Érétrie

Érétrie

38° 23′ 36″ N 23° 47′ 44″ E / 38.393373, 23.795528

Érétrie
(el) Ερέτρια
Vue aérienne d'Erétrie
Vue aérienne d'Erétrie
Administration
Pays Drapeau de Grèce Grèce
Périphérie Grèce-Centrale
Nome Eubée
Géographie
Coordonnées 38° 23′ 36″ Nord
       23° 47′ 44″ Est
/ 38.393373, 23.795528
Démographie
Population 3 156 hab. (2001[1])
Localisation
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Érétrie

Érétrie est une cité de la Grèce antique, située sur la côte occidentale de l'île d'Eubée, et qui a largement contribué au développement et au rayonnement de la civilisation grecque. Les premières fouilles archéologiques ont eu lieu en 1885 par la société archéologique d'Athènes et l'école américaine. Depuis 1964, elle fait l'objet de recherches archéologiques conduites par l'École suisse d'archéologie en Grèce (ESAG) et de publications dans le cadre de la collection Eretria, Fouilles et Recherches.

Sommaire

Les premières occupations humaines : la Préhistoire

Néolithique Récent (~ 3500-3000 avJ.‑C.)

La fréquentation du site à la fin du Néolithique est attestée par quelques tessons de céramique et par du mobilier lithique recueillis sur le sommet de lacropole, ainsi quen plaine, tout près du littoral. Sagissait-il déjà dhabitats permanents ou simplement de refuges temporaires ? Nous lignorons, faute de structures découvertes à ce jour, mais le lieu paraît propice à létablissement : lacropole, point de repère dans le paysage et poste dobservation privilégié sur toute la plaine et les alentours, offre, en effet, un abri sûr à proximité dune anse naturelle. Les vestiges dun habitat néolithique dorment peut-être encore sous la ville moderne, protégés par la nappe phréatique et dépaisses couches dargile.

Helladique Ancien (~ 30002000 avJ.‑C.)

 Ancient helladic stove from Eretria
Le four de potier

La période qui suit, lHelladique Ancien, est mieux connue. Loccupation du site se densifie, particulièrement dans la plaine. Un important établissement succède à linstallation néolithique côtière; il perdure près dun millénaire, jusquà laube de lHelladique Moyen, vers 2000 avJ.-C. Divers bâtiments ont été mis au jour, dont lun a été interprété comme un grenier, tandis quun important outillage lithique, accompagné de déchets de taille, pourrait témoigner de lexistence dun atelier de débitage. La céramique recueillie annonce la céramique dite minyenne, qui caractérise lHelladique Moyen. Un four de potier, exceptionnellement bien préservé et aujourdhui exposé au Musée dÉrétrie[2], appartient peut-être à cette phase: quelques tessons de lHelladique Ancien ont, en effet, été découverts dans le canal de chauffe, mais seule une datation au carbone 14 permettrait décarter les incertitudes qui subsistent quant à sa chronologie. Létablissement devait être étendu, si lon en juge par de récentes découvertes faites dans le sanctuaire dApollon Daphnéphoros, distant denviron 150 m, un sondage en profondeur a mis au jour des niveaux doccupation contemporains. La fréquentation du site a diminuer vers 2000 avJ.‑C., ce que corroborent les analyses de sédiments : la zone côtière se transforme alors en lagune et il faudra attendre quelque mille ans avant quelle ne redevienne propice à loccupation humaine.

Helladique Moyen (~ 20001600 avJ.‑C.)

Alors que lhabitat de plaine disparaît, envahi par les eaux de la lagune, un établissement de hauteur se développe sur lacropole, à labri des vicissitudes marines. Le plateau sommital est nivelé et un imposant mur de soutènement est érigé au sud de cette terrasse. Un habitat de type villageois y prospère, avec ses maisons et ses ruelles ; des tombes sont implantées dans les cuvettes naturelles de la roche. La céramique récoltée se compose essentiellement de vaisselle à usage domestique et de quelques vases plus fins en argile grise lissée, la céramique minyenne que lon retrouve dans toute la Grèce à cette époque. La présence de fusaïoles et de pesons de tisserands témoigne indirectement dactivités pastorales.

Helladique Récent ou Mycénien (~ 16001100 avJ.‑C.)

Loccupation de lacropole perdure à lépoque mycénienne. Elle est toutefois plus sporadique: seuls quelques tessons de céramique et ce que lon interprète comme un poste dobservation érigé sur des soubassements plus anciens ont été mis au jour. Bien peu de chose, somme toute, en regard des vestiges des périodes précédentes et de celles qui suivront. La tradition homérique fait pourtant remonter lorigine dÉrétrie aux temps héroïques : Eiretria figure, en effet, dans le Catalogue des Vaisseaux (Iliade II, 537), au nombre des sept cités dEubée fournissant navires et troupes à Agamemnon en vue de lexpédition contre Troie. Mais entre ce récit, plus tardif de quelques siècles, et les vestiges archéologiques, lécart est grand. Le passé proprement mycénien dÉrétrie reste encore à découvrir, à moins quil ne faille le chercher sur les sites protohistoriques voisins de Lefkandi et de Paléoekklisies[3].

La fondation de la cité: lépoque géométrique

Pour les siècles dits «obscurs» (XIe ‑ Xe siècles avJ.‑C.), qui font suite à lépoque mycénienne, labsence de vestiges dans les environs dErétrie donne limpression dun abandon du site, dont il reste à déterminer sil fut total ou seulement partiel. Au IXe siècle avJ.‑C., des tombes et de la céramique témoignent dune présence très discrète, puisquaucun habitat contemporain na été mis au jour jusquici. Des facteurs naturelsprésence de zones marécageuses et dun cours deau au tracé fluctuantexpliquent en partie pourquoi lendroit nest pas densément habité plus tôt.

