Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

52° 04′ 04″ N 4° 21′ 13″ E / 52.0679, 4.3535

Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
Région Ex-Yougoslavie
Front view of the ICTY.jpg
Devise : Les criminels de guerre devant la justice, la justice pour les victimes

Création 25 mai 1993
Siège La Haye, Hollande-Méridionale
Drapeau : Pays-Bas Pays-Bas
Président Drapeau : Jamaïque Patrick Lipton Robinson
Personne(s) clé(s) Carla Del Ponte, procureur générale de 1999 à 2007
Serge Brammertz, procureur général depuis 2008
Affiliation(s) Organisation des Nations unies
Site Web http://www.icty.org/
Le bâtiment du tribunal, à La Haye

Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY ou TPY) est une juridiction instituée le 22 février 1993 par la résolution 808 du Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations unies[1] afin de poursuivre et de juger les personnes s'étant rendues coupables de violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de l'ex-Yougoslavie à compter du 1er janvier 1991, c'est-à-dire durant les guerres en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo), conformément aux dispositions de ses statuts. Son siège est situé à La Haye (Pays-Bas).

Depuis la tenue de sa toute première audience, le 8 novembre 1994, le Tribunal a mis en accusation 161 personnes. En 2011, il restait deux accusés en fuite : Goran Hadžić et Ratko Mladić[2]. Ce dernier a été arrêté le 26 mai 2011[3], faisant de Goran Hadžić le dernier fugitif recherché par le TPIY. Goran Hadžić fut finalement arrêté à son tour le 20 juillet 2011[4].

Sommaire

Instances

Les juges siègent à deux niveaux :

  • trois Chambres de première instance : chacune composée de cinq juges depuis décembre 2009 (trois juges auparavant)
  • la Chambre d'appel : sept juges.

Les juges

Création du Tribunal

La date exacte de création du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie est le 6 mai 1995, par la signature du traité de Pristina (14 pays au total).

Circonstances

Ce nest quà partir du mois daoût 1992 que lopinion publique mondiale prend conscience de latrocité des actes commis en ex-Yougoslavie, grâce à des révélations dans la presse américaine.

Le Conseil de Sécurité a alors demandé aux États et aux organisations intergouvernementales ou non gouvernementales de lui transmettre toute information quils posséderaient sur les crimes en train d'être commis.

Pendant ce temps, deux projets prennent forme :

  • un projet italien et français qui veut lindépendance du Tribunal pénal ;
  • un projet russe et américain qui place le Tribunal sous autorité du Conseil de Sécurité, sans indépendance propre.

Le Conseil reçut ces deux projets et préféra le premier. Il adopta à l'unanimité, le 22 février 1993, la résolution 808 par laquelle il décida la création dun Tribunal indépendant. Mais le statut de celui-ci navait pas encore été voté.

Ce fut chose faite trois mois plus tard, par ladoption le 25 mai 1993 de la résolution 827, par laquelle le Conseil de Sécurité approuva le statut du Tribunal et décida de créer un Tribunal international dans le seul but de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991.

L'objectif de règlement du contentieux pour le TPIY et le TPIR a été fixé à 2010, quitte à déférer certains cas aux juridictions nationales.

Légitimité

Un long débat, qui n'est pas encore terminé, a opposé les partisans et les opposants à ce tribunal. Si l'idée qu'un crime contre une population doit être puni est partagée, la question se pose en ce qui concerne les conflits pour lesquels cette règle sera appliquée. Ainsi, il est notable de constater que certains ont très largement critiqué ce tribunal, en demandant, puisque des crimes devaient être jugés, de s'intéresser au génocide des Amérindiens, aux guerres d'Indochine, du Viêt Nam, d'Algérieetc.

Par ailleurs, pareil tribunal n'a pas été institué pour juger des militaires américains qui auraient commis des crimes en Afghanistan ou en Irak[5].

