- Dispersion (biologie)
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En biologie et en écologie, la dispersion désigne de manière générale tous les processus par lesquels des êtres vivants, se séparant — ou étant séparés — géographiquement d'une population d'origine, colonisent (ou recolonisent) un nouveau territoire.
Les capacités de dispersion des espèces et de leurs propagules ont une grande importance pour la diversité génétique, l'adaptation, la résilience écologique et la sélection naturelle, la survie des espèces, des populations, et de manière générale pour l'entretien de la biodiversité, notamment dans le contextes de crise climatique.
La dispersion peut être passive ou active ; elle est passive dans le cas des espèces dont les capacités de déplacement autonome sont nulles ou limitées : leur mobilité ou celle de leurs propagules est soumise à l'action de forces extérieures, gravité, ruissellement ou courants, vents. Elle peut être active, et faisant par conséquent appel à une composante comportementale, dans le cas des animaux non fixés. Un cas particulier est celui d'espèces fixées ou ectoparasites qui se font transporter par des êtres vivants plus mobiles qu'eux, etc, éventuellement sur toute la planète via des oiseaux migrateurs[1] ou des animaux tels que les grands cétacés).
En écoépidémiologie, la dispersion par des vecteurs animaux de certains pathogènes (virus de la grippe tel que H5N1 par les oiseaux par exemple) est un sujet d'intérêt ;
En écotoxicologie, la dispersion de polluant (notamment ceux susceptibles d'être bioconcentrés tels que métaux lourds, PCB, dioxines, radionucléides) a également une grande importance. La dispersion de toxiques peut être très locale (bioturbation dans le sédiment par exemple par nereis versicolor) puis porter à longue distance via des animaux migrateurs (oiseaux, chauve-souris, mammifères marins, poissons tel que l'anguille...) ; On parle parfois de LDD pour décrire dispersion longue distance (de l'anglais long distance Dispertion)Sommaire
Dans le cycle de vie
Ces processus peuvent intervenir à divers moments du cycle biologique.
Le plus souvent, ils concernent des stades jeunes (propagules, spores, œufs fécondés, graines, larves, juvéniles, etc.) ; on parle dans ce cas de dispersion natale. La dispersion peut même concerner les gamètes (pollen, ovules et spermatozoïdes des organismes aquatiques). Chez certains animaux itéropares (ayant plusieurs périodes de reproduction durant leur vie), le changement de site entre deux épisodes de reproduction constitue une autre possibilité connue sous le nom de dispersion de reproduction.
Importance biologique
La dispersion est susceptible d'influencer de manière déterminante la survie et le taux de reproduction individuels — ces deux composantes fondamentales de la valeur sélective — la dispersion est fortement soumise aux processus de sélection naturelle.
Elle est par conséquent à l'origine de nombreuses adaptations, que celles-ci soient de nature morphologique ou comportementale, conduisant à la mise en place de « stratégies de dispersion ».
L'importance de ce processus est donc considérable en termes de survie des populations et des espèces, et de biologie de l'évolution. Il est, avec la vicariance, à l'origine de phénomènes de spéciation.
Dans les domaines de la biologie des populations et de l'écologie du paysage, on parle de modèles de dispersion. La compréhension de ces processus est utile pour comprendre les répartitions des espèces ainsi que leur vulnérabilité face aux changements que leur habitat peut subir (isolement géographique, fragmentation écopaysagère).
Coûts et bénéfices de la dispersion
La dispersion permet aux espèces de coloniser de nouveaux milieux, possiblement plus favorables à leur développement[2].
Types de dispersion
Dispersion passive
La dispersion passive est celle employée dans le cas des espèces dont les capacités de déplacement autonome sont nulles ou limitées : c'est alors les forces extérieures qui les déplacent. Passive ne veut cependant pas dire entièrement subie et certains organismes ont évolué des adaptations pour ces modes de déplacements. Les samares des érables, des frênes et des ormes sont dispersées par anémochorie, à l'aide de la gravité et surtout des vents, comme le sont les akènes à aigrettes des pissenlits. La zoochorie, le déplacement par le biais d'animaux porteurs, sert aux capitules de bardane à être dispersées, ou aux graines des fruits d'être déplacées après un transit à travers le système digestif d'un animal (endozoochorie). Les organismes peuvent également être déplacés par le ruissellement ou les courants, comme les larves ou les gamètes d'animaux marins sessiles.
Dispersion active
La dispersion active fait appel à une composante comportementale, dans le cas des animaux non fixés.
Elle peut-être le résultat de pressions environnementales, comme une densité de population trop élevée et une concurrence des ressources, un habitat trop restreint ou de mauvaise qualité, autant de contraintes qui exercent une pression de sélection sur les mécanismes de dispersion. Ce sont essentiellement des comportements orientés de marche, vol, nage ou reptation qui permettent la dispersion active, mais de nombreuses espèces ou propagules sont également transportées par d'autres espèces, éventuellement à longue distance. C'est ainsi que les animaux se déplaçant d'une zone humide[3] à l'autre ou le long de berges dispersent un nombre notable de propagule ou d'animaux adultes (ex coquillages s'étant refermé sur l'un des doigts d'une patte d'oiseau et y est resté accroché[1], Anodonta cygnea dans un cas[4])Modes de dispersion
Dispersion natale
La dispersion natale désigne les déplacements effectués durant les stades jeunes, parfois en dormance, des individus d'une espèce, entre leur site de naissance et leur premier site de reproduction.
Ce mode de dispersion est employé par des animaux, et est notamment indispensable aux animaux sessiles au stade adulte, tous aquatiques et souvent marins, comme les spongiaires, les ectoproctes, certains cnidaires (formes polypes ou coralliennes, anémones de mer…), certains mollusques (bivalves) ou encore les tuniciers. Chez ceux-ci la dispersion natale peut être précédée d'une dispersion des gamètes puisque la fécondation chez certains de ces organismes se produit dans l'eau. Pour d'autres, comme les polypes (cnidaires), on peut observer une alternance des générations avec un bourgeonnement de formes libres (méduses). La dispersion natale est également nécessaire à certains plathelminthes, dont les stades larvaires (cercaires par exemple) doivent rechercher activement l'hôte indispensable pour boucler leur cycle de vie, ou également pour la dispersion via des milieux inhospitaliers (résistance à la dessiccation, etc.). L'exploration de l'habitat à la recherche du lieu de vie le plus favorable à la reproduction est un cas de dispersion natale, observée par exemple chez des oiseaux comme la mésange charbonnière ou le busard cendré, et qui améliore la valeur sélective des individus dispersant[2].Chez certaines plantes, algues et champignons, on retrouve ce mode de dispersion, souvent effectuée sous forme de spores ou de graines de toutes sortes, et dispersées de manière passive.
Article connexe : Dissémination des graines.Dispersion de reproduction
Dispersion des gamètes
Dispersion et spéciation
Dispersion et espèces invasives
Les espèces invasives sont souvent des espèces à forte capacité de dispersion.
Allen et al. ont envisagé d'étudier les échecs de dispersion d'espèces par ailleurs réputées invasives (ex :Dreissena ) pour mieux comprendre et éventuellement freiner les invasions biologiques[5].
Voir aussi
Articles connexes
- Dispersion par le vent
- Dispersion par l'eau
- Dispersion par les animaux
- Dispersion par phorésie
- Dissémination des graines
- Propagule
- Dispersion biologique par radeau de végétation
- Flux de gènes
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Notes et références
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