Suleau

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François-Louis Suleau

François-Louis Suleau, né le 29 aout 1757 à Grandvilliers et mort massacré par la foule le 10 aout 1792, à Paris est un pamphlétaire français.

Après avoir fait ses études à Amiens et au collège Louis-le-Grand où il eut Desmoulins, Robespierre et Fréron fils pour condisciples, Suleau prit le grade de maître ès-arts, servit ensuite dans les hussards, et devint, en 1784 avocat aux conseils du roi.

En 1787, il vendit cette charge, et partit pour un voyage aux Iles du Vent et à Saint-Domingue. Chemin faisant, il recueillit la démission du sénéchal de la Guadeloupe mais, ne pouvant le remplacer sans avoir l’agrément du roi, il revint en France, après avoir visité les différents États de l’Amérique du Nord, et arriva à Paris le 27 août 1789.

La révolution était commencée. Suleau, avec l’imagination fougueuse qui perce dans ses écrits, se jeta dans l’arène. Les principes nouveaux ne lui semblèrent pas d’abord incompatibles avec la monarchie, mais les journées d’octobre le ramenèrent du côté royaliste qui, dès lors, n’eut pas de plus ardent défenseur.

Non content de répandre à flots quelques brochures de sa façon, il se rendit en Picardie, dans sa famille, et y entreprit de convertir la municipalité d’Amiens à ses idées, par le procédé qui lui était le plus familier, c’est-à-dire en se moquant d’elle. Invité à quitter la ville, il n’en fit rien, et fut enfermé dans la citadelle.

Comme il était généralement admis que le plan du « marquis » de Favras consistait à emmener le roi dans une ville du nord, Suleau fut considéré par les démocrates comme l’émissaire chargé de soulever la Picardie. Ces bruits, qui paraissent fondés, prirent une telle consistance que le Châtelet de Paris évoqua l’affaire de Suleau, et le fit transférer à la Conciergerie.

Une commission fut nommée, qui traîna les choses en longueur sans y apporter la moindre lumière. Le prisonnier fut relâché le 7 avril 1790 au bout de quatre mois de captivité.

Dès ce moment, la verve du pamphlétaire s’épancha dans les journaux de l’aristocratie. C’est surtout dans les Actes des Apôtres (à dater du n° 102), que sa collaboration a laissé les traces les plus durables.

S’imaginant que ce n’était pas assez de protester avec sa plume, il entreprit encore de faire la chasse à tous les pamphlets offensants pour la majesté royale, et ses menaces s’adressèrent même au duc d’Orléans. Il semblait assumer comme à plaisir les vengeances du peuple sur lui. Il provoqua l’un après l’autre les députés du côté gauche qui dédaignaient ses cartels. Publiant les exploits de son bras, il se faisait arrêter une fois la semaine.

Vint un moment où Suleau, trouvant plus de censeurs que d’imitateurs, se renferma dans un silence presque complet. II se retira à Oncy, près d’Étampes, mais bientôt, il rentra dans la lice. D’ailleurs, on commençait à remarquer ses fréquentes entrevues avec Mirabeau et le garde des sceaux Duport du Tertre ; on le vit même chez La Fayette.

Persuadé que l’appui de Mirabeau sauverait le trône, il s’employa d’un côté à persuader au roi qu’il fallait satisfaire sans marchander la déplorable avidité du « père conscrit », de l’autre à inculquer à Mirabeau les plans qu’il croyait les plus propres à rétablir l’ordre dans l’État.

Les lettres et les plans de Suleau faisaient partie des papiers que l’orateur mourant confia au comte de La Marck, et n’ont pas été publiés. On sait pourtant qu’il conseillait de commencer la guerre civile dans le Midi et de corrompre les députés : ainsi, il avait calculé qu’avec moins de deux millions de livres on enlèverait cent dix voix au côté gauche, de manière à assurer au gouvernement une énorme majorité.

Lorsque les ministres d’alors écartèrent ce plan, Suleau considéra leur répugnance comme la preuve flagrante de leur impéritie. Le Journal de M. Suleau, qui parut le 26 avril 1791, ne répondit pas à l’attente générale ; mais on le consultera avec intérêt pour les renseignements qu’il renferme sur la cour de Coblence et les plans de l’émigration. En novembre 1791, Suleau se trouvait à Neuwied sur le Rhin. En présence des folles illusions de l’armée de Condé, il comprit que la cause des Bourbons était perdue et chercha, dès lors, leur salut dans l’établissement d’une monarchie représentative.