Les accusés

Depuis la tenue de sa toute première audience, le 8 novembre 1994 (dessaisissement dans laffaire Tadić), le Tribunal a mis en accusation un total de 161 personnes, et a clos les procédures concernant 113 dentre elles : 9 ont été acquittées, 55 condamnées (4 sont en attente de transfert, 30 ont été transférées, 19 ont purgé leur peine, 2 condamnés sont décédés en cours dexécution de peine), et 13 ont vu leur affaire renvoyée devant une cour de lex-Yougoslavie ; par ailleurs, 36 affaires ont été proclamées terminées à la suite soit du retrait de lacte daccusation soit du décès de laccusé (avant ou après le transfert au Tribunal). Depuis l'arrestation de Ratko Mladić et de Goran Hadžić, il n'y a plus d'accusé en fuite. De plus, 24 autres individus ont été jugés pour outrage au Tribunal.[réfnécessaire] Un personnage de fiction populaire serbe, Gruban Malić, accusé de viols au camp Omarska durant l'été 1992[6], a finalement été "relaxé" en mai 1998[7].

Le problème de la compétence

La question de la compétence du Conseil de Sécurité à créer ce tribunal a été posée.

En effet, seul le chapitre VII de la Charte de lONU, qui fait référence à des situations qui créent une menace contre la paix et la sécurité internationales, justifie lintervention du Conseil de Sécurité, et les articles de ce chapitre ne font pas spécialement référence à un système pénal qui pourrait être mis en place. De plus, larticle 29 stipule que « le Conseil de Sécurité peut créer les organes subsidiaires quil juge nécessaires à lexercice de ses fonctions ». Or le Tribunal est un organe indépendant.

Larticle 41 du chapitre VII, autorise le Conseil de Sécurité « à décider quelles mesures nimpliquant pas lemploi de la force armée doivent être prises », il peut donc suffire à créer un tribunal. Comme le Conseil de Sécurité a constaté que « la prolongation de la situation en ex-Yougoslavie crée une menace contre la paix et la sécurité internationales », le chapitre VII devient « utilisable ».

Le problème de l'indépendance

L'indépendance du tribunal est aussi parfois critiquée, ses détracteurs lui reprochant d'être financé - et donc d'une certaine sorte contrôlé - par l'OTAN. L'allocution du porte-parole de l'OTAN lors de la compagne de bombardement de 1999, Jamie Shea, prononcée lors d'une conférence de presse à Bruxelles, le 17 mai 1999, est par exemple souvent citée comme une preuve de collusion entre OTAN et le TPIY. Jamie Shea déclara notamment :

« Je crois que la juge Louise Arbour commencera ses investigations quand on le lui permettra. Ce n'est pas Milosevic qui lui a donné son visa pour aller au Kosovo. Si, comme nous le souhaitons, elle bénéficie d'un accès libre, ce sera grâce à l'OTAN, qui est une organisation amie du tribunal et qui a détenu les personnes accusés de crimes de guerre en Bosnie. […] Les pays de l'OTAN sont ceux qui ont fourni les fonds pour créer le tribunal - nous sommes surtout des financiers - et bien sûr pour former une seconde chambre, de telle sorte que les jugements puissent être accélérés, aussi laissez-moi vous assurer que nous et le tribunal sommes unis dans cette affaire : nous voulons voir les criminels de guerre traînés en justice et je suis sûr que quand Louise Arbour ira au Kosovo et examinera les faits, elle accusera des Yougoslaves, et personne d'autre me semble-t-il pour l'instant. »

La non-association de l'Assemblée générale à la création

Ce sont surtout les pays du Tiers-Monde qui se sont montrés en désaccord avec le fait que seul le Conseil de Sécurité décide de la création de ce Tribunal. Ils ont insisté pour que lAssemblée générale soit associée dune manière ou dune autre à cette création.

La plupart de ces pays ont en effet demandé que le statut du Tribunal soit également soumis au vote de lAssemblée. Les membres du Conseil nont pas satisfait à cette demande. On peut penser que cest à cause du temps quaurait pris le vote, surtout si les membres de lAssemblée avaient voulu apporter des modifications au statut, le projet aurait être revu et cela aurait donc retardé la mise en place du Tribunal.

Cependant, cest à lAssemblée générale de choisir les juges qui le composent et de voter son budget, ce qui lui donne un pouvoir de contrôle non négligeable sur son fonctionnement.

Il semble que la création du Tribunal par lAssemblée générale ou par un traité aurait posé plus de problème. En effet, lAssemblée générale a la compétence de créer un organe judiciaire mais elle ne peut pas imposer aux États dy avoir recours, elle peut seulement le leur « recommander ». Seule lintervention du Conseil permettait dimposer aux États la remise des accusés et la collaboration avec le procureur pour la recherche des preuves.

