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Chagossiens
Les Chagossiens ou Îlois sont un groupe ethnique créole, originaire de l'archipel des Chagos dans l'océan Indien. Métissage de population provenant de Madagascar, du Mozambique, d'Inde et de France, ils vécurent dans l'île de Diego Garcia et dans deux autres groupes d'îles de l'archipel des Chagos pendant plus d'un siècle avant leur expulsion par le gouvernement britannique à la fin des années 1960 vers l'île Maurice et les Seychelles.
La plupart arrivèrent comme pêcheurs, fermiers ou travailleurs pour les plantations de cocotiers durant le XIXe siècle. Cependant les tous premiers Îlois furent probablement amenés de force comme esclaves par les Français en 1776 depuis la Réunion ou Maurice. L'archipel passa ensuite sous le contrôle du Royaume-Uni et fut rattaché à la colonie de l'île Maurice.
Au milieu des années 1960, l'archipel reste peu peuplé. On estime sa population entre 1500 et 2000 personnes réparties en 450-500 familles (rapport Prosser, 1976) et regroupée sur 3 îles ou groupe d'îles : Diego Garcia, la plus peuplée, les Salomon et Peros Banhos. Cette population vit en autarcie, avec un mode de vie n'ayant pas beaucoup évolué depuis le XIXe siècle et avec assez peu de contacts extérieurs. Elle se nourrit de cultures vivrières, d'élevage de volailles et de pêche côtière. Elle est catholique romaine, essentiellement monolingue créole et peu éduquée.
Sommaire
L'exil des Îlois des Chagos
En 1965, élément de l'accord permettant l'indépendance de Maurice, les Chagos furent « détachées » de l'ancienne colonie et formèrent une partie du nouveau Territoire britannique de l'océan Indien. La constitution du nouveau territoire fut imposée par Statutory Instruments, (décision ministérielle sans passage devant le Parlement britannique), sans référendum ou consultation de la population locale des Chagos et ne prévoyait aucune institution démocratique. Cette constitution interdisait à quiconque de résider dans l'archipel sans un permis de séjour.
Dans les années suivantes, de 1967 à 1973, les Îlois, au nombre environ de 2000 personnes furent expulsés par le gouvernement britannique, par la force ou la ruse, d'abord sur l'île de Peros Banhos, puis en 1973, à Maurice et aux Seychelles. Le but de cette expulsion forcée (et selon certaines autorités, illégale) et des expropriations était d'établir une base navale et aérienne de l'armée américaine sur Diego Garcia, où un petit contingent de militaires britanniques allait être également stationné, la position de cet archipel étant jugé stratégique.
Lors de débats au Congrès américain en 1975 sur le rôle des États-Unis dans l'océan Indien, les conditions de leur expulsion seront rendues publiques et commentées dans les médias occidentaux. Il apparaît alors que c'était une demande des autorités américaines de pouvoir disposer d'îles inhabitées. ("No people, no problem.")
Les Îlois obtiennent le droit de retour
En 1983, les Britanniques donnèrent au gouvernement mauricien 4 millions de livres sterling dont 1 million fut transféré par les autorités mauriciennes aux Chagossiens, déportés et résidant sur Maurice en tant que réfugiés. Plus tard, près de 30 ans après leur déportation, les Îlois exigèrent le droit de retourner dans leur "patrie". Leur cas fut porté devant la Haute Cour de justice britannique à Londres par un cabinet d'avocat et le 3 novembre 2000, la Haute Cour arbitra en leur faveur, indiquant qu'ils devaient être autorisés à revenir dans leur pays d'origine et rétablissant leur citoyenneté britannique. Du 5 au 23 novembre 2001, plus de 200 Chagossiens manifestèrent en permanence devant la Haute commission britannique à Port-Louis à Maurice. Le 21 mai 2002, le ministre britannique des Affaires étrangères Jack Straw signa un document conférant la citoyenneté britannique aux Îlois, plus tard ajouté sous le nom de "Section 6: The Ilois: Citizenship" au British Overseas Territories Act 2002.
