- Responsabilité gouvernementale en Espagne
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La responsabilité gouvernementale en Espagne s'exerce, au niveau national, devant le Congrès des députés et le Sénat. Si le Congrès est le seul à pouvoir légitimer et renverser le gouvernement, les deux assemblées ont le pouvoir d'en contrôler l'action tout au long de son mandat.
Sommaire
Soutien au gouvernement
Comme dans tout régime parlementaire, le gouvernement a besoin de la confiance du Parlement pour gouverner, en l'occurrence du Congrès des députés.
En Espagne, comme ce qui se fait en Allemagne et dans certains pays d'Europe centrale et orientale, la confiance s'exprime non pas dans l'équipe gouvernementale, mais dans son chef, le président du gouvernement, qui est le seul à recevoir l'investiture des députés. Pour mettre fin aux fonctions d'un ministre, le Congrès ne peut que renverser l'exécutif ou le président, ce qui entraîne la chute de toute l'équipe. Dans les faits, les chambres peuvent voter des résolutions demandant la révocation d'un ministre, qui ne sont jamais suivies d'effet.
Les possibilités pour les députés d'exprimer leur confiance au gouvernement se retrouve dans trois situations : investiture du président, vote de confiance ou motion de censure constructive. Traditionnellement, le vote d'investiture a lieu au scrutin public par appel nominal.
Élection du président du gouvernement
Article connexe : Président du gouvernement.La procédure est régie par l'article 99 de la Constitution et les article 170 à 172 du règlement du Congrès.
Le roi d'Espagne (Rey de España), après avoir consulté les représentants des partis politiques ayant obtenu une représentation parlementaire, propose un candidat à la présidence du gouvernement. La coutume veut que le candidat soit le dirigeant du parti ou de la coalition majoritaire, mais aucune disposition légale n'oblige le souverain à agir de la sorte.
Le candidat, dont la désignation doit être contresignée par le président du Congrès des députés, est ensuite présenté aux députés, convoqués en séance plénière (Pleno), par l'un des secrétaires du bureau. Il expose, sans limite de temps, le programme politique du gouvernement qu'il entend former, puis écoute les réponses des différents groupes parlementaires, auxquels il peut à son tour répondre, chaque fois qu'il le souhaite. Les orateurs des groupes peuvent ensuite émettre des remarques, leur temps de parole étant limité, selon les cas, à trente ou dix minutes. Traditionnellement, le groupe du parti dont est issu le candidat s'exprime en dernier.
À l'issue du débat, les députés votent au sujet de l'investiture du candidat à la présidence. S'il recueille la majorité absolue des députés en fonction, il est considéré comme investi et le président du Congrès en avertit alors le monarque, devant lequel le président investi prêtera ensuite serment. S'il ne recueille pas cette majorité, un nouveau scrutin est organisé quarante-huit heures après, avant lequel le candidat et chaque groupe parlementaire peuvent brièvement s'exprimer. La majorité simple ici suffit.
Au cas où le candidat recueillerait plus de votes défavorables, sa candidature est déclarée rejetée par l'assemblée, et la procédure est recommencée. Si, dans les deux mois qui suivent la tenue du premier scrutin, aucun candidat n'a obtenu l'investiture du Congrès, son président soumet au souverain le décret de dissolution des Cortes Generales.
La Constitution espagnole de 1978 accepte donc très rapidement l'hypothèse d'un gouvernement minoritaire, dans le but de faciliter une investiture rapide. À l'heure actuelle, seuls deux candidats, Leopoldo Calvo-Sotelo, en 1981, et José Luis Rodríguez Zapatero, en 2008, ont dû attendre le second tour. Toutefois, à l'inverse de Zapatero, Calvo-Sotelo est parvenu à obtenir la majorité absolue lors du deuxième vote. Malgré cela, l'Espagne a connu quatre situations de gouvernement minoritaire où le candidat à la présidence a obtenu la majorité absolue dès le premier tour, après avoir passé des accords, à savoir en 1979, en 1993, 1996 et 2004.
Question de confiance
Article connexe : Vote de confiance.En vertu de l'article 112 de la Constitution, le président du gouvernement peut, après délibération du conseil des ministres, poser devant le Congrès des députés une question de confiance, qui concerne le programme gouvernemental ou une déclaration de politique générale. Transmise par écrit au bureau du Congrès, elle est ensuite inscrite à l'ordre du jour, puis débattue selon les règles établies pour le débat d'investiture. Une fois le débat clos, un scrutin est organisé.