La naissance de la cité

 vue aérienne de l'Hérôon d'Érétrie
L'Heroon d'Erétrie

Cest au cours de la première moitié du VIIIe siècle avJ.‑C. quapparaissent les marques incontestables dun habitat. Les constructions que lon voit se multiplier sont le signe dun accroissement rapide de la population. Comme lhabitat de Lefkandi décline à la même période, un transfert dhabitants dun site à lautre nest pas à exclure. Érétrie ne possède pas alors de trame urbaine organisée, limplantation se réalisant plutôt en fonction des contraintes topographiques. Lhabitat sétend du bord de la mer au pied de lacropole, mais de manière discontinue, se composant densembles distincts, reflet probable dune répartition de lespace par groupes familiaux. La disposition des tombes au sein de la ville complète cette image: elles sont disséminées par petits groupes qui représentent peut-être, en labsence de véritable nécropole commune à Érétrie, des lieux densevelissement propres à chaque groupe familial. Cest ainsi que lon interprète les tombes de lHérôon à louest de la ville, sont enterrés plusieurs individus réunis autour dune tombe particulièrement riche, sans doute celle dun chef.

Une fois cet important personnage enseveli puis rejoint par quelques proches, lendroit naccueille plus de tombes, mais il est signalé par un grand triangle isocèle fait de plaques de pierre, qui marque ainsi son importance. Par la suite, des activitésinterprétées comme les manifestations dun culte héroïquesy déroulent. Il semble que la communauté ne soit plus entièrement dominée, comme auparavant, par une élite, mais quelle en honore lun des derniers représentants ; ainsi se dessinerait le passage à une société de type « civique », celle de la polis.

Premiers lieux de culte

Cette évolution est également perceptible dans la zone du Sanctuaire dApollon Daphnéphoros. Un premier ensemble de constructions sy développe avant 750 avJ.‑C. Il livre un riche mobilier céramique, signe de laisance des habitants et de leur pratique du banquet, ainsi que les traces dun artisanat du bronze. La religion est aussi présente, mais la place quelle occupe reste encore difficile à déterminer. Dans un deuxième temps, lédification dun grand bâtiment absidial en relation étroite avec un autel définit le cadre propice à laccomplissement dun rituel. Si cest bien à Apollon, divinité poliade, que lon sacrifiait sur cet autel, on peut conclure à un culte lié à lémergence de la cité dès la fin de la période géométrique. À cette époque, un autre lieu de culte apparaît à proximité du sanctuaire dApollon. Une accumulation dobjets votifs et de céramiques rituelles y témoigne, une fois encore, dune pratique religieuse concernant toute une communauté. Le cas est exceptionnel : il permet de reconstituer un rituel impliquant des femmes et révèle la présence à Érétrie de nombreux objets provenant du bassin égéen, de Chypre, du Proche-Orient, mais aussi de lOccident.

Érétrie entre lOrient et lOccident

La place que la cité occupe au sein du monde méditerranéen est un élément clé pour comprendre le destin dÉrétrie. On sait en effet quÉrétrie fut active dans létablissement de relations commerciales avec l'Orient et durant les premières étapes de la colonisation grecque au nord (Chalcidique) et en Occident. Les objets dorigine égéenne, orientale ou égyptienne découverts dans la ville indiquent quÉrétrie était reliée à plusieurs réseaux déchanges. Ils sont aussi le signe dune circulation des techniques et des idées: une influence orientale transparaît dans certains motifs de la céramique géométrique érétrienne et elle pourrait aussi sêtre exercée dans le domaine de lorfèvrerie. Dautre part, lécriture alphabétique fait une apparition précoce à Erétrie, sous la forme de graffiti sur la céramique. La cité constitue sans nul doute lun des foyers de diffusion dans le monde grec de cette importante innovation. Dans la seconde moitié du VIIIe siècle avJ.‑C., Érétrie évolue rapidement. Sa communauté, en croissant, expérimente de nouvelles formes dorganisation sociale et se dote de nouveaux lieux de culte. Certains de ses membres vont prospecter, puis sinstaller à lOuest. Avec lOrient, elle entretient des contacts commerciaux et se montre perméable aux idées et aux techniques étrangères. Les dernières décennies du VIIIe, qui voient Erétrie prendre son essor, sont essentielles pour comprendre le destin de la ville [4].

Lessor de la cité : lépoque archaïque

Alors que, durant la seconde moitié du VIIIe siècle avJ.‑C., la céramique eubéenneet plus particulièrement érétriennese retrouve un peu partout dans le bassin méditerranéen, elle cesse soudainement dêtre exportée vers 700 avJ.‑C. À partir de cette date, ce nest plus quà Délosimportant centre religieux au cœur des Cycladesquelle apparaît encore en quantités importantes. On a proposé détablir un rapport entre ce phénomène et la Guerre lélantine : Érétrie aurait été vaincue par Chalcis et ses alliés, ce qui laurait contrainte de se retirer de la scène internationale. On a même suggéré que la ville fut détruite et temporairement abandonnée au début du VIIe siècle avJ.‑C.. Cest pourtant une image bien différente que suggèrent les rares sources littéraires et, plus nettement encore, les vestiges archéologiques : il ne fait aucun doute quErétrie continue à se développer tout au long de lépoque archaïque.

Le VIIe siècle avJ.‑C.

