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Charles IV du Saint-Empire
Charles IV (en allemand : Karl IV, en tchèque : Karel IV, 14 mai 1316 - 29 novembre 1378) de la maison de Luxembourg est empereur romain germanique de 1355 à sa mort.
Il est le fils de Jean l’Aveugle, roi de Bohême et de Pologne, comte de Luxembourg et d'Elisabeth Přemyslovna, héritière par son père Venceslas II de la couronne de Bohême.
Sommaire
Enfance
Baptisé Venceslas (Václav en tchèque), il choisit de prendre le nom de son oncle et parrain, le roi de France, Charles IV lors de sa confirmation. Son père, Jean de Luxembourg, en conflit ouvert avec sa mère, Élisabeth de Bohême, décide de soustraire son jeune fils à l'influence maternelle : tout d'abord éloigné au château-fort de Křivoklát, il est ensuite envoyé parfaire son éducation chevaleresque à la cour de son parrain Charles IV de France où il arrive le 4 avril 1323 et où il restera sept ans. C'est, grâce à une dérogation du pape Jean XXII, qu'encore enfant, il épouse Blanche de Valois, le 15 mai 1323, peu après son arrivée en France.
Grâce à cette éducation cosmopolite, il parle couramment cinq langues : le latin, l'allemand, le tchèque, le français et l'italien.
En 1330, il quitte la France avec son épouse, tout d'abord pour son comté de Luxembourg (où reste Blanche de Valois) puis l'Italie.
Accession au pouvoir
En 1331, aux côtés de son père, âgé d'à peine quinze ans, il participe à sa première bataille en Italie. De fait, entre 1331 et 1333, date de son retour à Prague, il est régent des seigneuries appartenant à la maison de Luxembourg en Italie.
Dès 1333, à dix-huit ans, outre le margraviat de Moravie qui lui est nominalement attribué en tant qu'héritier de la couronne de Bohême, il est, de fait, le régent du royaume en raison des absences fréquentes de son père, parfois surnommé le « chevalier-errant ».
Charles est élu roi des Romains (rex romanorum) le 11 juillet 1346 avec le support de Clément VI (ce qui lui vaut le surnom de rex clericorum) contre Louis IV et couronné à Bonn le 26 novembre 1346. Louis s'était fait beaucoup d'ennemis parmi la haute noblesse allemande bien qu'il disposât de l'appui des villes franches et des ordres de chevaliers (en particulier des chevaliers teutoniques). Une guerre civile menace l'Empire que seule la mort soudaine de Louis IV, en 1347, d'un infarctus lors d'une chasse au sanglier, permet d'éviter.
Entre temps, suite au décès de Jean l’Aveugle à la bataille de Crécy, le 26 août 1346, Charles est couronné roi de Bohême 2 septembre 1347. Il devient également comte de Luxembourg et ce jusqu'en 1353 quand il laisse le comté à son demi-frère cadet, Venceslas Ier de Luxembourg.
La suite est une formalité issue des limbes féodales du Saint-Empire : il est élu, sans opposition, le 17 juin 1349, roi de Germanie et couronné le 25 juillet de la même année. Puis il est couronné roi des Romains le 6 janvier 1355, et empereur romain germanique le 5 avril de la même année, jour de Pâques, à Rome en l'archibasilique Saint-Jean de Latran par le cardinal d'Ostie.
Le 4 juin 1365, comme son prédécesseur Frédéric Barberousse, Charles relève un titre impérial désuet qui en dit plus sur ses intentions historico-impériales que sur son pouvoir réel en Provence ; il se fait couronner roi d'Arles à la cathédrale Saint-Trophime d'Arles.
Plus tard, en 1373, il obtient la marche de Brandebourg pour son fils Venceslas.
Politique
La Bulle d'or
Un an à peine après son couronnement impérial, c'est à Metz que Charles IV promulgue la Bulle d'or qui codifie les élections impériales et qui est restée en vigueur jusqu'à la dissolution du Saint-Empire romain germanique au début du XIXe siècle.
Les raisons
Le milieu du XIVe siècle marque la fin d’une longue période de conflits incertains entre les dynasties allemandes des Luxembourg, Wittelsbach et Habsbourg, conflits attisés par les papes enclins à diviser pour mieux régner. Le summum de cette ingérence avait été atteint en 1343, quand le pape Clément VI a invité les princes-électeurs à se réunir pour remplacer l'empereur Louis IV encore vivant. Qu'un roi des Romains soit élu du vivant de l'empereur est un fait exceptionnel qui témoigne d'une grave crise de pouvoir.
Les princes-électeurs se réunissent le 11 juillet 1346 et élisent Charles de Luxembourg, certes petit-fils de l'empereur Henri VII, certes héritier du trône de Bohême, mais en attendant, guère plus que margrave de Moravie, une province mineure de l'Empire même pas allemande. On comprend le surnom de rex clericorum, roi des ecclésiastiques, dont Charles IV hérite de cette première élection.
