Bon état des eaux

Bon état des eaux

La notion de « bon état » (chimique, écologique) des eaux est apparue dans les années 1990.
Elle a d'abord été en Europe une valeur-cible et un objectif pour différents programmes de gestion, restauration ou protection des eaux douces et non-souterraines, grâce notamment à la Directive cadre sur l'eau. Puis la stratégie marine européenne naissante[1], et en France le Grenelle de l'environnement (via sa trame bleue) suivi en 2009 d'un Grenelle de la mer (qui a proposé la réalisation d'une « trame bleu marine » en prolongation de la trame verte et bleue nationale) ont proposé de l'étendre plus activement au volume des océans et aux milieux marins et littoraux. La Loi Grenelle II (29 juin 2010) définit la trame verte et bleue nationale et les schémas régionaux de cohérence écologique en leur attribuant un objectif de « remise en bon état écologique » ;

Dans le contexte européen, hormis la directive cadre, d'autres directives et programmes concernent l'eau et contribuent au bon état des eaux ou en dépendant (Natura 2000, ERU, DCSMM, Directive inondations, Directive concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade, DEDUCE (Développement durable des côtes européennes), etc.).)


Sommaire

Le bon état, tel que défini par la DCE

La directive cadre sur l’eau (DCE [2]) impose en Europe des objectifs de qualité pour les eaux de surface et souterraines.
Elle a introduit une notion de bon état des masses d'eau, imposant que les objectifs et critères autrefois utilisés par cours d’eau (par exemple dans les contrats de rivière soient désormais remplacés par des objectifs par masse d’eau ; en France, dans le cadre des SAGEs et SDAGEs.)

  • En termes d'objectif, la notion centrale de la DCE est celle de « bon état écologique ». Elle ne concerne que les masses d'eaux douces superficielles, car la directive DCE n'a pas fixé d'objectifs de bon état écologique des eaux souterraines, même si certaines rivières, lacs ou cavernes souterraines peuvent abriter des écosystèmes particuliers.
  • Une masse d’eau est considérée " en bon état " au sens de la DCE si elle répond conjointement aux deux critères de "bon état chimique" et de "bon état écologique" [3].

Pour les eaux de surface, le "bon état" s’évalue à partir de deux groupes de critères :

  • caractéristiques chimiques de l’eau
  • fonctionnement écologique.
  • Des exercices d'inter-étalonnage devraient permettre une évaluation européenne homogène et cohérente de l'état des masses d'eau.

L'état écologique

Il est défini par la DCE comme l'« expression de la qualité de la structure et du fonctionnement des écosystèmes aquatiques associés aux eaux de surface ».
Si l’état chimique se mesure sur la base de paramètres et seuils classiques et identiques partout (approche plutôt toxicologique), l’état écologique s’apprécie plutôt sur des bases écologiques et écotoxicologiques et donc en fonction du type de masse d’eau considérée et de sa position biogéographique. Les valeurs-seuils qui déterminent le « bon état écologique » (pour les paramètres biologiques) changent donc selon le contexte biogéographique ; d'un type de cours d’eau à un autre, ou selon la portion du cours d'eau considérée (torrent, fleuve de plaine, estuaire...). Pour chaque type de masse d’eau, les autorités et agences habilitées sont en train de proposer des « sites de référence » considérés comme de « bonne qualité » qui serviront en quelque sorte de mesure-étalon pour définir les seuils du bon état.
Cette approche trouve des limites et pose question dans les régions fortement anthropisées depuis longtemps où les zones de bonne qualité n'existent peut-être plus. Une autre approche peut être d'étudier l'écopotentialité du milieu et d'en faire l'objectif à atteindre pour un bassin ou un sous-bassin.

Les différents états écologiques

Qualifiés de « mauvais » à « très bon », ils se mesurent par rapport à l'écart à la référence du très bon état (sur la base de Valeurs-seuils provisoires pour une période transitoire 2005/2007 dans un premier temps, cadrée par les programmes de mesures, choix des objectifs environnementaux des SDAGE...).

Leur mesure s'appuie sur des critères complémentaires dits « éléments de qualité » :

Pour chaque masse de d'eau, l'état écologique est qualifié selon cinq classes : très bon, bon, moyen, médiocre et mauvais.
Il est dans tous les cas caractérisé par l'écart aux conditions de références qui sont les conditions représentatives d'une eau de surface pas ou très peu influencée par l'activité humaine.

Le "très bon état écologique"

C'est l'état de référence au sens de la directive. Il correspond au potentiel écologique du milieu, à ce que serait en condition climacique le milieu et sa qualité en l'absence d'impacts anthropiques négatifs.
La DCE le considère comme atteint lorsque les écarts dus à l'activité humaine par rapport aux conditions de référence du type de masse d'eau sont considérés comme très faibles ou nuls.

Son évaluation se fait via l'étude quantitative et qualitative des écosystèmes, en prenant en compte

  • des éléments de qualité biologique (utilisés comme bio-indicateurs) :
- phytoplancton, zooplancton,
- macrophytes
- phytobenthos,
- faune benthique invertébrée,
- ichtyofaune

Analysés au regard de critères de composition, d’abondance, de biodiversité (niveau de diversité écopaysagère, spécifique et génétique), en s'appuyant sur le ratio des taxa ou espèces sensibles aux perturbations, ou des espèces invasives, devant être proches ou identiques à ce qu'ils seraient en l'absence de perturbations anthropogéniques.

