Sūtra du Lotus

Sūtra du Lotus
Commentaire du Sūtra du Lotus datant de 615, copie attribuée au prince japonais Shōtoku.

Le Sūtra du Lotus est l'appellation simplifiée du Sūtra du Lotus blanc de la Loi merveilleuse, en sanskrit Saddharma-pundarīka-sūtra, en chinois Miàofǎ Liánhuā Jīng (妙法蓮華經), souvent abrégé en Fǎhuā Jīng (法華經), en coréen Myobeop Yeonhwa Kyong, en japonais Myōhō Renge Kyō, abrégé en Hokkekyō. Sa référence dans le Taisho est vol. 9, no 262.

C'est un sûtra très populaire dans le bouddhisme mahāyāna. Il occupe une place primordiale dans des écoles mahāyānistes, c'est sur ce soutra que furent fondées les écoles Tiantai (T'ien t'aien) en Chine, Tendai et Nichiren au Japon.

Le terme mahāyāna y apparaît pour la première fois. Le soutra se présente comme une manifestation du plus haut degré d’enseignement bouddhiste, l’ekayana ou « véhicule unique », dans lequel les autres (hīnayāna, mahāyāna) sont subsumés. La notion des moyens habiles (upaya) y joue un rôle important, et une grande emphase est mise sur la dévotion qui, assure-t-il, peut sauver aussi bien que l’ascèse traditionnelle, en particulier durant la période de déclin du bouddhisme.

Sommaire

Genèse selon la tradition

Le Soutra du Lotus se présente comme un enseignement prodigué par le Bouddha à la fin de sa vie terrestre, au mont des Vautours où furent donnés selon la tradition chinoise tous les enseignements mahāyāna. Ces enseignements, trop difficiles pour les gens de l’époque, devaient être révélés plus tard. C’est ainsi que le Soutra du Lotus aurait été conservé dans le monde des Nagas jusqu’à l’époque du quatrième concile. Selon la pensée mahāyāna, l’enseignement provient du bouddha éternel dont le Bouddha historique est la manifestation (nirmanakaya ou sambhogakaya).

Rédaction et traductions

Passage du Sūtra du Lotus, Japon, XIIe siècle

Le texte, composé en plusieurs étapes, daterait d’entre le Ier siècle av. J.-C. et le milieu du Ier siècle ap. J.-C., soit plusieurs siècles après la mort du Bouddha. Selon le traducteur Burton Watson, il pourrait avoir été à l'origine écrit dans un dialecte prâkrit avant d'être plus tard traduit en sanskrit pour lui accorder une plus grande respectabilité. Jan Nattier[1] a d’ailleurs proposé que ce serait le cas pour presque tous les soutras parvenus en Chine avant le IVe siècle. Des fragments en sanskrit d’une version d’Asie centrale indépendante de la version chinoise ont été retrouvés dans les années 1990[2].

Certaines sources considèrent que le Sūtra aux sens infinis (Muryogui Kyō en japonais) et le Sūtra de la méditation sur la dignité de celui qui cherche l'illumination (Fugen Kyō en japonais) seraient le prologue et l’épilogue du Sūtra du Lotus circulant indépendamment.

Bien qu'il y ait probablement eu plusieurs traductions en chinois, on a gardé la trace de seulement six d'entre elles, dont trois ont été conservées. Il fut d'abord traduit par Dharmaraksha en 286 avant d'être retraduit en sept fascicules par Kumārajīva en 406.

La première traduction en français fut faite en 1840 et publiée en 1852 par Eugène Burnouf, à partir d'une version sanskrite primitive postérieure aux versions chinoises. Il fut le premier à le traduire dans une langue occidentale. La première traduction anglaise fut faite en 1884 par Hendrick Kern, toujours à partir du texte sanskrit. D'autres traductions anglaises furent faites par Leon Hurvitz, Burton Watson et d'autres traducteurs, à partir du sanskrit ou du chinois.

Transmission et influence

Zhiyi (538–597), fondateur du courant T'ien-t'ai chinois, le mit au centre de son enseignement et en fit l’un des soutras les plus populaires de Chine. Des fragments parvinrent assez tôt au Japon. Selon le Nihon Shoki, le prince Shotoku (574-622) en était un fervent lecteur ; une copie partielle datant de 615 lui est attribuée par la tradition, quoique les spécialistes soient partagés sur cette attribution. On a suggéré que le sûtra aurait inspiré la constitution reflétant les idéaux bouddhistes que Shotoku fit promulguer. Parti étudier le bouddhisme en Chine, Saicho (767-822) en rapporta un exemplaire complet au Japon ; il devint alors le texte principal de l’influente école Tendai et influença également le courant Jodo. Au XIIIe siècle, le moine Tendai Nichiren (« Lotus du Soleil », pseudonyme inspiré par le sûtra) renforça l’importance de ce sûtra tout en lui donnant une interprétation particulière. Il le considérait comme le seul digne d’être enseigné ; selon lui, le titre du sûtra rassemblait l'enseignement de l’ensemble du texte et possédait la même puissance salvatrice. Il fit de la récitation de ce titre, Namu-Myōhō-Renge-Kyō (Hommage au Soutra du Lotus de la Loi merveilleuse), un rituel essentiel[3]. Des portions du sûtra sont récitées quotidiennement par les adeptes des différentes écoles du courant Nichiren.

