Gisement Old Harry

Gisement Old Harry

48° 05′ 00″ N 60° 05′ 00″ W / 48.083333, -60.083333

Le gisement Old Harry est un gisement d'hydrocarbures situé dans le golfe du Saint-Laurent, plus précisément dans le chenal Laurentien, à 80 kilomètres des Îles-de-la-Madeleine et à 100 kilomètres de la Baie Saint-Georges, à cheval sur la frontière disputée entre Québec et Terre-Neuve-et-Labrador. Il fut baptisé ainsi en lhonneur du lieu habité le plus près, Old Harry, un petit village de pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine.

Bien que les données ainsi recueillies lors d'études géologiques soient encourageantes quant à la présence dhydrocarbures dans le gisement, aucun forage de reconnaissance na été fait jusquà maintenant pour prouver hors de tout doute le potentiel dexploitation. Toutefois, lhistoire géologique de la région constitue une autre raison de croire en lexistence dun gisement dhydrocarbures important.

Sommaire

Localisation et exploration

Le gisement sétend entre le 60e et le 61e méridien ouest ainsi quentre le 48e et 49e parallèle nord.

Dune profondeur approximative de 450 m, ce gisement a été découvert dans les années 1970 par Texaco. Depuis 1996, les permis dexplorationtant du côté québécois que du côté terre-neuviende cette structure géologique dune trentaine de kilomètres de long par une douzaine de kilomètres de large appartiennent à Corridor Resources inc., une entreprise canadienne basée à Halifax. Ces permis ont été renouvelés en 2008 pour une durée de cinq ans auprès du Canada-Newfoundland and Labrador Offshore Petroleum Board (C-NLOPB)[1].

Grâce à ces permis, Corridor Resources inc. a pu effectuer des levés sismiques, dont un dune durée de quatre jours, en octobre 2010[réfnécessaire]. Cette méthode consiste à mettre en place des capteurs, ou géophones, et de provoquer des explosions ou des vibrations mécaniques vers la zone étudiée. Celles-ci sont par la suite réfléchies par les couches rocheuses à diverses profondeurs puis enregistrées en signaux électriques par un sismographe pour enfin être converties en images 2D ou 3D suite au traitement informatique des données. Ce processus permet den connaître davantage sur la structure géologique et, parfois, de connaître lemplacement et létendue des couches poreuses qui sy trouvent .

Formation

Les zones marines et lestuaire du Saint-Laurent, de par leur géologie favorable, sont au cœur de la stratégie de mise en valeur des ressources pétrolières et gazières du Québec. Le substrat rocheux et les sédiments du golfe abritent effectivement dabondantes ressources. On y retrouve des minéraux non combustibles, tels que le sable, le gravier, les sables silicieux et les minéraux lourds (par exemple lor, le fer et le titane), mais également des combustibles fossiles, comme le charbon, le pétrole, le gaz naturel et les hydrate de méthane. De plus, ces zones sédimentaires présentent des similitudes frappantes avec plusieurs bassins prolifiques du sud et de lest des États-Unis : bassin dArkoma avec le gisement de Wilberton, le Black Warrior en Alabama et au Mississipi, le nord et louest du Texas, le bassin Appalachien ainsi que celui de louest de Terre-Neuve. Ceux-ci partagent en partie le même âge (Ordovicien, le second des six systèmes géologiques constituant le Paléozoïque, de488,3 Ma à443,7 Ma) et le même environnement de dépôt (rampe à carbonates). Ces ressemblances expliquent, en partie, la popularité croissante des activités de prospection dans la région, puisque les chances dy découvrir un gisement sont plus élevées.

Le gisement Old Harry serait un piège dhydrocarbure de type dôme salin. Tel que lexplique le spécialiste en énergie Robert Bott, ce piège en est un « sous le poids des couches de roches sus-jacentes, les couches de sel remontent en dômes de sel et en dorsales. Le pétrole et le gaz se trouvent piégés dans les plis et le long des failles qui surmontent le dôme ainsi que dans les couches de grès poreux retournées le long des flancs du dôme ».

