- Bataille de Patay
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La bataille de Patay est un événement majeur de la guerre de Cent Ans, qui s'est déroulé le 18 juin 1429 entre les armées française et anglaise. Bien que la victoire de Charles VII soit souvent mise au crédit de Jeanne d'Arc, l'essentiel du combat eut lieu à l'avant-garde de l'armée française.
Sommaire
Contexte
À la fin de 1428, dans les dernières années de la guerre de Cent Ans, les Anglais et leurs alliés bourguignons occupaient la quasi-totalité du nord de la France jusqu'à la Loire. Ils s'étaient également emparés de plusieurs places stratégiques le long de la Loire, et Orléans, la dernière grande ville sur ce fleuve, fut assiégée à partir du mois d'octobre 1428. Que les Anglais viennent à contrôler toute la vallée de la Loire, et le sud de la France, ultime refuge du « roi de Bourges », serait mûr pour l'invasion.
Dans les premiers jours de mars 1429, Jeanne d'Arc arriva à Chinon pour y trouver le Dauphin et, après un interrogatoire par les autorités ecclésiastiques à Poitiers, elle rallia un important corps d'armée en route pour libérer Orléans. Cette opération fut couronnée de succès, et la ville fut libérée le 9 mai.
Une fois levé le siège d'Orléans, les Français reprirent aux Anglais plusieurs forteresses du Val de Loire. Ils prenaient ainsi le contrôle de ponts permettant de poursuivre par une invasion des territoires anglais et bourguignons plus au nord. Presque tout le nord de la Loire était en effet sous domination étrangère, et la victoire française d'Orléans s'était accompagnée de la destruction du seul pont français sur la Loire : les batailles ultérieures leur avaient permis de recouvrer trois ponts.
La campagne de la vallée de la Loire de 1429 comporta cinq combats :
- le siège d'Orléans.
- la bataille de Jargeau.
- la bataille de Meung-sur-Loire.
- la bataille de Beaugency.
- la bataille de Patay.
La bataille de Patay eut lieu le lendemain de la reddition anglaise de Beaugency. Cet ultime combat fut la seule bataille rangée de la campagne de la Loire. Patay peut être mise en parallèle avec la fameuse victoire anglaise d'Azincourt : les Anglais s'en tinrent à leur tactique habituelle, qui leur réussissait systématiquement contre la cavalerie française depuis 83 ans (c'est-à-dire depuis la bataille de Crécy en 1346).
Cette fois, la victoire des Français fut aussi complète que leur défaite à Azincourt avait été catastrophique, et les conséquences du combat furent de portée comparable. À Orléans, les Français avaient prouvé qu'ils pouvaient désormais surpasser leurs adversaires dans l'art des engins de siège. Les batailles de Jargeau, Meung-sur-Loire et Beaugency n'avaient été que de simples escarmouches. Mais à Patay, l'élite des francs-archers anglais fut décimée, et avec elle toute une armée.
Aucun pays d'Europe n'eut autant recours aux archers que l'Angleterre pendant le Moyen Âge. Malgré le coût modique du longbow anglais (arc long), l'entraînement intensif des hommes de ce corps d'élite était en réalité extrêmement onéreux, car ces soldats de métier devaient être rémunérés en permanence. Durant le Moyen Âge, beaucoup d'Anglais s'enrôlaient de façon saisonnière, les campagnes se terminant à peu près à temps pour qu'ils puissent participer aux récoltes d'automne ! Seuls les archers et les chevaliers étaient des soldats de métier, encore que les nobles vissent d'un mauvais œil la présence de ce corps de roturiers, qu'ils considéraient comme une atteinte à leur rang.
Le corps des francs-archers anglais souffrait de deux faiblesses : ces hommes dépourvus d'armure faisaient de piètres défenseurs dans le combat au corps-à-corps, et le besoin d'un entraînement intensif ralentissait le recrutement d'une armée de relève. L'armée française les exploita à partir de 1429.
Article détaillé : arc long anglais.La bataille
À l'annonce de la défaite d'Orléans, une armée de secours anglaise, commandée par Sir John Fastolf, quitta Paris. Les Français avaient exploité leur avantage avec énergie, reprenant coup sur coup trois ponts et obtenant la reddition anglaise à Beaugency la veille de la jonction des troupes de Fastolf. Les Français savaient qu'ils ne pourraient vaincre leur adversaire en bataille rangée s'il parvenait à réorganiser ses rangs. Ils opérèrent donc une série de reconnaissances dans l'espoir d'intercepter les Anglais avant qu'ils aient pu terminer leurs préparatifs.
Les Anglais firent eux aussi des reconnaissances avec les troupes laissées en défense à Meung-sur-Loire. Les Français avaient pu s'emparer du pont, mais n'avaient pu prendre le château commandant la ville. Les troupes vaincues à Beaugency purent rallier la garnison de Meung-sur-Loire. Grâce à leur puissance de trait, les Anglais excellaient depuis des décennies dans les batailles rangées. Les historiens français disent ne pas connaitre exactement l'endroit où ils prirent position, (la "tradition" attribuant cet honneur au petit village de Patay). Les historiens militaires anglais situent precisement la rencontre : sur la vieille route romaine, a une intersection a un demi mile, vers le Nord, de Patay, a 2 PM (14 heures) précisément (Kennedy Hickman, Hundred Years' War. The battle of Patay. Military Historical Guide 1400-1600).