Plusieurs vestiges archéologiques témoignent en effet de la prospérité et du dynamisme dÉrétrie au VIIe siècle avJ.‑C., bien que les textes littéraires fassent presque complètement défaut. Nous nous contenterons de rappeler la construction vers 680 avJ.‑C. dun puissant mur de canalisation pour détourner vers lest le cours deau qui auparavant longeait le côté occidental de la ville et dont les crues torrentielles avaient sporadiquement inondé les habitations. Cest à la même époque que lon remplace, dans le sanctuaire dApollon Daphnéphoros, au cœur de la cité, le premier temple par un véritable « temple à 100 pieds » (hékatompédon).

Le VIe siècle avJ.‑C.

Eretria Apollo Temple
Le temple d'Apollon Daphnéphoros

Au cours de la seconde moitié du VIe siècle avJ.‑C., Érétrie entre dans une phase particulièrement mouvementée de son histoire. Cest au milieu du siècle que la cité se dote de remparts. Vers 540, la cité accueille Pisistrate, le tyran dAthènes, et ses fils, en exil, qui y récoltent des fonds et y lèvent des mercenaires en provenance de toute la Grèce pour reprendre le pouvoir. Ils sappuient sur divers alliés, dont les Thébains et le puissant Lygdamis de Naxos. Cest à Erétrie que Pisistrate et les siens sembarquent pour reconquérir le pouvoir en Attique (Hérodote, I 61-62). Le Temple dApollon édifié vers 530 rend un hommage appuyé à Athènes: les sculptures du fronton ouest, achevées vers 510 avJ.‑C., représentent notamment le combat de Thésée et des Amazones, un thème cher aux Athéniens, dont linfluence se marque également dans la figure centrale du fronton, Athéna, la déesse tutélaire dAthènes.

Quelques années plus tard, en 499, une escadre érétrienne de dix navires se porte avec la flotte athénienne au secours des Milésiens et des autres Grecs dIonie soulevés contre la domination perse. Les Érétriens paieront cher ce soutien, puisquen 490 le corps expéditionnaire perse assiège et prend la ville avant de débarquer à Marathon. Diodore de Sicile, historien du Ier siècle avJ.‑C., mentionne Érétrie dans sa liste des thalassocraties pour une durée de quinze années (VII II,I). On peut placer ces années de suprématie navale érétrienne dans la période allant de 506date dune défaite mémorable de Chalcis, lancienne rivale dÉrétrie, face aux Athéniensà 490[5].


Des Guerres médiques à la Guerre du Péloponnèse

La date la plus importante, peut-être, de toute lhistoire de la citécelle qui, en tout cas, voit Érétrie être subitement projetée sur le devant de la scène politique internationaleest lannée 490 avJ.‑C. : cest, en effet, le moment larmée perse, envoyée en Grèce par le roi Darius Ier pour punir les alliés des Ioniens révoltés contre son autorité à partir de 499, sempare de la ville après un siège de six jours, et cela très peu de temps avant que les Perses ne soient eux-mêmes défaits par les Athéniens à Marathon (première Guerre médique). Mais il nest guère facile dévaluer limpact de cet événement sur les habitants et les édifices de la cité. Car si les sanctuaires furent à coup sûr incendiés (sans être nécessairement détruits de fond en comble), rien ne prouve que toute la ville ait été rasée ou réduite en cendres. Dautre part, la déportation pratiquée par les vainqueurs na touché quune partie sans doute réduite de la population, beaucoup dÉrétriens ayant pu trouver refuge dans les zones montagneuses du territoire, restées inaccessibles à larmée des envahisseurs. Il est néanmoins assuré que plusieurs centaines dÉrétriens, y compris des femmes et des enfants, furent emmenés loin de Grèce pour être finalement installés au nord de Suse (Iran), capitale de lEmpire achéménide, au lieu-dit Arderrika; leur présence y est attestée jusquau début du IVe siècle avJ.‑C. et même plus tard encore. La meilleure preuve quen dépit de ce coup très dur la cité navait pas perdu tout moyen de résister est fournie par le fait que les Érétriens participèrent courageusement, tant sur mer que sur terre, à la lutte contre linvasion du roi Xerxès en 480-479 (seconde Guerre médique). Des émissions monétaires en argent, frappées dès avant le milieu du Ve siècle avJ.‑C. et jusque vers 430-425 avJ.‑C., attestent même une certaine prospérité, sans parler du riche matériel, surtout attique, livré par les tombes érétriennes de la haute époque classique. On connaît du reste pour cette époque le nom de quelques Erétriens illustres en leur temps: ainsi (probablement) le bronzier Philésios, qui œuvra pour ses compatriotes à Olympie, ou le poète Achaios, auteur de tragédies jouées à Athènes, ou encore lexilé Gongylos, fondateur en Mysie (Asie Mineure) dune dynastie princière sous légide du Grand Roi.