La confiance est considérée comme accordée en cas de vote favorable de la majorité simple des députés. Quel que soit le résultat, celui-ci est communiqué par le président du Congrès au roi et au président du gouvernement.
Depuis 1978, le vote de confiance a été utilisé en deux occasions :
- en septembre 1980, trois mois et demi après l'échec d'une motion de censure, Adolfo Suárez, qui avait défendu sa politique économique au cours du débat, remplace son ministre de l'Économie, Fernando Abril Martorell. Le président décide alors de revoir les lignes directrices de cette politique et sollicite, à cet égard, la confiance de la chambre, qu'il obtient sans difficulté ;
- en avril 1990, Felipe González se soumet à son tour à cet exercice, pour une raison pratique. Aux élections de 1989, le mandat de vingt-huit députés n'avait pu être confirmé avant l'ouverture de la législature, et González avait été investi par une assemblée incomplète, en promettant de revenir devant les députés une fois leurs collègues entrés en fonction. Il l'emporta là aussi facilement.
Motion de censure
Article connexe : Motion de censure constructive.L'article 113 de la Constitution prévoit que le Congrès des députés « peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement » en adoptant une motion de censure. Celle-ci doit être proposée par au moins un dixième des députés et présenter un candidat au poste de président du gouvernement, ce qui en fait une motion de censure constructive.
Le vote se tient au moins cinq jours après le dépôt du texte, étant précisé que des motions de censure alternatives peuvent être présentées dans les deux premiers jours. Au cours du débat, régi par les article 175 à 179 du règlement, interviennent successivement l'un des signataires de la motion, puis le candidat à la présidence, afin d'exposer son programme, tous deux sans limitation de temps, et ensuite les orateurs des différents groupes parlementaires, pour une durée de trente minutes maximum, après quoi chacun dispose d'un temps de réponse de dix minutes. Le président du gouvernement n'intervient donc pas au cours de ce débat.
Une fois le débat clos, un vote est organisé, dans le respect du délai précédemment mentionné. Pour être adoptée, la motion doit recueillir la majorité absolue des députés, ce qui permet d'éviter les « coalitions de circonstance » entre partis opposés mais unis dans leur seul désir de faire tomber le gouvernement. En cas de rejet, aucun signataire ne pourra présenter une nouvelle motion au cours de la même session ordinaire. En cas de succès, le candidat à la présidence est automatiquement considéré comme investi et prête serment devant le roi.
Par deux fois, une motion de censure a été proposée au Congrès des députés, mais sans succès :
- en mai 1980, avec la candidature du socialiste Felipe González ;
- en mars 1987, avec la candidature du sénateur conservateur Antonio Hernández Mancha.
Synthèse des votes depuis 1978
Date Occasion Candidats Dép. Maj. Pour Contre Abstent. Abs. Résultat Législature constituante Procédures pas en vigueur 1re législature 30 mars 1979 Investiture (1er tour) Adolfo Suárez 350 176 183 149 8 10 Élu 30 mai 1980 Censure Felipe González 350 176 152 166 21 11 Échec 18 septembre 1980 Confiance Adolfo Suárez 350 N/A 180 160 2 4 Victoire 20 février 1981 Investiture (1er tour) Leopoldo Calvo-Sotelo 350 176 169 158 17 6 Échec 23 février 1981 Investiture (2e tour) 350 176 Coup d'État du 23-F (interruption) 25 février 1981 Investiture (2e tour) 350 N/A 188 158 6 0 Élu 2e législature 2 décembre 1982 Investiture (1er tour) Felipe González 350 176 207 116 22 19 Élu 3e législature 24 juillet 1986 Investiture (1er tour) Felipe González 350 176 184 141 6 19 Élu 30 mars 1987 Censure Antonio Hernández Mancha 350 176 67 194 71 18 Échec 4e législature 5 décembre 1989 Investiture (1er tour) Felipe González 322 167 167 155 6 4 Élu 5 avril 1990 Confiance Felipe González 350 N/A 176 130 37 4 Victoire 5e législature 9 juillet 1993 Investiture (1er tour) Felipe González 350 176 181 165 1 3 Élu 6e législature 4 mai 1996 Investiture (1er tour) José María Aznar 350 176 181 166 1 2 Élu 7e législature 26 avril 2000 Investiture (1er tour) José María Aznar 350 176 202 148 0 0 Élu 8e législature 16 avril 2004 Investiture (1er tour) José Luis Rodríguez Zapatero 350 176 183 148 19 0 Élu 9e législature 9 avril 2008 Investiture (1er tour) José Luis Rodríguez Zapatero 350 176 168 158 23 1 Échec 11 avril 2008 Investiture (2e tour) 350 176 169 158 23 0 Élu Contrôle du gouvernement
Comme indiqué précédemment, le Congrès des députés joue un rôle prépondérant dans le contrôle du gouvernement, mais ce contrôle ne se limite pas à des votes.
