Bismarck (cuirasse)

Bismarck (cuirasse)

Bismarck (cuirassé)

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Bismarck
Le Bismarck à Hambourg, en 1940Le Bismarck à Hambourg, en 1940
Histoire
A servi dans : Kriegsmarine Pavillon
Commandé : 16 novembre 1935
Quille posée : 1er juillet 1936
Lancement : 14 février 1939
Armé : 20 août 1940
Statut : Sabordé ou coulé par les anglais le 27 mai 1941
Caractéristiques techniques
Type : Cuirassé
Longueur : 250,5 m
Maître-bau : 36 m
Tirant d’eau : 8,7 m
Déplacement : 41 700 t normal, 50 900 t à pleine charge
Puissance : 150 000 ch (110 MW)
Vitesse : 30,8 nœuds
Caractéristiques militaires
Blindage : 20 à 360 mm ; 320 mm (ceinture)
Armement : 8x380mm (4x2), 12x150mm (6x2), 16x105mm, 16x37mm (8x2), canon 12x20mm
Aéronefs : 6, avec 2 catapultes
Autres caractéristiques
Équipage : 2 000 – 2 200 hommes
Chantier : Blohm & Voss, Hambourg

Le Bismarck est un cuirassé allemand de la Seconde Guerre mondiale, fleuron de la Kriegsmarine du IIIe Reich et qui porte le nom du chancelier Otto von Bismarck (1815-1898). Il est célèbre pour avoir coulé le HMS Hood et sa poursuite par les Britanniques. Il fut, avec son "sister-ship" le Tirpitz, le bâtiment allemand le plus puissant et la fierté de son pays.

Lancement du Bismarck à Hambourg, le 14 février 1939

Sommaire

La menace

La conception du navire commence en 1934. Pendant cette période le déplacement passa de 35 000 à 42 600 tonnes, bien au-dessus des 10 000 tonnes autorisée par le traité de Versailles[1]. Sa quille fut installée à la cale sèche Blohm + Voss à Hambourg le 1er juillet 1936. Son lancement eut lieu le 14 février 1939 et il prit son service le 24 août 1940 avec le capitaine de vaisseau Ernst Lindemann.

Mise en service du Bismarck, vue de la passerelle, le 24 août 1940

À cause de la suprématie britannique en navires de combat de surface, Adolf Hitler ordonna à la Kriegsmarine de cibler les navires de transport britanniques en particulier les convois assurant son ravitaillement en provenance d'Amérique du Nord en une guerre de course : le Bismarck, associé au Scharnhost et au Gneisenau, ces deux derniers déjà à Brest, s'appuyant sur des pétroliers positionnés dans l'Atlantique aurait constitué un danger insupportable pour la Grande-Bretagne. Commandé par Gunther Lutjens (nommé Amiral en 1940 à l'âge de 51 ans), le Bismarck prit la mer pour son voyage inaugural quittant le port de Gotenhafen (maintenant Gdynia) le 19 mai 1941 accompagné du Prinz Eugen, croiseur lourd de classe Admiral Hipper.

Mais d'emblée, l'amiral Lutjens commit des erreurs tactiques fondamentales : tout d'abord les soutes du Bismarck ne furent pas totalement remplies : il y manquait 200 tonnes de carburant. Puis, au lieu d'emprunter de nuit de préférence le canal de Kiel pour rejoindre la mer du Nord, l'escadre (Bismarck, Prinz Eugen et deux destroyers) emprunta de plein jour les détroits du Skagerak et du Kattegat, où les navires furent repérés par un croiseur suédois, puis par des observateurs norvégiens. Le gouvernement suédois fut donc prévenu, et les informateurs britanniques qui s'y trouvaient transmirent l'information. Parmi les Norvégiens, deux d'entre eux espionnaient pour le compte du Royaume-Uni. Cette double information fut transmise à l'amiral Tovey , commandant la Home Fleet à Scapa Flow.