Si le tribunal avait être créé par un traité, les États directement concernés auraient le ratifier également, sinon la création naurait pas eu de raison dêtre. Le refus des Républiques dex-Yougoslavie aurait donc été fatal au Tribunal et à lenvie mondiale de juger les personnes présumées responsables de crimes. Mais la principale raison était quil eût fallu beaucoup de temps pour obtenir un nombre suffisant de ratifications et le but du TPIY était de rétablir la paix en ex-Yougoslavie au plus vite.

Le TPIY est très différent du Tribunal de Nuremberg. En effet, ce ne sont pas les vainqueurs du conflit qui ont décidé de juger les responsables de celui-ci mais la communauté internationale.

Compétences

Le TPIY de La Haye, créé pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du Droit international humanitaire juge les actes « dirigés contre des personnes ou des biens protégés aux termes des dispositions de la Convention de Genève pertinente », et en particulier :

  • Lhomicide intentionnel ;
  • La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques ;
  • Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à lintégrité physique ou à la santé ;
  • La destruction et lappropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;
  • Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou un civil à servir dans les forces armées de la puissance ennemie ;
  • Le fait de priver un prisonnier de guerre ou un civil de son droit dêtre jugé régulièrement et impartialement ;
  • Lexpulsion ou le transfert illégal dun civil ou sa détention illégale ;
  • La prise de civils en otages.

Il peut poursuivre ceux qui commettent des violations des lois ou coutumes de la guerre, comprenant, sans y être limité les actions suivantes :

  • Lemploi darmes toxiques ou dautres armes conçues pour causer des souffrances inutiles
  • La destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires ;
  • Lattaque ou le bombardement, par quelque moyen que ce soit, de villes, villages, habitations ou bâtiments non défendus ;
  • La saisie, la destruction ou lendommagement délibérés dédifices consacrés à la religion, à la bienfaisance et à lenseignement, aux arts et aux sciences, à des monuments historiques, à des œuvres dart et à des œuvres de caractère scientifique ;
  • Le pillage de biens publics ou privés.

Il est compétent pour poursuivre et juger les auteurs de génocide défini comme lun ou plusieurs des actes suivants (« commis dans lintention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel »).

  • Meurtre de membres du groupe ;
  • Atteinte grave à lintégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
  • Soumission intentionnelle du groupe à des conditions dexistence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
  • Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
  • Transfert forcé denfants du groupe à un autre groupe.

Sont également punissables par le tribunal :

  • Lentente en vue de commettre le génocide ;
  • Lincitation directe et publique à commettre le génocide ;
  • La tentative de génocide ;
  • La complicité dans le génocide.

La définition du génocide reprend celle de larticle 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. Elle englobe « tout acte commis dans lintention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

Ce tribunal est habilité à juger les personnes présumées responsables de crimes contre lhumanité, quils aient été commis au cours dun conflit armé (international ou interne), ou dirigés contre une population civile quelle quelle soit. Ces crimes sont :

  • Assassinat ;
  • Extermination ;
  • Réduction en esclavage ;
  • Expulsion ;
  • Emprisonnement ;
  • Torture ;
  • Viol ;
  • Persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses ;
  • Autres actes inhumains.

Le Tribunal international a uniquement compétence à légard des personnes physiques conformément aux dispositions de son statut. («§ ratione personae » , art 6)

Les responsabilités jugées par le TPIY

L'article 7 les précise comme suit

  • « Quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 2 à 5 du présent statut est individuellement responsable du dit crime (contre lhumanité)».
  • La « qualité officielle » dun accusé (Chef dÉtat ou de gouvernement, haut fonctionnaire..) ne lexonère pas de sa responsabilité pénale, ni nest un motif de diminution de la peine.
  • si lun des actes visés aux articles 2 à 5 du statut du tribunal a été commis par un subordonné, son supérieur nest pas dégagé de sa responsabilité pénale « sil savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné sapprêtait à commettre cet acte ou lavait fait et que le supérieur na pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs ».
  • un accusé agissant « en exécution dun ordre dun gouvernement ou dun supérieur » nest pas exonéré de sa responsabilité pénale, et ce fait ne peut être considéré comme un motif de diminution de la peine si le Tribunal international lestime conforme à la justice.