John Fastolf, John Talbot et Thomas de Scales commandaient l'armée anglaise.
La tactique défensive habituelle des francs-archers anglais consistait à ficher des épieux taillés en terre devant leurs batteries, ce qui arrêtait les charges de cavalerie et ralentissait suffisamment les progrès de l'infanterie pour leur laisser le temps d'éliminer les assaillants. Mais à Patay, ces hommes révélèrent leur position avant d'avoir pu se mettre en ordre de bataille : on rapporte qu'un cerf ayant traversé le champ près des lignes anglaises, les archers abattirent l'animal et poussèrent un cri de triomphe qui révéla leur position aux éclaireurs français. Les historiens militaires anglais confirment cette relation des faits. (K. Hickman. op. cite)
L'avant-garde française d'environ 1 500 hommes, menée par les capitaines La Hire, Ambroise de Loré et Jean Poton de Xaintrailles, attaqua les archers par les flancs qui n'étaient pas protégés (par manque de temps)[1]. Ceux-ci se débandèrent rapidement. Tandis que l'élite des archers était taillée en pièce par les piquiers, les chevaliers anglais fuyaient la charge de cavalerie française. Pour la première fois, la tactique française de la charge de cavalerie lourde l'emportait, avec des résultats inattendus. C’est le Capitaine Jean Dagneau, sous les ordres du Grand-Ecuyer Poton de Xaintrailles, qui fit prisonnier le célèbre John Talbot. Ce fait d’armes lui rapporta ses lettres de noblesse, qui lui furent délivrées en mars 1438, et sont à l’origine du nom de Dagneau de Richecour[2].
On estime à environ 2000 le nombre de morts anglais, contre moins de 5 du côté français[3]. Les historiens militaires anglais indiquent : 2 500 morts du côté anglais sur les 5 000 engagés, et 100 du côté français. Le corps d'élite des LongBows était décapité. Il ne sera pas reconstitué (K. Hickman. Op. Cite). Les armées françaises ne rencontreront plus de difficultés dans leur progression, seules les places fortes résisteront. Mais à partir de 1434, date de leur passage au service du roi de France, l'artillerie nouvelle (tant technique, - boulets en fer, amélioration substantielle de la poudre - qu'en utilisation tactique) des frères Jean et Gaspard Bureau mettra fin à la présence anglaise sur le sol français. Le boulet en fer s'avérera redoutable... Plus destructeur car moins friable que la pierre a la percussion. Chauffe au rouge, il permet de tirer a boulets rouges, ce qui déclenche inévitablement de gigantesques incendies non maitrisables dans les structures en bois des places fortes. Castllon (1453) sera la dernière bataille, mi place forte, mi campagne, où l'artillerie éliminera des champs de bataille les vestiges des archers LongBow et fera tomber la ville. (Robert Wilde. The Aftermath of the Hundred Years' War. Military Historical Guide. 1400-1600.)
Conséquences
Outre Talbot, de nombreux officiers furent capturés par les Français. Fastolf, accompagné d'une petite troupe, parvint à s'enfuir mais fut dès lors disgracié : le duc de Bedford mit la défaite sur son compte et le radia de l'Ordre de la Jarretière. Ainsi prit naissance la fâcheuse réputation qui devait faire de lui le prototype du personnage de Falstaff.
Ultime haut fait de la reconquête du Val de Loire, la bataille de Patay décapita pour longtemps l'armée anglaise, qui y perdit ses meilleurs officiers et l'élite de ses archers. Les Français purent escorter Charles VII vers Reims sans avoir à combattre et y firent couronner leur prince, mettant ainsi un terme aux contestations sur la succession au trône de France.
Notes et références
- (en) The battle of patay longbow-archers.com
- Jacques-François-Laurent Devisme, Histoire de la Ville de Laon, vol. 2, Laon, Le Blan Courtois, 424 p. [lire en ligne], p. 316
- http://www.xenophongroup.com/montjoie/patay.htm#second%20phase
Annexes
Bibliographie
- Devries, Kelly. Joan of Arc: A Military Leader (Glaucestershire: Sutton Publishing, 1999). ISBN 0-7509-1805-5
- Richey, Stephen W. Joan of Arc: The Warrior Saint. (Westport, CT: Praeger, 2003). ISBN 0-275-98103-7
- Allmand, C. The Hundred Years War: England and France at War c. 1300–1450. (Cambridge: Cambridge University Press, 1988). ISBN 0-521-31923-4
Articles connexes
Liens externes
- Le siège d'Orléans et la campagne de la Loire : description détaillées avec cartes stratégiques et tactiques
- La bataille de Patay sur le même site
- cartes animées des campagnes de Jeanne d'Arc, par la Southern Methodist University
- Jeanne d'Arc : sa vie par Mrs. (Margaret) Oliphant
- L'histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789 par François Guizot, vol. 3
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