- Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation / Conseil et Commission (2008)
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Arrêt Kadi Titre Arrêt de la Cour (grande chambre) du 3 septembre 2008 —
Yassin Abdullah Kadi, Al Barakaat International Foundation c/ Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du NordCode Affaires jointes C-402/05 P et C-415/05 P Organisation Union européenne Tribunal Cour de justice des communautés européennes Date 3 septembre 2008 Personnalités Détails juridiques Branche Droit international Problème de droit Compétence de la CJCE pour contrôler les actes communautaires pris en application de résolutions du Conseil prises sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies Voir aussi Lire en ligne Arrêt C402/05 et documents annexes sur le site de la CJCE
Opinion de l'avocat général Poaires Maduro, 16 janvier 2008
modifier L'Arrêt Kadi du 3 septembre 2008, ou Arrêt de la Cour (grande chambre) du 3 septembre 2008 — Yassin Abdullah Kadi, Al Barakaat International Foundation/Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, est une décision de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) qui concerne notamment les rapports entre le droit international, et en particulier les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, et le droit communautaire. La CJCE s'est alors déclarée compétente pour contrôler les actes communautaires pris en application de résolutions du Conseil prises sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies[1].
Sommaire
Les faits
L'affaire concernait Yassin Abdullah Kadi, un citoyen d'Arabie saoudite, sujet à des sanctions économiques en raison de soupçons de certains Etats selon qui il serait lié à des activités terroristes [2],[3].
Le Département du Trésor des États-Unis l'avait classifié en tant que Specially Designated Global Terrorist. Il était cité dans les résolutions 1267 et 1333 du Conseil de sécurité de l'ONU. Enfin, l'Union européenne l'avait également inclus dans ses listes noires le 19 octobre 2001 [4], ce qui avait eu pour effet de geler ses avoirs[4], pour une durée indéfinie et sans que les personnes visées ne puissent exercer de recours contre cette décision.
Par ailleurs, Al Barakat Foundation avait été inclus le 9 novembre 2001 sur la liste des organisations et personnes considérées par l'ONU comme proches d'al-Qaida ou des talibans établie par le comité créé par la résolution 1267 (1999), et par conséquent sur les listes noires européennes.
Recours devant le TPI
Kadi et Al Barakaat International Foundation avaient alors déposé un recours en annulation contre ces règlements européens, alléguant que le Conseil n’était pas compétent pour adopter le règlement en cause et que ce règlement violait plusieurs de ses droits fondamentaux, notamment le droit de propriété et le droit à un procès équitable[4].
Celle-ci avait en effet nommément inclus cette fondation et Kadi dans les règlements 467/2001 et 881/2002, transposant en droit communautaire la position commune 2002/402/PESC, qui elle-même visait à appliquer les résolutions du Conseil de sécurité 1267 (1999), 1333 (2000) et 1390 (2002)[1].
Mais le 21 septembre 2005, le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPI) rejetait ces pourvois, entérinant donc ces règlements[4]. La Cour considérait notamment que les juridictions de l'Union européenne disposaient d'une compétence limitée concernant l'interprétation de règlements communautaires pris en application de résolutions du Conseil de sécurité sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies[4]. En d'autres termes, la Charte, traité international, devait primer sur le droit communautaire[4]; la juridiction s'est déclarée uniquement pour ce qui est du contrôle de conformité à l'égard des règles impératives du jus cogens[1].
Le TPI considérait non seulement que, par voie du transfert de souveraineté des Etats-membres de l'UE vers la Communauté européenne, celle-ci était liée à la Charte des Nations unies bien qu'elle ne soit pas, en tant que telle membre de l'ONU, mais en plus que les violations au droit à un procès équitable et au droit d’être entendu étaient acceptables au regard de « l’intérêt général essentiel qu’il y a à ce que la paix et la sécurité internationales soient maintenues face à une menace clairement identifiée par le Conseil des nations Unies » (CJCE, Kadi, §289)[1].
L'arrêt de la CJCE
En 2008, la Cour de justice des communautés européennes cassa les arrêts du Tribunal de première instance des Communautés européennes qui avaient débouté Kadi et Al Barakaat (affaires 21 septembre 2005, KYassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation / Conseil et Commission, aff. T-306/01)[1]:
« Le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l'exportation de certaines marchandises et de certains services vers l'Afghanistan, renforçant l'interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l'encontre des Taliban d'Afghanistan, est annulé pour autant qu'il concerne M. Kadi et Al Barakaat International Foundation. »
Cependant, la CJCE ajouta:
« Les effets du règlement n° 881/2002, pour autant qu'il concerne M. Kadi et Al Barakaat International Foundation, sont maintenus pendant une période ne pouvant excéder trois mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt. »
La CJCE a affirmé la prééminence des principes fondamentaux du droit communautaire sur les résolutions du Conseil de sécurité et la validité de son contrôle judiciaire sur ces actes, précisant que les gouvernements des Etats-membres de l'UE avaient violé les droits de la défense, son droit à un recours juridictionnel effectif, et son droit à la propriété[3]. En cela, elle suivait les conclusions de l'avocat général Poiares Maduro qui recommandait de prendre en compte l'ensemble des récriminations du pourvoi des défendeurs.
