Tragédie d'Ustica

Tragédie d'Ustica

39°43′N 12°55′E / 39.717, 12.917

Le DC-9 de la compagnie Itavia qui fut abattu (pris en photo ici en 1972).

La tragédie d'Ustica est le nom généralement retenu en français pour désigner l'accident du vol 870 Itavia, un DC-9 civil, qui s'abîma en mer Tyrrhénienne, près de l'île d'Ustica (nord de la Sicile), le 27 juin 1980 à 20 h 59, lors d'un vol Bologne-Palerme. En italien, on parle de strage d'Ustica (« massacre d'Ustica »).

Les 81 personnes à bord sont mortes dans la catastrophe, et les causes de l'accident n'ont jamais été éclaircies. Rapidement écartée, la thèse de l'accident a fait place à des soupçons d'attentats, d'autant plus crédibles étant donné le contexte de l'époque. Depuis 1999, l'enquête du magistrat italien Rosario Priore s'oriente vers la thèse d'un tir de missiles d'un avion de l'OTAN, qui aurait été français ou américain : celui-ci aurait abattu par erreur le DC-9 en pourchassant un MIG-23 libyen qui se serait dissimulé derrière (technique courante pour échapper à la détection radar). Cette thèse avait déjà été évoquée par la Commissione Stragi (it) établie en 1988.

Priore ainsi que l'ex-président de la République Francesco Cossiga ont évoqué une tentative d'assassinat de Kadhafi. Deux mois auparavant, le président du Tchad, Goukouni Oueddei, avait annoncé à Tripoli la fusion de son pays avec la Libye, ce qui avait suscité une forte réprobation de la France[1].

Sommaire

Thèses

Le Musée de la mémoire d'Ustica, ouvert le 27 juin 2007 à Bologne. Une installation par Christian Boltanski y est présente.

Plusieurs thèses se sont affrontées à ce sujet au cours des ans. L'enquête administrative puis judiciaire a écarté tout défaut de construction de l'appareil, tandis que la possibilité qu'une bombe ait été posée dans les toilettes a été écartée. Néanmoins, en 1987, le ministre italien Giuliano Amato débloqua des fonds pour que l'institut français Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) puisse récupérer le fuselage, immergé à 3 700 mètres sous l'eau. La société décela des traces d'explosifs sur la carcasse[2].

Étant donné le contexte de l'époque (années de plomb et la stratégie de la tension), la possibilité d'un attentat avait souvent été évoquée, à tel point que la Commissione Stragi (it) établie en 1988 et chargée d'enquêter sur les attentats commis en Italie s'était auto-saisie du dossier. Dirigée par le sénateur Giovanni Pellegrino, celle-ci qualifia l'accident d'« attentat d'Ustica » (strage di Ustica) et conclut dans son rapport :

«  L'incident du DC-9 eut lieu suite à une action d'interception militaire, le DC-9 fut abattu, la vie de 81 citoyens innocents détruite par une action qui a été de fait une action de guerre, une guerre réelle non-déclarée, une opération de police internationale secrète contre notre pays, dans laquelle ses frontières et ses droits ont été violés. »

N'ayant cependant pas réussi à identifier les responsables, elle archiva le dossier.

L'enquête de Priore : un tir de l'OTAN?

Selon l'enquête actuelle du magistrat italien Rosario Priore, l'avion aurait en fait été la cible d'un tir de missiles, probablement lors d'un combat aérien entre des avions de l'OTAN pourchassant des MIG libyens[2]. Deux MIG s'étaient en effet envolés ce jour-ci de Yougoslavie pour retourner en Libye, et la carcasse d'un MIG-23 fut découverte vingt jours plus tard dans les montagnes de SillaCastelsilano, en Calabre)[2]. Annoncée dès 1999 par Priore[3], cette thèse continue à être à l'ordre du jour en 2010, la France, ainsi que les États-Unis qui pourraient également être impliqués, ayant reçus de nouvelles commissions rogatoires. Il s'agit de la quatorzième pour la France[2].