Chaque piège dhydrocarbure courant nécessite trois éléments : une roche-réservoir qui accumule le pétrole et le gaz, une couverture de roche imperméable qui empêche le pétrole et le gaz de séchapper et, bien évidemment, une source de pétrole et de gaz . Or, le piège Old Harry, avant même dêtre découvert, avait été coupé par une frontière en deux parts inégales. Le Québec sest retrouvé favorisé, puisque 70% de la structure sest retrouvée en eaux québécoises. Aujourdhui, Terre-Neuve-et-Labrador compte contester cette décision à laquelle ils ont pourtant pris part dans les années 1960.

Litige sur la frontière Québec-Terre-Neuve-et-Labrador

Le 30 septembre 1964, les premiers ministres des quatre provinces maritimes se sont rencontrés à Halifax afin de partager le golfe du Saint-Laurent dans le but dassurer « la mise en valeur efficace, économique et ordonnée de la prospection des minéraux ». Le premier ministre du Québec, Jean Lesage, a par la suite joint sa voix à celles de ses homologues pour donner plus de poids à la proposition de partage qui allait être soumise à Ottawa. Celle-ci prévoyait le tracé dune ligne frontalière à lest des Îles-de-la-Madeleine et de lîle dAnticosti, tel quillustré sur la carte 1.1. Or, le plan élaboré par les provinces na pas été ratifié par le premier ministre canadien de lépoque, Lester B. Pearson. Effectivement, en vertu de la constitution canadienne, bien que celle-ci puisse laisser place à linterprétation, cest au gouvernement fédéral deffectuer ce découpage. Ainsi, selon Terre-Neuve-et-Labrador, qui souhaite mettre le grappin sur une plus grande part du gisement Old Harry, lentente de 1964 était caduque dès le départ. À laide de cet argument, la première ministre terre-neuvienne Kathy Dunderdale souhaite contester la frontière avec le Québec.

Or, Québec demeure confiant de conserver les acquis de 1964, particulièrement depuis la conclusion, le 24 mars 2011, de lentente avec le gouvernement fédéral sur les redevances tirées de l'exploitation du gisement d'hydrocarbures Old Harry. En entrevue sur les ondes de RDI, la ministre québécoise des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a affirmé quune contestation de Terre-Neuve-et-Labrador ne pourrait se mettre en branle que le jour les lois assurant la mise en œuvre de lentente seraient adoptées, soit après deux ans. À ce moment, selon Mme Normandeau, « les mécanismes de règlements de différends ou darbitrage qui seront mis en œuvre se feront à lavantage du Québec ». Advenant un tel scénario, un tribunal darbitrage serait créé, comme ce fut le cas dans une cause similaire opposant Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse au début des années 2000. Ultimement, ce sera à Ottawa de trancher la question si limpasse persiste malgré le processus darbitrage. Une reconnaissance définitive du tracé permettra de mettre fin à lincertitude qui jusquà maintenant pouvait rebuter certaines entreprises à investir massivement dans le golfe. Les deux camps mettront sans doute beaucoup de moyens en œuvre pour remporter cette bataille juridique, considérant les retombées économiques qui sont en jeu.

Potentiel économique

Bien quaucun forage dexploration nait été effectué jusquà maintenant pour confirmer la présence dhydrocarbures dans le prospect Old Harry, le potentiel de ce dernier est très élevé. Selon certains experts, la structure géologique Old Harry pourrait présenter des réserves récupérables dhydrocarbures de 5 Tcf (trillion cubic feet), soit plus de 140 milliards de mètres cubes, ce qui reste à vérifier par des forages exploratoires. Ces réserves représenteraient la consommation du Québec en gaz naturel pour une vingtaine dannées[2].

Suivant les plus récentes estimations du ministère des Ressources naturelles du Québec, le gisement renfermerait léquivalent de 2 milliards de barils de pétrole. Basés sur un prix du baril de 100 $, un taux de récupération de la ressource à 50 % et le régime de redevances actuel, les calculs du gouvernement affirment que lexploitation du gisement permettrait à la province de récupérer 9 milliards de dollars au total. Évidemment, les chiffres varient dune étude à lautre et dun expert à lautre puisquils sont basés sur des approximations. Or, il est important de noter que le régime de redevances pourrait être bonifié par la participation dHydro-Québec au projet. En 2003, la société dÉtat a acheté à Corridor Resources, pour la somme de 500 000 dollars, une option qui lui permettrait de participer à des forages. Ainsi, Hydro-Québec pourrait partager 25% à 50 % du coût des travaux dexploration du côté québécois et, en cas de découverte dun gisement, toucher un intérêt minimum net de 18,75 %.