On comprend mieux, ainsi, cette bizarre deuxième réélection au titre de roi des Romains, en 1349 pour définitivement asseoir sa légitimité. On saisit aussi la décision fondamentale d'organiser institutionnellement l'élection royale : l'empereur convoque la Diète d'Empire qui s'ouvre à Nuremberg le 25 novembre 1355 pour mettre de l'ordre dans les institutions et corriger les plus graves de leurs défauts, de ce programme, une partie seulement est réalisée. Les travaux reprirent à Metz, le jour de Noël 1355. Suite à cela, la Bulle impériale est édictée le 10 janvier 1356.
Un code électoral sécularisé
Ce code impérial (Kaiserliches Rechtsbuch), appelé communément à partir du XVe siècle « Bulle d'Or », règle minutieusement la désignation du souverain et le statut des princes constituant le corps électoral.
Autrefois étendu à l'ensemble des princes allemands, réduits à dix princes-électeurs dès 1125, le droit de vote est limité aux sept princes qui, dans les faits, l'avaient accaparé depuis le milieu du XIIIe siècle.
Ce collège électoral comprend trois ecclésiastiques : l' archevêques de Cologne, l'archevêque de Mayence et l'archevêque de Trèves, et quatre laïcs : le roi de Bohême (maison de Luxembourg), le comte Palatin du Rhin (maison de Wittelsbach), le Margrave de Brandebourg (maison de Wittelsbach) et le duc de Saxe (maison de Wittenberg).
Afin d'éviter à l'avenir confusions et disputes, les électorats sont déclarés indivisibles : ils sont transmis par primogéniture en ligne directe et, en cas de minorité, l'oncle le plus âgé du prince voterait à sa place jusqu'à ce qu'il eût dix-huit ans. Si le lignage s'éteignait, l'empereur serait libre d'en désigner un autre à sa guise, sauf en Bohême, où le droit d'élire un nouveau monarque appartient à la diète des États de Bohême.
Trouver des prétextes légaux à la désignation d'un anti-roi n'est plus possible et l'ingérence étrangère en général et papale en particulier est réduite à néant.
Selon les normes électorales fixées par la Bulle d'or, le roi est élu à la majorité des voix du collège électoral.
Le candidat élu par les princes-électeurs garde le titre carolingien de « roi des Romains » et devient in imperatorem promovendus soit « devant être promu empereur ».
La bulle reste silencieuse quant à la confirmation par le pape. La dignité impériale étant octroyée par les sept princes-électeurs, ce n'est plus le couronnement (par le pape) qui fait l'empereur, mais l'élection. La puissance impériale se sécularise.
Aix-la-Chapelle est le lieu exclusif du couronnement alors qu'avant, pour se voir confirmer dans son titre impérial, l'empereur devait se rendre à Rome et se faire couronner par le pape en personne ou son représentant. Le pape est dépourvu de la possibilité de refuser de couronner un candidat qui aurait l'heur de lui déplaire. Charles IV qui avait été traité non sans raisons de « roi des prêtres » choisit de régler les problèmes de l'approbation et la confirmation revendiquées par le pape en ne les posant pas. La Bulle passe également sous silence le vicariat auquel le Saint-Siège pouvait prétendre pendant la vacance du pouvoir impérial.
Le rôle des princes-électeurs est également élargi : la Bulle d'or en fait des conseillers qui, une fois au moins par an, délibèrent avec l'empereur des affaires du royaume.
Charles IV assure définitivement l'indépendance du Saint-Empire en fixant, par la Bulle d'or, les règles qui, tout en réduisant les risques de double élection, privent également le pape de toute capacité d'arbitrage entre les élus, donc de choix entre les candidats. Cette situation engendrée par la sécularisation du Saint-Empire ne peut convenir au Saint-Siège et le pape Innocent VI la rejette.
Soutien de la papauté
Bulle d'or mise à part, Charles IV montre une grande complaisance envers l'Église, établit en faveur du Saint-Siège des impôts onéreux, affranchit le clergé de toute autorité temporelle et s’attire par là de grandes difficultés. C’est contre cet aspect « clérical » de sa politique que les villes libres de l’Empire formèrent la ligue de Souabe.
En 1347, Charles IV, prince allemand par son père et tchèque par sa mère, tente une œuvre œcuménique au cœur de l’Europe, à la frontière entre les mondes slave orthodoxe et germain catholique, en fondant le cloître d'Emmaüs. Bien que catholique et dépendant de l’Ordre de saint Benoît, le monastère des emmaüsiens s’est longtemps distingué pour célébrer la liturgie en vieux slave et avoir été un centre important de diffusion et d’éducation du vieux slave et de l’alphabet glagolitique.
Mécène des arts et des lettres
Le règne de Charles IV est, sur le plan artistique, le premier âge d’or de la Bohême. Charles IV, roi mécène, fait venir à Prague des artistes de toute l’Europe, qui réalisent des enluminures de manuscrits (Jean de Troppau) ou des peintures sur bois (Nicolas Wurmser). Il fait de son domaine tchèque le cœur artistique et administratif du Saint-Empire.
