Élie Benoît

Élie Benoît
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Élie Benoist
Elie Benoit.jpg
Naissance 20 janvier 1640
Paris
Décès 15 novembre 1728 (à 88 ans)
Delft
Nationalité Drapeau de France France
Pays de résidence Drapeau : Pays-Bas Pays-Bas
Profession Historien, théologien
Activité principale Ministre

Élie Benoist, ou Benoît, à Paris le 20 janvier 1640 et mort à Delft le 15 novembre 1728, est un historien, ministre et théologien protestant français.

Fils de François Benoist concierge de lhôtel de la famille protestante La Trémoille, et de Marie Calderone, Benoist montra très tôt une ardeur pour létude qui engagea ses parents à le mettre, dès lâge de neuf ans, au collège d'Harcourt. Il afficha de bonne heure une prédilection marquée pour les classiques, mais ses parents furent néanmoins bientôt forcés de len retirer afin de le soustraire aux habiles manœuvres dun de ses maitres qui avait entrepris de le convertir au catholicisme. Il fut alors placé alors au collège de Montaigu, d il passa ensuite à celui de La Marche pour y faire sa philosophie, à une époque cette matière était encore enseignée de la façon la plus sèche et plus aride qui soit. Les distinctions sans fin, les subtilités, les arguties de la scolastique ne furent pas capables de captiver lesprit de Benoist, qui en conçut contre la philosophie une aversion qui dura autant que sa vie. Chose plus fâcheuse, celui-ci se laissa aller, pour chasser lennui de létude et tuer le temps, à la dissipation, à laquelle ses parents larrachèrent en lenvoyant voyager sous la conduite dun gouverneur.

Arrivé à Montauban, il sy arrêta pour achever sa philosophie. La perte, sur ces entrefaites, de son père et de sa mère à peu dintervalle, laissa en possession dune modeste fortune que, trop jeune et trop naïf, il eut bientôt fait de dissiper, avec le concours et lassistance de soi-disant amis dont sa crédulité le rendit la dupe. Forcé, dès lors, de travailler pour vivre, il se fit précepteur, et, tout en instruisant ses élèves, il trouva le temps et les moyens détudier la théologie.

Ordonné vers 1664, il exerça ensuite le ministère en Beauce, il desservit deux églises pendant environ neuf mois ; de , il passa, en 1665, à Alençon, il exerça, pendant vingt ans, au milieu de circonstances difficiles, les fonctions pastorales, avec autant de prudence que de capacité, et il essuya bien des traverses, rencontrant beaucoup dopposition de la part des catholiques.

Comptant un nombre considérable de Réformés parmi ses habitants, Alençon était une ville trop importante pour ne pas fixer lattention des convertisseurs catholiques. Un célèbre jésuite, le père La Rue y fut envoyé, et une lutte fort vive sengagea entre lui et Benoist sur différents points de controverse. Si le pasteur protestant le cédait en éloquence à son adversaire, par contre, il lemportait sur lui en dialectique et en érudition, et plus dune fois il obtint des succès enviables. Il parvint ainsi à raffermir dans la foi protestante un officier, du nom de Montbail, qui était bien près de se laisser circonvenir par les Jésuites. Indisposé par lobstacle que constituait Benoist, La Rue eut, pour en finir avec les Huguenots, recours à un moyen plus expéditif en incitant une émeute contre lui : au plus fort des persécutions contre les huguenots, ceux-ci résolurent un jeûne universel pour désarmer Dieu irrité. Ce jour-, pendant que les protestants dAlençon, enfermés dans leur temple, étaient en prière, la populace catholique, fanatisée par La Rue, y accourut tumultueusement. Elle assaillit le temple réformé au moment Benoist faisait la prière, répondant par des dérisions à leurs sanglots, singeant, du haut des fenêtres, le deuil du pasteur et laffliction de son troupeau, faisant pleuvoir des cailloux sur la chaire et sur les têtes prosternées. Ne pouvant réussir à irriter leur douleur tant celle-ci était profonde, elle enfonça enfin les portes et engagea une rixe dans le temple. Les Protestants eurent le tort, grave aux yeux du gouvernement de Louis XIV, dopposer une vigoureuse résistance à cette bande de forcenés. Heureusement pour les huguenots alençonnais, lintendant de leur ville était un honnête homme, et léglise dAlençon en fut quitte pour la perte dun de ses pasteurs, M. de La Conseillère qui, destitué, se retira à Altona.

