Charles de Saint-Évremond

Charles de Saint-Évremond
Charles Le Marquetel de Saint-Denis
de Saint-Évremond
Charles de Saint-Évremond, Jacques Parmentier, circa 1701
Charles de Saint-Évremond, Jacques Parmentier, circa 1701

Activités Écrivain
Naissance 1613
Saint-Denis-le-Gast
Décès 1703
Londres
Mouvement Libertinisme
Genres Morale, critique

Charles Le Marquetel de Saint-Denis, seigneur de Saint-Évremond, ondoyé le 1er avril 1613 et baptisé le 20 janvier 1616 à Saint-Denis-le-Gast et mort le 29 septembre 1703 à Londres, est un moraliste et critique libertin français.

Vie

Élevé chez les Jésuites, au collège de Clermont, il commença son droit à Caen, puis suivit avec distinction la carrière des armes. Ce soldat lettré et homme du monde connut tout dabord une brillante carrière militaire dans létat-major du prince de Condé sous le duc dEnghien et sous le maréchal dHocquincourt. Sa bravoure le signala à Rocroy, à Fribourg, à Nordlingen et dans les campagnes dAllemagne et des Flandres.

En même temps il cultivait les lettres avec un esprit de raillerie et de satire, formant des relations avec des hommes de marque, avec Turenne, Créquy, d'Olonne, Clérembault, sans jamais négliger le plaisir vers lequel le portait sa nature épicurienne, lorsque ses railleries sur Condé lui firent perdre sa lieutenance en 1648. La Fronde lui donna loccasion de montrer à la fois son courage et son esprit. Ayant pris le parti de la Cour, dont il devint maréchal de camp en 1652, il resta fidèle à la cause royale et composa un spirituel pamphlet : la Retraite de M. de Longueville en Normandie.

Recherché alors dans la société comme le type de ce quon appelait le « galant homme et lhomme honnête », charmant les salons par sa vive causerie et les ruelles par ses madrigaux, tenant le premier rôle chez Ninon de Lenclos, faisant figure aux soupers des gourmets lettrés, il menait une vie entièrement conforme à ses goûts, lorsquil tomba dans la disgrâce du roi à la suite de la découverte en 1661 de sa Lettre au marquis de Créqui sur la paix des Pyrénées (1659) critiquant Mazarin.

Obligé de sexiler vers la fin de 1661, il se réfugie en Hollande, puis en Angleterre la cour et la ville lui firent très bon accueil. Le roi Charles II laccueillit avec bienveillance et lui fit une pension de trois cents livres sterling. Il mena une vie dépicurien, fréquentant lélite de laristocratie et des gens de lettres. Quand la duchesse de Mazarin sétablit à Londres, il se fit son chancelier, laida à constituer le salon célèbre se réunirent les écrivains de lAngIeterre, et en devint lun des principaux personnages. Lusage du français était si répandu à lépoque en Angleterre que Saint-Évremond ne se donna la peine dapprendre de langlais que ce dont il avait besoin pour la vie quotidienne et les relations avec les paysans, lorsquil résidait à la campagne. Il fréquentait, en outre, avec Dryden, Temple, Swift, le café littéraire de Will, sans interrompre ses relations avec ses amis de France, qui ne lui laissaient rien ignorer des intérêts et des affaires de lesprit. De lun et de lautre côté de la Manche, on en appelait à son goût dans les questions délicates.

La seule Lettre au marquis de Créqui na pas paru suffire pour expliquer une si longue défaveur contre lui ; Voltaire, dans le Siècle de Louis XIV, lattribue à une cause secrète, restée inconnue. Ses mœurs nétaient peut-être pas étrangères à sa disgrâce. Il aurait été le destinataire dune des Lettres de Cyrano de Bergerac adressée sous le nom « Mademoiselle de Saint-Denis ». Lui-même a fait allusion à la raison pour laquelle le séjour de lAngleterre lui paraissait désormais préférable à celui de la France :

Jai vu le temps de la bonne Régence,
Temps régnait une heureuse abondance
Temps la ville aussi bien que la cour
Ne respiraient que les jeux et lamour.
Une politique indulgente
De notre nature innocente
Favorisait tous les désirs
Tout goût paraissait légitime
La douce erreur ne sappelait point crime.
Les vices délicats se nommaient des plaisirs.