Suite à l’élévation de Prague, en 1344, au rang d’archevêché par le pape Clément VI, la reconstruction gothique de la cathédrale Saint-Guy de Prague est entreprise, tout d’abord sous la direction de Mathieu d'Arras puis de l’architecte et sculpteur souabe Peter Parler.
En 1348, il fonde l’université Charles de Prague. Tout d’abord connue comme l’"université de Prague", universita pragensis, elle est la première université du monde germanique, elle prendra par la suite le nom de son fondateur et se nomme désormais Karlova universita. Le 8 avril 1348 marque la fondation de la Nouvelle Ville de Prague qui double la surface de la ville et desserre l’étau des fortifications, permettant l’organisation autour de larges places :
- Le marché au bétail (l’actuelle "place Charles") qui, avec 80 550 m², est longtemps restée la plus vaste place urbaine d’Europe
- Le marché aux chevaux (l’actuelle place Venceslas)
- Le marché au foin (l’actuelle place Senovažně)
En 1348 encore, la construction du château-fort de Karlštejn est entreprise. Retraite impériale, elle est superbement ornée d’un ensemble de tableaux et de fresques gothiques réalisées par maître Théodoric et reste l’un des plus beaux exemples de l’art civil de cette époque.
En 1357, il entreprend la construction du pont Charles, pour relier Malá Strana et le château de Prague avec la Vieille Ville de Prague et ce afin de remplacer un pont plus ancien, en bois, détruit par une inondation en 1342.
Tour d’entrée du pont Charles de Prague
Château-fort de Karlštejn
Politique impériale et européenne
Charles IV conseille son neveu Charles V de France, à Metz, en 1356, lors d’un soulèvement des Parisiens. La visite qu’il rend encore à son neveu en 1378, peu avant sa mort, est splendidement relatée dans les Grandes Chroniques de France.
Alliances dynastiques
Il se marie quatre fois. Sa première épouse est Blanche de Valois, demi-sœur de Philippe VI de France avec qui il a deux filles : Marguerite (1335-1349), épouse de Louis Ier de Hongrie puis Catherine (1342-1386), épouse de Rodolphe IV d'Autriche puis d’Otto V de Bavière.
En mars 1349, il épouse Anne du Palatinat (1329-1353), fille de Rodolphe II du Palatinat. Leur fils, Venceslas (17 janvier 1350 - 28 décembre 1351) meurt hélas en bas âge et Anne suit son fils dans la tombe peu de temps après, le 2 février 1353. L’empereur est veuf pour la seconde fois et, âgé de trente-sept ans, n’a qu’une héritière, Catherine, laquelle vit à Vienne à la cour de son fiancé Rodolphe de Habsbourg.
Un remariage est donc impératif et il sera prompt : le 27 mai 1353, il épouse Anne de Schweidnitz (1339-11 juillet 1362). De cette union naît, tout d’abord une fille, Élisabeth (19 avril 1358-4 septembre 1373), future épouse du duc Albert III de Habsbourg et, enfin, un héritier mâle : Venceslas, futur empereur qui restera dans l’histoire comme Venceslas l’Ivrogne.
Dix ans après son troisième mariage et un an après que sa troisième femme fut décédée en couche, Charles IV épouse Élisabeth de Poméranie (1345-1392), la fille de Boguslaw V, le 21 mai 1363. De cette union naissent quatre enfants :
- Anne (1366-1394), plus tard épouse de Richard II d'Angleterre
- Sigismond, futur empereur allemand, roi de Bohême et de Hongrie, margrave de Brandebourg
- Jean (1370-1396), qui deviendra duc de Görlitz
- Marguerite (1373-1410), épouse de Jean III, burgrave de Nuremberg
Les quatre épouses de Charles IV sont enterrées auprès de leur mari dans la crypte de la cathédrale Saint-Guy de Prague.
Sa sœur aînée, Bonne de Luxembourg, est l’épouse Jean II de France, le fils de Philippe VI de France.
Article connexe
Sources
- Joseph Calmette, Le Reich allemand au moyen âge, Payot, Paris, 1951
- Francis Dvornik, Les Slaves histoire, civilisation de l'Antiquité aux débuts de l'Époque contemporaine, Seuil, Paris, 1970
- Jörg K.Hoensch, Histoire de la Bohême, Payot, Paris, 1995 (ISBN 2228889229)
- Pavel Bělina, Petr Čornej et Jiří Pokorný, Histoire des Pays tchèques, Points Histoire U 191, Seuil, Paris, 1995 (ISBN 2020208105)
Précédé par Charles IV du Saint-Empire Suivi par Jean Ier l’Aveugle roi de Bohême 1346-1376 Venceslas Ier de Luxembourg comte de Luxembourg 1346-1353 Louis IV de Bavière roi des romains, puis empereur romain germanique 1347-1355-1378 - Portail de la Tchéquie
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