- Théorème de Tychonov
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Le théorème de Tychonov est un théorème de topologie qui affirme qu'un produit d'espaces topologiques compacts est compact au sens de la topologie produit. Il a été publié en 1930 par le mathématicien russe Andreï Nikolaïevitch Tikhonov. Il a plusieurs applications en topologie algébrique et différentielle, particulièrement en analyse fonctionnelle, pour la preuve du théorème de Banach-Alaoglu-Bourbaki et le compactifié de Stone-Čech.
Si ce théorème ne choque pas l'intuition dans le cas d'un produit fini, sa validité dans le cas d'un produit quelconque est plus étonnante, et se démontre par une méthode non constructive faisant appel à l'axiome du choix. On notera qu'il est aussi possible de se passer de l'axiome du choix dans le cas d'un produit dénombrable d'espaces métriques compacts, ce que nous montrons dans la première partie de cet article, la deuxième étant consacrée à la démonstration dans le cas général.
Sommaire
Démonstration dans le cas d'un produit dénombrable de métriques
Dans le cas du produit dénombrable de métriques, l'idée essentielle est de faire de ce produit un espace lui aussi métrique en le munissant d'une distance appropriée, ce qui permet ensuite d'utiliser le théorème de Bolzano-Weierstrass: le produit X sera compact si et seulement si de toute suite d'éléments de X on peut extraire une sous-suite convergente.
DémonstrationSoit donc une famille de métriques compacts. On se ramène à des distances inférieures ou égales à 1: pour chaque , la distance définit la même topologie que la distance . Définissons sur l'application par:
On vérifiera aisément que c'est bien une distance sur . Montrons qu'elle définit les mêmes ouverts de la topologie produit.
Soit ; montrons que x appartient à un ouvert pour la topologie produit contenu dans . Par l'inégalité triangulaire, il existe tel que . La série étant convergente, son reste tend vers 0. Soit donc tel que . On considère alors l'ouvert . Alors , donc voisinage au sens de la topologie produit de inclus dans : la topologie produit contient donc la topologie métrique.
Réciproquement, soit U ouvert de la topologie produit, soit , alors il existe et tels que . On considère alors le rayon , et on montre que la boule pour de centre et de rayon r est incluse dans ; en effet si , alors . Or comme la série est à termes positifs, chacun de ses termes est inférieur à sa somme : . Donc , donc . U est donc voisinage de chacun de ses points au sens de la topologie métrique: c'est donc un ouvert de la topologie métrique: la topologie métrique contient la topologie produit.
Ainsi, la topologie métrique et la topologie produit sont égales. On peut alors utiliser pour la compacité de la caractérisation séquentielle par un procédé diagonal: soit une suite d'éléments de X (une suite de suites). La suite admet une suite extraite qui converge vers par compacité de . Alors la suite admet une suite extraite qui converge vers par compacité de , et est une sous suite de donc converge vers . Par récurrence, supposons qu'il existe une extractrice telle que pour tout , converge vers . suite d'éléments de , donc admet une sous suite convergeant vers , avec extraite de , ce qui prouve la récurrence, or la propriété est vérifiée pour p = 0 donc par récurrence on a l'existence d'éléments tels que pour tout , il existe une extractrice avec pour tout , converge vers .
L'extractrice donne alors une suite extraite de qui converge vers par construction, ce qui achève la preuve puisqu'on est dans un espace métrique.Démonstration dans le cas général
On va utiliser la propriété de Borel-Lebesgue pour les fermés: un espace est compact si seulement s'il est séparé et pour toute famille de fermés de dont l'intersection finie d'éléments est non vide, alors : est non vide. Comme tout produit de séparés est séparé pour la topologie produit, il reste à prouver que le produit de compacts vérifie la propriété de Borel-Lebesgue, et ce en utilisant le lemme de Zorn.
Soient donc une famille de compacts, leur produit, et une famille de fermés de dont l'intersection finie d'éléments est non vide. On notera la projection de sur .
