une source de revenus significative, les ayants droit (artistes créateurs des morceaux originels, ou maisons de disques…) entreprirent des actions judiciaires en portant plainte pour atteinte au droit d'auteur (ou plus exactement à la notion de copyright américaine). Quelques artistes ripostèrent en invoquant la notion légale de fair use.
Un des premiers cas principaux d'échantillonnage illégal fut celui de Pump Up the Volume par M/A/R/S/S , sorti en 1987. Alors que le disque se plaçait parmi les dix meilleures ventes britanniques, les producteurs (Stock, Aitken et Waterman) ont obtenu une injonction contre le disque due à l'utilisation illégale d'un échantillon provenant de leur tube Roadblock. Le différent fut réglé en dehors des tribunaux, les poursuites furent abandonnées en échange de la suppression du sample de Roadblock sur les versions du disque commercialisées à l'étranger et le disque parvint au sommet des classements du Royaume-Uni. Ironiquement, l'extrait en question avait été tellement déformé qu'il était devenu pratiquement méconnaissable, et SAW ne s'étaient pas rendu compte que leur disque avait été employé jusqu'à ce qu'ils aient entendu le co-producteur Dave Dorrell le mentionner dans un entretien à la radio.
Au début des années 1990, Vanilla Ice fut critiqué pour l'usage non autorisé d'un échantillon du tube Under Pressure de David Bowie et Queen. La défense de Vanilla Ice reposa sur l'addition d'une note d'agrément non présente dans l'original ; aucune plainte ne fut déposée, mais il est vraisemblable que Vanilla Ice ait accepté de payer Queen et Bowie pour éviter un procès.
De façon plus dramatique, l'album de Biz Markie I Need a Haircut a été retiré des bacs en 1992 suite à la décision de la cour fédérale des USA (Grand Upright Music, Ltd. v. Warner Brothers Records, Inc.) jugeant que son utilisation d'un échantillon provenant de la chanson Alone Again (Naturally) de Gilbert O'Sullivan n'était pas simplement une atteinte au droit d'auteur, mais un crime de vol. Ce cas a eu un effet retentissant sur l'industrie musicale, les maisons de disque s'inquiétant beaucoup plus du caractère légal de l'échantillonnage et exigeant que les artistes déclarent la totalité des échantillons utilisés dans leur travail. D'autre part, la décision a également rendu plus attrayant pour les artistes et les labels musicaux le fait de permettre à d'autres d'échantillonner leur travail, sachant qu'ils seraient payés - souvent de manière très attractive - pour leur contribution.
De nombreux cas impliquant des échantillons non autorisés sont encore survenus par la suite. Vers la fin des années 1990, The Verve a été forcé de payer 100 % des redevances de leur tube Bitter Sweet Symphony pour l'usage non autorisé d'un sample provenant d'une reprise du morceau The Last Time des Rolling Stones dans une version orchestrale. Le catalogue des Rolling Stones est l'un des plus activement protégés sur le plan contentieux dans le monde de la musique populaire — l'affaire rappelle à certains égards les difficultés judiciaires rencontrées par Carter the Unstoppable Sex Machine pour avoir cité des paroles de Ruby Tuesday dans leur chanson After the Watershed quelques années plus tôt. Dans les deux cas, la question n'était pas l'utilisation de l'enregistrement, mais l'utilisation de la chanson elle-même - la section de The Last Time employée par The Verve ne faisait même pas partie de la composition originale, mais parce qu'elle était dérivée d'une reprise de celle-ci, Jagger et Richards avaient toujours droit aux redevances et au crédit sur les œuvres dérivées. Ceci illustre un point juridique important : même si un échantillon est employé légalement, il peut exposer l'artiste à d'autres problèmes.
Aujourd'hui (2005), la plupart des artistes grand public obtiennent l'autorisation préalable d'employer des échantillons, un processus connu sous le nom de clearing (permettant l'usage d'un extrait et, habituellement, versant des honoraires payés d'avance et/ou une part des droits d'auteurs à l'artiste original). Les groupes indépendants, manquant des fonds et de l'aide juridique pour faire autoriser leurs échantillons, sont défavorisés.
Un cas notable au début des années 1990 fut un conflit entre le groupe Negativland et Casey Kasem à propos de l'utilisation par le groupe d'extraits non diffusés de l'émission de radio de Kasem America's Top 40 sur le single U2 de Negativgland. Plus récemment, en 2004, DJ Danger Mouse a connu des démêlés similaires avec la maison de disque EMI suite à la sortie du The Grey Album (un mélange de l’album blanc des Beatles et du Black Album du rappeur Jay-Z), le label musical ayant produit des injonctions « cease and desist » concernant les échantillons non-autorisés des Beatles.
Depuis 2001, un mouvement de culture libre - commencé principalement par Lawrence Lessig - a incité de nombreux artistes à publier leur travail audio sous une des licences Creative Commons (les trois licences en question sont : sampling, sampling+ et NonCommercial Sampling Plus) qui autorisent l'échantillonnage de l'œuvre selon certaines conditions.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Temple du sample : Un site qui propose des extraits des morceaux et de leurs samples
- Samples.fr : Un blog qui dévoile l'origine des samples de chansons connues
- Whosampled.com : site dont la vocation est de construire la base de données ultime des samples utilisés dans les chansons
- Sampleur/samplé : Un blog dévoilant l'origine des samples, plus particulièrement axé hip-hop
- (en) the-breaks.com : La base de données référence pour tous les amateurs de samples
- du-bruit : Une autre base de données, principalement référence en rap français
- (en)Kembrew McLeod, How Copyright Law Changed Hip Hop - An interview with Public Enemy's Chuck D and Hank Shocklee, Stay Free! Magazine n°20.
Références
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