Les ambitions impérialistes dAthènes

Cependant, tout comme les autres Eubéens, les Erétriens eurent bientôt à compter avec les ambitions dAthènes, qui transforma progressivement en un empire autoritaire la ligue en principe égalitaire fondée en 478. Cest sans doute peu après cette date (au plus tard en 457) quÉrétrie dut céder à sa puissante voisine le vieux comptoir continental dOropos, quelle regardait comme sien. En 446, un premier soulèvement des cités eubéennes contre la domination athénienne fut durement réprimé par Périclès. Il est probable, cependant, que cest seulement durant la Guerre du Péloponnèse, après une seconde révolte survenue en 424 (provoquée par un cuisant échec athénien en Béotie voisine), quAthènes imposa à Chalcis comme aussi à Érétrie la capitulation sans appel dont le texte nous est connu grâce à une inscription de lacropole dAthènes. Mais le temps de la libération nétait alors plus très éloigné. Tirant parti de lissue catastrophique de lexpédition athénienne en Sicile, les Érétriens, dès 413, préparèrent une nouvelle sécession. Le renversement de la démocratie à Athènes en 411suivie peu de mois après par la défaite, devant le port même dÉrétrie, dune escadre athénienne face à la flotte péloponnésienne commandée par lamiral Agésandridas de Sparteleur fournit loccasion rêvée de réaliser leur projet. Aussi, quand six ans plus tard, en 405, le Lacédémonien Lysandre infligea aux Athéniens lultime défaite navale dAigos Potamos, un chef descadre érétrien, Autonomos fils de Samios, se trouvait-il au nombre des navarques vainqueurs, dont un grandiose monument de Delphes perpétua le souvenir. Cette libération du joug athénien permit aux Érétriens détendre leur État en direction du sud de lîle, aux dépens notamment de la petite ville de Styra, qui devint lun des quelque soixante dèmes de lÉrétriade. Une nouvelle phase de prospérité commençait pour la cité, comme latteste, de manière particulièrement frappante, le développement que connut alors larchitecture domestique[6].

Renouveau politique et luttes sociales au IVe siècle avJ.‑C.

Il est clair que les Érétriens ne pouvaient pas rester éternellement en conflit avec des voisins aussi proches que les Athéniens, économiquement et culturellement si influents. La réconciliation survint dix ans après la fin de la Guerre du Péloponnèse (431404), quand la domination de Sparte se fit décidément trop lourde pour ses anciens alliés : en 394 fut signé entre Athènes et Érétrie, au témoignage dune inscription hélas mutilée, ce qui paraît avoir été la dernière « paix de cent ans » de lhistoire grecque (après cette date, en effet, les traités sont normalement conclus à perpétuité). Mais il va presque sans dire que cette alliance connut bien des hauts et des bas dans les décennies suivantes. Si, en 378/7, les Érétrienscomme du reste leurs voisins de Chalcis et de Carystossempressèrent de soutenir les efforts dAthènes en vue de reconstituer une nouvelle ligue maritime, le renouveau de limpérialisme athénien après 375 ne tarda pas à les inquiéter, surtout quand Athènes, qui avait perdu Oropos en 411 par la faute des Érétriens eux-mêmes, réussit à remettre la main sur cette place dune importance cruciale pour les relations entre lAttique et lEubée (371). Sétant alors détachés dAthènes pour sallier aux Thébains désormais en situation de force, les Eubéens firent une première tentative pour constituer une confédération de cités (sinon un véritable État fédéral), comme le montrent des émissions monétaires que divers indices invitent à situer dans la première moitié du IVe siècle avJ.‑C.

Coups dÉtat

Mais à partir de 366, date dun nouveau coup de main érétrien sur Oropos avec lappui de Thèbes, la situation de la cité commença à devenir très critique, tant à lintérieur avec lapparition de tensions sociales extrêmement vivesqui se traduiront par une succession presque ininterrompue de coups dÉtat pendant un quart de siècle —, que sur le plan international, toute la Grèce se trouvant alors en proie à dinterminables conflits. Grâce aux discours de Démosthène et de son rival Eschine, les deux plus grands orateurs dAthènes à lépoque celle-ci était menacée par le roi Philippe de Macédoine, on comprend assez bien dans quelles vicissitudes furent plongés, durant toute la décennie 350-340, les « pauvres et malheureux Érétriens », ballottés quils étaient entre oligarques et démocrates que conduisaient des chefs de faction naspirant en réalité quau pouvoir autoritaire, comme les tyrans Ploutarchos et Kleitarchos. Cest seulement en 341, quand ce dernier fut renversé et tué grâce à une intervention militaire athénienne, que les Érétriens purent rétablir durablement la démocratie. Ils promulguèrent alors une loi contre la tyrannie et loligarchie et, dans le même temps, ils instituèrent un concours musical en lhonneur de leur protectrice attitrée, la grande Artémis Amarysia.

La tutelle macédonienne

En 338, suite à la défaite subie à Chéronée par la coalition grecque (dont faisaient partie les cités eubéennes fédérées en une nouvelle confédération), la plupart des Etats de Grèce propre tombèrent sous la tutelle du roi de Macédoine, Philippe dabord, puis, à partir de 336, sous celle de son fils Alexandre le Grand. Toutefois, cela ne signifie certainement pas quune cité de moyenne envergure comme Érétrie nait plus eu, dès lors, aucune marge de manœuvre sur le plan politique. Les intérêts particuliers continuèrent à peser de tout leur poids, comme lillustre bien le fait que les Érétriens aient refusé, à lannonce de la mort dAlexandre à Babylone (323), dadhérer à linsurrection dAthènes et de maintes autres cités de Grèce propre contre le pouvoir macédonien: cest quils escomptaient bien que, si la révolte était matée, leurs voisins dAthènes se verraient priver de ce territoire dOropos quils avaient reçu du jeune roi de Macédoine en 335, juste avant son départ pour lOrient. Et cest bien ce qui arriva, à la plus grande satisfaction des gens dErétrie, toujours attentifs à maintenir en face de chez eux une Oropie libre de la tutelle politique et économique athénienne[6].