L'erreur suivante de Lutjens fut de relâcher dans le fjord de Bergen le 22 mai, face à l'Écosse, où il fut repéré par un avion de reconnaissance du Coastal Command. Et là encore, alors que le Prinz Eugen ravitaillait ses soutes en carburant, Lutjens négligea cette précaution. Les Britanniques lancèrent le lendemain un raid aérien, mais les navires avaient quitté le fjord, mettant à profit un temps exécrable.

L'amiral Tovey se trouvait face à un dilemme difficile : pour rejoindre l'Atlantique, le Bismarck et le Prinz Eugen pouvaient emprunter soit le détroit du Danemark, entre l'Islande et le Groenland, soit l'espace séparant l'Islande et les îles Féroé, soit même l'espace entre les îles Féroé et l'Écosse, soit 3 vastes zones à surveiller. Il disposait pour cela de nombreux croiseurs et destroyers, mais de seulement 4 bâtiments de ligne pouvant s'opposer au Bismarck : son navire amiral, le tout récent cuirassé King George V, son "sister ship" le Prince of Wales, le croiseur de bataille Repulse et le croiseur de bataille Hood, le plus grand navire de guerre de l'époque et l'orgueil « affectif » de la Royal Navy.

La réalité était plus contrastée : Le Prince of Wales bien qu'en service depuis quelques semaines présentait des problèmes de mise au point de ses tourelles, et des équipes civiles du chantier naval travaillaient encore à bord. Le Hood était un croiseur de bataille, non un cuirassé, et sa mise en service remontait à la fin de la première guerre mondiale. Le concept du croiseur de bataille était celui d'un navire doté d'un armement lourd, semblable à un cuirassé mais plus faiblement protégé afin de lui donner un avantage significatif en vitesse. Son rôle n'était pas d'affronter des navires de ligne mais de défaire tout croiseur ennemi sur lesquels son armement lui donnait un avantage significatif. Leur vulnérabilité avait toutefois été démontré lors de l'affrontement du Jutland en 1916 où deux d'entre eux avaient littéralement explosé sous le feu ennemi. Consciente de cette faiblesse, la Royal Navy avait programmé un renforcement du blindage du Hood en 1938, remis à plus tard vu l'imminence du conflit.

La réaction britannique

Face à la menace, l'amiral Tovey réagit avec une grande intelligence stratégique : avant même que l'escadre allemande ait fait relâche à Bergen, il envoyait les croiseurs Suffolk et Norfolk patrouiller dans le détroit du Danemark tandis que les croiseurs Arethusa, Birmingham et Manchester patrouilleraient dans l'espace séparant l'Islande des îles Féroé. Dès qu'il eut confirmation que le Bismarck avait quitté Bergen, il dépêcha le Hood et le Prince of Wales, accompagnés de destroyers pour qu'ils soient en position d'intercepter les navires allemands au débouché du détroit du Danemark, s'ils empruntaient cette route. Puis il prit lui même la mer avec le King George V, le Repulse, le porte-avions Illustrious et une escadre de croiseurs et destroyers pour fermer le passage Islande-Féroé.

Premier succès allemand

Le Bismarck engagé contre le Prince of Wales, lors de la bataille du détroit du Danemark, le 24 mai 1941.

L'amiral Lutjens avait finalement décidé de gagner l'Atlantique par le détroit du Danemark après être remonté dans le Nord, négligeant à nouveau son ravitaillement auprès du pétrolier Wissemburg positionné dans ces eaux à cet effet. Le 23 mai 1941, les deux navires allemands sont repérés par le croiseur Suffolk puis par le Norfolk; les deux croiseurs suivirent l'escadre allemande à distance respectable, après avoir bien entendu signalé sa position. Les calculs de Tovey se révélaient pertinents : le Hood et le Prince of Wales se trouvaient alors à 300 miles au sud-ouest sur une route convergente. Tovey, lui, obliqua vers le sud-ouest pour préparer une seconde phase d'interception potentielle.