L'article 111 de la Constitution rappelle en effet que « le gouvernement, et chacun de ses membres, sont soumis aux interpellations et questions » des parlementaires. À ce titre, les membres de l'exécutif peuvent en être soumis à un contrôle régulier de la part des députés et sénateurs, au moyen de questions, d'interpellations ou de comparutions, en séance plénière ou commission.
En pratique, l'exercice du contrôle régulier relève surtout de l'opposition, puisque le gouvernement dispose d'une majorité à la chambre. De même, le mode d'élection du Sénat, à la fois direct, au scrutin de liste majoritaire, et indirect, au scrutin proportionnel, fait que sa composition diffère du Congrès et donc le contrôle peut s'y trouver atténué ou renforcé.
Instruments du Congrès
Questions
Organisées par les articles 185 à 190 du Congrès des députés, précisés par une résolution de la présidence du 10 juin 2008, les questions au gouvernement peuvent se faire sous forme écrite, ou orale. Sauf indication contraire, toute question soumise au gouvernement est considérée comme écrite, à laquelle il doit être répondu sous vingt jours, ce délai pouvant être prorogé une fois. En l'absence d'une réponse, le président du Congrès, à la demande de l'auteur, inscrira la question à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la commission permanente compétente, qui recevra alors le traitement des questions orales.
Lorsque la question présente un caractère oral, elle est en principe soumise à présentation et réponse au cours d'une séance plénière spéciale (la sesión de control al Gobierno), qui a lieu le mercredi matin, pendant deux heures.
En tout, vingt-quatre questions sont inscrites à l'ordre du jour, le temps de débat étant fixé à cinq minutes, distribuées à parts égales entre l'intervenant et le ministre interrogé. Généralement, aucun des deux n'utilise intégralement son temps dès la première intervention, et donc chacun dispose d'un seul droit de réponse, le ministre ayant donc le dernier mot. En principe, priorité est donnée aux questions posées par des députés n'étant jamais intervenus lors de ces séances. Le gouvernement peut, éventuellement et pour des raisons motivées, demander, une seule fois par question, que celle-ci soit renvoyée à la séance suivante.
Il est également possible de présenter des questions orales lors des réunions des commissions parlementaires. Elles sont inscrites à l'ordre du jour de la commission au moins sept jours après leur publication, et soumises à une procédure spéciale. L'intervenant dispose d'un délai de dix minutes pour poser sa question, après quoi le ministre lui répond en cinq minutes. Chacun dispose ensuite d'un droit de réponse de cinq minutes, le ministre ayant encore une fois le dernier mot. À l'inverse de la séance plénière, un secrétaire d'État ou un sous-secrétaire pourra se présenter en vue de répondre à la question.
Étant donné l'existence des interpellations, le texte des questions doit se présenter la forme d'une question « interrogeant sur un fait, une situation ou une information ; sur si le gouvernement a pris ou va prendre quelque mesure en rapport avec une affaire précise, ou si le gouvernement va remettre au Congrès n'importe quel document ou l'informer sur n'importe quel thème ».
Interpellations
Chaque groupe de dix députés, qu'il soit ou non membre d'un groupe parlementaire, peut déposer une interpellation. Les groupes ayant au moins dix députés disposent donc d'un nombre d'interpellations proportionnel à leur composition, qu'ils peuvent utiliser au cours d'une même session ordinaire.
Les interpellations sont présentés par écrit au bureau du Congrès des députés, et concernent « des propositions ou questions relatifs à la conduite du gouvernement dans des affaires de politique générale gouvernementale ou ministérielle ». Après l'écoulement d'un délai de quinze jours, l'interpellation est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance plénière, priorité étant donnée à celles présentés par des députés ou groupes n'ayant pas fait usage de ce droit.
L'auteur de l'interpellation présente alors son texte, pendant dix minutes, puis le ministre répond, dans le même délai. Chacun dispose ensuite de cinq minutes pour un nouveau droit de réponse, après quoi un représentant de chaque groupe parlementaire, excepté de celui où siège éventuellement l'auteur, peut prendre la parole pour cinq minutes afin d'exprimer sa position.