  • Des indicateurs de qualité hydromorphologique
- qualité hydrologique, continuité de la rivière,
- qualité morphologiques et
- qualité physico-chimique…

…qui doivent correspondre totalement ou presque aux conditions qui seraient celles du milieu sans perturbations anthropogéniques

Le bon état chimique

L’objectif de bon état chimique est celui du respect de seuils (pour l'instant) quantitatifs de concentration qui sont en principe (c'est-à-dire sauf dérogation acceptée par l'Europe) les mêmes pour tous les types de cours d’eau.

En particulier les normes de qualités de l'eau doivent être respectées (à des échéances fixées par les SDAGEs en France, pouvant parfois déroger aux échéances générales fixées par l'Europe) pour les 41 substances visées par la directive cadre sur l’eau (métaux,métalloïdes, pesticides, hydrocarbures, solvants et autres produits toxiques ou éco-toxiques.)

A titre d'exemple, la France a déclaré le 22 mars 2010 à la Commission européenne que 21 % des masses d'eau de surface sont évaluées en mauvais état chimique. Pour les eaux souterraines, ce sont 41 % des masses d'eau qui n'étaient pas en bon état chimique. Des informations générales sur la compréhension et l'évaluation des eaux peuvent être obtenues en consultant le site Internet http://www.eaufrance.fr et des éléments sur la surveillance des masses d'eau peuvent être trouvés sur le site Internet[6]

Le « bon état écologique »

Il doit être atteint en 2015 pour les masses d'eau européennes en Europe selon la DCE, et donc en France pour les rivières et lacs. Il tient compte de l'impact des activités humaines sur les milieux naturels tout en visant un impact minimal autorisant les cycles biologiques complets, développement, reproduction des espèces faune et flore en équilibre dans le milieu. En Europe, il correspond pour les eaux douces non-souterraines au respect de valeurs de référence pour des paramètres biologiques et des paramètres physico-chimiques ayant un impact écologique.

L’état écologique est « l’appréciation de la structure et du fonctionnement des écosystèmes aquatiques associés aux eaux de surface. Il s’appuie sur des critères appelés « éléments de qualité » qui peuvent être de nature biologique - animale ou végétale, hydromorphologique ou physico-chimique. Il caractérise un écart aux conditions dites de référence (conditions représentatives d’un cours d’eau pas ou très peu influencé par l’activité humaine) ». En france, des méthodes et critères d’évaluation de cet état écologique sont cadrés par un arrêté[7]de 2010.

Des efforts de standardisation des mesures et évaluations existent, avec en France l'AFNOR dispose d'une Commission AFNOR T 95 F (Qualité écologique des milieux aquatiques) et l'Europe s'est dotée en 1996 d'une Commission Européenne de Normalisation (CEN/TC 230 Technical Committee CEN/TC 230 “The quality assurance of ecological data”, incluant un groupe – water analysis - WG2 – biological methods). Un portail "Sandre" [8] raassemble les données de normalisation et références en France.

Le bon état écologique est évalué par des campagnes répétées de suivi d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs, s'appuyant sur des comptages de poissons, de diatomées, de plantes aquatiques, de macro-invertébrés, etc. selon des indicateurs et bioindicateurs, par rapport à l'écopotentialité du cours d'eau et aux référentiels existants.

Les paramètres les plus souvent déclassant varient selon les zones biogréographiques : Ce sont par exemple ; l'eutrophisation, la turbidité, la quantité d’oxygène dissous, et plus rarement la salinité ou l'acidification.
Dans les régions industrielles, ce sont plus souvent les métaux lourds et des polluants tels que les PCB, dioxines, furanes, HAP, etc. alors que dans les régions d'agriculture intensive, les nitrates, phosphates et pesticides, et la turbidité induite par une érosion aggravée des sols seront des paramètres plus limitant.

Indicateurs de qualité physico-chimiques, hydromorphologique et biologiques[9] - Algues : Indice Biologique Diatomées (IBD) - Invertébrés (insectes, mollusques, crustacés…) : Indice Biologique Global Normalisé (IBGN) - Poissons : Indice Poisson en Rivières (IPR) - Blans aération / oxygènation (carbone organique, oxygène dissous…) - Nutriments (azote et phosphore) - Température, salinité, pH - Polluants spécifiques synthétiques (5 herbicides) et non synthétiques (4 métaux), au minimum - Régime hydrologique des cours d'eau - Continuité écologique - Conditions morphologiques

En complément, sur les berges ou zones humides connexes, l'indice biotique de qualité des sols peut être apprécié. Des suivis annuels sont publiés[10]. Les cartographies[11] disponibles montrent qu'un retard important reste en France à rattrapper pour atteindre les objectifs 2015[12].