La rencontre eut lieu le 24 mai au petit matin. L'amiral Holland sur le Hood qui commandait l'escadre britannique commit l'erreur de ne pas laisser le Prince of Wales en tête de l'attaque : il aurait ainsi attiré le feu ennemi contre lequel il était mieux protégé. Son autr erreur fut de ne pas laisser sa liberté d'action au Prince of Wales et de ne pas combiner le combat avec une attaque des croiseurs Suffolk et Norfolk sur l'arrière des Allemands. Arrivant en outre à angle droit face au Bismarck et à contre-vent, les navires britanniques se privaient de leur supériorité en canons lourds, leurs 2+2 tourelles arrière ne pouvant intervenir alors qu'un des canons avant du Prince of Wales était encore défectueux. Lors des premiers échanges le Hood et le Prince of Wales furent touchés, tout comme le Bismarck. Holland ordonna alors aux deux navires principaux d'obliquer sur la gauche afin de bénéficier de l'ensemble de son artillerie; c'est pendant cette manœuvre que le Hood fut atteint par un obus du Bismarck. Le projectile traversa la faible cuirasse du pont et explosa dans une soute à munitions : le navire explosa et, en quelques dizaines de secondes, sombra. Seuls 3 survivants furent recueillis ultérieurement par le destroyer Electra, sur les 1429 membres d'équipage.

Le combat était loin d'être terminé, il restait toujours le cuirassé, plus moderne. Mais le Prince of Wales, qui suivait le Hood, évitant celui-ci qui sombrait, passa à proximité de l'endroit où il avait été mortellement touché. Les artilleurs allemands du Bismarck et du Prinz Eugen n'eurent pas besoin d'ajuster de beaucoup : la passerelle de commandement du cuirassé britannique fut sévèrement touchée par un obus de 380 mm qui tua pratiquement tous ceux qui s'y trouvaient. Une voie d'eau s'ouvrit à l'avant. Les tourelles, qui avaient rencontré auparavant plusieurs problèmes de jeunesse, virent leur capacité de combat devenir insuffisante pour faire face, par suite des coups encaissés. Le cuirassé britannique n'eut d'autre choix que de "mettre les voiles", tirant un écran de fumée afin de couvrir sa fuite. Moins rapide que le Bismarck qui avait pris un net ascendant sur l'Anglais, tout portait à croire que ce dernier allait le poursuivre afin de couronner de victoire cet engagement. Pourtant, Lütjens, exacerbé par cette rencontre imprévue, n'avait d'autre idée en tête que de gagner l'immensité atlantique -là où il serait en sécurité- au plus vite : les ordres étaient de ne pas engager de navire de force égale ou supérieure sauf en cas de nécessité. Bien que Lindermann tenta de le convaincre de poursuivre l'engagement -le Prince Of Wales était dans un tel état qu'une victoire aurait été assurée, les ordres n'auraient donc pas été contournés, et la victoire apportée aurait justifié la prise de risque-, Lütjens ne voulait pas perdre de temps. Il pouvait supposer que si le Hood et le Princes Of Wales étaient là, alors que la Luftwaffe signalait la veille que rien n'avait bougé à Scapa Flow, d'autres navires pouvaient être également en route pour l'affronter. Il fallait donc quitter les lieux au plus vite, le Prince Of Wales s'en sortant donc. Une fois les réparations nécessaires effectuées, il ne manqua pas d'échanger quelques tirs sporadiques avec l'Allemand dans les jours qui suivirent, mais il fut à chaque fois repoussé par la précision du Bismarck.

