Mardochée Aby Serour

Mardochée Aby Serour
Mardochée Aby Serour dans les années 1880, il est alors âgé d'une cinquantaine d'années

Mardochée Aby Serour (1826-1886) est un rabbin et explorateur marocain.

Rabbin de formation, il aura été au cours de son existence commerçant à Tombouctou, correspondant de la Société de géographie de Paris et guide de Charles de Foucauld au Maroc.

Sommaire

Études

Né dans l'extême sud marocain à Akka, il part à neuf ans seul de son village à Marrakech où il étudie le talmud et l'hébreu[1]. À 13 ans, il est envoyé à Jérusalem pour y suivre des études rabbiniques; il mettra trois ans pour atteindre la Palestine. Là, il passe quatre ans dans une yeshiva et en ressort en 1846 avec le titre de rabbin[2]. Il sert ensuite la communauté d'Alep en Syrie pendant un an, ce qui lui permet de réunir assez d'argent pour entamer son voyage de retour au Maghreb. De 1847 à 1858 il est rabbin en Algérie, à Philippeville et Alger[1].

Voyages au Sahara

Il se rend ensuite à Tamentit dans le Touat (actuel sud-ouest algérien). Il y noue des contacts avec des caravaniers et, sa fortune faite revient à son village natal d'Akka[1]. Il décide alors de traverser avec son frère cadet Isaac le Sahara pour se rendre à Tombouctou, mystérieuse cité sahelienne, ville sainte pour l'Islam interdite aux non-musulmans[2]. Le début de sa traversée se déroule bien, cependant il se retrouve bloqué à Araouane (nord de l'actuel Mali)[1]. Il parvient à amadouer les gardiens du lieu en faisant preuve de son intelligence et de sa maitrise parfaite du texte coranique mais devra attendre un an avant d'obtenir l'autorisation de continuer son périple[1].

Séjour à Tombouctou

Il parvient ensuite à Hamdallaye, capitale de l'empire peul du Macina ; là, reçu par le souverain Ahmadou Ahmadou, il parvient à le convaincre de lui d'octroyer, ainsi qu'à tout juif ou chrétien qui en ferait la demande, l'autorisation de résider et de commercer à Tombouctou en l'échange du payement d'une taxe[1]. Il fait prospérer ses affaires dans cette ville et en 1863 il est devenu richissime. Il rentre alors au Maroc pour revoir ses proches et convaincre famille et amis de le rejoindre dans le Sahel. En 1864, il y a assez de Juifs à Tombouctou pour faire miniane[1]. Cependant la petite communauté ne tarde pas à connaître des déboires. En raison de pressions externes, la totalité de ses biens est confisquée par le gouverneur de la ville. Serour quitte la région ruiné en 1871[1].

Correspondant de la Société de géographie

Après être rentré dans sa région natale, il fait la rencontre du consul français de Mogador. Ce dernier est fasciné par ce rabbin voyageur qui connait les mystères du bilâd as-sûdân, le « pays des noirs »[1]. Serour lui fait le récit de ses aventures africaines, son histoire sera publiée dans le Bulletin de la Société de Géographie de Paris sous le titre Premier établissement des Israélites à Timbouctou[1]. Il travaille ensuite pour le compte de sociétés savantes françaises parcourant des régions lointaines et collectant flore et minéraux[2]. Puis, afin d'acquérir une formation scientifique[2], il voyage jusqu'à Paris où il y fait sensation. Des articles lui sont consacrés dans Le Monde Illustré et dans le Journal officiel, et il rencontre des sommités scientifiques[1]. Rentré au Maroc il mène plusieurs expéditions et fournit du matériel scientifique aux savants français dans plusieurs domaines dont la géographie, la cartographie et l'archéologie[1]. Il révèle entre autres l'existence au monde occidental des Daggatun, une tribu d'origine juive nomadisant aux marges du Sahara[3]. Cette découverte obtiendra cependant peu d'échos[1].

Guide de Charles de Foucauld

À la suite du décès du consul français, Serour retombe dans l'oubli[1]. Il part du Maroc pour aller enseigner le Talmud à Oran en Algérie. Il y mène une existence pauvre et sa santé se dégrade[1]. Sur les conseils d'Oscar Mac Carthy de la bibliothèque d'Alger, Charles de Foucauld l'engage comme guide afin de partir à la découverte du Maroc, un pays alors interdit aux chrétiens[4]. Mardochée Aby Serour s'acquitte de cette mission au péril de sa vie en le faisant passer pour un Juif russe du nom de Joseph Aleman[4]. Ils se font passer pour des émissaires de Palestine collectant des fonds au profit d'écoles rabbiniques de Jérusalem chargées de la formation des rabbins maghrébins, ce stratagème permet à Foucauld de parcourir le pays pendant 11 mois et de récolter de précieuses informations utilisées plus tard pour l'établissement du Protectorat français du Maroc[1]. Foucauld mentionne à peine son nom dans son livre Reconnaissance au Maroc et en parle en des termes péjoratifs dans sa correspondance privée. Il ne lui rendra hommage que très tardivement[4].

Usé par ce voyage, Aby Serour meurt moins de deux ans plus tard dans l'oubli et la misère à Alger le 6 avril 1886[2].

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o et p Dossier d'Akadem.org
  2. a, b, c, d et e Robert Attal, Constantine: le cœur suspendu, L'Harmattan, 2006, 180 p. (ISBN 2296009735) [lire en ligne], p. 98 
  3. Richard Gottheil, Daggatun, Jewish Encyclopedia. La découverte de Serour sera publiée dans le Bulletin de la Société de Géographie (Dec., 1895; voir "Bulletin All. Isr." ii. 42, 1880; "La Grande Encyclopédie," xxiii. 254; Meakin, "Land of the Moors," p.17
  4. a, b et c Hanania Alain Amar, Thierry Féral, Le racisme: ténèbres des consciences: essai, L'Harmattan, 2004, 209 p. (ISBN 2747575217) [lire en ligne], p. 49-51 

Bibliographie

  • Jacob Oliel, De Jérusalem à Tombouctou: l'odyssée saharienne du rabbin Mardochée, 1826-1886, 1998, 270 p. (ISBN 2719103896)  Editions Olbia, 1998

Lien externe


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