Le siècle de Ménédème

Cette dernière expressionni plus ni moins exacte que celle de « siècle de Périclès » pour désigner lapogée dAthènes au Ve siècle avJ.‑C.permet de caractériser la période de relative indépendance dont jouit Érétrie pendant plus de cinquante ans, de 322 (Guerre lamiaque) à 267 avJ.‑C. (guerre chrémonidéenne), quand le philosophe Ménédème fut la personnalité la plus en vue dans sa cité, il exerça même à plus dune reprise dimportants mandats politiques. Dautre part, cest lépoque pour laquelle on dispose du plus grand nombre dinscriptions publiques, surtout des décrets honorifiques et des catalogues de citoyens. De toute cette documentation, combinée avec lapport de larchéologie proprement dite, se dégage limage dune cité bien vivante et même prospère. Lactivité culturelle se traduit notamment par la construction dun nouveau théâtre[7], œuvre peut-être de larchitecte et « scénographe » Kleisthénès, père du philosophe Ménédème ; à cette activité théâtrale se rattache au surplus une loi des cités eubéennes réglementant vers 300 avJ.‑C. la conduite des technites dionysiaques, cest-à-dire des acteurs tragiques et comiques engagés pour les fêtes en lhonneur de Dionysos et de Déméter. Sur le plan social et économique, il convient de mentionner la grande entreprise de génie civil que les Erétriens, vers 315 déjà, confièrent à un ingénieur étranger, Chairéphanès, pour essayer dassécher une étendue marécageuse située assez loin de la ville, au cœur de leur territoire.

Les ambitions macédoniennes

Mais le souci principal des hommes politiques dalors était de défendre les intérêts vitaux de la cité face aux appétits des turbulents successeurs dAlexandre. Les décrets, en particulier ceux de la période 322-301, sont révélateurs à cet égard, car la majorité dentre eux honorent des Macédoniens qui étaient au service de ces Diadoques, rois ou futurs rois. Cest ainsi quErétrie parvint à contrer les projets eubéens de lambitieux Cassandre en prenant dabord le parti du régent Polyperchongrâce à qui, en 318, la démocratie put être rétablie dans la cité après un intermède oligarchique de plusieurs annéespuis, en 312, celui de Polémaios, lieutenant du puissant Antigone le Borgne. Mais en 304, elle dut, bon gré mal gré, se soumettre au fils de ce dernier, Démétrios Poliorcète (« Preneur de ville ») et honora dune statue son principal agent en Grèce, lhomme politique Adeimantos de Lampsaque (sur lHellespont), connu aussi par des inscriptions dAthènes et de Delphes. Ménédème lui-même eut plus dune fois affaire à ce Démétrios, devenu dautant plus encombrant avec le temps quen 294 il put monter sur le trône de Macédoine. Quand, en 287, le Poliorcète sembarqua pour sa dernière expédition en Asie, notre philosophe fut tout naturellement désigné pour conduire de lointaines ambassades auprès des deux plus fastueux souverains de lépoque, le roi de Thrace Lysimaque en sa capitale de Lysimacheia et le roi dEgypte Ptolémée à Alexandrie. Plus tard, ses contacts se firent très étroits avec le fils du défunt Démétrios, lhabile Antigone Gonatas (qui allait jusquà se proclamer son élève !) : en 278, le jeune roi ayant repoussé une invasion gauloise en Grèce du Nord, Ménédème sempressa de faire voter par les Érétriens un décret mémorable en lhonneur du vainqueur.

La Guerre de Chrémonidès

Pendant toutes ces années, néanmoins, la position de la cité restait bien précaire. Rien ne le montre mieux que lépisode suivant, attesté indirectement par une inscription découverte il y a plus dun demi-millénaire (mais aujourdhui perdue): au lendemain de la libération survenue en 286 ou 285, Érétrie et sa voisine Chalcis, pour sortir de leur dangereux isolement, avaient décidé dadhérer à la Confédération béotienne alors en plein essor. Mais cette union fut certainement de courte durée. A partir de la fin de la décennie 280270, il fallut compter avec les ambitions de Gonatas lui-même, qui menaçait lindépendance retrouvée des cités grecques, y compris Athènes. Celles-ci trouvaient certes un appui naturel chez les Ptolémées dAlexandrie, et ce nest pas un hasard si le sol dErétrie a livré des documentsinscriptions ou monnaiesqui témoignent de liens indiscutables avec lÉgypte. Mais, débarrassé à partir de 272 du bouillant roi Pyrrhos dEpire, Antigone Gonatas était désireux de rétablir en Grèce même une position dominante. Sous le nom de « guerre de Chrémonidès », un conflit sengagea entre les Athéniens, soutenus par divers alliésdont précisément les souverains de lEgypteet le roi de Macédoine parvenu au zénith de sa puissance. Il semble que, dès le début de la guerreou même avant quelle ne fût ouvertement déclarée à lautomne 268 —, Antigone Gonatas soit venu mettre le siège devant Érétrie. Soupçonné de vouloir trahir la cité au profit du roi avec qui, on vient de le constater, il sétait lié damitié, le philosophe Ménédème dut sexiler, et cest depuis lautre rive du détroit, dans le tout proche Amphiaraion dOropos, quil assistaimpuissant et désespéréà la prise de la ville par les Macédoniens (printemps 267?), événement qui a laissé de nombreuses traces archéologiques sur le site. Malgré ses efforts pour fléchir le roi, Ménédème ne parvint pas à obtenir le rétablissement de la démocratieet donc de lautonomie politiquepour sa patrie; aussi finit-il par se suicider, à lâge de quatre-vingt-trois ans (soit vers 263). Très peu de temps après, cest Athènes elle-même qui devait capituler devant Gonatas, en même temps que disparaissaient quelques-unes des plus grandes figures de lépoque. Une page de lhistoire de la Grèce se tournait[7].