En 2002, le BAPE a publié une analyse macroéconomique fort étayée afin de démontrer le caractère très favorable de la mise en service du projet dapprovisionnement Old Harry. On y prévoit la hausse de la demande de pétrole dans le monde, tant en Amérique du Nord quailleurs, ainsi que larrivée à maturité de certains gisements exploités à même le continent, ce qui provoquerait une diminution de loffre. Ainsi, Old Harry, moyennant un investissement en amont de 1,37 milliard de dollars, se situait au second rang des solutions dapprovisionnement, derrière le delta du Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest et devant des projets sur la côte est ainsi que la construction de terminaux qui permettraient dimporter des hydrocarbures de Trinité/Venezuela en sol nord-américain. La proximité de bassins de consommateurs importants, tels que Boston et la Nouvelle-Angleterre, faciliterait également le transport et la vente des hydrocarbures dOld Harry. Toutefois, il faut souligner que cette étude publiée en 2002 prévoyait une mise en service du projet avant 2010. Une mise à jour est attendue pour 2012.

En mars 2011, Québec a signé une entente avec le gouvernement fédéral qui lui permettra de retirer 100 % des redevances liées à lexploitation du gisement, à linstar de Terre-Neuve-et-Labrador via lAccord atlantique signé en 1985 et à la Nouvelle-Écosse, qui jouit de privilèges semblables grâce à lAccord sur les hydrocarbures extracôtiers de 1986, renouvelé en 2005. Or, ces deux provinces ont négocié de telle sorte que les redevances tirées des hydrocarbures ne viennent pas réduire les montants de péréquation qui leur étaient versés. Bien que Terre-Neuve-et-Labrador ne touche plus de péréquation depuis deux ans, elle a obtenu, au fil des ans, une compensation de 4,25 milliards de dollars, alors que la Nouvelle-Écosse a touché 900 millions de dollars en vertu dune entente semblable. Québec devra donc, si elle veut tirer plein profit de lexploitation des hydrocarbures, négocier avec Ottawa afin de ne pas voir ses paiements de péréquation sabrés. Les paiements de transfert en santé ainsi que le programme canadien de péréquation doivent être revus dici 2014, ce qui permettra au gouvernement québécois dengager des discussions avec son vis-à-vis fédéral.

Toutefois, il est important de souligner que lexploitation dOld Harry, à elle seule, ne permettrait pas au Québec de devenir une province riche. Selon un document publié en mars dernier par le ministère des Finances : « Pour que le Québec ne reçoive plus de péréquation, il aurait besoin de tirer de ses ressources naturelles environ 14 milliards de dollars de plus que les 3 milliards de dollars quil obtient déjà, pour un total de 17 milliards de dollars de revenus, ce qui représente une augmentation denviron 460 % ». Néanmoins, nous ne pouvons pas négliger la création demplois que susciterait un tel projet. À titre de comparaison, le projet Hibernia, au large de Terre-Neuve-et-Labrador, emploie directement 800 travailleurs qualifiées ; 3000 si on y ajoute les emplois indirects. Or, malgré cela, le projet fait face à une opposition farouche au sein des communautés avoisinantes.

