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Bataille de Lugdunum
Bataille de Lugdunum Informations générales Date 19-20 février 197 Lieu Lugdunum (de nos jours, Lyon) Issue Victoire décisive de Septime Sévère Belligérants Légions romaines de Pannonie, d'Illyrie, de Mésie et de Dacie romaine Légions romaines de Bretagne et d'Hispania Commandants Septime Sévère Clodius Albinus Forces en présence indéterminées indéterminées Pertes importantes, nombre exact inconnu anéantissement (tués, pris ou mis en fuite) Compétition pour l'Empire entre Clodius Albinus et Septime Sévère La bataille de Lugdunum (également appelée Bataille de Lyon) opposa les armées de l'empereur romain Septime Sévère et de l'usurpateur romain Clodius Albinus[1] les 19-20 février 197 à Lugdunum.
Sommaire
Les sources antiques
Trois auteurs contemporains de Septime Sévère et de ses successeurs ont rapporté des informations sur la bataille de Lugdunum. Le sénateur Marius Maximus a participé à la bataille du coté de Sévère mais ses ouvrages rédigés en latin sont totalement perdus. Dion Cassius, également sénateur, donne de nombreux détails dans son Histoire romaine. Les livres qui rapportent le règne de Sévère et la bataille de Lugdunum nous sont parvenus dans une version abrégée, copiée par un moine byzantin du XIe siècle, Xiphilin. Un troisième historien, Hérodien, fonctionnaire impérial de langue grecque, a également couvert cette même période dans une histoire, mais en seconde main à partir, dit-il, d’historiens qui ne cherchaient pas à plaire, mais à dire la vérité[2]. Enfin, une compilation plus tardive du IVe siècle ou du Ve siècle, l’Histoire Auguste déclare puiser ses sources auprès de Marius Maximus et de Hérodien.[3]. Ce dernier ouvrage montre un goût prononcé pour l’anecdote et le sordide, et est souvent suspecté par André Chastagnol d’en inventer. L'Histoire d'Auguste constitue une source riche de détails, mais incertaine.
Contexte
Après la mort de l'empereur Pertinax en 193, une lutte s'engage pour sa succession. L'empereur de Rome, Didius Julianus, doit faire face à un prétendant, le commandant des légions pannoniennes Septime Sévère. Avant d'aller à Rome, Sévère fait alliance avec le puissant commandant des légions de Bretagne, Clodius Albinus, lui promettant le titre de César. Après avoir éliminé Didius en 193, Pescennius Niger en 194, et après une campagne en Orient en 195, Sévère attribua à son fils le titre de César. Cette nomination entraîne la rupture de son alliance avec Albinus qui est déclaré ennemi public par le Sénat [2].
En 196, après avoir été acclamé empereur par ses troupes, Clodius Albinus marche avec sur la Gaule. D'après l'historien Dion Cassius, jusqu'à 150 000 hommes prennent part à l’affrontement dans chaque camp[4]. Ce nombre est très probablement exagéré car cela signifierait que près des trois-quarts des troupes de l'empire romain de l'époque y auraient participé. Albinus emmene vraisemblablement tous ses effectifs de Bretagne, soit trois légions et des troupes auxiliaires. De Gaule, il envoie des messagers demander des subsistances et de l’argent. Il installe son quartier général à Lugdunum, incorporant la XIIIe cohorte urbaine qui servait de garnison dans cette capitale provinciale[5]. Il y est rejoint par Lucius Novius Rufus, le gouverneur de Tarraconaise et par la .
L’année 196 se passe en escarmouches dans différents secteurs. Albinus attaque les forces de la province de Germanie dirigées par Virius Lupus. Il les bat[4] mais cette victoire ne fut pas suffisante pour les convaincre de leur intérêt à changer de camp. Albinus envisage ensuite d'envahir l'Italie, mais Sévère a paré à cette éventualité en renforçant les garnisons protégeant les cols alpins[2].
