Traité d'union entre la Bretagne et la France

Traité d'union entre la Bretagne et la France

Union de la Bretagne à la France

L'union de la Bretagne à la France est un événement politique, s'inscrivant dans la formation territoriale de la France métropolitaine, intervenu en 1532, au terme d'un long processus entamé à la fin des années 1480, à la suite de la guerre folle.

Au XVe siècle, le duché de Bretagne est une principauté dont les ducs, notamment François II de Bretagne, cherchent a obtenir plus d'indépendance. Dans ce but, ils recherchent des alliances et établissent des relations diplomatiques (Saint-Siège, Angleterre, Saint-Empire...). Les Ducs rendant hommage au roi de France, la chancellerie française conteste certains signes de souveraineté, que tentent de mettre en place les derniers ducs de Bretagne. Ce phénomène est commun aux grandes principautés du royaume, pendant la période de la guerre de cent ans, et qui se traduira, à l'issue de celle-ci, par des conflits directs entre le roi et les grands du royaume.

Sommaire

Circonstances de l'union

Les États voisins de la Bretagne ont parfois tenté de la contrôler, sinon pour elle-même, du moins pour obtenir des jalons dans le cadre d'un autre conflit : ce fut le cas au XIe siècle d'Henri II Plantagenêt qui a conquis une Bretagne entourée de toutes parts par ses possessions ; au XIVe siècle des Anglais et des Français lors de la guerre de Succession de Bretagne qui pour eux était un épisode de la guerre de Cent Ans ; à la fin du XVIe siècle des Espagnols au cours de la guerre de la Ligue durant laquelle ils tentèrent d'obtenir en même temps une étape sur la route maritime de leurs Pays-Bas, une base catholique face au roi protestant Henri IV et un duché pour l'infante Isabelle. L'élargissement du domaine royal a fait du roi de France un voisin immédiat de la Bretagne à partir de 1203 et plus encore en 1328 et 1482. Dès lors, la mise sous tutelle ou le contrôle direct de la péninsule devenait un trait dominant de la politique du royaume vis-à-vis du duché. Cela deviendra une constante à partir de 1341, dès le début de la guerre de Succession de Bretagne. La victoire d'un prince ennemi du roi ne sera jamais acceptée de bon gré et les chicanes ou les guerres se succèderont jusqu'au succès définitif du royaume (en 1491, 1532 ou 1598 selon les conceptions).

Historiquement, l'Armorique faisait partie intégrante de la Gaule celtique citée par Jules César et, lors de la chute de l'Empire romain, elle fut intégrée au domaine gallo-romain dirigé par Syagrius avec le soutien d'Ambrosius Aurelianus, chef de migrants bretons venus de l'île de Bretagne, sans toutefois que ceux-ci n'aient conclu le moindre foedus avec l'Empire romain autorisant leur installation en Armorique. Syagrius se proclamant roi et s'émancipant du pouvoir impérial, son territoire fut attribué par l'empereur à Clovis après sa victoire à Soisson. Clovis reçut le titre de consul honoraire et de patrice assurant la légitimité de son autorité sur l'ancien domaine gallo-romain. L'Armorique fut ensuite incorporée au royaume de Childebert Ier. Le chaos se répandant en Bretagne, les rois francs, selon leur politique de délégation d'une partie du pouvoir à des représentants locaux (système ancêtre de la féodalité), nommèrent des administrateurs de la Bretagne. Ainsi, Nominoë est désigné Missus Imperatoris par le roi Louis le Pieux puis Ducatus Ipsius Gentismissus des Bretons avant de rentrer en rébellion contre le pouvoir royal et d'obtenir une certaine autonomie pour la Bretagne.

Ainsi, la chancellerie française puisait la justification de sa suzeraineté sur la Bretagne sur ces faits historiques, notamment par l'existence d'un foedus passé en 497 entre les Bretons et les Francs de Clovis, de la reconquête de l'Armorique par Charlemagne, de la vassalisation de la Bretagne à la Normandie au XIe siècle, la Bretagne devenant de ce fait un arrière-fief du roi.