La perte du Hood fut ressentie comme une immense défaite et une humiliation pour la Royal Navy dont il avait été le symbole dans l'entre-deux-guerres. En quelques minutes, le Bismarck avait détruit un de ses adversaires et forcé un navire de ligne des plus modernes à rompre le combat. Tout reposait désormais sur l'escadre de l'amiral Tovey pour qu'il ne s'échappe pas dans le vaste océan Atlantique. C'est à ce moment que Winston Churchill lança son mot d'ordre : « Coulez le Bismarck, à tout prix ! »

La poursuite

Bataille du détroit du Danemark et poursuite du Bismarck

L'amiral Tovey ordonna au Prince of Wales de se regrouper avec le Suffolk et le Norfolk et de suivre le Bismarck. En même temps, l'Amirauté britannique donnait l'ordre à l'amiral Sommerville basé à Gibraltar avec la force H de quitter son mouillage et de faire route plein Nord afin de barrer la route de l'Atlantique Sud et éventuellement de la France au Bismarck. Cette force se composait du porte-avions moderne Ark Royal, du croiseur de bataille Renown, "sister ship" du Repulse, et du croiseur lourd Sheffield. Le cuirassé Rodney, qui se rendait à Boston pour un carénage court en escortant un convoi, reçut quant à lui l'ordre de rejoindre le King George V. Puis Tovey lui-même se mit en position d'intercepter le Bismarck au Sud-Ouest. Il détacha tout d'abord le porte-avions Victorious qui lança une attaque, par un temps exécrable, d'avions torpilleurs Fairey Swordfish mené par des équipages inexpérimentés. Une torpille toucha le Bismarck au centre de la cuirasse, sans dégâts autres que de provoquer la mort d'un officier marinier à l'aplomb de l'impact. Lütjens peu auparavant avait libéré le Prinz Eugen : faisant demi-tour, le Bismarck avait surpris le Suffolk qui le suivait ; un nouvel et bref engagement avait eu lieu avec le Prince of Wales et, pendant l'escarmouche, le croiseur allemand s'était éclipsé pour gagner l'Atlantique, seul. En effet, le combat contre les deux navires de lignes ne pouvait avoir laissé le Bismarck indemne : un des obus du Prince of Wales avait mis hors d'usage une chaudière et un autre avait percé la proue et inondé un réservoir de mazout, le privant de près de 200 tonnes de combustible. Lütjens prit la décision de ne pas se lancer dans une guerre de course en plein Atlantique après un rendez-vous avec un pétrolier, mais de regagner au plus vite un port français, Brest en l'occurrence, à une vitesse limitée de vingt nœuds environ, tant en raison de la chaudière défectueuse que pour économiser un précieux carburant. L'amiral était également impressionné par la réaction britannique : il avait rencontré deux navires de ligne lui barrant la route, et l'attaque en pleine mer d'avions torpilleurs présumait que d'autres forces étaient à l'affût. L'opération Rheinübung avait clairement été éventée, l'effet de surprise qu'aurait provoqué le géant à l'attaque d'un convoi était perdu; pour Lütjens il était préférable de laisser le croiseur lourd seul, et de repartir. Cette décision fut mal comprise par l'équipage : en effet, les avaries étaient importantes, mais ne nuisaient pas réellement à la capacité de combat du cuirassé. La mauvaise interprétation de la décision provoqua des inquiétudes quant à la nature réelle des avaries, d'où une baisse du moral, pourtant très haut après la victoire sur le Hood.

La chance était quand même de son côté : peu de temps après l'attaque du Victorious, les navires qui le suivaient perdirent le contact, laissant la Royal Navy dans l'inconnu quant à sa course, alors qu'il n'avait pas encore obliqué au Sud-Est en direction de Brest. La Royal Air Force lança immédiatement des patrouilles de reconnaissance. Tovey coupa plusieurs fois sa route mais sans le rencontrer. Les services de renseignement britanniques reçurent un message d'un officier de marine français, expliquant que des préparatifs étaient en cours à Brest pour l'arrivée d'une grosse unité. Puis Lutjens commit la grossière erreur de rompre le silence radio et d'envoyer un message annonçant sa décision de rejoindre un port français, ceci alors qu'il pensait qu'il était impossible de rompre le contact avec les appareils de détections britanniques; il faut dire qu'une première tentative de séparation avec le Prinz Eugen s'était soldée par un échec peu avant.