De loccupation macédonienne à la mainmise de Rome

stèle funéraire de Dorias
Epitaphe de la Cyrénéenne Dorias

Il est certain que, dans les années qui suivirent immédiatement la défaite des patriotes grecs, la situation dÉrétriecomme celle dAthènesétait peu enviable. Mais, vers 255 avJ.‑C. déjà, certaines concessions furent accordées à la cité: cest ainsi quun décret honorant lapatride Prôtéas montre que les Érétriens, jusque- étroitement soumis au pouvoir macédonien et gravement endettés de surcroît, purent obtenir une plus large autonomie politique. Mais ils furent bientôt entraînés dans une aventure qui dut les laisser perplexes : en 251 très probablement, le gouverneur de lEubée et de la région isthmique (Corinthe) pour le roi Antigone, son propre neveu Alexandre, fils de Cratère, fit sécession et prit à son tour le titre royal, comme latteste précisément un autre décret dÉrétrie. Ce royaume indépendant paraît avoir duré jusque vers 245. Un important trésor monétaire semble aujourdhui pouvoir être mis en relation avec la reprise de la ville par Antigone Gonatas. Les Érétriens étaient donc de nouveau placés sous la tutelle directe du roi de Macédoine, et la marque la plus claire de leur sujétion résidait dans la présence sur lacropole dune garnison composée de mercenaires dorigine diverse. Beaucoup dépitaphes pour des étrangers proches ou lointainschose qui ne se rencontre absolument pas dans les cités de la Béotie voisine, mais seulement dans dautres villes de garnisontémoignent de cette population cosmopolite. Il ne faudrait pas, cependant, imaginer que la cité avait perdu alors toute possibilité de jouer son rôle au sein de la communauté hellénique: non seulement elle continuait à honorer des bienfaiteurs étrangers, mais elle pouvait accepter, moyennant lautorisation royale, les invitations qui lui étaient faites par dautres cités de participer à de grandes fêtes panhelléniques: cest ainsi que lon possède, pour lannée 208, le décret dacceptation par Érétrie du nouveau concours sacré dit des Leukophryéna, organisé par les gens de Magnésie du Méandre en Asie Mineure.

La mainmise de Rome

La dernière décennie du IIIe siècle avJ.‑C. voit les Romains intervenir pour la première fois en Eubée, dans le cadre de la guerre quils menèrent en Grèce contre le roi Philippe V de Macédoine, maître de la grande île. Mais, au début, seule la ville dHistiée-Oréos (à lextrémité septentrionale de lîle) fut touchée directement parles opérations. Centre du pouvoir macédonien en Eubée, Chalcis devait essuyer un peu plus tard, en 199, un sérieux coup de semonce avec la fulgurante attaque du légat Caius Claudius, provisoirement sans lendemain. Cest seulement lannée suivante, en 198, que les gens dErétriecomme ceux de Carystosfirent réellement connaissance avec les armées romaines. Arrivés par voie de mer avec une flotte importante, les Romains et leurs alliés pergaméniens investirent la cité, toujours tenue en main par une garnison macédonienne et peut-être hâtivement pourvue de nouveaux ouvrages de défense. Terrifiée par le spectacle des machines de guerre, la population civile sétait réfugiée sur lacropole et cherchait à obtenir une capitulation honorable, quand les Romains parvinrent à pénétrer à lintérieur de lenceinte. Il est fort douteux (quoi quon en ait pensé) que cette armée de «libération» ait gravement endommagé les bâtiments publics et privés du centre urbain. Mais Tite-Live indique sans équivoque que la cité livra aux vainqueurs, à défaut de grosses sommes dargent ou dor, des œuvres dart «anciennes» de grand prix. Le passage des Romains se solda donc certainement par une dégradation du riche patrimoine culturel des Érétriens. Si les opérations militaires furent conduites en loccurrence par Lucius Quinctius Flamininus, frère du consul de 198, cest ce dernier en personne qui mena finalement les négociations en vue de définir pour la cité un nouveau statut. Érétrie ne fut formellement libérée de la tutelle macédonienne quen 196 par la déclaration solennelle que Titus Flamininus fit proclamer lors du concours des Isthmia près de Corinthe. Même après cela, cependant, il sen fallut de peu quelle ne fût cédée à lallié de Rome quétait le puissant roi de Pergame. Mais Flamininus sy opposa de toute son autorité. En 194 enfin, après avoir fait partir toutes les garnisons romaines, le même personnage créa en Eubée, avec Chalcis pour capitale et Amarynthos comme centre religieux, un véritable Etat fédéral, dont lexistence est confirmée par des inscriptions et des monnaies. Mais en 192 déjà, cette nouvelle Confédération eubéenne paraît avoir sombré dans la tourmente de la Guerre dite « antiochique », qui vit le roi séleucide Antiochos III le Grand intervenir en Grèce aux côtés des Étoliens ennemis de Rome. Après diverses péripéties, Chalcis , pourtant, se trouvait une importante faction proromainedut ouvrir ses portes au roi « libérateur », et les Érétriens, comme aussi les Carystiens, furent bientôt obligés, bon gré mal gré, de suivre le mouvement, qui les mettait subitement au centre dun conflit denvergure méditerranéenne, assez vite réglé toutefois au profit des Romains. Et grâce à lintervention de lancien consul Flamininus, les cités eubéennes, qui auraient pu craindre le pire en représailles de leur conduite (Chalcis surtout, bien entendu), furent épargnées par le vainqueur.

Vie politique et sociale au IIe siècle avJ.‑C.