Dôgen (1200-1253), fondateur de l'école zen sôtô au Japon mais ancien moine de l'école tendai, avait une dévotion infinie pour ce texte. Il écrivait :

Parmi tous les sûtra prêchés par le grand maître, le vénérable des Shâkya, le Sûtra du Lotus est leur grand-roi et leur grand-maître. Les autres sûtra et dharma sont tous comme ses sujets ou ses enfants. L'enseignement contenu dans le Sûtra du Lotus représente la vérité, les autres sûtra ne rendent tous que des expédients et ne reflètent pas l'intention originelle du Bouddha. Doit-on prendre les autres sûtra et les comparer au Lotus afin de le circonscrire ? S'il n'y avait cette force et ces mérites dans le Lotus, il n'y aurait pas d'autre sûtra ; tous les autres sûtra ne font qu'introduire au Lotus. (Shôbôgenzô kie buppôsôbô, "Prendre refuge dans les trois trésors")[4]

Dans l'école zen japonaise, on privilégie plus particulièrement deux chapitres, le seizième, "La longévité de l'Ainsi-Venu" et le vingt-cinquième, "La porte universelle du bodhisattva Qui Considère les voix du Monde", en japonais Nyorai juryôhon et Kanzeon bosatsu fumonhon.

Pensée

Texte mahāyāna, le Soutra du Lotus envisage un « bouddha éternel », le dharmakāya, qui donne lieu à des émanations sous forme de sambhogakāya ou nirmānakāya. La forme qui y prodigue l’enseignement est le Bouddha historique.

Il définit pour la première fois le terme mahāyāna « grand véhicule » comme une voie plus efficace que celles de l’auditeur et du pratyekabuddha (bouddha solitaire) - qui ressortissent au hīnayāna, « petit véhicule » - et expose la notion d’ekayāna, « véhicule unique » subsumant les deux autres, dont il se veut l’expression.

Il affirme le credo mahāyāna selon lequel chacun peut prétendre à devenir bodhisattva et que les mérites accumulés peuvent être transférés. Il apporte des précisions sur la voie de bodhisattva, développant en particulier le don d’upaya qui permet de trouver les « moyens habiles » de guider les êtres sur la bonne voie du bouddhisme et insiste particulièrement sur la force des voeux.

Il met l’emphase sur la puissance de la dévotion, particulièrement utile dans le contexte du déclin du bouddhisme, car les pratiques ascétiques et méditatives du bouddhisme originel y sont de plus en plus difficiles à pratiquer. Les terres pures d’Amitābha et de Bhaisajyaguru y sont mentionnées. Le chapitre XXV est entièrement consacré aux mérites liés à la récitation du nom du bodhisattva de la compassion Avalokiteshvara. La récitation de ce chapitre faisant partie des liturgies quotidiennes du zen et du bouddhisme shingon.

Notes et références

  1. Nattier, Jan, A Guide to the Earliest Chinese Buddhist Translations, Bibliotheca Philologica et Philosophica Buddhica X, IRIABS Tokyo 2008
  2. Matsuda Kazunobu New Sanskrit Fragments of the Saddharmapu.n.dariikasuutra in the Schoyen Collection, Norway, The Journal of Oriental Studies V. 10 (2000) pp. 97-108
  3. Biographie de Nichiren – site Nichiren
  4. Hokkekyo le sutra du lotus dans le zen

Voir aussi

Bibliographie

  • Le Lotus de la Bonne Loi, traduit du sanskrit par Eugène Burnouf (Paris, Imprimerie Nationale, 1852. Réédition : Paris, Adrien Maisonneuve, 1973)
  • The Lotus Sutra, traduit du chinois de Kumārajīva par Burton Watson (Columbia University Press, 1993)
  • Le Sûtra du Lotus, Suivi du Livre des sens incomparables et du Livre de la contemplation de Sage-Universel, traduit du chinois de Kumārajīva par Jean-Noël Robert (Paris, Arthème Fayard, 1997)
  • Le Sûtra du Lotus, version française de la traduction anglaise du chinois de Kumārajīva par Burton Watson (Les Indes savantes, 2007)

Articles connexes

Liens externes

Manuscrits du Sûtra du Lotus à la Bibliothèque Nationale de France

Lien direct vers la version originale du soutra du Lotus dans Wikisource :

Sur Archive.org :

Sur un forum en français complet :

Le soutra de la version japonaise :


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