Pour certains commentateurs:
« A travers cet argument, et à l’appui d’allusions répétées dans l’arrêt aux « principes constitutionnels » du droit communautaire, la Cour semble se déclarer en faveur d’un mouvement de « constitutionnalisation » de l’ordre juridique communautaire[1],[5]. »
La Cour n'a pas remis en cause l'art. 103 de la Charte des Nations unies, qui stipule:
« En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. »
Elle n'a fait qu'affirmer son pouvoir de contrôle judiciaire sur les règlements appliquant les obligations découlant de la Charte, et non sur ces dernières elles-mêmes [6].
Epilogue
La décision fut acclamée par certains (par exemple l'eurodéputée Sarah Ludford (en) [7]) au nom de la défense des droits de l'homme. D'autres ont critiqué ce qui leur semblait être une position dualiste de la Cour.
Aucune des preuves sur lesquelles ces sanctions avaient été fondées n'ont été rendues publiques[2].
La résolution 1822 du 30 juin 2008 répondait partiellement à ces objections, en rendant publics certains éléments amenés par les Etats en vue de l'inscription de groupes ou d'individus sur les listes noires de l'ONU [8].
Néanmoins, le 22 octobre 2008, le rapporteur aux droits de l'homme Martin Scheinin (en) suggéra au Conseil de sécurité une plus grande transparence dans l'établissement de ces sanctions[3].
Au niveau du Comité 1267 de l'ONU, les représentants de la Norvège et du Liechtenstein ont plaidé en 2009 pour la mise en place d’un panel d’experts indépendants nommé par le Conseil de sécurité et qui serait chargé d’assister le Comité lors des procédures d’inscription sur la liste noire et de radiation de ses rangs. Ils ont estimé que cela limiterait le risque de recours contre des sanctions ciblées dans le cadre de juridictions nationales ou régionales[9].
En accord avec ces recommandations, le comité s'est doté d'un médiateur en juin 2010 charger de l'aider à examiner les demandes de radiation reçues de personnes et d’entités soumises aux sanctions imposées par le Conseil de sécurité qui souhaitent que leur nom soit rayé de la Liste récapitulative établie par le Comité, la juge canadienne Kimberly Prost[10].
Notes et références
- L’exception communautaire en matière de protection des droits fondamentaux : quelle hiérarchie entre le droit international et le droit communautaire ? Commentaire de l’arrêt Kadi par Diane LE COTTIER, Université de Paris-X, mis en ligne le 17 mars 2009
- The Al Qadi Affair, Forbes Magazine, 24 janvier 2008 (également disponible ici) Richard C. Morais, Denet C. Tezel,
- UN expert wary of handling of suspected terrorists, Associated Press, 22 octobre 2008 ; également disponible ici John Heilprin,
- COMMUNIQUÉ DE PRESSE n° 2/08, 16 janvier 2008, Conclusions de l’Avocat général dans l’affaire C-402/05, Yassin Abdullah Kadi / Conseil de l'Union européenne et Commission des Communautés européennes
- Kadi and Al Barakaat: Luxembourg is not Texas – or Washington DC, EJIL Talk, 25 février 2009 Voir également Piet Eeckhout,
- Kadi and Al Barakaat: Luxembourg is not Texas – or Washington DC, EJIL Talk, 25 février 2009 Piet Eeckhout,
- EU court delivers landmark 'Kadi' judgment on fundamental rights, communiqué de Sarah Ludford du 3 septembre 2008
- Adoption de la résolution 1322 du 30 juin 2008, communiqué du Quai d'Orsay.
- (fr) LUTTE CONTRE LE TERRORISME: LES COMITÉS DU CONSEIL DE SÉCURITÉ CRÉÉS À CET ÉGARD FONT LE BILAN SEMESTRIEL DE LEURS TRAVAUX, 6128e séance du conseil de sécurité des nations unies, 26 mai 2009
- (fr) Conseil de sécurité des Nations Unis, « Le comité des sanctions contre Al-Qaida et les talibn se félicite de la nomination de la juge Kimberly Prost au poste de médiateur », Département de l’information • Service des informations et des accréditations des Nations Unies, 7 juin 2010. Consulté le 9 novembre 2010
Voir aussi
- Medellín v. Texas (arrêt de 2008 de la Cour suprême des États-Unis)
- Dualisme et monisme en droit international
- Cour européenne des droits de l'homme:
- Behrami c. France et Saramati c. France, Allemagne et Norvège, 2006
- Arrêt Bosphorus, 2005
- Affaire C-162/96, A. Racke GmbH & Co. c. Hauptzollamt Mainz, 1998 E.C.R. I-3655, §46 (a contrario: les règles du droit international coutumier font partie intégrante du droit communautaire et s'appliquent en matière de respect des traités en cas de changement majeur)
- Affaire C-286/90, Anklagemyndigheden c. Peter Michael Poulsen & Diva Navigation Corp., 1992 E.C.R. I-6019 (les règlements communautaires doivent être interprétées en fonction des normes du droit maritime international)
- Affaire 181/73, R. & V. Haegeman c. Belgique, 1974 E.C.R. 449
- Affaire 104/81, Hauptzollamt Mainz v. C.A. Kupferberg & Cie KG a.A., 1982 E.C.R. 3641
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