Les nombreuses démarches tentées pour faire cesser son exil naboutirent quaprès 1688 lorsque Louis XIV lautorisera enfin à rentrer en France en 1689 mais, à cette époque, son grand âge, les habitudes prises, les faveurs de Guillaume III, son affection pour la duchesse de Mazarin ne lui permirent pas daccepter la grâce si longtemps attendue. Il préféra finir sa vie à Londres il séteignit à près de quatre-vingt-dix ans, sans se départir de la philosophie qui lavait toujours caractérisé, en refusant à plusieurs reprises la visite tant des prêtres que des pasteurs. Il eut malgré tout lhonneur dune sépulture dans le coin des poètes à labbaye de Westminster.

Œuvre

À lexception de sa Comédie des académistes raillant les suppressions effectuées sur la langue par lAcadémie française, ses œuvres furent, de son vivant, diffusées clandestinement. Elles ne furent éditées quaprès sa mort. Par bien des aspects, lincrédulité et le scepticisme qui transparaissent chez celui qui se définit lui-même comme « un philosophe également éloigné du superstitieux et de limpie ; un voluptueux qui na pas moins daversion pour la débauche que dinclination pour les plaisirs » laissent présager les tendances philosophiques qui caractériseront les Lumières au siècle suivant. Un trait particulier de sa physionomie littéraire est en effet de représenter le critique de profession tel quon le trouve au siècle suivant. Ses écrits dénotent une tolérance et une indépendance desprit qui en font lun des principaux représentants du courant libertin du XVIIe siècle. Saint-Évremond y apparaît comme le type même de lidéal de l’« honnête homme » recherché par son siècle. Dans ses dissertations, généralement courtes, il ouvre des aperçus souvent justes, toujours ingénieux. À la délicatesse, à la sagacité, à la finesse de la raison, il unit la mesure, sans cesser de juger librement daprès ses opinions personnelles. Il émit, dans la Querelle des Anciens et des Modernes, des idées des plus justes : « Il faut convenir, dit-il, que la Poétique dAristote est un excellent ouvrage ; cependant il ny a rien dassez parfait pour régler toutes les nations et tous les siècles... Si Homère vivait présentement, il ferait des poèmes admirables, accommodés au siècle il écrirait. Ses poëmes seront toujours des chefs-dœuvre, non pas en tout des modèles. Ils formeront notre jugement et le jugement réglera la disposition des choses présentes. ».

Lincrédulité religieuse caractérisa cet épicurien bien moins convaincu de limmortalité de lâme que de lauthenticité de la bonne chère et ses savantes beuveries. La meilleure de ses œuvres est la Conversation du maréchal dHocquincourt avec le père Canaye qui est une merveille desprit et de raillerie. Son œuvre historique, les Réflexions sur les divers génies du peuple romain (1663) inspira les théories de Montesquieu. Dans ses opuscules, Saint-Évremond a abordé divers thèmes allant de la littérature dans Sur nos comédies, De quelques livres espagnols, italiens et français, Réflexions sur la tragédie ancienne et moderne et Défense de quelques pièces de Corneille, à lhistoire contemporaine dans Parallèle de M. le Prince et de M. de Turenne. Cest sans conteste dans son abondante correspondance que celui-ci a livré le meilleur dune pensée marquée au sceau de lindépendance, du scepticisme, parfois de lironie qui refusait tout esprit de système.

Lécriture resta néanmoins un divertissement pour Saint-Évremond qui refusa longtemps de faire imprimer ses ouvrages. Ils circulèrent en manuscrits et leur rareté ajouta au succès. On en fit, sans son consentement, des éditions peu exactes. Celle de Barbin (1668, in-12) senleva si rapidement quon se mit à imprimer sous son nom beaucoup de pièces qui nétaient pas de lui. Enfin, il se décida à préparer avec Des Maizeaux une édition que celui-ci publia après sa mort, sous le titre de les Véritables œuvres de M. de Saint-Évremond, publiées sur les manuscrits de lauteur (Londres, 1705, 3 vol. in-4° ; 1708, 7 vol. in-12, Amsterdam, 1726, 7 vol. in-12, Paris, 1740, 10 vol. in-12; 1753, 12 vol. in-12).