Les Britanniques en déduisirent sa direction, bien que des erreurs de calculs en premier temps eurent pour effet de les conduire dans une mauvaise direction. Le Bismarck ne filant plus qu'à un peu plus d'une vingtaine de nœuds, il était toutefois encore temps de le rattraper une fois la méprise découverte. Tovey obliqua lui aussi vers l'Ouest mais l'amiral, rejoint entretemps par le Rodney (et détachant de ce fait le Repulse) ignorait toujours la position exacte du navire allemand par rapport à lui-même. Le 26 mai 1941 à 10 h 30, un Catalina en patrouille finit par repérer le Bismarck, donna sa position et échappa au tir nourri des batteries anti-aériennes du navire.

Malheureusement, la position montrait que le Bismarck était devant le King George V et le Rodney et que les chances de ces derniers de le rattraper étaient faibles, malgré la vitesse réduite pour économiser le carburant du navire allemand. Des sous-marins allemands étaient rameutés à l'ouest de Brest et, à quelques centaines de kilomètres des côtes, le Bismarck serait aussi sous la protection aérienne de la Luftwaffe. Restait Sommerville et la force H qui remontait de la Méditerranée et qui pouvait l'intercepter. Mais le croiseur lourd Sheffield n'était pas de taille face aux canons du Bismarck et Sommerville hésitait à engager le Renown (comme le Hood, c'était un croiseur de bataille et non un cuirassé, tout comme le Repulse, ils n'étaient de plus armés que de 6 canons de 380 mm, donc sujet aux mêmes faiblesses au niveau de leur protection). Restait l’Ark Royal et ses Swordfish, ainsi qu'un écran de sous-marins britanniques postés devant Brest.

L'attaque décisive

Un Swordfish à l’appontage sur l’HMS Ark Royal après le torpillage du cuirassé Bismarck (26 mai 1941)

L’Ark Royal lança une première attaque le 26 mai 1941 après-midi, sans succès (certains pilotes confondirent le Sheffield avec le Bismarck et lâchèrent leurs torpilles qui manquèrent leur but). Le Bismarck, qui venait de franchir la limite de couverture aérienne par les Focke-Wulf Fw 200 Condor de la Luftwaffe, ne reçut pourtant aucune aide de celle-ci, qui invoquait de mauvaises conditions météo. Pourtant les archaïques Swordfish décollèrent depuis leur porte-avion dans des conditions bien pires.

Une seconde attaque eut lieu le même jour à 21 h 30, c'était la dernière possible : la nuit empêcherait de nouvelles attaques et le lendemain, le cuirassé allemand serait trop proche des côtes. Le Bismarck, malgré des manœuvres qui permirent d'éviter de nombreuses torpilles, fut touché à deux reprises. Une première explosa au centre de la cuirasse, sans faire de dégâts. Mais la toute dernière torpille tirée par les Swordfish heurta et bloqua le gouvernail : barre bloquée, le navire se vit contraint de faire route au Nord-Ouest, c'est-à-dire en direction de l'escadre de Tovey qui s'approchait. Les Anglais crurent d'abord qu'ils avaient raté leur dernière occasion, mais le Sheffield eut la surprise de voir surgir le Bismarck face à lui. Le croiseur lourd, se mettant rapidement à couvert, signala alors à Tovey la route illogique tenue par le cuirassé allemand.

Tovey manœuvra pour éviter un engagement avant le lendemain matin (27 mai) et donna libre champ au capitaine Vian et à son escadre de destroyers pour harceler le navire allemand durant toute la nuit. Vian était avant tout chargé de ne pas perdre le Bismarck, mais ses destroyers combatifs enchaînaient les attaques. Les tirs du Bismarck, toujours d'une grande précision, les repoussèrent tout de même, sans qu'ils parviennent à s'approcher suffisamment pour obtenir la précision nécessaire : aucune torpille n'obtint de coup au but, semblerait-il. Bien que Vian eût dit avoir entendu une explosion, rien ne changea sur le Bismarck. Pendant ces attaques, plusieurs Britanniques trouvèrent la mort, d'autres furent blessés. Si le Bismarck ne reçut apparemment pas de nouvelle torpille, son équipage passa une nuit épouvantable et, à 8 h 43 le 27 mai, se trouva face à deux cuirassés faisant route directement vers lui.