Durant l'hiver 196-197, Sévère rassemble ses forces le long du Danube et marche vers la Gaule, où, à sa grande surprise Albinus dispose de troupes équivalentes aux siennes. Les deux armées s'affrontent d'abord à Tinurtium (Tournus), où Sévère bien que vainqueur[6] ne peut obtenir une victoire décisive.
La bataille
L'armée d'Albinus fait retraite vers Lugdunum et celle de Sévère la suit. La bataille frontale et décisive commence le 11e jour avant les calendes de mars (19 février 197)[6]. D’après tous les narrateurs, l’issue de la bataille est longtemps incertaine. Selon Dion Cassius l’aile gauche d’Albinus finit par plier et se retirer dans son camp, immédiatement attaquée par les soldats de Sévère[4]. De son côté, l’aile droite feint une attaque pour lancer ses traits, suivie d’un repli et attire les sévériens dans un secteur piégé de tranchées dissimulées où ils tombent en désordre et commencent à se faire massacrer. Sévère intervient avec ses prétoriens, mais tombe de cheval[4], frappé par une balle de fronde en plomb selon l’Histoire Auguste[6]. Se relevant il déchira son manteau impérial, tira son épée et se jetant parmi les fuyards parvint à les arrêter et à les ramener au combat[4]. Hérodien donne une version moins glorieuse : l’armée d’Albinus est en train de l'emporter dans le secteur commandé par Septime Sévère, qui en se repliant tombe de cheval et doit abandonner son manteau impérial pour n’être pas reconnu[2].
Le cours de la bataille est renversé par l’intervention décisive de la cavalerie de Laetus qui contre-attaque de flanc les troupes d’Albinus[4],[2]. Celles-ci se croyant victorieuses ne sont plus en ordre de bataille et se débandent après une brève résistance. Les troupes de Sévère les poursuivent jusqu’à Lugdunum (Lyon) et les massacrent[2] dans le cul-de-sac que constitue le confluent de la Saône et du Rhône. Hérodien et Dion Cassius insinuent tous deux que Laetus aurait attendu pour intervenir que l’affaire tourne mal pour Sévère, dans l’espoir de se faire proclamer empereur à sa place.
Les séquelles de la bataille
Le bilan de la bataille est inconnu, les auteurs évoquent de lourdes pertes de part et d’autre, mais aussi des prisonniers et des fuyards. Dion Cassius décrit le classique tableau des champs de bataille : plaine couverte de cadavres d'hommes et de chevaux, ruisseaux de sang qui coulent dans les fleuves[4]. Tertullien, écrivain africain contemporain des faits, se fit l’écho du massacre, en datant un de ses écrits du temps où « le Rhône n’avait pas eu le temps de laver ses rives ensanglantées »[7].
Le sort exact d'Albinus n'est pas connu, car les auteurs divergent. Aurelius Victor, auteur tardif, mentionne laconiquement qu’il est tué près de Lyon[8]. Dion dit qu’il se réfugie vers Lugdunum où il se suicide. Sévère le fait décapiter et fait disperser le reste de son corps[4]. Selon Hérodien, les soldats de Sévère le capturent dans Lyon et le décapitent[2]. L’Histoire Auguste rapporte diverses issues : suicide, tué par ses soldats, ou frappé par un de ses esclaves et trainé mourant devant Sévère. Toujours selon l’Histoire Auguste, Sévère aurait fait piétiner son corps par son cheval, l’aurait laissé exposé plusieurs jours, puis l’aurait fait déchiqueter par des chiens et jeter les restes dans le Rhône[9]. En revanche, tous les auteurs s’accordent pour indiquer que la tête d’Albinus fut envoyée à Rome afin d’y être exposée en guise d'avertissement[4],[2],[9].
La ville de Lugdunum fut quant à elle livrée au pillage des soldats vainqueurs et incendiée[2].