Considérons l'ensemble des familles contenant (au sens de l'inclusion) et dont les intersections finies d'éléments sont non vides. C'est un ensemble ordonné par l'inclusion et inductif. Il vérifie donc les hypothèses du lemme de Zorn, et admet par conséquent un élément maximal .
Soit fixé. Comme l'intersection finie d'éléments de est non vide, c'est aussi le cas de l'intersection finie de projections sur d'éléments de , donc de l'adhérence de tels éléments ; ainsi la famille vérifie les hypothèses de la propriété de Borel-Lebesgue dans compact, donc est un ensemble non vide.
On va alors considérer un élément du produit de tous ces ensembles non vides (on utilise donc à nouveau l'axiome du choix) et montrer qu'il est dans l'intersection des éléments de , qui sera alors non vide, ce qui achèvera la preuve.
On remarque tout d'abord que :
- (L1) est stable par intersection finie.
En effet, soit une intersection finie d'éléments de . Alors l'ensemble contient et ses intersections finies font partie de celles de donc sont non vides, si bien que (par maximalité de ) , i.e. .
Par un argument similaire, on en déduit que
- (L2) si un ensemble intersecte tous les éléments de , alors il appartient à .
Soit ouvert de contenant : il existe ouverts respectifs de tels que .
Alors soit, on a , ainsi , or ouvert donc , donc . Alors par (L2), .
Donc par (L1), , donc intersecte tous les éléments de , a fortiori de .
Ainsi x est dans l'adhérence de tous les éléments de qui sont fermés, donc x appartient à tous les éléments de dont l'intersection est donc non vide, ce qui achève la preuve.
Remarque
On peut donner une démonstration élégante[1],[2],[3],[4] de ce théorème en utilisant la théorie des filtres.
Équivalence avec l'axiome du choix
Nous avons précédemment évoqué l'équivalence du théorème de Tychonov avec l'axiome du choix. Il est important de noter que cette équivalence n'a lieu que s'il on considère la définition anglophone de la compacité, qui correspond à la quasi-compacité francophone (l'espace vérifie la propriété de Borel-Lebesgue mais n'est pas séparé a priori). Dans le cas de la compacité francophone (on impose de plus que l'espace soit séparé), le théorème de Tychonov est équivalent à une version strictement plus faible de l'axiome du choix : le Boolean prime ideal theorem.
Pour prouver cette équivalence (dans le cas anglophone), nous allons utiliser une légère variante de la topologie cofinie (preuve due à J.L. Kelley) qui possède une propriété très intéressante: tout espace est quasi-compact pour la topologie cofinie.
Soit donc une famille d'ensemble, nous voulons montrer . On suppose, quitte à réindexer par un ensemble que . Alors, on pose , et on munit de la topologie formée de l'ensemble vide, de tous les ensembles de complémentaire fini, et du singleton (On vérifiera qu'on a alors bien une topologie, et que est alors compact). Par Tychonov, le produit des est compact.
On remarque que, en notant la projection sur , on a: . Or X est compact: pour montrer que on va se servir de la contraposée de la propriété de Borel-Lebesgue pour les fermés: si chaque est fermé et que toute intersection finie de est non vide, alors l'intersection des est non vide, ce qui achèvera la preuve.
Or comme est le complémentaire de ouvert, est fermé. Donc par continuité de la projection , est fermé. De plus soit , alors qui est non vide: en effet en choisissant éléments respectifs de on peut définir par et si (c'est ici qu'intervient de manière cruciale le passage de Ai à AXi) on a donc bien la propriété annoncée.
Notes
- N. Bourbaki, Eléments de mathématique, Topologie générale, chapitre I
- Georges Skandalis, Topologie et analyse 3e année, Édition Dunod, Collection Sciences Sup, 2001
- Claude Wagschal, Topologie et analyse fonctionnelle, Édition Hermann, Collection Méthodes, 1995
- Olivier Brinon, LE THEOREME DE TYCHONOFF
Voir aussi
- Théorème de Tychonov dans les ensembles flous
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