Lanimosité du parti catholique nétait pas satisfaite ; il sagissait pour lui de perdre Benoist, et peu sen fallut quil ne réussît quelque temps après. Une déclaration du 15 janvier 1683 ayant réuni les biens des consistoires aux hôpitaux, Benoist voulut soustraire les fonds que possédait son église à cette espèce de spoliation en les mettant en sureté. Ce fait lexposa à dactives poursuites auxquelles il néchappa, malgré lintervention de protecteurs puissants, quavec peine, mais son église était ruinée.

Après la révocation de lédit de Nantes, Benoist dut quitter la France pour se réfugier en Hollande. Il sembarqua à Dieppe et se rendit à La Haye, il reçut vocation comme troisième pasteur de léglise wallonne à Delft. Il desservit cette église jusquen 1715, , après cinquante-et-un ans de ministère, il obtint le titre de pasteur émérite. ll mourut à lâge de près de 89 ans, quoiquil eût été toute sa vie dun tempérament délicat et dune faible santé.

Il avait épousé à Alençon Judith Bonvoust, demoiselle de bonne maison, mais dun caractère détestable, qui le tourmenta de toutes les manières pendant quarante-sept ans. Elle avait, a-t-il écrit, tous les défauts qui peuvent être insupportables à un mari ami de la paix : implicita, avara, procax, jurgiosa, inconstans et varia, indefessa contradicendi libidine. De ce mariage mal assorti lui naquirent un fils, qui mourut à lâge de 17 ans, et deux filles. La cadette vivait encore à Delft en 1750. Lainée épousa Charles Ancillon. Cette union ne fut pas heureuse. En 1703, Benoist dut aller la chercher à Berlin pour la ramener en Hollande, elle mourut avec les deux enfants à qui elle avait donné le jour.

Benoist se peint lui-même comme un homme patient, pacifique, timide, aimant le repos, porté même à la paresse, mais appliqué et diligent dès quil était à lœuvre. Chauffepié ajoute quil avait lesprit fin et insinuant, quil parlait bien, quil possédait un heureux génie. Selon Paquot, on ne peut disconvenir quil neût beaucoup de savoir et de génie ; il parlait bien et écrivait avec facilité, mais quelquefois dune manière peu serrée.

Il a laissé un grand nombre douvrages estimés, mais le principal, et celui qui la fait passer à la postérité comme historien de la révocation de lédit de Nantes, est son Histoire de lédit de Nantes, Delft, 1693-95, 5 vol. in-4°.