Larticle 10 (Non bis in idem) précise que « Nul ne peut être traduit devant une juridiction nationale » pour « graves violations du droit international humanitaire » (…)sil a déjà été jugé par le Tribunal international pour ces mêmes faits. » De plus, « Quiconque a été traduit devant une juridiction nationale pour des faits constituant de graves violations du droit international humanitaire ne peut subséquemment être traduit devant le Tribunal international que si :

  • Le fait pour lequel il a été jugé était qualifié crime de droit commun ;
  • La juridiction nationale na pas statué de façon impartiale ou indépendante, la procédure engagée devant elle visait à soustraire laccusé à sa responsabilité pénale internationale, ou la poursuite na pas été exercée avec diligence.


Le Tribunal international tient compte de la mesure dans laquelle cette personne a déjà purgé toute peine qui pourrait lui avoir été infligée par une juridiction nationale pour le même fait.

Espace et temporalité de compétence

L'article 8 précise la compétence ratione loci et la compétence ratione temporis : elle sétend respectivement au territoire de lancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie (dont lespace terrestre, lespace aérien et les eaux territoriales), et à la période commençant au 1er janvier 1991.

Le Tribunal international a la primauté sur les juridictions nationales précise larticle 9. (À tout moment de la procédure, il peut demander officiellement aux juridictions nationales de se dessaisir en sa faveur..).

Composition et organisation du Tribunal

Le Tribunal compte trois organes : les Chambres, le Bureau du Procureur et le Greffe. Les Chambres sont composées de juges indépendants, ressortissants dÉtats différents.

Les juges élus par lAssemblée générale sur une liste faite par le Conseil de sécurité doivent être de haute moralité, impartiaux, intègres, compétents en droit pénal et international, notamment en droit international humanitaire et des droits de lhomme et posséder les qualifications requises dans leurs pays, pour être nommés aux plus hautes fonctions judiciaires.

Chaque état-membre de lONU ou y ayant une mission dobservation permanente peut présenter deux candidatures de juges, le Conseil de sécurité retenant une liste de 22 à 33 candidats en veillant à « assurer une représentation adéquate des principaux systèmes juridiques du monde ».

LAssemblée générale de lONU élit (pour quatre ans, rééligibles) sur cette liste les 11 juges du Tribunal international.

Ces juges élisent le président et adoptent un règlement.

Le procureur est indépendant au sein du tribunal et est responsable de linstruction des dossiers et de lexercice de la poursuite contre les auteurs de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991. « Il ne sollicite ni ne reçoit dinstructions daucun gouvernement ni daucune autre source ». Il ouvre une information doffice ou sur la foi des renseignements quil a évalué après les avoir obtenus « de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de lOrganisation des Nations unies, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales ». Il peut interroger les suspects, les victimes et les témoins, réunir des preuves et instruire. Il peut demander le concours des autorités de lÉtat concerné. Depuis le 1er janvier 2008, la fonction de procureur, précédemment exercée depuis 1999 par Carla Del Ponte, est assurée par le Belge Serge Brammertz.
Le suspect interrogé a le droit à un traducteur et au conseil de son choix, rémunéré par le tribunal sil le faut.

Si « au vu des présomptions », le procureur établit un acte daccusation argumenté, le juge de la Chambre de première instance examine cet acte et le confirme ou le rejette. Sil a confirmé lacte, le juge, sur réquisition du procureur, décerne les ordonnances et mandats darrêt, de détention, damener ou de remise de personnes et toutes autres ordonnances nécessaires pour la conduite du procès qui doit être « équitable et rapide », conforme aux « règles de procédure et de preuve », les droits de laccusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée.

En état darrestation, laccusé est présumé innocent jusquà ce que sa culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du statut du tribunal. Il est informé des chefs daccusation, déféré au Tribunal international qui lui lit lacte daccusation, sassure du respect de ses droits, vérifie quil a compris le contenu de lacte daccusation et lui ordonne de plaider coupable ou non coupable. La date du procès est alors fixée, avec des audiences publiques sauf si la Chambre de première instance décide le huis clos (conformément à ses règles de procédure et de preuve). Laccusé a le droit de ne pas être forcé de témoigner contre lui-même ou de ne pas savouer coupable. Les victimes et témoins ont droit à une protection (tenue daudiences à huis clos, protection de lidentitéetc.).

La Chambre de première instance prononce (en audience publique et à la majorité des juges de cette Chambre) les sentences, les peines et sanctions, écrites et motivées (avec éventuellement ladjonction dopinions individuelles ou dissidentes). Cette Chambre ne fixe que des peines demprisonnement (sur la base de la grille générale des peines demprisonnement des tribunaux de lex-Yougoslavie), en tenant compte de la gravité de linfraction et de la situation personnelle du condamné. La Chambre de 1re instance peut aussi ordonner la restitution aux propriétaires légitimes de biens et ressources spoliés.