Les Lyonnais en garderont un souvenir cuisant, qui se transformera au fil des siècles : Au VIe siècle, Grégoire de Tours, apparenté aux évêques de Lugdunum, rapporte sous la forme d’une persécution le souvenir déformé des massacres qu’il situe entre la mort de Pothin de Lyon et celle de Irénée de Lyon, c’est à dire lors de la guerre de Septime Sévère contre Albinus et du sac de Lyon : « Une persécution s'étant élevée, le démon suscita, par la main du tyran, de telles guerres dans ce pays, un si grand nombre de fidèles furent égorgés parce qu'ils confessaient le nom du Seigneur, que des fleuves de sang chrétien coulaient sur les places publiques, et que nous ne pourrions dire le nombre ni les noms des martyrs »[10]. L'absence de toute confirmation par les auteurs chrétiens antérieurs, dont Tertullien et Eusèbe de Césarée, justifie de considérer cette "persécution" comme légendaire, lointain écho du pillage de 197.
L'apport de l'archéologie
L'archéologie situe la bataille vers la place Sathonay, à Lyon, quartier au pied de la colline de la Croix-Rousse et proche de la Saône.
Divers objets militaires trouvés sur site sont présentés dans le Musée gallo-romain de Fourvière : armes blanches, balles de fronde en plomb, cotte de mailles.
Conséquences à moyen terme
À la suite de ce conflit, le pouvoir de Septime Sévère est définitivement établi. La répression frappe en Gaule et en Espagne ceux qui ont aidé Albinus, à Rome les sénateurs qui l'ont soutenu, trahis par les lettres saisies dans les archives d’Albinus[2].
La XIIIe cohorte urbaine basée à Lugdunum et dispersée dans la bataille ne fut pas reconstituée. Sévère remplaça cette garnison par des détachements prélevées sur les quatre légions du Rhin, récompensant leur fidélité par des affectations de tout repos[11].
À la suite de cette révolte, les forces romaines en Bretagne sont affaiblies, ce qui entraînera des incursions, des soulèvements et un retrait des romains du Mur d'Antonin vers le Mur d'Hadrien plus au sud. C'est en réprimant un de ces soulèvements que Sévère meurt près de la ville actuelle d'York le 4 février 211 à quelques semaines du 14e anniversaire de sa victoire de Lugdunum.
Annexes
Articles connexes
Notes et références
- ↑ Anonyme, Épitomé de Caesaribus, XX
- ↑ a , b , c , d , e , f , g , h , i et j Hérodien, Histoire des empereurs romains, livre III, chap 7, 2 à 6
- ↑ François Fontaine, Douze autres Césars, Julliard, 1985, (ISBN 2260004067), pp 10, 15-17
- ↑ a , b , c , d , e , f , g , h et i Dion Cassius, Histoire romaine, livre 76, 6
- ↑ La présence de cette cohorte (environ 600 hommes) est attesté par des cippes funéraires- CIL, XIII, 1863
- ↑ a , b et c Histoire Auguste, Vie de Sévère, XI
- ↑ Tertullien, Ad Nationes, I, 17
- ↑ Anonyme, Épitomé de Caesaribus, XX
- ↑ a et b Histoire Auguste, "Vie de Clodius Albinus", IX
- ↑ Grégoire de Tours, Histoire des Francs, livre I
- ↑ Les inscriptions funéraires trouvées à Lyon attestent de ces nouvelles affectations : épitaphes de soldats des légions Ia Minerva, VIIIa Augusta, XXIIa Pia Fidelis et XXXa Ulpia Victix – CIL XIII 1824, 1849, 1858, 1862, 1890
Sources
- Dion Cassius, Histoire romaine, livre 73,14 - livre 76,17
- Hérodien, traduction de Denis Roques, Histoire des empereurs romains de Marc-Aurèle à Gordien III, Les Belles Lettres, Collection la Roue à livres, Paris, 1990, (ISBN 2-251-33903-5)
- Histoire Auguste, traduction de André Chastagnol, éditions Robert Laffont, 1994, (ISBN 2-221-05734-1)
Liens externes
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