Bibliographie non exhaustive

  • Œuvres mêlées (1643-1692), et puis une édition corrigée (1705).
  • Retraite de M. le duc de Longueville en Normandie (1649)
  • Les Académistes (1650) satire dialoguée, composée contre lAcadémie française.
  • Conversation du maréchal dHocquincourt avec le Père Canaye (1656)
  • Lettre au marquis de Créqui sur la paix des Pyrénées (1659)
  • Réflexions sur les divers génies du peuple romain (1663)
  • De quelques livres espagnols, italiens et français (1668?)
  • Réflexions sur la tragédie ancienne et moderne (1672)
  • Parallèle de M. le Prince et de M. de Turenne (1673)
  • Sur nos comédies, lauteur raille le nouveau genre de spectacle introduit en France. (1677)
  • Défense de quelques pièces de Corneille (1677)
  • Discours sur Épicure (1684)
  • Les Pensées sur lhonnêteté de Damien Mitton ont été attribuées à St-Évremond dans la premièré édition des Œuvres mêlées.

Éditions

  • Les Opéra, Éd. Robert Finch et Eugène Joliat, Genève, Droz, 1979
  • Œuvres en prose, Éd. René Ternois, Paris, Didier, 1962
  • La Comédie des académistes, Éd. Louis dEspinay Ételan, Paolo Carile et al., Paris, Nizet, 1976
  • Entretiens sur toutes choses, Éd. David Bensoussan, Paris, Desjonquères, 1998 ISBN 2-84321-010-0
  • Écrits philosophiques, Éd. Jean-Pierre Jackson, Paris, Alive, 1996 ISBN 2-911737-01-6
  • Réflexions sur les divers génies du peuple romain dans les divers temps de la république, Napoli, Jovene, 1982
  • Conversations et autres écrits philosophiques, Paris, Aveline, 1926
  • Lettres, Éd. intro. René Ternois, Paris, Didier, 1967
  • Maximes et œuvres diverses, Paris, Éditions du Monde Moderne, 1900-1965
  • Pensées dÉpicure précédées dun Essai sur la morale dÉpicure Paris, Payot 1900

Œuvres en ligne

Sur les autres projets Wikimedia :

Références

  • A.Ch. Gidel, Oeuvres choisies de Saint-Evremond, SD (circa 1866) Paris, Garnier frères
  • Antoine Adam, Les Libertins au XVIIe siècle, Paris, Buchet/Chastel 1964
  • Patrick Andrivet, Saint-Évremond et lhistoire romaine, Orléans, Paradigme, 1998 ISBN 2-86878-184-5
  • H.T. Barnwell, Les Idées morales et critiques de Saint-Évremond : essai danalyse explicative, Paris, PUF, 1957
  • Patrice Bouysse, Essai sur la jeunesse dun moraliste : Saint-Évremond (1614-1661), Seattle, Papers on French Seventeenth Century Literature, 1987
  • Gustave Cohen, Le Séjour de Saint-Évremond en Hollande, Paris, Champion, 1926
  • Walter Daniels, Melville Saint-Évremond en Angleterre, Versailles, L. Luce, 1907
  • Soûad Guellouz, Entre Baroque et lumières : Saint-Évremond (1614-1703: colloque de Cerisy-la-Salle (25-27 septembre 1998), Caen : Presses universitaires de Caen, 2000 ISBN 2-84133-111-3
  • Suzanne Guellouz, Saint-Évremond au miroir du temps : actes du colloque du tricentenaire de sa mort, Caen - Saint- (9-11 octobre 2003), Tübingen, Narr, 2005 ISBN 3-8233-6115-5
  • Célestin Hippeau, Les Écrivains normands au XVIIe siècle : Du Perron, Malherbe, Bois-Robert, Sarasin, P. Du Bosc, Saint-Évremond, Genève, Slatkine Reprints, 1970
  • Mario Paul Lafargue, Saint-Évremond ; ou, Le Pétrone du XVIIe siècle, Paris, Société déditions extérieures et coloniales, 1945
  • Gustave Merlet Saint-Évremond : étude historique morale et littéraire; suivie de fragments en vers et en prose, Paris, A. Sauton, 1870
  • (it) Luigi de Nardis, Il Cortegiano e leroe, studio su Saint-Évremond, Firenze, La Nuova Italia Editrice, 1964
  • Léon Petit, La Fontaine et Évremond : ou, La tentation de lAngleterre, Toulouse, Privat, 1953
  • Jacques Prévot, Libertins du XVIIe siècle, v. 2, Paris, Gallimard, 1998-2004 ISBN 2-07-011569-0
  • (de) Gottlob Reinhardt, Saint-Évremonds Urteile und Gedanken üer die alten Griechen und Römer, Saalfeld am Saale, 1900
  • Léonard A.Rosmarin, Saint-Évremond : artiste de leuphorie, Birmingham, Summa Publications, 1987 ISBN 0-917786-52-1
  • Albert-Marie Schmidt, Saint-Évremond ; ou, Lhumaniste impur, Paris, Éditions du Cavalier, 1932
  • K. Spalatin, Saint-Évremond, Zagreb, Thèse de doctorat de lUniversité de Zagreb, 1934
  • Claude Taittinger, Saint-Évremond, ou, Le bon usage des plaisirs, Paris, Perrin, 1990 ISBN 2-262-00765-9

