Conspiration de pontcallec

Conspiration de pontcallec

Conspiration de Pontcallec

Supplice à Nantes de Pontcallec et ses compagnons, par Jeanne Malivel.

La conspiration de Pontcallec est une tentative de soulèvement d'origine anti-fiscale survenue en Bretagne en 17181720, au début de la Régence. Menée par une partie de la petite noblesse bretonne, elle a entretenu des liens encore mal définis avec la conspiration de Cellamare, visant à renverser le Régent au profit de Philippe V d'Espagne. Mal préparée, elle échoue et quatre de ses meneurs sont décapités à Nantes.

Sommaire

Contexte

En 1715, année de la mort de Louis XIV, la France se trouve très lourdement endettée au sortir de nombreuses années de guerre. S'estimant injustement pressurés, les États de Bretagne assemblés à Saint-Brieuc refusent d'accorder de nouveaux crédits au pouvoir royal. Cette fronde est d'abord ignorée, en raison de la valse des portefeuilles qui s'opère alors : l'amiral de Chateaurenault, gouverneur, est remplacé par le maréchal de Montesquiou. Arrivé à Rennes pour prendre possession de sa province, ce dernier commet un premier impair : il consent tout juste à passer la tête par la portière de sa voiture, alors que plus de 300 gentilshommes sont venus l'accueillir. En outre, il se lie rapidement avec Michau de Montaran, trésorier des États, détesté de la noblesse bretonne.

En 1717, la résistance se durcit au sein des États : Le maréchal de Montesquiou doit les faire lever après seulement quatre jours. Les États envoient trois émissaires à Paris, pour se justifier auprès du Régent. Au passage, ils s'arrêtent à Sceaux, résidence du duc du Maine, l'un des bâtards légitimés de Louis XIV, grand rival du Régent. Le Régent prend le parti du maréchal de Montesquiou, à qui il envoie des troupes.

Le maréchal de Montesquiou décide alors de lever les impôts par la force. Il se heurte au Parlement de Bretagne, qui refuse d'enregistrer les édits de perception. Furieux, il fait exiler par lettre de cachet les trois émissaires, de retour en Bretagne.

Le Régent décide de convoquer de nouveau les États. Le 6 juin 1718, ceux-ci s'assemblent à Dinan. Ils sont dominés par la petite noblesse, dont la composition diffère beaucoup du reste de la France : c'est une noblesse populaire, où la tradition de « noblesse dormante » (absence de dérogeance) permet la survie de nobles pauvres, voire très pauvres[1]. Exaspérée par l'impôt, la petite noblesse rêve d'une République aristocratique. Le 22 juillet 1718, 73 délégués des États sont exilés.

Quand le gouvernement accroît les « droits d'entrée » sur le vin et l'eau-de-vie, le conflit devient ouvert. Le Parlement interdit la levée de l'impôt. Le Régent cède d'abord, mais interdit les « bureaux diocésains », système local pour collecter les impôts. Quelques parlementaires sont à leur tour exilés et les registres du Parlement censurés. S'entêtant, ce dernier vote des remontrances.

À ce stade, la fronde bretonne attire l'attention de l'Espagne. Son monarque, Philippe V, petit-fils de Louis XIV, est également en lien avec le duc et la duchesse du Maine, qui conspirent pour renverser le Régent (voir conspiration de Cellamare). Le comte de Toulouse, également duc de Penthièvre et donc protecteur de la Bretagne, sert de boîte à lettres au duc du Maine. Un envoyé breton est dépêché auprès d'Alberoni, ministre de Philippe V.

La conspiration

Le 26 août 1718, un lit de justice prive le duc du Maine des dernières prérogatives accordées par Louis XIV dans son testament. Les choses s'accélèrent : en Bretagne, le bruit court que le duc du Maine souhaite recruter des troupes. Parallèlement, les plus extrémistes des frondeurs ont fait adopter un « acte union de la noblesse bretonne ». Le comte de Noyan, l'un des artisans du texte, rencontre en septembre le marquis de Pontcallec, membre d'une famille de grand renom et propriétaire d'une véritable forteresse. Le recrutement commence dans le milieu des paysans, contrebandiers et faux-saulniers, clientèle traditionnelle de la noblesse bretonne.

Le 29 décembre 1718, le duc et la duchesse du Maine sont arrêtés. Pontcallec maintient son plan et continue son recrutement, alors que d'autres gentilshommes se joignent à lui. Menacé d'être arrêté pour contrebande, il ordonne un rassemblement général sur les landes de Questembert. Arrivé sur les lieux le 24 juin 1719, il ne trouve guère plus de 200 personnes. La menace s'avérant sans fondement, la petite troupe se disperse. Cependant, le rassemblement a été espionné : dès juillet, le Régent en est informé.

C'est alors que revient l'envoyé d'Espagne. Celui-ci, de son propre chef, a promis à Alberoni, moyennant l'aide espagnole, le soulèvement non seulement de la noblesse bretonne, mais aussi de celle du Dauphiné et de Franche-Comté. Ces révoltes devaient permettre de renverser le Régent et d'installer à sa place Philippe V ou le duc du Maine. Rien de tel n'était prévu au départ, mais Pontcallec accepte tout de même.

Le 15 août, une troupe de paysans menée par Rohan du Pouldu met en fuite des soldats venus collecter l'impôt. En septembre, le maréchal de Montesquiou pénètre dans Rennes à la tête d'une armée de 15 000 hommes. Par hasard, l'un des conspirateurs est arrêté à Nantes : il avoue tout. Alertés, les partisans de Pontcallec se réfugient dans son château-forteresse. Cependant, Pontcallec ne parvient pas à organiser sa défense : seule une quinzaine de personnes répond à son appel. Le 3 octobre, le Régent institue une chambre de justice pour juger les conjurés.