Le combat final

Des survivants du Bismarck sont recueillis par le Dorsetshire.

Le Rodney fut le premier à ouvrir le feu avec ses 9 pièces de 406 mm suivi du King George V avec ses 10 pièces de 356 mm. Si les toutes premières salves du Bismarck encadrèrent dangereusement le King George V, le navire allemand fut très vite touché par plusieurs obus qui détruisirent rapidement les organes de direction de tir. Celui-ci, déjà difficile du fait de l'impossibilité du navire de manœuvrer correctement, devint peu à peu erratique et imprécis. La passerelle fut détruite, puis les tourelles mises hors d'action les unes après les autres. Les superstructures furent en proie à de nombreux incendies, mais le Bismarck restait tout de même à flot. Tovey ordonna la fin des tirs après deux heures de combat, le Rodney (qui avait déjà tiré de nombreuses torpilles pendant le combat) tira encore quelques coups à distance très rapprochée. Le croiseur Dorsetshire essaya également d'achever le bâtiment à la torpille. Il en lança une de chaque côté du cuirassé, qui finit par chavirer à 10 h 40. Il semblerait pourtant que ce ne soit pas les torpilles qui aient fait couler le Bismarck, mais qu'il aurait été sabordé par l'équipage qui en avait reçu l'ordre avant de devoir abandonner le navire. Cette version, soutenue par l'équipage, mais contestée par les Britanniques, a depuis été corroborée par les déchirures constatées le long de la coque lors de l'exploration de l'épave.

Seuls 115 survivants furent recueillis par le Dorsetshire sur un équipage de plus de 1 800. Ils étaient encore des centaines, peut-être mille, encore à l'eau, mais furent abandonnés sous les yeux effarés des matelots britanniques, car le croiseur avait cru repérer un sous-marin allemand tout proche. Les Allemands, quant à eux, parvinrent sur les lieux bien après, mais ne trouvèrent que de rares survivants. Le navire-hôpital espagnol Canarias qui, à la demande du gouvernement allemand s'était porté vers le lieu présumé du combat, rentra bredouille.

Épilogue

Maquette du Bismarck

La fin du Bismarck eut le même retentissement en Allemagne que celle du Hood en Grande-Bretagne, car la propagande nazie en avait fait le symbole du challenge contre la marine britannique. Toutefois, si au-delà des pertes humaines la perte du Hood n'affaiblissait pas la Royal Navy, celle du Bismarck modifia totalement la stratégie du Haut Commandement Allemand. Si le Prinz Eugen, après avoir ravitaillé auprès d'un pétrolier au large des Canaries, réussit à regagner Brest début juin, le concept de guerre de course dans l'Atlantique avec des croiseurs isolés fut abandonné, d'autant plus que la capture d'une machine Enigma par les Britanniques leur permit de connaitre les positions des pétroliers ravitailleurs qui furent tous détruits les uns après les autres dans les semaines suivantes. Le Prinz Eugen, le Scharnhost et le Gneisenau réussirent à regagner l'Allemagne par la Manche peu de temps après, où ils furent endommagés par des mines. Ils ne s'aventurèrent plus en mer, à l'exception du Scharnhost qui menaça peu après Noël 1943 un convoi ravitaillant l'URSS, et où il fut coulé pendant l'attaque (bataille du Cap Nord) par le Duke of York (un autre "sister ship" du King George V et du Prince Of Wales).

Quant au "sister ship" du Bismarck, le Tirpitz, il ne s'écarta pas de l'abri des fjords norvégiens et fut coulé par la RAF lors d'un raid aérien. Comme en 1914-1918 la marine de surface allemande connut une fin peu glorieuse.