Bibliographie

  • Lettre dun pasteur banni de son pays à une église qui na pas fait son devoir dans la dernière persécution, Cologne, 1686, in-12 ;
    Benoist y blâme léglise dAlençon davoir succombé presque sans résistance, et lexhorte à sortir dun état dhypocrisie qui la rend coupable aux yeux de Dieu. Cette lettre eut un plein succès ; presque tous les Protestants dAlençon allèrent grossir le Refuge.
  • Lettre à un gentilhomme prisonnier pour la religion, Delft, 1685, in-12 ;
  • Histoire, et apologie de la retraite des pasteurs à cause de la persécution de France, Francfort, 1687, in-12.
    Les Catholiques accusaient les pasteurs de faiblesse et de lâcheté ; beaucoup de Protestants même leur reprochaient davoir plutôt songé à leur sureté personnelle quau salut de leurs ouailles. Benoist publia cet écrit, qui, selon Bayle, est plein de délicatesse desprit, déloquence et dérudition, pour répondre à ces différentes imputations. Il ny avait pas mis son nom, mais, dit Basnage de Beauval dans son Histoire des ouvrages des savants, « la délicatesse et les fines beautés de louvrage firent reconnaitre M. Benoist. » Le pasteur dArtis lattaqua vivement. Après avoir inséré un Plan de réponse dans les Nouvelles de la République des lettres, Benoist fit paraître une Défense de lApologie pour les pasteurs de France (Francfort, 1688, in-12), il déploie sans doute beaucoup dadresse et dhabileté, sans toutefois réfuter dune manière victorieuse toutes les raisons de son adversaire. « Il faudroit, écrit Basnage, pour porter un jugement équitable sur la retraite des pasteurs, sêtre trouvé dans les mêmes allarmes. On regarde les choses dune manière toute différente dans léloignement. Si St. Athanase avoit vécu aussi tranquillement que St. Augustin, il auroit peut-être appelé mercenaires ceux qui fuyoient la persécution ; et si St. Augustin avoit été aussi traversé que St. Athanase, il auroit peut-être conseillé de fuir. Le danger étoit si pressant, et le moyen de léviter si facile, quil ne faut pas sétonner si lon a plutôt écouté la voix et les mouvements de la nature que les lois dun sévère devoir. Mais ce qui préoccupe dabord est lidée que lon se fait dun pasteur qui va braver les périls avec intrépidité. Elle a je ne sais quoi de brillant, et qui ressent cette ferveur et cette fermeté invincible des premiers chrétiens ; au lieu que la prudence dune fuite nécessaire na pas le même éclat et frappe beaucoup moins, parce quelle ressemble à la faiblesse et à la timidité. »
  • Histoire de lédit de Nantes, Delft, 1693 et 1695, 5 part, in-4° ; trad. en anglais, Londres, 1693, in-4°, et en flamand, Amsterdam, 1696, 2 vol. in-fol.
    Dans le 1er volume sont retracés en peu de mots les événements qui amenèrent cet édit célèbre, et les négociations auxquelles sa promulgation donna lieu, jusquà la mort de Henri IV, en 1610. Le 2e comprend le règne de Louis XIII. Le récit est chargé de tant de détails minutieux que la lecture en est peu attrayante. Le 3e raconte, depuis 1643 jusquen 1665, les vexations, les injustices, les violences dont les Protestants furent les victimes presque toujours innocentes ; drame sinistre qui se déroule, jusquen 1683, dans le 4e volume, et se dénoue dans le 5e par la révocation. Lauteur, qui avait entre les mains de précieux mémoires recueillis par Abraham Tessereau, ex-secrétaire de Louis XIV, mort à Rotterdam en 1689, a joint à son travail une foule de pièces qui en forment comme la partie officielle ; elles donnent à son ouvrage un degré dautorité quon a vainement essayé daffaiblir. Ainsi, la Bibliothèque historique de la France accuse Benoist davoir écrit « avec peu de fidélité ; » mais les nombreuses pièces manuscrites confirment toutes la parfaite véracité de lhistorien. Lon est fondé à reprocher à Benoist, un ton damertume, quelquefois daigreur, lorsquil parle du clergé catholique, mais cette irritation ne trouve-t-elle pas son excuse dans la position que ce même clergé lui avait faite ? LHistoire de lédit de Nantes fit une sensation assez vive pour que le P. Thomassin, de lOratoire, crut devoir la réfuter en justifiant la conduite de Louis XIV ; mais il ne trouva rien de mieux pour cet effet que de rappeler les mesures despotiques et barbares des premiers princes chrétiens contre les hétérodoxes, comme si un crime devait légitimer un crime semblable. Dans un Mémoire inséré dans les Nouvelles de la République des lettres doctobre 1705, Benoist annonça quil préparait une réponse au P. Thomassin et au P. Bordes, qui avait ajouté un supplément au Traité historique et dogmatique des édits, publié par son confrère (Paris, 1703, 2 vol. in-4°), mais cette réponse na pas vu le jour.
  • Sermons sur divers sujets, Delft, 1698, in-8°.
  • Dissertationes epistolicoe ires in priores octodecim versiculos primi capituli Evangelii secundùm Joannem circà Christi divinitatem, Rott., 1697, in-8°.
    Traité contre le socinianisme de M. Le Clerc.
  • Avis sincères à MM. les prélats de France sur les lettres qui leur sont adressées sous le titre de Prélats de lÉglise gallicane, [S.l.], in-12.
    Lettres anonymes paraissant tous les douze ou quinze jours ; la 1re est datée du 1er juillet 1698 ; après la septième, Benoist en publia deux autres intitulées : Lettres à tous les Réformés français ou qui sont encore dans le royaume sous loppression, ou qui sont dispersés dans toute lEurope, et à tous autres quil appartiendra, La Haye, 1698, in-12. Le consistoire de Delft prescrivit le silence aux deux adversaires, en 1694. Benoist obéit, mais son antagoniste ne tint pas ses promesses.
  • Lettre à M. larchevêque de Reims sur la harangue quil fit au roi à la tête du clergé, à louverture de sa dernière assemblée, Digne, 15 sept. 1700.
    On ne sait si cette lettre a été livrée à limpression.
  • Arnica expostulatio de stylo N. T. adversùs Epistolam D. Taco Hajo van den Honert, Delft, 1705, in-4°.
  • Mélange de remarques critiques, historiques, philosophiques et théologiques sur les deux dissertations de M. Tolland intitulées, lune : LHomme sans superstition, et lautre : Origines judaïques. Avec une dissertation tenant lieu de préface lon examine largument tiré du consentement de tous les peuples pour prouver lexistence de Dieu, et on réfute les principales objections par lesquelles on a prétendu laffoiblir, Delft, 1712, in-8°.
  • Lettre de M. Benoist, ministre de la R. P. R. à Alençon, au P. prédicateur des Jésuites de la même ville, Alençon, 29 janvier 1681, et insérée dans les Dissertations de Tilladet.
    Le P. de La Rue ayant accusé les traducteurs de Genève davoir falsifié le texte de Nébémie VIII, 8, Benoist prit la défense de cette version. Le savant Huet, consulté, décida quil ny avait pas de falsification, bien que le passage fût inexactement traduit. Benoist répondit à la fois à tous les deux par des Remarques sur les Lettres par lesquelles on a prétendu répondre, etc. Cet opuscule, daté de Delft, 22 juillet 1743, a été également inséré dans le recueil de Tilladet.