Parallèlement, fidèle à sa promesse, Alberoni envoie vers la Bretagne trois frégates pour un total de 2000 hommes, tous irlandais. Le navire le plus rapide part en avance et mouille à Rhuys, où il débarque de l'argent et des lettres, puis un premier contingent de 300 hommes. L'un des conspirateurs, affolé par la disproportion des forces (2000 Espagnols contre 15 000 hommes pour les troupes royales) et par la perspective de la trahison, persuade le contingent de rembarquer et prévient maréchal de Montesquiou. Celui-ci lance les ordres d'arrestation ; quelques conjurés fuient en Espagne. Les deux autres frégates, bloquées par le mauvais temps, arrivent en retard. À peine à terre, les troupes irlandaises se mutinent, probablement payés par le Régent. L'Espagne n'insiste pas.

Trahi par l'un de ses amis, le sénéchal du Faou, à la solde du Régent, Pontcallec est arrêté le 28 décembre 1719. Talhouët, rédacteur de l'acte d'union, se livre le 10 janvier 1720.

La chambre de justice

La chambre de justice, sise à Nantes, est présidée par Castanes, futur prévôt des marchands. 70 prisonniers doivent être jugés. La duchesse du Maine, devant les pressions du Régent, avoue un complot destiné à le renverser grâce au soulèvement de Paris et de la Bretagne, et à l'aide espagnole. En fait, les liens entre la conspiration de Pontcallec et celle de Cellamare sont difficiles à vérifier : les témoignages sont contradictoires, et la plupart des documents relatifs aux deux affaires ont disparu.

Le Régent, l'abbé Dubois et le financier John Law désignent comme principaux responsables 16 accusés par contumace et 7 accusés (Pontcallec, Montlouis, Salarun, Talhouët, du Couëdic, Coargan et Hire de Keranguen). Les interrogatoires prennent fin le 12 mars. Le 26, le verdict tombe : Pontcallec, Montlouis, Talhouët et du Couëdic sont condamnés à mort, et 16 autres par contumace. Ils sont décapités le même jour, place du Bouffay.

Le verdict frappe par sa sévérité : l'opinion publique s'était attendue à une grâce pour un complot qui, s'il relevait bien de la hautre trahison, était jugé d'opérette. Autre fait curieux, la machinerie du procès s'est montrée disproportionnée à l'affaire : le coût total s'élève à 340 000 livres, somme très importante. En fait, cette décision doit être examinée en regard de l'exécution parallèle du comte de Horn, roué pour avoir assassiné un commis : le Régent entend bien garder la main haute sur la noblesse. Sans doute aussi les quatre conjurés ont-ils été les boucs émissaires des conjurés considérablement plus haut placés de la conspiration de Cellamare. Cependant, l'affaire est bientôt étouffée par la déroute du système de Law. Après l'exécution, la répression s'arrête : les poursuites prennent fin, les fortunes confisquées sont restituées. Les exilés peuvent rentrer en France après une dizaine d'années.

Bilan

Au total, la conspiration de Pontcallec, à l'instar de celle de Cellamare, frappe par son caractère brouillon et l'indécision de ses protagonistes, sans projet précis, prompts au revirement voire à la trahison. Si le mécontentement de la noblesse bretonne est général en 1715–1718, seul un petit nombre de gentilshommes a pris part au mouvement, dont le peuple breton est quasiment resté exclu. Malgré cela, la conspiration devient rapidement une légende et Pontcallec, un héros. Hersart de La Villemarqué lui consacre ainsi une notice dans son Barzaz Breiz et rapporte une chanson, Marv Pontkalleg (La mort de Pontcallec), vantant « le jeune marquis de Pontcallec, si beau, si gai, si plein de cœur ». Cette chanson, devenue très populaire en Bretagne, a notamment été interprétée par Alan Stivell et le groupe Tri Yann. De nos jours, le nom du marquis de Pontcallec est toujours honoré par les nationalistes bretons.

Bibliographie

  • B. Pocquet, Histoire de Bretagne, t. VI, Rennes-Paris, 1896-1914 ;
  • Emmanuel Le Roy Ladurie, Saint-Simon ou le système de la cour, Fayard, 1997 (ISBN 2213600163) ;
  • Jean Meyer :
    • La noblesse bretonne au XVIIIe siècle, Éditions de l'EHESS, Paris, 1995 (2e édition) (ISBN 2713208564),
    • Le Régent, Ramsay, Paris, 1985 (ASIN 2859564047).
  • Joël Cornette, Histoire de la Bretagne et des Bretons Tome 2. Paris 2005
  • Joël Cornette, Le marquis et le Régent. Une conspiration bretonne à l'aube des Lumières, Paris, Tallandier, 2008.
  • Henri Fréville, L'Intendance de Bretagne 1689-1720 Rennes 1953
  • Arthur de la Borderie, La Bretagne aux Temps Modernes 1471-1789, Rennes 1894

Filmographie

Que la fête commence, un film de Bertrand Tavernier avec Philippe Noiret, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle

Notes

  1. Meyer (1995). En 1710, sur le territoire des actuels Côtes-d'Armor, un tiers des nobles ne possède pas de terre et ne peut payer l'impôt. Dans l'évêché de Tréguier, 77 % des nobles sont dits « misérables » et 13 % « tout à fait misérables ». Dans le diocèse de Saint-Malo, 55 % des nobles sont misérables et 8 % tout à fait misérables.
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