Cabinet Noir

Cabinet Noir

Cabinet noir

Un sceau cachetant une lettre

L'expression « cabinet noir » désignait un service de renseignement, chargé de l'inquisition postale et de cryptographie. De tels services œuvraient dans la plupart des pays européens, dès l'établissement des services postaux.

Le « cabinet noir » interceptait pour le compte des gouvernants de nombreuses correspondances, afin de repérer et censurer les opposants politiques, et s'informer des courriers diplomatiques ou militaires. Cette pratique, en vigueur dès l'ouverture de la poste au public, a été l'une des motivations de l'institution du monopole postal, présenté publiquement comme un moyen de protéger les usagers.

En France, ce service prit de l'importance sous Richelieu, et fut nommé officiellement Cabinet du secret des Postes (Louis XV). Il demeura actif sous la Révolution, le Premier empire, la Restauration, la Monarchie de Juillet et le Second empire.

Sommaire

Le non-respect du secret des correspondances

Le « cabinet noir » a sévi pendant des siècles dans la plupart des États européens.

Il s'est manifesté depuis l’ouverture des postes royales aux particuliers et l’institution du monopole. Le véritable mobile de cette ouverture au public semble même avoir été, à l'origine, de placer la circulation des correspondances sous le contrôle royal, car elle a permis de mettre fin aux diverses postes particulières des grands seigneurs, des prélats et des universités.

Les agents des postes royales pouvaient ainsi lire ces lettres et en transmettre alors au gouvernement les extraits les plus compromettants. Ceux-ci étaient alors examinés par le monarque en son « cabinet noir », ce qui fut à l’origine de nombreuses disgrâces et condamnations.

Cette pratique jugée contraire à la légitimité monarchique, et fustigée, entre autres, par la marquise de Sévigné, était très impopulaire et soulevait l’hostilité de toutes les classes de la population. En France en 1789, de nombreux cahiers de doléances des bailliages réclamèrent son abolition. Cette revendication était si universellement partagée que, dans son rapport de synthèse du 27 juillet 1789 devant les États généraux, le comte de Clermont-Tonnerre avait mis l'inquisition postale sur le même plan que les lettres de cachet, en ces termes :

« La Nation française s'élève avec indignation contre les lettres de cachet, qui disposaient arbitrairement des personnes, et contre la violation du secret de la poste, l'une des plus absurdes et des plus infâmes inventions du despotisme. » [1]

Même si la Constituante et la Convention avaient proclamé l'inviolabilité des correspondances, le Cabinet noir n'en continua pas moins de fonctionner, souvent à l'initiative des municipalités, à Paris et en province. Le Directoire le rétablit entre janvier et novembre 1796, en le limitant en principe à la surveillance des lettres étrangères[2], au nom de « la patrie en danger », pour lutter contre les conspirateurs « ci-devants », alors alliés aux ennemis de la France. Il fut ensuite maintenu par les gouvernants ultérieurs, de Bonaparte à Napoléon III, en passant par Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe.

La fin du cabinet noir

Cette inquisition postale multiséculaire, et utilisée par tous les régimes, prit fin à la suite de la réforme postale, qui en instaurant le port-payé d'avance par voie de timbre-poste à très bas prix, a, en moins de 20 ans, entrainé une importante multiplication des boîtes aux lettres, et donc de l'anonymat des expéditeurs, et provoqué un accroissement considérable du volume des correspondances (passées, selon Arthur Maury, de 185 millions de plis transportés en 1853, à 365 millions en 1869).

Ainsi, la réforme postale de Rowland Hill a engendré les deux facteurs, différés mais inexorables, de la disparition du cabinet noir, et donc de la liberté de correspondre : l’anonymat de l’expéditeur et le volume accru des correspondances.

Seul désormais l'état de guerre allait légitimer l'ouverture systématique du courrier destiné à l'étranger par la censure postale, mais alors de façon officielle et non occulte, sanctionnée par l'apposition de cachets et bandes de fermeture bien apparents. (voir : histoire postale).

Le régime juridique actuel du secret des lettres est soumis au principe du secret de la correspondance.

Expression moderne: Cabinet noir d’Yves Bertrand

Yves Bertrand, à la tête de la Direction centrale des Renseignements généraux (DCRG) de 1992 à 2003 avant de rejoindre l’IGPN, est soupçonné d’avoir constitué un « cabinet noir » au profit de Jacques Chirac, Dominique de Villepin, sous le contrôle du « cerveau » Philippe Massoni dont Yves Bertrand était l’exécutant.[réf. nécessaire]

Le rôle du « cabinet noir » d’Yves Bertrand était double : éteindre les nombreuses affaires judiciaires susceptibles de menacer Jacques Chirac et allumer les contre-feux nécessaires ; monter les « chantiers » pour abattre les opposants, les rivaux et les gêneurs. Le « cabinet noir » s’est attaqué successivement à Charles Pasqua, Lionel Jospin et Nicolas Sarkozy[réf. nécessaire].

