Critère d'Eisenstein

Critère d'Eisenstein

En mathématiques, le critère d'Eisenstein donne des conditions suffisantes pour qu'un polynôme à coefficients entiers soit irréductible sur le corps des nombres rationnels. Si ce polynôme est aussi primitif (c'est-à-dire s'il n'a pas de diviseurs constants non triviaux), alors il est également irréductible sur l'anneau des entiers (en fait c'est cette irréductibilité que le critère affirme, l'irréductibilité sur les nombres rationnels en découle par le lemme de Gauss).

Sommaire

Énoncé

Considérons un polynôme P(X) à coefficients entiers, que l'on note

P(X)=a_nX^n+a_{n-1}X^{n-1}+\ldots+a_1X+a_0.

Supposons qu'il existe un nombre premier p tel que

  • \forall i\in \{0,1,\ldots,n-1\}, ~ p divise ai
  • p ne divise pas an,
  • p2 ne divise pas a0.

Alors P(X) est irréductible dans \mathbb{Q}[X], l'ensemble des polynômes à coefficients rationnels. Si de plus P(X) est primitif, alors d'après le lemme de Gauss, P est irréductible dans \mathbb{Z}[X], l'ensemble des polynômes à coefficients entiers.

Exemples

Considérons le polynôme P(X) = 3X4 + 15X2 + 10.

Nous examinons différents cas pour les valeurs de p suivantes

  • p = 2. 2 ne divise pas 15, on ne peut pas conclure
  • p = 3. 3 ne divise pas 10, on ne peut pas conclure
  • p = 5. 5 divise 15, le coefficient de X2, et 10 le coefficient constant. 5 ne divise pas 3, le coefficient dominant. En outre, 25 = 52 ne divise pas 10. Ainsi, nous concluons grâce au critère d'Eisenstein que P(X) est irréductible.

Dans certains cas le choix du nombre premier peut ne pas être évident, mais peut être facilité par un changement de variable de la forme Y = X + a, appelé translation.

Par exemple considérons H(X) = X2 + X + 2. L'application du critère semble compromise puisque qu'aucun nombre premier ne divisera 1, le coefficient de X. Mais si nous translatons H en H(X + 3) = X2 + 7X + 14, nous voyons immédiatement que le nombre premier 7 divise le coefficient de X et de le coefficient constant et que 49 ne divise pas 14. Ainsi en translatant le polynôme nous l'avons fait satisfaire le critère d'Eisenstein.

Un autre cas connu est celui du polynôme cyclotomique d'indice un entier premier p, c’est-à-dire le polynôme

\frac{X^p - 1}{X - 1} = X^{p - 1} + X^{p - 2} + \cdots + X + 1..

Ici, le polynôme satisfait le critère d'Eisenstein, dans une nouvelle variable Y après une translation X = Y + 1. Le coefficient constant est alors égal à p, le coefficient dominant est égal à 1 et les autres coefficients sont divisibles par p d'après les propriétés des coefficients binomiaux.

Généralisation

Soit A un anneau intègre et soit P un polynôme à coefficients dans A, noté

P(X)=\sum_{i=0}^n a_i X^i.

On suppose qu'aucun élémént non inversible de A ne divise (tous les coefficients de) P, et qu'il existe un idéal premier I de A tel que

  • a_i \in I pour tout  i \in \{0,1,\ldots,n-1\},
  • a_n \notin I,
  • a_0 \notin I^2, où I2 est le produit de l'idéal I par lui-même.

Alors P(X) est irréductible dans A[X]. La démonstration est similaire à celle donnée ci-dessus, en réduisant modulo I une supposée décomposition de P(X) comme produit de polynômes non constants ; l'argument central étant que sur l'anneau intègre A / I, un polynôme à un seul terme ne peut se décomposer qu'en polynômes qui sont eux aussi à un seul terme.

Dans le cas où A est un anneau factoriel, on pourra prendre pour I l'idéal engendré par un élément irréductible quelconque. Dans ce cas on pourra également conclure que P(X) est irréductible dans K[X]K est le corps des fractions de A, grâce au lemme de Gauss. Pour cette conclusion la condition que P(X) ne soit divisible par aucune constante non inversible devient superflue, car une telle constante (qui rend P réductible dans A[X]) est inversible dans K[X], et y n'empêche donc pas l'irréductibilité. Ainsi on retrouve la version de base du critère pour A=\Z. En fait, Gotthold Eisenstein a formulé son critère[1] pour les cas où A est soit l'anneau des entiers relatifs, soit celui des entiers de Gauss.

Références

  1. (de) G. Eisenstein, Zur Lemniscatentheilung, Journal de Crelle 39 (1850), p. 167

Article connexe

Factorisation des polynômes


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Critère d'Eisenstein de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Critere d'Eisenstein — Critère d Eisenstein En mathématiques, le critère d Eisenstein donne des conditions suffisantes pour qu un polynôme à coefficients entiers soit irréductible sur le corps des nombres rationnels (ce qui est une étape pour prouver son… …   Wikipédia en Français

  • Critère — Cette page d’homonymie répertorie les différents sujets et articles partageant un même nom. Un critère (du grec kriterion, de krinein, juger) est un principe auquel on se réfère, ou un moyen qu on utilise, pour établir un jugement. Cette notion… …   Wikipédia en Français

  • Gotthold Eisenstein — Pour les articles homonymes, voir Eisenstein (homonymie). Ferdinand Gotthold Max Eisenstein (16 avril 1823 11 octobre 1852) est un mathématicien allemand. Comme Galois et Abel, Eisenstein est mort avant l âge de 30 ans, et comme Abel, sa mort est …   Wikipédia en Français

  • Ferdinand Eisenstein — Pour les articles homonymes, voir Eisenstein (homonymie). Ferdinand Gotthold Max Eisenstein (16 avril 1823 11 octobre 1852) était un mathématicien allemand …   Wikipédia en Français

  • Projet:Mathématiques/Liste des articles de mathématiques — Cette page n est plus mise à jour depuis l arrêt de DumZiBoT. Pour demander sa remise en service, faire une requête sur WP:RBOT Cette page recense les articles relatifs aux mathématiques, qui sont liés aux portails de mathématiques, géométrie ou… …   Wikipédia en Français

  • Liste des articles de mathematiques — Projet:Mathématiques/Liste des articles de mathématiques Cette page recense les articles relatifs aux mathématiques, qui sont liés aux portails de mathématiques, géométrie ou probabilités et statistiques via l un des trois bandeaux suivants  …   Wikipédia en Français

  • Liste Des Matières De La Théorie Des Nombres — Article détaillé : cryptologie. . Sommaire 1 Facteur (mathématiques) 2 Fractions 3 Arithmétique modulaire 4 …   Wikipédia en Français

  • Liste des matieres de la theorie des nombres — Liste des matières de la théorie des nombres Article détaillé : cryptologie. . Sommaire 1 Facteur (mathématiques) 2 Fractions 3 Arithmétique modulaire 4 …   Wikipédia en Français

  • Liste des matières de la théorie des nombres — Article détaillé : cryptologie. . Sommaire 1 Facteur (mathématiques) 2 Fractions 3 Arithmétique modulaire 4 Test de primalité e …   Wikipédia en Français

  • Racine De L'unité — En mathématiques, étant donné un nombre entier naturel non nul n, une racine n ième de l unité (parfois appelée nombre de de Moivre du nom d Abraham de Moivre) est un nombre complexe dont la puissance n ième vaut 1. Pour un entier n donné, toutes …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”