Controverse concernant le retour des Îlois
Fait unique dans l’histoire des migrations humaines, le rapatriement ou l'expulsion des Chagossiens rendit à la nature la cinquantaine d’îles que comporte l’archipel. Suite à ce départ, l’archipel fût déclaré réserve naturelle pour sa plus grande partie. Seul l’atoll de Diego Garcia resta habité sur sa partie occidentale. Environ les deux-tiers des îles sont déclarées «réserve naturelle stricte » et excluent toute présence humaine. Le tiers restant permet des visites sous conditions biens définies. Une zone côtière s’étendant à plus de 24 km (13 miles marins) du littoral de toutes îles incluant ainsi les lagons, sont interdits à toutes pêches commerciales. Cet état de fait redonna de la vigueur à plusieurs espèces en voie d’extinction, notamment au plus gros crabe terrestre, le mythique crabe de cocotier ; à certaines espèces de tortues à la recherche de plages de ponte et à plusieurs centaines de milliers d’oiseaux marins qui nichent au sol, à toute la biodiversité de la faune corallienne, mais plus particulièrement aux espèces de requins de proximités gravement misent en danger par la valeur gastronomique de leurs ailerons. Le littoral de ces îles de sable subit naturellement une forte érosion, suivie d’un ensablement saisonnier selon le rythme des moussons. Comme les anciennes bâtisses le prouvent, les anciens habitants préféraient la fraîcheur du centre des îles à la chaleur des plages, laissant ainsi celles-ci aux cocotiers et et aux palétuviers qui de leurs racines ralentissent ce phénomène d'érosion. Une nouvelle colonisation humaine de ce sanctuaire demanderait inévitablement un réaménagement du territoire selon des critères sociaux-économiques modernes, incluant un développement touristique donc des plages, ainsi que la levée de l’interdiction de pêche commerciale côtière.
Des 450 familles expulsées dans les années soixante, il ne reste qu’une cinquantaine de personnes qui ont connu l'archipel des Chagos en tant qu’adulte et elles sont maintenant âgées. Leurs descendants, soutenus par l’île Maurice qui revendique toujours la souveraineté de l’archipel, demandent à pouvoir retourner sur la terre de leurs ancêtres. Mais un nombre croissant d’observateurs se posent la question s’il est écologiquement acceptable au XXIe siècle, de sacrifier une réserve naturelle unique dans le seul but de satisfaire les revendications de quelques centaines d'Îlois. Leur argument est que ces personnes ne sont chagossiens que par héritage, la plupart n'ayant jamais vu l'archipel. Et de plus, ils sont descendants d'Îlois dont la présence sur l'archipel n'a duré que quelques générations, juste la période relative à l’exploitation du coprah.
Retour frustré
En dépit du jugement de la cour reconnaissant les droit des Îlois, les îles restèrent inhabitées et il n'existait aucune liaison de transport civil vers celles-ci. La plupart des Îlois restèrent donc à Maurice, dans leur condition misérable, incapables d'organiser eux-mêmes leur retour. Les promesses du gouvernement britannique d'aider à leur réinstallation ne se matérialisèrent pas.
Le 9 octobre 2003, dans un jugement controversé, Justice Ousley de la Haute Cour décida que les Îlois n'avaient le droit à aucune compensation de la part du gouvernement britannique. Puis, en juin 2004, le cabinet de Tony Blair outrepassa la décision de la Cour prise en l'an 2000 en faveur des Îlois par un ordre en conseil, une procédure parlementaire archaïque et rarement utilisée. Les Îlois et leur avocats contestèrent alors cette décision du gouvernement devant la Haute cour d'Angleterre et du Pays de Galles et devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Nouveaux développements
Début avril 2006, un groupe d'une centaine d'Îlois fut autorisé à visiter le Territoire britannique de l'océan Indien pour la première fois depuis 30 ans. Le voyage fut organisé et financé par le Ministère des affaires étrangères britannique et le gouvernement de Maurice. [1]
Le 11 mai 2006, les Îlois gagnèrent devant la Haute Cour, qui décida qu'ils étaient en droit de retourner sur l'archipel des Chagos. Reste à savoir si le gouvernement britannique fera appel de cette décision, et quand et comment ce jugement sera mis en pratique [2]
Le bail américain sur Diego Garcia doit prendre fin en 2016.
Sources
- Rapport Prosser "Mauritius-Resettlement of persons transferred from Chagos Archipelago”, septembre 1976, Government Printer, Port-Louis, île Maurice.
- L'Océan Indien au XVIIIe siècle, 1974, Auguste Toussaint, éditions Flammarion, Paris.
- « La grande misère des déportés de Diego Garcia », de Franceschini, Le Monde, 26 septembre 1975.
- « Exil forcé loin de Diego Garcia », Le Monde diplomatique, décembre 2001.
- « Chagos Conservation Management Plan by Dr. Charles Sheppard and Dr. Mark Spalding Department of Biology Sciences, University of Warwick UK.
- « Important Dates of the Provisional People's Democratic Republic of Diego Garcia by Ted A. Morris, Jr.
Liens externes
- (fr)Le premier site à avoir défendu les Chagossiens sur Internet(depuis debut 1999)
- (en)Diego Garcia: Paradise Cleansed par John Pilger
- (en)Spreading democracy, by any means necessary. the US/UK and Diego Garcia
- (en)Photo and written library of the islands and their environment
- (en)US/UK BIOT defence agreements, 1966-1982, Archives de l'US Court
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