Bibliographie

  • Eugène Vaillé, Histoire générale des Postes françaises, 7 tomes, Presses universitaires de France, Paris, 1947-1955.
  • Eugène Vaillé, Le Cabinet noir, Paris, P.U.F., 1950.
  • Professeur Yves Maxime Danan, Histoire postale et libertés publiques, L.G.D.J., Paris, 1965.
  • Gustav Schenk, Histoire du timbre-poste, traduit de l'allemand, Plon, Paris, 1959.
  • Gilles Perrault, Le Secret du Roi, 3 volumes, Fayard.

Voir aussi

Notes et références

  1. extrait des Archives parlementaires, 1re série, tome VIII, page 284, séance du 27 juillet 1789).
  2. Daniel Baruch, « Introduction aux Nuits de Paris », dans Louis-Sébastien Mercier, Nicolas Edme Restif de La Bretonne, Paris le jour, Paris la nuit, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1990, p. 611-612.
  • Portail du renseignement Portail du renseignement
  • Portail de l’histoire Portail de l’histoire
Ce document provient de « Cabinet noir ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Cabinet Noir de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужен реферат?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Cabinet noir — (French for black room ) was the name given in France to the office where the letters of suspected persons were opened and read by public officials before being forwarded to their destination. However, this had to be done with some sophistication …   Wikipedia

  • Cabinet noir — (franz., spr. nä nŭār, »schwarzes Kabinett«), Institut unter Ludwig XIV., dazu bestimmt, der Regierung Einblick in die Geheimnisse der Privatkorrespondenz zu verschaffen. Man bewerkstelligte hier das Eröffnen und Wiederverschließen der Briefe so… …   Meyers Großes Konversations-Lexikon

  • Cabinet noir — ● Cabinet noir cagibi sans fenêtre …   Encyclopédie Universelle

  • Cabinet noir —   [kabi nɛ nwaːr; französisch »schwarzes Kabinett«] das, (s) , ein Geheimbüro zur Durchsicht von Briefen politisch Verdächtiger, in Frankreich von Ludwig XIV. eingerichtet; später auch Name für viele Einrichtungen ähnlicher Art …   Universal-Lexikon

  • Cabinet noir — (sort kabinet), en under Ludvig 14. oprettet institution, som var bestemt til at skaffe regeringen indblik i privatkorrespondancens hemmeligheder. Man forstod at åbne og lukke brevene så behændig, at modtageren ikke mærkede noget. Ophævet under… …   Danske encyklopædi

  • Cabinet noir — Un sceau cachetant une lettre L expression « cabinet noir » désignait un service de renseignement, chargé de l inquisition postale et de cryptographie. De tels services œuvraient dans la plupart des pays européens, dès l établissement… …   Wikipédia en Français

  • Cabinet noir — Ca|bi|net noir [kabinɛ nwa:r] das; [s] <aus fr. cabinet noir »schwarzes Kabinett«> Geheimbüro zur Durchsicht von Briefen politisch Verdächtiger (erstmals von Ludwig XIV. in Frankreich eingerichtet) …   Das große Fremdwörterbuch

  • cabinet — [ kabinɛ ] n. m. • 1491 « petite chambre »; du picard cabine I ♦ 1 ♦ Rare en emploi libre Petite pièce située à l écart. ⇒ 2. réduit. Cabinet de débarras. ⇒ cagibi. CABINET NOIR, sans fenêtre. Menacer un enfant de l enfermer au cabinet noir.… …   Encyclopédie Universelle

  • noir — noir, noire [ nwar ] adj. et n. • XIIe ; neir 1080; lat. niger I ♦ Adj. A ♦ (Concret) 1 ♦ Se dit de l aspect d un corps dont la surface ne réfléchit aucune radiation visible, dont la couleur est aussi sombre que possible (⇒ noirceur; noircir;… …   Encyclopédie Universelle

  • CABINET — n. m. Lieu de retraite pour travailler seul ou converser en particulier. Il s’est retiré, enfermé dans son cabinet. La vie de cabinet est nuisible à sa santé. Cabinet d’étude. Homme de cabinet, Celui que sa profession oblige à travailler dans un… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”