Visage du Sauveur

Visage du Sauveur

Véronique (christianisme)

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Véronique par Pontormo, fresque de Santa Maria Novella, Florence : le visage du Christ est à peine esquissé sur le linge.

Véronique ou Bérénice est un personnage de la tradition chrétienne, dont la légende s'est développée entre le VIIe siècle et le VIIIe siècle sur le modèle de celle de l'Image d'Édesse (ou Mandylion). Dans sa version la plus connue[1], il s'agit d'une femme pieuse de Jérusalem qui, poussée par la compassion lorsque Jésus-Christ portait sa croix au Golgotha, lui a donné son voile pour qu'il pût essuyer son front. Jésus accepta et, après s'en être servi, le lui rendit avec l'image de son visage qui s'y était miraculeusement imprimée. L'iconographie chrétienne représente traditionnellement Véronique tenant un tissu où s'est imprimé le visage de Jésus.

Cet épisode n'apparaît pas dans le Nouveau Testament, mais à partir du IVe siècle, le nom de Bérénice (« Βερενίκη » Berenikê, mot macédonien signifiant « qui porte la victoire[2], latinisé en « Véronique », est donné à une femme anonyme guérie miraculeusement par Jésus dans les Évangiles synoptiques.

L'étymologie populaire a ensuite rapproché le nom de Véronique des mots latins qui signifient « vraie » (vera) et « image » (icon, -is, fém.[3]).

Les catholiques fêtent sainte Véronique le 4 février, et les orthodoxes le 4 octobre.

Sommaire

Le développement de la légende

Véronique par Robert Campin

Un passage commun aux trois évangiles synoptiques (Marc Mc 5:25-34, Matthieu Mt 9:20-22, et Luc Lc 8:43-48), raconte la guérison miraculeuse d'une femme atteinte d'hémorragies chroniques et qui touche le vêtement de Jésus. Cette femme n'est pas nommée (on parle de la "femme hémoroïsse"), et n'intervient pas ailleurs dans les évangiles.

En Occident, elle a été identifiée avec un autre personnage des évangiles, Marthe de Béthanie[4].

Au IVe siècle Eusèbe de Césarée rapporte dans son Histoire ecclésiastique (VII 18), que la femme venait de Césarée de Philippe, et qu'on y voit une statue de bronze la représentant agenouillée au pied du Christ.

Dans la version grecque (recension A) des Actes de Pilate, un apocryphe qui date du IVe siècle, elle intervient pour le défendre lors du procès de Jésus sous le nom de Bérénice (Berenikè, ou Beronikè). Mais c'est dans des versions latines de ce texte, dans lesquelles Bérénice devient Véronique (Veronica), qu'apparaît la plus ancienne version de la légende du voile de Véronique. Il s'agit d'un épisode mis en appendice, la Cura Sanitatis Tiberii (La guérison de Tibère), dont le plus ancien manuscrit date du VIIIe siècle. Véronique, en témoignage d'amour et gratitude, a peint un portrait de Jésus de son vivant (Imago Christi), qu'elle présente à l'empereur Tibère, ce qui le guérit d'une infirmité. Tibère offre à Véronique des richesses, fait construire un sanctuaire pour le portrait, se convertit et se fait baptiser[5]. Il est probable que cet épisode a été forgé sur l'exemple de la légende de l'image d'Édesse en remplaçant Abgar par Tibère, et Thaddée par Véronique[6].

La dérivation fantaisiste du nom de Veronica à partir des mots Vera Icon (eikon), « image fidèle », remonte aux Otia Imperialia (III 25) de Gervais de Tilbury (vers 1211), où on lit : Est ergo Veronica pictura, Domini veram secundum carnem representans effigiem a pectore superius...[7].

Catholic Encyclopedia

La Catholic Encyclopedia de 1913 déclare à propos du développement de la légende :

La croyance en l'existence d'authentiques images du Christ est liée à l'ancienne légende du roi Abgar d'Édesse et à l'écrit apocryphe connu sous le nom de Mors Pilati (« La Mort de Pilate »). Pour distinguer à Rome la plus ancienne et la plus connue de ces images, on l'appela la vera icon (l'image authentique), qui, dans la langue commune, est rapidement devenue « Veronica ». C'est ainsi qu'elle est désignée dans plusieurs textes médiévaux mentionnés par les Bollandistes (par exemple un ancien missel d'Augsbourg à une messe « de S. Veronica seu vultus Domini ») qui parlent de « Sainte Véronique, ou le visage du Seigneur », et Matthieu de Westminster parle de l'empreinte de l'image du Sauveur qui s'appelle Veronica : « Effigies Domenici vultus quae Veronica nuncupatur » (« effigie du visage du Seigneur qui est appelée un Véronique »). Peu à peu, l'imagination populaire a confondu ce mot avec le nom d'une personne et y a joint plusieurs légendes qui varient selon le pays.

Légendes ultérieures

Véronique par Memling

Dans la tradition latine, la sixième station du Chemin de croix évoque cette femme qui aurait bravé la foule hostile et utilisé le voile qui couvrait sa tête pour essuyer le visage du Christ pendant sa montée au Calvaire. L'image supposée avoir été recueillie sur ce linge prit le nom de Sainte Face. À quoi une tradition occidentale a ajouté un élément en faisant de Véronique l'épouse de Zachée. Tous deux seraient allés jusqu'à Soulac et Amadour.

Diverses églises possèdent un linge présenté comme le voile de Véronique, à Rome, à Milan, à Jaén en Espagne.

La Sainte Face, sur l'Hagion Keramion

L'un des quatre piliers, qu'au début du XVIIe siècle Urbain VIII fit aménager par le Bernin pour soutenir le dôme de la basilique de Saint-Pierre de Rome, est consacré à Sainte Véronique et contient le Volto Santo (Sainte-Face), linge portant l’image d’un homme barbu provenant de Jérusalem.

Notes

  1. Rapportée dans Acta Sanctorum publiés par les Bollandistes (pour le 4 février).
  2. Selon le dictionnaire grec-français Magnien-Lacroix (Belin, éd. de 1969), ce nom apparaît également sous la forme de « Βερονίκη » (Beronikê) chez Plutarque. Il s'agit d'une forme macédonienne où le verbe berein, « porter », qui correspond au verbe grec pherein, est suivi du mot nikê (« victoire »). D'après le même dictionnaire, ce verbe est construit sur la racine sanscrite bher-, qui signifie « porter ». « Bérénice » est un prénom féminin usuel dans l'Antiquité macédonienne ; entre autres, il fut celui de plusieurs reines de la dynastie alexandrine des Lagides, à commencer par Bérénice Ire, la troisième épouse de Ptolémée Ier Sôter.
  3. Le Gaffiot donne le mot grec εἰκών / eikôn, pour origine du mot latin icon. Le Bailly et le Magnien-Lacroix indiquent comme sens général, pour εἰκών, celui d'une image au sens de « représentation par l'art ».
  4. 'Encyclopædia Britannica de 1911
  5. James E. Cross Two Old English apocrypha and their manuscript source: the Gospel of Nichodemus and the Avenging of the Saviour, Cambridge University Press, 1996 sur googlebooks
  6. James E. Cross Two Old English apocrypha and their manuscript source: the Gospel of Nichodemus and the Avenging of the Saviour, Cambridge University Press, 1996 p.66
  7. Otia imperialia III, 25, éd. S.E. Banks, J. W. Binns, Oxford, 2002, p. 606-607.

Voir aussi

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