Les chroniqueurs et la chancellerie bretons des XIVe, XVe et XVIe siècle défendaient la thèse inverse, arguant principalement de l'antériorité de l'installation des Bretons sur les Francs en Gaule (mais omettant l'absence de foedus avec l'Empire Romain autorisant l'implantation en Armorique et l'installation des Francs dans la région de Vannes, ainsi que les accords passés avec les rois Francs dépositaires de l'autorité suite à l'avènement de Clovis), de la souveraineté de la Bretagne due à son statut d'ancien royaume alors que Nominoë qui obtint une large autonomie pour l'administration de la Bretagne n'a jamais eu le titre de roi, de l'hommage simple « d'alliance », et non lige, que rendaient les ducs aux rois. Ce dernier point étant non reconnu par le roi de France.

Dans le prolongement de cette politique séculaire, les rois de France trouveront dans les circonstances de la fin du XVe et du début du XVIe siècle le moyen de ramener le duché dans leur giron :

  • L'Angleterre, alliée traditionnelle des Montfort, ne peut plus agir en force sur le continent depuis qu'elle en a été chassée en 1450-1452 et depuis qu'elle s'est engluée dans la guerre des Deux-Roses. À l'issue de cette guerre, la nouvelle dynastie Tudor n'a pas encore les moyens intérieurs de se risquer à une opération d'envergure outre-mer.
  • La Bretagne perd un autre allié important avec la mort du duc de Bourgogne Charles le Téméraire en 1477, qui a une fille pour héritière.
  • La fin de la dynastie d'Anjou en 1482 donne au roi le contrôle de la frontière britto-angevine.
  • La noblesse bretonne a de nombreux intérêts dans le royaume et touchent, comme les autres nobles du royaume, des pensions associées à leurs titres.
  • François II irrite la noblesse de Bretagne, car, prince du val de Loire, il a conservé de son enfance à la Cour de France de solides attaches avec les princes de Valois (d'où les coalitions malheureuses lors des révoltes féodales contre le roi). En outre les nobles jalousent l'influence des Valois et celle du simple bourgeois qu'est le trésorier Landais. Ce manque d'autorité sur sa haute aristocratie et sur son gouvernement en général privera François II, puis Anne de soutiens. La noblesse préférant respecter le pouvoir royal et ne s'associant que faiblement à la révolte des grands féodaux lors de la guerre folle.
  • François II n'a pas de descendance masculine légitime. Ses filles (Anne et Isabeau) sont proclamées héritières devant les États de Bretagne, mais d'autres héritiers potentiels prétendent à la succession : Le vicomte de Rohan, le prince d'Orange, Alain d'Albret et le roi de France (qui avait acheté les droits de la famille de Penthièvre).

La survie de l'État breton passe alors par le mariage d'Anne de Bretagne, à qui il faut trouver un époux. La conséquence de la défaite de Saint-Aubin du Cormier, le traité de Sablé dit « traité du Verger » signé avec Charles VIII, roi de France, impose à François II, duc de Bretagne le 19 août 1488 qu'il ne peut marier ses filles sans l’accord du roi de France.

Louis XI (qui éprouve pour le duc de Bretagne une « grant hayne » suite à ses participations à tous les grands complots), puis ses enfants, la régente Anne de Beaujeu et Charles VIII, veulent :

  • casser la menace de l'encerclement du royaume entre l'État bourguignon (puis le Cercle de Bourgogne, comprrenant les Pays-Bas bourguignons et le comté de Bourgogne, passés à l'archiduc d'Autriche) au nord et à l'est, et la Bretagne à l'ouest.
  • affermir le pouvoir royal face à un François II qui, comme d'autres princes, a profité de l'affaiblissement de la monarchie pour s'attribuer des signes de la souveraineté : sceau en majesté, couronne à haut fleurons, usage ducal du principe de lèse-majesté, érection d'un Parlement (de justice) souverain, création d'une université en Bretagne (à Nantes), diplomatie indépendante et directe avec les puissances du temps, éviction des agents du fisc royal, querelle de la régale...
  • punir les nobles ayant participé aux coalitions hostiles au roi, François II ayant participé à la Ligue du Bien public (1465), la conquête de la Normandie pour Monsieur Charles (1467-1468), la guerre de 1471-1473, la guerre folle (1484-85) et la guerre franco-bretonne (1487-1488).