Limites et dérogations possibles : le cas des « masses d’eau fortement modifiées »

Les masses d’eau de certains bassins intensivement exploités par l'Homme ont subi depuis parfois plus de 1000 ou 2000 ans des modifications significatives ou très importantes de leur fonctionnement et caractéristiques naturelles.
Le « bon état écologique » ne peut plus y être mesuré en référence à une partie bien conservée du basin ; il sera celui de la masse d’eau si elle n’avait pas été transformée.

Parfois le "bon état" ne peut plus raisonnablement en termes de coûts, de moyens techniques et à échelle administrative de temps espéré être atteint.

La directive DCE a prévu dans un régime dérogatoire que ces masses d’eau "fortement modifiées" fassent l'objet de valeurs de références biologiques moins exigeantes, dites "objectif de bon potentiel écologique", qui s’applique aussi à des masses d’eau très artificialisées telles que celles des canaux ou de certaines retenues («masses d’eau artificielles» ; avec par exemple en France, le canal de Neufossé creusé il y a plus de 1000 ans par Baudouin VI, comme fortification contre les invasions venues du nord). Dans ces cas un report de délai est possible pour l’atteinte du bon état (BE) ou du bon potentiel (BP).

Le cas des eaux marines

En Europe, le bon état écologique des eaux marines a fait l'objet (en septembre 2010) de précisions[13] de la part de l'Europe avec :

  • des conditions générales d’application des critères relatifs au bon état écologique ;
  • une liste de critères relatifs au bon état écologique applicables aux descripteurs de l’annexe I de la directive 2008/56/CE.

Les fonds marins, jusqu'à - 4000m font l'objet d'une attention récente mais particulière, avec notamment l'observatoire ESONET (European Sea Floor Observatory Network Network of Excellence[14]) des fonds marins européens (50 partenaires dans 14 pays) .

En France, la loi Grenelle II de 2010 stipule que « l'autorité administrative prend toutes les mesures nécessaires pour réaliser ou maintenir un bon état écologique du milieu marin au plus tard en 2020 » [15]. Un document cadre est la stratégie nationale pour la mer et le littoral.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie

  • La Commission Océanographique Intergouvernementale de l’UNESCO a produit deux guides méthodologiques ;
- « Guide méthodologique d’aide à la Gestion Intégrée de la Zone Côtière » (1997)(Télécharger ce guide) [PDF] (fr)
- « Des outils et des hommes pour une Gestion Intégrée des Zones Côtières » (2001) (Télécharger ce guide) ; Version remaquettée par Ifremer [PDF] (fr)

Notes et références

  1. Livre vert sur la politique maritime de l’Union européenne (2006)
  2. Directive européenne 2000/060 du 22/12/2000transposée en droit français par la Loi 2004-338 du 21/04/2004
  3. définition retenue en France pour les eaux douces par une Circulaire DCE no 2005-12 du 28/07/05 relative à la définition du « bon état » et à la constitution des référentiels pour les eaux douces de surface (cours d’eau, plans d’eau), en application de la directive européenne 2000/60/DCE du 23 octobre 2000, ainsi qu’à la démarche à adopter pendant la phase transitoire (2005-2007) NOR : DEVO0540335C (Texte non paru au Journal officiel)
  4. Prygiel J., Carpentier P., Almeida S., Coste M., Druart J-C., Ector L., Guillard D., Honoré M.-H., Iserentant R., Ledeganck P.,Lalanne-Cassou C., Lesniak C., Mercier I., Moncaut P., Nazart M., Nouchet N.,Peres-Weerts F., Peeters V., Rimet F., Rumeau A., Sabater S., Straub F., Torrisi M., Tudesque L.,Van de Vijver B., Vidal H., Vizinet J., Zydek N., 2002. Determination of the Biological Diatom Index (IBD NF T 90 - 354): results of an intercomparison exercise. Journal of Applied Phycology 14(1) : 27-39
  5. Prygiel J., 2002. Management of the diatom monitoring networks in France in 2000 Journal of Applied Phycology 14(1): 19-26
  6. Source Réponse du ministère de l'Écologie, énergie, développement durable et mer à une question (N° : 86056) de l'assemblée nationale (de M. François Rochebloine)
  7. Arrêté du 25 janvier 2010 en application des articles R.212-10, R.212-11 et R.212-18 du Code de l’Environnement.
  8. http://sandre.eaufrance.fr/ Sandre: portail sur la normalisation et les données de référence sur l’eau]
  9. Qualité biologique des cours d’eau en France. Invertébrés, Diatomées, Poissons. Édition 2001
  10. La qualité biologique des cours d’eau en France. Édition 2000
  11. Carte Eaufrance - État écologique des masses d’eau - cours d’eau en 2009
  12. Note Eaufrance - De l’état des eaux en 2009, aux objectifs 2015
  13. DÉCISION DE LA COMMISSION du 1 er septembre 2010 ; relative aux critères et aux normes méthodologiques concernant le bon état écologique des eaux marines ; notifiée sous le numéro C(2010) 5956 ; (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (2010/477/UE)
  14. Site d'ESONET European Seas Observatory NETwork
  15. voir « CHAPITRE IX Politiques pour les milieux marins », p 187 et suivantes de la Loi Grenelle II
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