Dispersion biologique par radeau de végétation

Dispersion biologique par radeau de végétation
Une accumulation de débris végétaux sur l'eau
Formation d'un radeau de végétation.

La dispersion par radeau de végétation, appelé évènement de rafting par les anglophones, est un mécanisme de dispersion survenant lorsque des organismes passent d'une masse terrestre à une autre par une traversée maritime sur de grosses masses de végétation flottantes. De tels amas de végétation sont souvent vus flottant sur les grands fleuves des régions tropicales et arrivant jusqu'à la mer, parfois avec des animaux pris au piège[1].

Les radeaux de végétations ont pu jouer un rôle important dans la colonisation de terres émergées isolés, comme Madagascar, qui est resté isolé durant près de 120 millions d'années, ou l'Amérique du Sud, qui a été isolé durant une grande partie du Cénozoïque. Ces deux masses de terre, semblent par exemple avoir recueilli les ancêtres des primates qui les peuplent aujourd'hui par ce mécanisme. Selon les données génétiques, l'ancêtre commun des lémuriens de Madagascar semble avoir traversé le canal du Mozambique par un radeau entre 50 et 60 Ma BP[2],[3],[4]. De même, les singes du Nouveau Monde sont considérés comme originaires d'Afrique et ayant colonisé l'Amérique du Sud au cours de l'Oligocène, lorsque ces continents étaient beaucoup plus proches qu'ils ne le sont aujourd'hui[3]. Madagascar semble également avoir recueilli ainsi ses tenrecs (25-42 Ma environ), ses rongeurs nesomyidés (20-24 Ma environ) et ses carnivores eupléridés (19-26 Ma environ)[4], et l'Amérique du Sud ses rongeurs caviomorphes (il y a plus de 30 Ma)[5],[6].

Parmi les reptiles, les iguanidés du Pacifique Sud du genre Brachylophus pourraient descendre d'iguanes partis à la dérive sur plus de 8 000 km depuis l'Amérique centrale ou l'Amérique du Sud[7] (une autre théorie implique la dispersion via une supposée lignée d'iguanes, qui serait désormais éteinte, ayant vécu en Australie ou en Asie[8]). De même, les scinques des genres apparentés Mabuya et Trachylepis auraient apparemment tous deux traversé l'Atlantique depuis l'Afrique respectivement vers l'Amérique du Sud et de Fernando de Noronha, au cours des 9 derniers Ma[9]. Des scinques du même groupe ont également colonisé par radeau depuis l'Afrique les îles du Cap-Vert, Madagascar, les Seychelles, les Comores et Socotra ; parmi les lézards, les scinques et les geckos semblent particulièrement capables de survivre à de long trajets transocéaniques[9].

La colonisation de groupes d'îles peut se produire par une itération du processus de radeau d'île en île (island hopping pour les anglophones). Un tel processus semble avoir joué un rôle, par exemple, dans la colonisation des Caraïbes par plusieurs groupes de mammifères d'origine sud-américaine[10].

Toutefois, la dispersion océanique d'espèces terrestres n'implique pas toujours de tels radeaux, et dans certains cas, la natation ou la simple flottaison peut suffire. Les tortues terrestres du genre Geochelone sont arrivées en Amérique du Sud de l'Afrique durant l'Oligocène et ont probablement été aidées par leur capacité à flotter avec la tête vers le haut, émergée, et de survivre jusqu'à six mois sans eau ni nourriture[11].

Un tel esquif, portant un reptile, apparaît notamment dans le film Océans.

Articles connexes

Notes et références

  1. (en) Russell A. Mittermeier, W.R. Konstant, F. Hawkins, E.E. Louis, O. Langrand, J. Ratsimbazafy, R. Rasoloarison, J.U. Ganzhorn, S. Rajaobelina, I. Tattersall et D.M. Meyers (ill. S.D. Nash), Lemurs of Madagascar, Conservation International, 2006, 2e éd. (ISBN 1-881173-88-7) 
  2. [PDF] (en) Christian Roos, Jürgen Schmitz et Hans Zischler, « Primate jumping genes elucidate strepsirrhine phylogeny », dans PNAS, vol. 101, no 29, juillet 2004, p. 10650–10654 [texte intégral, lien PMID, lien DOI] 
  3. a et b [PDF] (en) Bill Sellers, « Primate Evolution », University of Edinburgh, 20 octobre 2000, p. 13–17
  4. a et b (en) J.R. Ali et M. Huber, « Mammalian biodiversity on Madagascar controlled by ocean currents », dans Nature, Nature Publishing Group, vol. 463, 4 février 2010, p. 653–656 [texte intégral, lien PMID, lien DOI] 
  5. (en) John J. Flynn et André R. Wyss, « Recent advances in South American mammalian paleontology », dans Trends in Ecology and Evolution, vol. 13, no 11, 1998, p. 449–454 [lien DOI] 
  6. (en) John J. Flynn, André R. Wyss et Reynaldo Charrier, « South America's Missing Mammals », dans Scientific American, mai 2007, p. 68–75 [texte intégral] 
  7. (en) J.R.H. Gibbons, « The Biogeography of Brachylophus (Iguanidae) including the Description of a New Species, B. vitiensis, from Fiji », dans Journal of Herpetology, Society for the Study of Amphibians and Reptiles, vol. 15, no 3, 31 juillet 1981, p. 255–273 [texte intégral, lien DOI] 
  8. (en) B.P. Noonan et J. W., Jr. Sites, « Tracing the origins of iguanid lizards and boine snakes of the Pacific », dans The American Naturalist, University of Chicago Press, vol. 175, no 1, 24 novembre 2009, p. 61–72 [lien PMID, lien DOI] 
  9. a et b (en) S. Carranza et N.E. Arnold, « Investigating the origin of transoceanic distributions: mtDNA shows Mabuya lizards (Reptilia, Scincidae) crossed the Atlantic twice », dans Systematics and Biodiversity, Cambridge University Press, vol. 1, no 2, 5 août 2003, p. 275–282 [texte intégral, lien DOI] 
  10. (en) S. Blair Hedges, « Paleogrography of the Antilles and Origin of West Indian Terrestrial Vertebrates », dans Annals of the Missouri Botanical Garden, Missouri Botanical Garden, vol. 93, no 2, 2006, p. 231–244 [texte intégral, lien DOI] 
  11. (en) Minh Le, Christopher J. Raxworthy, William P. McCord et Lisa Mertz, « A molecular phylogeny of tortoises (Testudines: Testudinidae) based on mitochondrial and nuclear genes », dans Molecular Phylogenetics and Evolution, vol. 40, no 2, 5 mai 2006, p. 517–531 [texte intégral, lien PMID, lien DOI] 

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