La Chambre dappel traite des recours déposés par les condamnés ou par le procureur, relatifs aux erreurs sur un point de droit, erreur de fait ayant entraîné une erreur judiciaire[8] . Elle peut confirmer, annuler ou réviser les décisions de première instance.

Un fait nouveau, après le procès en 1re instance ou en appel, autorise une demande en révision de la sentence.

Lemprisonnement se fait dans un État désigné par le Tribunal et choisi parmi des états acceptant de recevoir le condamné. La peine est effectuée conformément aux règles nationales, mais sous contrôle du Tribunal international qui donne un avis sur les grâces ou commutation de peine possibles dans le pays de lemprisonnement.

Les États aident « sans retard » le Tribunal international à la recherche et au jugement des personnes accusées davoir commis des violations graves du droit international humanitaire.

La Convention du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations unies sapplique au Tribunal international, aux juges, au procureur et à son personnel ainsi quau greffier et à son personnel qui bénéficient donc des facilités accordés aux agents diplomatiques, conformément au droit international.

Critiques, intérêts, limites et perspectives

Les articles des statuts du TPIY font expressément référence aux « personnes présumées responsables » et non aux États, car la philosophie générale du Tribunal pénal international est de punir les responsabilités individuelles. Le TPIY recherche essentiellement les personnes de haut rang soupçonnées de porter une lourde responsabilité dans les crimes commis en ex-Yougoslavie, mais le TPI de La Haye qui devait agir rapidement a eu des difficulté à obtenir la coopération de certains États pour rechercher et arrêter certains accusés.

Ce type de tribunal semble aussi être un lieu et moment important de (re)constitution de la mémoire de faits généralement cachés par les auteurs de crimes, ce qui peut aider à apaiser les tensions bloquant un vrai retour de la paix. Le problème de l'ensemble des séquelles de guerre autres qu'économiques, semble ainsi pouvoir, à l'avenir, trouver à être mieux traité par le droit international, parce que moins « indicible ».

Suite au cas du TPIY, les polémologues et spécialistes en victimologie suivent avec intérêt les efforts du TPIR et également sa contribution, par la possibilité qu'on les victimes de parler, à aider au travail de deuil et d'apaisement des populations concernées. Certaines personnalités, groupes ou ONG environnementalistes ont évoqué l'intérêt qu'il y aurait à ce que la compétence des tribunaux internationaux puisse être étendue aux crimes contre l'environnement, en tant qu'ils peuvent être en quelque sorte considérés comme des sortes de crimes différés, contre l'humanité future.

Le manque de moyens et de juges, le temps pris par les traductions, sont également source de retard et de difficulté d'instruction, évoqués par les membres du tribunal et leurs rapports à l'ONU[9], le travail de ces tribunaux est un travail de longue haleine, dont le bilan définitif ne peut déjà être produit.

Une autre critique formulée est celle du problème des pressions externes auxquelles ont été soumis les juges ou les témoins. Ainsi, selon un des anciens procureurs du tribunal lui-mêmeen l'occurrence Carla del Ponte – « certains juges du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie avaient peur que les Albanais viennent eux-mêmes s'occuper d'eux »[10]. De même, lors du procès de l'ancien commandant de lUÇK et ancien premier ministre du Kosovo, Ramush Haradinaj, accusé de crimes de guerre et de crimes contre lhumanité, ce ne sont pas moins de neuf témoinsdont trois protégés par la MINUKqui ont été assassinés ou sont morts dans des conditions suspectes, le procès s'étant finalement soldé par un acquittement[11].

Le 14 septembre 2009, Florence Hartmann, l'ancienne porte-parole de Carla Del Ponte, a été condamnée par le TPIY pour « divulgation d'informations concernant des décisions confidentielles du TPIY ». Ces décisions portaient sur un accord entre le TPIY et la Serbie visant à cacher des preuves cruciales de limplication de la « République fédérale de Yougoslavie » dans le massacre de Srebrenica, afin déviter une condamnation de la République de Serbie comme état successeur par la Cour internationale de justice[12]. La question se pose de la compatibilité de cette condamnation avec les règles de procédure du Tribunal, ainsi qu'avec la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

En 2010, une enquête a été ouverte sur des pressions (chantage, menaces, pot-de-vin etc.) de la part du tribunal, notamment son procureur Carla del Ponte, sur les témoins à charge lors du procès de Vojislav Šešelj[13].