Opposition au projet et impact environnemental

Le spectre de la catastrophe écologique survenue en avril 2010 dans le golfe du Mexique est venue jeter une ombre sur le projet dexploitation des hydrocarbures du golfe du Saint-Laurent. Lexplosion de la plate-forme Deepwater Horizon appartenant à British Petroleum a fait 11 morts, en plus de déverser des centaines de millions de litres de pétrole dans le golfe, face à la Nouvelle-Orléans. Cet événement a attisé linquiétude et la méfiance des riverains canadiens, qui ne voyaient pas forcément dun bon œil linstallation dune ou plusieurs immenses plate-formes de forage à un peu moins de 100 kilomètres des côtes. Les opposants au projet se sont organisés et ont formé deux coalitions, dont Attention FragÎles, un mouvement pour la valorisation du patrimoine naturel madelinot, et la Coalition Saint-Laurent. Cette dernière regroupe 60 organismes et associations issus de secteurs économiques variés, dont Nature Québec et la Fondation David Suzuki, en plus de 2400 individus. Les membres de la Coalition demandent que soit décrété un moratoire sur l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures dans l'ensemble du golfe du Saint-Laurent. Ils prônent une gestion intégrée des ressources du golfe et insistent sur limportance de la concertation entre les provinces concernées.

Dans une présentation intitulée Explorer et exploiter le gaz et le pétrole dans le Saint-Laurent? Pour un choix collectif, éclairé et prudent, la coalition élabore sur les risques dun déversement dans le golfe. De par son statut de mer intérieure semi-fermée, 6,5 fois plus petite que le golfe du Mexique, le golfe du Saint-Laurent serait difficilement comparable aux autres mers ou golfes se déroulent des activités dexploration et dexploitation dhydrocarbures à travers le monde. La coalition le décrit comme un « écosystème très fragile qui comprend des zones de reproduction, de croissance et de migration pour des crustacés, mollusques, poissons et mammifères marins ». Le biologiste Thierry Gosselin y fait également la nomenclature des impacts environnementaux possibles : pollution de lair et de leau environnante, privation daccès à des zones de pêche, destruction dhabitats, brassage et mise en suspension de sédiments parfois toxiques, augmentation du transport aérien et maritime, déplacement des oiseaux affectés par léclairage des plateformes pétrolières, etc.

Le 13 juin 2011, les deux regroupements ont eu une confirmation de la portée de leurs revendications, bien quils ne puissent crier victoire. Le Canada-Newfoundland and Labrador Offshore Petroleum Board (C-NLOPB) a demandé au gouvernement fédéral de mettre sur pied un comité pour examiner les impacts de l'exploration pétrolière dans le golfe, en plus de soumettre le projet à une audience publique en vertu des règles de la Loi canadienne sur lévaluation environnementale. Bien que lOffice juge que les risques environnementaux liés au projet d'exploration pétrolière de Corridor Ressource sont faibles, il a adressé cette demande en bonne et due forme au ministre fédéral de lEnvironnement, Peter Kent. Or, le gouvernement du Québec na pas appuyé cette demande, puisquil attend les résultats dune évaluation environnementale stratégique (ÉES) sur les forages pétroliers et gaziers dans le golfe du Saint-Laurent. Ceux-ci seront connus en 2012, mais ne porteront que sur la partie québécoise du gisement, sarrêtant à 6 kilomètres de la frontière commune avec Terre-Neuve-et-Labrador. Corridor Resources souhaite procéder à un premier forage dexploration du côté terre-neuvien la même année.

En 1997, une Commission dévaluation environnementale, semblable à celle demandée par le C-NLOPB dans le dossier Old Harry, avait été mise sur pied pour étudier le projet de mise en valeur du gisement extracôtier Terra Nova, à lest de Terre-Neuve-et-Labrador. On y affirmait entre autres que les « effets des projets dexploitation du pétrole en mer [ont] la particularité dempêcher les autres formes dexploitation des zones océaniques ». Or, la pêche est une activité importante dans les cinq provinces entourant le golfe et ce, malgré son déclin depuis les années 1990. Cette mise en garde navait pourtant pas empêché la mise en branle du projet.

Notes et références

  1. (en) Corridor Resources inc, « Old Harry ». Consulté le 56 août 2011
  2. BAPE2004, p. 9

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Québec, Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, Les enjeux liés aux levés sismiques dans lestuaire et le golfe du Saint-Laurent (Rapport 193: Rapport denquête et daudience publique, Bureau daudiences publiques sur lenvironnement, août 2004, PDF, 128 p. (ISBN 2-550-43077-8) [lire en ligne (page consultée le 5 août 2011)] 

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Gisement Old Harry de Wikipédia en français (auteurs)

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