Chaque interpellation peut être suivie du vote d'une motion permettant au Congrès des députés d'exprimer sa position. Déposée dès le lendemain par l'auteur ou son groupe, elle est inscrite à l'ordre du jour de la session plénière suivante, et peut faire l'objet d'amendements.
Comparutions
Les membres du gouvernement peuvent être appelées, à leur demande ou celle des députés, à comparaître devant une commission parlementaire ou la réunion plénière. Il existe deux procédures, prévues par le règlement du Congrès des députés.
L'article 202 concerne la comparution (comparecencia) devant une commission, en vue de la tenue d'une réunion d'information (sesión informativa). Dans ce cas, après l'exposé oral du ministre, les députés et groupes parlementaires auront la possibilité de formuler des questions ou observations, auxquelles le ministre pourra répondre.
L'article 203 concerne la comparution devant une commission ou la réunion plénière, afin d'informer les élus sur une question déterminée. Si elle est convoquée à l'initiative des parlementaires, la comparution se fait par accord du bureau du Congrès et de la conférence des porte-paroles des groupes, sur proposition d'au moins deux groupes, ou d'un cinquième des membres de la chambre ou de la commission. À la suite de l'exposé oral du ministre, chaque représentant de groupe pourra intervenir dix minutes, le contenu de son intervention étant libre mais donnant lieu à une réponse du membre du gouvernement.
Dans tous les cas, la comparution ne donne lieu à aucun vote.
Instruments du Sénat
Questions
Les questions au gouvernement au Sénat sont régies par les articles 160 à 169 du règlement.
Comme au Congrès, elles sont écrites ou orales. Par défaut, elles sont considérées comme écrites. Celles-ci doivent faire l'objet d'une réponse écrite dans un délai de trente jours, la réception par le gouvernement étant notifiée à l'auteur de la question. En l'absence de réponse dans le délai prévu, le sénateur concerné pourra demander l'inscription de la question à l'ordre du jour de la prochaine commission permanente compétente, celle-ci étant alors traitée comme une question orale, quand bien même le ministre apporterait une réponse après la clôture du délai de trente jours.
Lorsque l'auteur a spécifié que la question avait un caractère oral, celle-ci est inscrite à l'ordre du jour d'une séance plénière, au moins deux semaines après leur présentation au bureau. En principe, le règlement prévoit que chaque réunion plénière du Sénat commence par au plus soixante minutes de questions, sauf à ce que l'ordre du jour soit entièrement réservé à d'autres affaires ou débats. À l'instar du Congrès des députés, le bureau donne priorité aux sénateurs n'ayant pas encore posé de questions durant la session en cours. Le sénateur dispose d'un délai de trois minutes pour poser sa question, le ministre concerné disposant du même délai pour répondre. Chacun a ensuite trois nouvelles minutes de temps de réponse, le membre du gouvernement ayant le dernier mot. Chaque question prend donc au maximum douze minutes, contre cinq au Congrès.
Il est en outre possible de poser des questions orales en commission, l'inscription à l'ordre du jour ayant lieu après l'écoulement d'un délai de sept jours à compter de la présentation de la question. Le sénateur dispose de dix minutes pour poser sa question, et le ministre de cinq, après quoi chacun dispose encore de cinq minutes pour répondre. Le ministre peut éventuellement se faire remplacer par un secrétaire d'État.
Le contenu des questions des sénateurs est soumis aux mêmes limitations que celles des députés.
Interpellations
Chaque sénateur peut, par un écrit présenté au président du Sénat, interpeller le gouvernement sur la politique qu'il mène en rapport avec l'intérêt général.
Inscrites à l'ordre du jour d'une réunion plénière entre deux semaines et un mois après leur présentation, les interpellations sont présentées par leur auteur, priorité étant donnée à ceux n'ayant pas fait usage de ce droit durant la session ordinaire, et font l'objet d'une réponse d'un ministre, les deux intervenants ne pouvant s'exprimer plus de quinze minutes. À la suite de ces deux interventions, les porte-paroles de chaque groupe parlementaire pourront prendre la parole, pour cinq minutes au plus.
Une fois achevé le débat, le sénateur interpelant peut déposer une motion au plus tard le lendemain, et qui sera débattue dès la séance plénière suivante.
Annexes
Articles connexes
- Politique de l'Espagne
- Gouvernement de l'Espagne ; Président du gouvernement (Espagne)
- Motion de censure constructive ; Vote de confiance
- Responsabilité politique du Gouvernement
Sources
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