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Charles de Saint-Évremond de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Charles De Saint-Évremond — Charles Marguetel de Saint Denis de Saint Évremond Charles de Saint Évremond, Jacques Parmentier, circa 1701 …   Wikipédia en Français

  • Charles de Saint-Evremond — Charles de Saint Évremond Charles Marguetel de Saint Denis de Saint Évremond Charles de Saint Évremond, Jacques Parmentier, circa 1701 …   Wikipédia en Français

  • Charles de saint-évremond — Charles Marguetel de Saint Denis de Saint Évremond Charles de Saint Évremond, Jacques Parmentier, circa 1701 …   Wikipédia en Français

  • Charles de Saint-Évremond — Portrait of Charles de Saint Évremond by Jacques Parmentier, circa 1701 Born 1 April 1613(1613 04 01) Saint Denis le Guast, near Coutances …   Wikipedia

  • Charles de Saint-Évremond — Charles de Saint Évremond, Jacques Parmentier, circa 1701. Charles Marguetel de Saint Denis, señor de Saint Évremond (Saint Denis le Guast, cerca de Coutances, 1 de abril de 1610 Londres, 29 de septiembre de 1703) fue un polít …   Wikipedia Español

  • Charles de Marguetel de Saint-Denis de Saint-Evremond — Charles de Saint Évremond Charles Marguetel de Saint Denis de Saint Évremond Charles de Saint Évremond, Jacques Parmentier, circa 1701 …   Wikipédia en Français

  • Saint-Evremond — Charles de Saint Évremond Charles Marguetel de Saint Denis de Saint Évremond Charles de Saint Évremond, Jacques Parmentier, circa 1701 …   Wikipédia en Français

  • Saint-Évremond — Charles de Saint Évremond Charles Marguetel de Saint Denis de Saint Évremond Charles de Saint Évremond, Jacques Parmentier, circa 1701 …   Wikipédia en Français

  • SAINT-ÉVREMOND (C. de) — Voici un cas hors du commun. Admiré en France et à l’étranger pour son esprit, son talent et l’originalité de sa pensée, Saint Évremond est mort à un âge très avancé sans avoir pris la peine de faire imprimer aucun de ses nombreux ouvrages, qu’il …   Encyclopédie Universelle

  • Saint-Évremond —   [sɛ̃tevrə mɔ̃], Charles de Marguetel de Saint Denis [dəmarg tɛl də sɛ̃ dni], französischer Schriftsteller, * Saint Denis le Gast (Département Manche) 1. 4. 1610, ✝ London 29. 9. 1703; war Offizier im Kampf der französischen Krone gegen die… …   Universal-Lexikon

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/343148 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”