Moins brillante peut-être que par le passé, lhistoire dÉrétrie au IIe siècle avJ.‑C. est cependant intéressante à plus dun titre. On constate dabord que la cité put reconstituer une partie au moins de ses ressources, puisquelle fut avec Athènes et Chalcis la seule cité de Grèce propre à pouvoir émettre, vers 180-170, un monnayage dargent dit du « nouveau style ». Par ailleurs, des décrets honorifiques retrouvés dans diverses régions de Grèce et dAsie Mineure révèlent que les Érétriens, vers le milieu du IIe siècle avJ.‑C., durent faire appel assez souvent à des juges étrangersce que, par exemple, les Athéniens ne se résignèrent jamais à fairepour régler des procès à lintérieur même du corps civique, indice que la société érétrienne était alors en proie à de sérieuses tensions, sans doute par suite de lendettement de beaucoup de citoyens.

Lucius Mummius, un bienfaiteur pour Erétrie ?

Il faut enfin faire mention dun événement de grande portée, dont on ne pouvait soupçonner, jusquà une date récente, quil eût touché Érétrie, et de façon à ce point inattendue: cest la Guerre dite dAchaïe, par quoi lon entend le soulèvement, en 146, de la Confédération achéenne (Péloponnèse) et de la Béotie presque tout entière contre le pouvoir de Rome, suivi de sa répression impitoyable par le consul Lucius Mummius, qui fit détruire de fond en comble la ville de Corinthe. On savait déjà, assurément, que les gens de Chalcis avaient adhéré à cette insurrection et en avaient été cruellement punis. Mais les Érétriens ? Une inscription peu faite pour attirer lattentionsimple proclamation de vainqueurs à lépreuve du stadeatteste lexistence dun concours célébré en lhonneur du redoutable Mummius, associé à la grande Artémis Amarysia. Ce document prouve donc indubitablement que les Érétriens rendaient un culte à ce personnage, considéré par eux comme un bienfaiteur. Il en découle quils avaient adopter dans la guerre une attitude diamétralement opposée à celle de leurs voisins immédiats, et lon sexplique ce soutien apporté à Rome quand on sait quils avaient été, très peu auparavant, les victimes de la politique agressive des Béotiens de Thèbes. Presque seuls dentre les Grecs à se ranger aux côtés de Mummius, ils avaient nécessairement obtenu du consul une fois vainqueur quelque substantielle récompense. Il serait intéressant de savoir laquelle. Lhypothèse la plus probablemais il ne sagit pour le moment que dune conjecture fondée sur divers indicescest quils reçurent en partage le territoire dOropos, convoité depuis toujours, dont ils purent ainsi tirer profit à partir de 146. Cela rendrait compte de la relative aisance dont paraît bénéficier, vers cette époque, une partie au moins de la société érétrienne. En témoignent en effet plusieurs inscriptions ayant trait aux activités des éphèbes, de leurs entraîneurs et de leurs professeurs dans le cadre du gymnase, et qui nous font découvrir une certaine « bourgeoisie » ploutocratique, dont sont issus également les notables que lon voit élever des statues aux membres de leur famille. Ce qui est sûr, cest quun demi-siècle plus tard, ayant joué la mauvaise carte dans la guerre contre le roi du Pont Mithridate en 87-86, les Érétriens perdirent non seulement cette précieuse possession continentale mais leur statut privilégié. Et de ce coup dur les Erétriens ne devaient jamais plus se relever tout à fait[7].

De la domination romaine à labandon de la cité

Dès 146 avJ.-C., suite à la Guerre dAchaïe, les cités grecques sont placées sous le contrôle du gouverneur romain de Macédoine, mais elles conservent néanmoins en partie leur autonomie. Ce nest quen 27 avJ.‑C. quelles seront officiellement intégrées dans lEmpire romain avec la création de la province dAchaïe. Le début du Ier siècle avJ.‑C. marque incontestablement un tournant pour Érétrie : à linstar de nombreuses cités de Grèceet en dépit du traitement plutôt favorable que les Romains avaient réservé jusqualors aux Érétriens, comme aux Athénienselle prend fait et cause pour le roi Mithridate VI Eupator et se retrouve dans le camp opposé à Rome. Le conflit va durer de 88 à 85 avJ.‑C., pour culminer avec le sac dAthènes la nuit du 1er mars 86 par le proconsul romain Lucius Cornelius Sylla. Si les sources littéraires restent muettes sur le sort dÉrétrie, les couches de destruction mises au jour par les archéologues montrent que la cité ne fut pas épargnée.

Renouveau augustéen

Il faut attendre près de deux générations pour quErétrie se relève partiellement, avec lavènement dAuguste et du Principat à Rome. Lhistorien Dion Cassius (LIV 7, 2) nous apprend en effet quen 21 avJ.‑C. Auguste affranchit Erétrie de la souveraineté athénienne, à laquelle lavait peut-être soumise, en 42, une décision du triumvir Marc Antoine. La cité recouvre ainsi une certaine autonomie et se voit surtout libérée de lobligation de sacquitter de lourdes taxes en faveur dAthènes, ce qui favorisera un nouvel essor. Les constructions se multiplient, notamment à proximité de la Maison aux mosaïques[8] un quartier artisanal se développe : bassin de traitement de la pourpre pour teindre les textiles, four à chaux pour la préparation du mortier, amenées deau courante et canaux dévacuation des eaux usées témoignent dun renouveau des activités dans la cité. Un temple du culte impérial est érigé au carrefour des deux voies principales de la cité, tandis que dautres bâtiments publics, comme le Gymnase Nord et le Théâtre, sont restaurés, preuve dune certaine prospérité retrouvée.