Outre ses ouvrages imprimés, Benoist a laissé de volumineux manuscrits dont Chauffepié donne les titres avec des extraits fort étendus. 1e Réflexions sur les Doudaïm ou le fruit que Ruben porta à sa mère ; Benoist y affirme que le fruit que Ruben apporta à sa mère nétait pas des mandragores, mais des fraises. 2e Dissertation sur loracle de Jacob, Gen. XLIX, 10. Contrairement à la version reçue, il entend la prédiction en ce sens que Juda perdrait le sceptre pendant un certain temps et le recouvrerait à la venue du Messie. 3e Dissertation latine sur la vision dÉzéchiel. 4e Dissertation latine sur lapparition de létoile aux Mages. Cette étoile nétait, selon lui, quune combinaison de quelque observation astrologique avec ce quils apprirent de la naissance du roi des Juifs. Si Saint Matthieu a fait entendre la chose autrement, cest que lEsprit-Saint a laissé parler cet évangéliste suivant les idées du vulgaire. 5e Discours sur lutilité et la nécessité de la révélation. 6e Réflexions sur la manière de réfuter le système de Spinoza. 7e Réflexions sur le caractère et le système des Sociniens. 8e Réflexions sur lart de conjecturer. Écrit mordant contre le Parrhasiana de Jaquelot. 9e Remarques sur certaines prédictions quon fait courir ordinairement après coup. 10e Réflexions sur la critique. 11e Réflexions sur la philosophie cartésienne. 12e Réflexions sur linfluence de lâme sur le corps. 13e Réflexions sur la science des médailles. 14e Réflexions sur la dispute touchant la préférence des anciens ou des modernes. 15e Remarques sur Pétrone. 16e Réflexions détachées sur divers sujets. Ces écrits contiennent les idées les plus étranges. Ainsi lauteur prétend, contre toute évidence, que le Satyricon de Pétrone nest quune traduction du grec ; il tient la numismatique pour une science incertaine et sans valeur ; il regarde la philosophie de Descartes et de Spinoza comme de pures rêveries. Cest ce qui a fait dire à Paquot « quil pensoit librement, quil cherchoit de nouvelles routes et quil donnoit dans des sentimens singuliers et bizarres. » À travers ses bizarreries, on reconnaît cependant un jugement sain et un esprit pénétrant ; le style est aussi fort agréable, mais on sent, en même temps, que le génie pratique de Benoist manquait complètement daptitude pour les sciences abstraites.

Références

  • Paul Pascal, Élie Benoist et léglise réformée dAlençon, Paris, 1892, in-8°, 208 p.

Sources

  • Frères Haag, La France protestante ou vies des protestants français qui se sont fait un nom dans lhistoire, depuis les premiers temps de la réformation jusquà la reconnaissance du principe de la liberté des cultes par lAssemblée nationale, vol. 2, Paris, Joël Cherbuliez, 1857, 516 p. [lire en ligne (page consultée le 2 janvier 2011)], p. 173-6 .

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Élie Benoît de Wikipédia en français (auteurs)

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