Facteurs politiques et économiques

Le duché de Bretagne ne peut que se soumettre, en dépit des résistances face à l'une des plus fortes armées d'Europe. Il faut ajouter que les élites bretonnes étaient attirées par la cour du roi de France et que la bourgeoisie marchande de Saint-Malo se désintéressait des intérêts des ducs de Bretagne.

Selon Bertrand d'Argentré, Dom Lobineau, Dom Morice et, parmi de nombreux autres historiens modernes qui se sont penchés sur la question, Jean-Pierre Leguay, des pressions ont été exercées sur certains membres des États de Bretagne, tandis que d'autres ont bénéficié de dons et de pensions, la demande d'union étant en réalité inspirée par François Ier[1].

L'édit d'union

Après quarante ans d'unions matrimoniales entre les duchesses de Bretagne et les rois de France, le 4 août 1532, les États de Bretagne, convoqués par François Ier à Vannes après le couronnement du dauphin comme duc de Bretagne à Rennes, adressent au monarque, sur ses instances, une supplique pour « unir et joindre par union perpétuelle iceluy pays et duché de Bretagne au royaume, le suppliant de garder et entretenir les droits, libertés et privilèges dudit pays et duché ». Cette requête, présentée au roi dans la grande salle du palais épiscopal de la Motte, est acceptée[2].

Le 13 août 1532 est promulgué à Nantes l'édit d'union perpétuelle et indissoluble de la Bretagne à la France, enregistré au Parlement de Bretagne le 21 septembre suivant[3]. Il est confirmé et précisé par l'édit du Plessis-Macé (septembre 1532), qui garantit les droits, libertés et privilèges de la Bretagne[4].

Louis Mélennec défend la thèse que l'édit serait frappé de nullité. La duchesse Claude fit don de son duché à son mari, le roi François Ier, « pour en jouir par sondit seigneur et mari la vie durant d'icelui », le 22 avril 1515, puis « à perpétuité au cas [que le Roi lui] survivroit sans enfans descendus de [leur] mariage », par lettres patentes du 28 juin suivant[3]. Or, selon lui, elle n'avait aucun droit sur le duché, car c'est sa sœur Renée qui devait hériter de ces droits. Ainsi, il prétend que François Ier, usufruitier du duché de Bretagne, n'avait aucun pouvoir pour engager la réunion de la Bretagne à la France.

Pourtant, à l'opposé de ses propres affirmations, le même auteur écrit que « sa qualité de fille unique d'Anne – jusqu'à la naissance de sa soeur Renée en octobre 1510 – fit d'elle, l'héritière désignée du trône de Bretagne. Même s'il lui était advenu un frère, elle serait restée duchesse : Celui-ci, Dauphin de France, aurait succédé à son père ; mais en sa qualité de deuxième enfant du couple royal, le Traité conclu à Nantes en 1499 faisait d'elle l'héritière en titre[5] ». Sur la possibilité que Renée ait eu des droits sur le Duché de Bretagne le même auteur ajoute qu' « en réalité, les droits de Claude au trône de Bretagne ne font aucun doute. Les lois de dévolution de la couronne dans le duché, moins rigides qu'en France, appelaient la fille aînée à la succession de son père décédé, à défaut d'héritier mâle[6] ».

Les États de Bretagne, réunis à Rennes le 26 novembre 1524, reconnurent François Ier comme « usufruitaire [du] pays et Duché de Bretaigne, père et légitime administrateur de Monseigneur le Daulphin, Duc propriétaire d'icelui Duché »[3], après avoir réclamé en vain pour duc le fils cadet, Henri comme stipulé dans les accords entre Louis XII et Anne de Bretagne[7]. La question fut tranchée à la mort prématurée du Dauphin, Henri lui succédant. L'accession du fils cadet de Claude au trône de France le 31 mars 1547, après la mort de François Ier conduisit à l'extinction définitive du duché-pairie de Bretagne[3].