Une modeste cité au sein de lEmpire romain

stèle du pêcheur
Stèle du pêcheur Nikon

Une série de stèles funéraires datant du Ier au IIIe siècle de notre ère nous renseignent sur quelques-uns des habitants de la modeste cité quest alors Érétrie: ainsi cet Érétrien qui sest représenté non sans fierté avec les attributs de son métier, la pêche. Lhabitat se concentre désormais au pied de lacropole, et peut-être sur ses pentes, tandis que le coeur de la cité classique semble réservé aux sépultures, comme le suggère notamment un riche tombeau aménagé sur lagora. Erétrie frappe encore monnaie jusquà la fin du IIe siècle apJ.-C., ce qui suggère que les institutions civiques fonctionnent au moins jusquà cette période. On possède du reste une base de statue élevée par la cité à lempereur Caracalla (211217 apJ.-C.) et il existe en tout cas une base impériale plus tardive. Mais le centre de gravité économique et politique semble sêtre alors déplacé vers la ville de Porthmos (Aliveri), fut exposé vers 300 de lère chrétienne un exemplaire de lEdit du maximum des prix de Dioclétien.

Les derniers siècles de la cité

On a longtemps pensé quÉrétrie avait été peu à peu désertée à partir de la fin du IIIe siècle apJ.-C. et quun puissant séisme, en 365 de notre ère, avait sans doute achevé de dépeupler la cité. La récente découverte du temple du culte impérial, qui fut sans doute détruit par les chrétiens au Ve siècle, et une série de sépultures datées très probablement du VIe siècle suggèrent toutefois quune communauté continua à vivre à Erétrie, au moins jusquà cette époque. Il reste cependant malaisé de se représenter lorganisation de lhabitat durant les derniers siècles de la cité, car peu de vestiges ont été retrouvés: quelques pans de murs, un édifice et un puits près du Temple dApollon, fut dailleurs découvert un fragment de chancel qui pourrait indiquer la présence dune église. De nombreux bâtiments des périodes antérieures ont sans doute été réutilisés, sans laisser dindices. Le monde des morts nous est un peu mieux connu: la plupart des sépulturestombes à inhumation en tuiles ou à couverture de dallesétaient situées le long des principaux axes et carrefours de la cité, ainsi quà proximité danciens temples: au nord, près du Sébasteion et du Tombeau monumental, en direction du sud, au bord de la route antique, et dans le voisinage du Sanctuaire dApollon. Les quelques pièces de céramique et objets de parure en bronze découverts dans les tombes évoquent une population relativement prospère, mais la cité a assurément perdu de son importance. On sait quun séisme secoua à nouveau la région en 511, faisant peut-être fuir définitivement les derniers habitants. Seules léglise dAghia Paraskevi et la nécropole qui lentoure, situées à un kilomètre à lest dErétrie, témoignent encore de la fréquentation des lieux au VIe siècle. Une page se tourne, effaçant de la mémoire les anciens dieux et la cité dErétrie[9].

Le site reste ensuite inhabité jusqu'au XIXème siècle.


La nouvelle Érétrie

Lhistoire de la nouvelle Érétrie est étroitement liée à la Guerre dindépendance grecque (18211827). Au terme du conflit et conformément au protocole de Londres (1830), les Ottomans cèdent lEubée à la Grèce en 1833. Afin doffrir une nouvelle patrie aux réfugiés de lîle de Psara, détruite par les Ottomans en 1824, lÉtat grec décide détablir dès 1834 des Psariotes à Erétrie, appelée alors et jusquen 1960 Néa Psara (« Nouvelle Psara »). Cependant, le paludisme et sans doute aussi la proximité de Chalcis, important centre urbain distant de 18 km, expliquent le faible développement de cette localité durant le XIXe siècle.

Au XXe siècle, lévolution de Néa Psara est à nouveau étroitement liée à des événements violents: la guerre gréco-turque de 19211922. Larmée grecque subit en effet une lourde défaite face aux troupes de Kemal Atatürk, qui aboutit à lincendie de Smyrne (aujourdhui Izmir). Le désastre militaire dAsie Mineure a pour conséquence léchange des minorités des deux pays et entraîne larrivée dun million et demi de réfugiés en Grèce, en application du Traité de Lausanne (juillet 1923). Comme à lissue de la Guerre dindépendance, des réfugiés sont accueillis à Érétrie. Des rangées de maisons contiguës, situées au sud-est et au sud-ouest de la ville, en témoignent aujourdhui encore. Depuis les années 1960, notamment grâce à la mise en service de ferry-boats reliant Erétrie à Oropos, en Attique, et à lextinction de la malaria par le drainage des marais dans les années 1940, cette bourgade provinciale est devenue un lieu de villégiature très prisé par les Athéniens fuyant les canicules estivales. Lors du recensement de 2001, le district dErétrie comptait 5969 habitants, avec la ville dErétrie, lîle dAghia Triada, le hameau de Gerontas (27 habitants), et les agglomérations côtières de Magoula (1331 habitants) et Malakonda (1455 habitants).

Notes et références

  1. Erétria
  2. Musée dÉrétrie
  3. Géraldine Delley, in Érétrie. Guide de la cité antique, Infolio éditions, Gollion, 2004.
  4. Samuel Verdan, in Érétrie. Guide de la cité antique, Infolio éditions, Gollion, 2004.
  5. Jean-Paul Descoeudres, in Érétrie. Guide de la cité antique, Infolio éditions, Gollion, 2004.
  6. a et b Denis Knoepfler, in Érétrie. Guide de la cité antique, Infolio éditions, Gollion, 2004.
  7. a, b et c http://www3.unil.ch/esag/theater/www.easyknow.ch/eretria/files/home.html
  8. http://www.unil.ch/esag/page20777.html
  9. Stephan G. Schmid, Brigitte Demierre Prikhodkine, in Érétrie. Guide de la cité antique, Infolio éditions, Gollion, 2004.

Liens externes

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