On le vit, en 1792, s’efforcer de convertir Danton et Robespierre à la constitution anglaise. Un nouveau journal qu’il annonça n’eut qu’un seul numéro, qu’on peut dater avec vraisemblance du 15 avril 1792. Peu après, il épousa Adélaïde-Victoire Hallé, fille du peintre Noël Hallé, et qui maniait elle-même les pinceaux.

Dans la matinée du 10 août 1792, le directoire du département de Paris lui ayant confié, dans la nuit du 9 au 10 août, la mission de vérifier l’état des choses et d’en faire son rapport au procureur général syndic, il s'adjoignit quelques jeunes gens et se rendit aux Tuileries en uniforme de garde national. Sa haute taille, sa beauté, son air martial attirèrent l’attention de la foule : il fut reconnu et conduit au corps de garde de la section. Il y trouva deux ex-gardes du corps, de Selminiac et du Vigier, et un auteur dramatique, l’abbé Bouyon, arrêtés comme lui.

Théroigne de Méricourt, qui haissait Suleau non seulement parce qu'il l'avait criblée d’épigrammes dans les Actes des apôtres', mais aussi parce qu'il avait publié, à Bruxelles, le Tocsin des rois, un des journaux qui écrasèrent la Révolution liégeoise, se trouvait à ce moment sur la terrasse des Feuillants. Elle ameuta la foule contre les prisonniers, appelant à haute voix Suleau « l’abbé Suleau », pour le rendre plus odieux sans doute. La cour s’emplit de gens furieux demandant à grands cris qu’on leur livrât les prisonniers. Les gardes nationaux résistèrent en vain ; la porte fut enfoncée. Bouyon tomba le premier sous les coups. Théroigne de Méricourt elle-même sauta au collet du pamphlétaire et l’entraîna. Suleau se débattit et lui arracha son sabre et se fraya un passage. Mais bientôt il fut mis hors d’état de se défendre, foulé aux pieds et haché à coups de sabre et de pique. Son cadavre fut jeté sur la place Vendôme avec celui de huit autres victimes, et sa tête portée au bout d’une pique, au moment où le Roi et sa famille quittaient les Tuileries pour se rendre à l'Assemblée. À peine le cortège y était-il entré que, sur la terrasse même des Feuillants, tout à côté du Manège où siégeait l'Assemblée, un des officiers de l'escorte vit le groupe des assassins passer en portant au bout de leurs piques trois des têtes des victimes.

Écrits

  • Lettre d’un citoyen à MM. les présidents et commissaires de son district, Paris, sept., 1789, in-8° ;
  • Un petit mot à Louis XVI, sur les crimes de ses vertus, par un ami des trois ordres, Paris, oct. 1789, in-8° ;
  • Projet d’adresse à l’Assemblée nationale, Amiens, novembre 1789, in-8° ;
  • Fidelissimse Picardorum genti, ou Tu dors, Picard, et Louis est dans les fers, Amiens, décembre 1789, in-8° ;
    C’est la brochure incriminée par le Châtelet ; malgré les dénégations de Suleau, on peut hardiment la lui attribuer.
  • Premiers interrogatoires de M. Suleau, Paris, janvier 1790, in-8° ;
    La suite parut dans le même mois.
  • Lettre à M. l’évêque d’A… (Autun ) et compagnie, Paris, шагs 1790, in-8° ;
  • Les Pâques de M. Suleau, Paris, avril 1790, in-8°; réimpression du n° 5 de l’Apocalypse, publication périodique ;
  • Nouvelle conspiration de M. Suleau, mai 1790 ;
  • Le Réveil de M. Suleau, suivi du prospectus du journal politique que le public lui demande, 1er mars 1791 ;
  • Voyage en l’air, second réveil ; à Ballomanie, 15 mars 1791, in-8° de 160 p. ;
  • Journal de M. Suleau, 12 n(os) du 26 avril 1791 à mars 1792 ; le 1er n° du deuxième abonnement est unique ;
  • Plusieurs brochures, extraites des Actes des Apôtres.

Suleau avait, dit-on, préparé une Histoire de la chute de la monarchie, mais cet ouvrage fut perdu.

Source

  • Ferdinand Hoefer, Nouvelle Biographie générale, t. 7, Paris, Firmin-Didot, 1857, p. 644 .
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