Les rapports des radars à l'époque, déclassifiés par l'OTAN en 1997, indiquent qu'il y avait dans la zone de vol une intense activité militaire, avec la présence d'aéronefs libyens, français et américains, ainsi que d'un porte-avions britannique[3]. Pas moins de six chasseurs ont été recensés dans la zone[2], bien que Paris ait toujours nié la présence de l'un de ses aéronefs militaires[2]. En 1999, Priore évoquait même la possibilité que le tir ait été une tentative d'assassinat de Kadhafi qui aurait été le passager du MIG[3].

Priore affirme que douze décès suspects (suicides par pendaison, accidents de voiture, assassinat, etc.) ont été recensés autour de l'affaire, concernant des contrôleurs aériens, des pilotes, etc.[4]. Le premier, concernant le colonel Pierangelo Teoldi, a eu lieu le 3 août 1980 (accident de voiture) ; le dernier, concernant le contrôleur aérien Franco Parisi, a eu lieu le 21 décembre 1995 (suicide par pendaison, ce qui avait déjà été la cause de décès officielle du contrôleur aérien Mario Alberto Dettori le 31 mars 1987).

Les services secrets italiens (SISMI et « super-SISMI », un service secret clandestin à l'intérieur de celui-là dirigé par Francesco Pazienza, etc.) ont été à nombreuses reprises accusés de couvrir l'affaire[5],[3]. Selon Priore, ils ont agi ainsi pour obéir à des directives de l'OTAN[3]. Quatre généraux italiens et cinq autres personnes ont ainsi été inculpées pour obstruction à l'enquête, mais l'inculpation fut soit abandonnée, soit rejetée par un acquittement, en raison de la durée de l'enquête, dépassant le délai de prescription, et de preuves insuffisantes[3]. Les généraux Corrado Melillo et Zeno Tascio ont ainsi été acquittés le 30 avril 2004 ; les généraux Lamberto Bartolucci et Franco Ferri, condamnés pour haute trahison, ont fait appel et ont été acquittés par la Cour de Cassation le 10 janvier 2007.

En janvier 2009, Francesco Pazienza, interviewé par La Repubblica après avoir purgé 13 ans de prison pour obstruction à la justice et association de malfaiteurs dans le cadre d'autres affaires, prétendait, à l'encontre de la thèse des enquêteurs, que le DC-9 avait été abattu par la Libye[6] ; il s'est bien abstenu d'apporter toute preuve ou indice qui pourrait appuyer cette accusation.

Les services secrets français ont également été soupçonnés : l'IFREMER, aurait pu être liée à ces derniers selon des documents du SISMI révélés par La Repubblica[5].

L'enquête italienne a été relancée après que l'ex-président de la République italien, Francesco Cossiga, a affirmé en février 2007 qu'un chasseur de l'armée française s'était dissimulé derrière le DC9 pour poursuivre le MIG, et avait abattu celui-là par erreur[2]. Selon Cossiga, qui indiquait que lui et le ministre Amato avaient été informés de ceci par des agents des renseignements italiens, il s'agissait d'une tentative d'assassinat de Kadhafi[7]. Paris a toujours nié avoir été impliqué dans l'affaire[2].

Notes et références

  1. Alain Fogué Tédom, Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire, éd. L'Harmattan, 2008, 418 p., p. 103-104
  2. a, b, c, d, e, f, g et h Richard Heuzé, La France à nouveau accusée dans la tragédie d'Ustica, Le Figaro, 1er juillet 2010
  3. a, b, c, d, e et f Barbara McMahon, The mystery of flight 870, The Guardian, 21 juillet 2006
  4. Le dieci morti misteriose del dopo Ustica, site de l'association des victimes de la catastrophe
  5. a et b USTICA, IL GIUDICE PRIORE INDAGA SUL SUPERSISMI, La Repubblica, 6 octobre 1990, p. 20
  6. Milena Gabalenni, "Io, Gelli e la strage di Bologna" Ecco le verità della super-spia, La Repubblica, 30 janvier 2009
  7. Reuters, Italy reopens probe into 1980 plane crash-media, 22 juin 2008 [lire en ligne]

Voir aussi


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Tragédie d'Ustica de Wikipédia en français (auteurs)

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