Notes et références

  1. Conseil de Sécurité des Nations Unies, Résolution 808, 22 février 1993 [1]
  2. La tribune de Genève - 22 fév 2011 - Dix mille personnes engagées dans la traque de Mladic et d'Hadzic
  3. Le Point - 26 mai 2011 - Ratko Mladic a été arrêté
  4. http://fr.euronews.net/2011/07/21/goran-hadzic-le-dernier-fugitif-reclame-par-le-tpi-est-en-prison
  5. Serbian Watch, serbianwatch.blogs.courrierinternational.com
  6. http://www.un.org/icty/indictment/english/mea-ii950213e.htm
  7. http://www.un.org/icty/pressreal/p314-e.htm
  8. Le texte du statut emploie l'expression « déni de justice » pour erreur judiciaire (dans sa version anglaise, miscarriage of justice). Elle ne doit pas être comprise dans le sens de l'article 4 du code civil français, le déni de justice est le refus par un tribunal de se prononcer (ni dans son sens plus large de refus de l'accès à la justice)
  9. La stratégie d'achèvement du mandat du TPIR, Tribunal pénal international pour le Rwanda
  10. Citation extraite de son livre La ChasseMoi et les criminels de guerre, publié en italien en 2008 chez Feltrinelli.
  11. Lire sur Wikinews en ligne
  12. Lex-porte-parole de Carla Del Ponte condamnée à 7000 euros damende pour outrage à la Cour, par Sabine Cessou, 14/09/2009, Tribune de Genève
  13. (en)Carla Del Ponte investigated over illegal evidence, The Guardian, 18 août 2010

Bibliographie

  • M. Castillo, « La compétence du tribunal pénal pour la Yougoslavie », dans Revue générale de droit international public, 1994, p. 61-87 
  • J. de Hemtinne, « La poursuite et le jugement des hauts responsables politiques et militaires par le Tribunal Pénal International pour lex-Yougoslavie », dans Revue de droit pénal et de criminologie, 1997, p. 988-1022 
  • E. David, « Le Tribunal international pénal pour lex-Yougoslavie », dans B.T.I.R., 1992, p. 565-598 
  • P. Hazan, La Justice face à la guerre : de Nuremberg à La Haye, Stock, 2000 
  • J.J. Heintz et H. Lahiquel, « Tribunal pénal international pour lex-Yougoslavie : des problèmesune réussite », dans Pouvoirs: Revue française détudes constitutionnelles et politiques, 2000 
  • C. Hollweg, « Le nouveau tribunal international de lONU et le conflit en ex-Yougoslavie: un défi pour le dsroit humanitaire dans le nouvel ordre mondial », dans Rev. Dr. Pub. Sc. Pol., 1994, p. 1357-1397 
  • Diana Johnstone, La Croisade des fous : Yougoslavie, première guerre de la mondialisation, Le Temps des Cerises, 2005, 346 p. 
  • C. Jorda, « Tribunal pénal international pour lex-Yougoslavie. Fonctionnement et perspectives. », dans Journal des tribunaux, 1996, p. 769-771 
  • K. Lescure, Le Tribunal pénal international pour lex-Yougoslavie, Paris, Montchrestien, 1994 
  • K. Lescure et F. Trintignac, Une justice internationale pour lex-Yougoslavie: mode demploi de Tribunal pénal international de la Haye, Paris, LHarmattan, 1994 
  • S. Oschinsky et Y. Oschinsky, « Les juridictions pénales internationales de Nuremberg à la Haye », dans Journal des tribunaux, 1995passage=157-162 
  • A. Pellet, « Le Tribunal criminel international pour lex-Yougoslavie : poudre aux yeux ou avancée décisive ? », dans Revue générale de droit international public, 1994, p. 7-60 
  • F. Ringelheim, « Un tribunal pénal international pour juger les crimes en ex-Yougoslavie », dans Journ. Proc., 1993, p. 6-7 
  • P. Weckel, « Linstitution dun tribunal international pour la répression des crimes de droit humanitaire en Yougoslavie », dans Annuaire français de droit international, 1993, p. 232-261 

Annexes

Articles connexes

Critiques

Liens externes


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