Comparaison avec d'autres États

Dans le livre L'union de la Bretagne à la France Dominique Le Page et Michel Nassiet insistent sur les différences existant à l'époque entre la Bretagne, le Portugal, les Pays-Bas du Nord. Les deux derniers choisissent la voie de la rébellion contre le pouvoir central, la Bretagne n'ayant ni les atouts du Portugal (les alizés, les grandes découvertes) ni la force de conviction des Provinces-Unies des Pays-Bas (persécution du protestantisme par l'Espagne).

Au niveau européen, la Bretagne est pourtant considérée à cette époque comme un duché puissant, doté d'une importante flotte. C'est l'un des principaux pays commerçant avec les Provinces-Unies. C'est sous François II que l'essor du commerce débuta et se poursuivit pour atteindre l'apogée avec le premier empire colonial français avec le commerce vers l'Amérique du nord et la compagnie des Indes.

Notes et références

  1. Jean-Pierre, Leguay, « La fin de l'indépendance bretonne » (livre 6), in Jean-Pierre Leguay et Hervé Martin, Fastes et malheurs de la Bretagne ducale 1213-1532, Ouest-France Université, 1992, 435 pages, p. 435 (ISBN 2737321875): « Une habile pression sur certains membres des États de Bretagne réunis à Vannes en août 1532, des dons et des pensions distribuées à bon escient facilitent le dénouement. Le 4 août, malgré l'opposition de quelques personnalités, la plupart des participants sollicitent l'union réelle et perpétuelle avec la France, sous réserve de la confirmation et du respect des anciens privilèges [lois particulières]. Le roi accepte la requête… dont il est l'inspirateur et publie, le 21 septembre 1532, au château de Plessis-Macé (…) un acte fondamental, véritable contrat, qui déclare la Bretagne irrévocablement unie à la couronne mais préserve ses libertés et ses institutions administratives, fiscales, judiciaires et religieuses. »
  2. Bertrand Frélaut, Histoire de Vannes, Éditions Jean-paul Gisserot, 2000, 124 pages, p. 46 (ISBN 2877475271).
  3. a , b , c  et d Christophe Levantal, Ducs et pairs et duchés-pairies laïques à l'époque moderne : (1519-1790), Maisonneuve & Larose, coll. Mémoires de France, 1996, 1218 pages, p. 479-481 (ISBN 2706812192).
  4. Yves Henri Nouailhat, Bretagne: écologie, économie, art, littérature, langue, histoire, traditions populaires, vol. 16 d'Encyclopédies régionales, C. Bonneton, 1979, 365 pages, p. 27.
  5. Louis Mélennec, Le Rattachement de la Bretagne à la France, Université Paris IV, Mémoire de DEA, 2001, p. 66.
  6. Louis Mélennec, Le Rattachement de la Bretagne à la France, Université Paris IV, Mémoire de DEA, 2001, p. 73.
  7. Joël Cornette, Histoire de la Bretagne et des Bretons, Seuil, 2005, tome 1, p. 415.

Bibliographie

  • Émile Gabory, L'Union de la Bretagne à la France: Anne de Bretagne, duchesse et reine, Plon, 1941, 286 pages.
  • José Germain, Stéphane Faye, Bretagne en France et l'union de 1532, Tallandier, 1931, 216 pages.
  • Dominique Le Page et Michel Nassiet, L'union de la Bretagne à la France, Éditions Skol Vreizh, 2003, 198 pages.
  • Jean-Pierre Leguay, « La fin de l'indépendance bretonne », in Jean-Pierre Leguay et Hervé Martin, Fastes et malheurs de la Bretagne ducale 1213-1532, Ouest-France Université, 1992, p. 434-435.
  • Michel de Mauny:
    • 1532: le grand traité franco-breton, à compte d'auteur, 1971, 199 pages.
    • 1532-1790, les dessous de l'union de la Bretagne à la France, Éditions France-Empire, 1986, 209 pages (ISBN 2704805105).
    • Traité d'union de la Bretagne à la France, Celtics Chadenn, 2002, 209 pages (ISBN 284722016X)

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