Le retentissement de l'épisode du Bismarck est dû à plusieurs facteurs :

  • tout d'abord par le danger qu'il représentait pour la Grande-Bretagne qui en mai 1941 se battait encore seule contre les nazis ;
  • ensuite par l'importance des moyens mis en œuvre pour le détecter, le poursuivre et le combattre : 8 cuirassés et croiseurs de bataille, 2 porte-avions, 11 croiseurs, 21 destroyers et 6 sous-marins. 300 sorties aériennes eurent lieu et près de 60 torpilles furent tirées. Entre Gdynia et le lieu où il sombra, le navire avait parcouru près de 4 000 miles. Les rebondissements de l'action et les retournements de situation, ainsi que le professionnalisme des Britanniques opposé aux nombreuses erreurs tactiques et stratégiques commises par les Allemands ont également contribué à l'impact auprès du public.

Ce fut aussi un des derniers combats navals entre des navires de ligne (l'avant dernier en Europe). L'épisode de l’Ark Royal fit apparaître la vulnérabilité des grandes unités vis-à-vis des attaques aériennes et provoqua progressivement leur remplacement par le porte-avions en tant que "capital ship", ce qui fut confirmé par la guerre du Pacifique de manière éclatante. Les Britanniques n'en tirèrent néanmoins pas de suite toutes les conclusions car, en décembre 1941, les cuirassés Prince of Wales et Repulse furent encore envoyés sans couverture aérienne à l'attaque des convois de débarquement japonais en Malaisie. Ils furent surpris par une attaque de bombardiers et d'avions torpilleurs japonais, et tous deux coulés.

La postérité

Avec les années, le navire entra dans la légende. Son histoire fut popularisée par un film en 1960, « Coulez le Bismarck ! », puis une chanson homonyme la même année de Johnny Horton.

L'épave fut découverte le 8 juin 1989 par une expédition menée par Robert D. Ballard, également découvreur de l'épave du Titanic, à une profondeur d'environ 4700 m, 650 km au nord-ouest de Brest. L'analyse de l'épave montre des dommages nombreux sur la superstructure causés par les obus et quelques dégâts mineurs causés par les tirs de torpille mais suggéra dans un premier temps que les Allemands aient pu saborder le navire pour hâter son naufrage. Cela n'avait jamais été prouvé auparavant par des investigations marines mais toujours affirmé par les marins survivants. Ballard garda secret l'emplacement exact de l'épave pour prévenir d'autres plongées et d'éventuels prélèvements sur l'épave, pratiques qu'il considère comme une forme de vol aggravé.

Plus tard, une autre plongée identifia l'épave et ramena des images pour un documentaire sponsorisé par la chaine britannique Channel 4 sur le Bismarck et le Hood.

Une troisième plongée sur l'épave est réalisée en 2002 à l'initiative du réalisateur canadien James Cameron pour la réalisation d'un film documentaire, Expedition: Bismarck, sorti la même année. Ce film raconte l'histoire du cuirassé allemand, en associant images de la plongée sur et dans l'épave et reconstitution numérique de la bataille, du naufrage jusqu'à son glissement sur le fond de l'océan. Ses découvertes étaient qu'il n'y avait pas assez de dommages sous la ligne de flottaison pour confirmer que le Bismarck ait été coulé par les obus ou les torpilles britanniques, confirmant même après une inspection sous-marine à l'intérieur du navire qu'aucun obus ou torpille n'avait pénétré la partie blindée de la coque, renforçant la thèse allemande de sabordage du navire. Puis cette thèse fut encore renforcée quand on découvrit d'autres images de la coque, qui prouvèrent sans conteste que c'étaient les Allemands qui avait sabordé leur navire.

Liens externes

Bibliographie

  • The Battleship Bismarck. The Complete History of a Legendary Ship, livre sous format électronique de José M Rico, avril 2004.
  • Philippe Caresse, Le Bismarck, éditions Lela Presse, 2004.
  • Coulez le Bismarck ! de C.S. Forester; Editions "J'ai lu leur aventure" n°A25 .
  • "Pursuit. the sinkink of the Bismark" de Ludovic Kennedy, WM Collins, 1974.

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Notes et références


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