Soninké (peuple)

Soninké (peuple)

Soninkés

Page d'aide sur l'homonymie Cet article concerne le peuple soninké. Pour la langue soninké, voir Soninké.
Soninkés
Vieil homme soninké au marché de Selibaby (Guidimakha, Mauritanie)
Vieil homme soninké au marché de Selibaby (Guidimakha, Mauritanie)
Populations significatives par régions
Mali Mali 976 000
Sénégal Sénégal 260 000
Gambie Gambie 160 000
Côte d'Ivoire Côte d'Ivoire 154 000
Mauritanie Mauritanie 140 000
France France 9 300
Guinée-Bissau Guinée-Bissau 5 200
Population totale
1 703 000 (estim. 2009)
Langue(s)
Soninké
Religion(s)
Islam sunnite
Groupe(s) ethnique(s) relié(s)
Mandingues
Carte de répartition.

Les Soninkés sont une ethnie d’Afrique de l'Ouest, présente surtout au Mali le long de la frontière sénégalaise entre Nara et Nioro du Sahel, ainsi qu'au Sénégal et en Mauritanie.

Ils se désignent eux-mêmes par le mot soninké qui est en réalité le singulier du mot soninko[1], mais sont également appelés Sarakolés ou Sarakholés par les Wolofs, Marakas par les Bambaras, Wangara par les Malinkés, Wakoré par les Sonrhaïs, Aswanik ceux venant d'Assouan, ou encore Toubakaï.

Sommaire

Histoire

Guerriers sarrakholais (gravure de 1890)

Les Soninkés sont à l'origine de l’Empire du Ghana. La fondation de l'empire soninké du Wagadou, appelé généralement empire du Ghana, d'après la tradition orale des griots soninké, est due à un personnage légendaire, Yougou Khassé Dinga (littéralement: vieil homme gros). Celui-ci serait originaire de la région d'Assouan en Égypte, d'où le nom Aswanik, sous lequel sont nommés les Soninko. En Égypte il appartenait à la noblesse et était l'un des lieutenants du pharaon. Dinga est l'ancêtre des Soninko. Lorsque Dinga arriva en Afrique de l'Ouest, dans la région où se trouvent aujourd'hui le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, il trouva sur place une nation d'agriculteurs, les Karos, qu'il réussit, lui et sa suite, à dominer. Les troupes de Dinga étaient d'excellents cavaliers et ils étaient armés de lances, épées, boucliers, armures de fer. Dans la région, un serpent à sept têtes nommé bida régnait en maître. Pour pouvoir installer l'état du Wagadou, Yougou Khassé Dinga dut négocier avec le serpent bida. Le serpent accepta de laisser Dinga installer son empire à condition de lui donner tous les sept ans la fille la plus belle et la plus propre du Wagadou. Il fallait également qu'elle soit vierge. En contrepartie le serpent accorderait au Wagadou la richesse, l'or et la pluie. Yougou Khassé Dinga est l'ancêtre des Soninkés portant les patronymes Wagué, Cissé, Sokhna, Touré, Diané, Bérété , Sakho et Baradji.

Après la chute de l'empire du Ghana, les Sarakollés se sont dispersés dans toute l'Afrique de l'Ouest, donnant ainsi naissance à plusieurs ethnies dont les Bozo, Sarakollés devenus pêcheurs sur le fleuve Niger, et les Dyula, les grands commerçants de l'Afrique de l'Ouest aujourd'hui très apparentés aux Bambaras linguistiquement. Ces deux peuples descendent des Sarakollés qui se sont dispersés à partir du XIIe siècle. En se dispersant, ils ont également propagé l'islam, car les Sarakollés font partie des premiers en Afrique subsaharienne à être islamisés. Le voyage chez les Soninkés est une tradition, cela explique tous ces déplacements.

Ils ont créé également le royaume du Galam au Sénégal, sur la vallée du fleuve Sénégal, ancien royaume qui se trouvait au sud du Fouta-Toro et à l'est du royaume du Djolof. Le roi portait le titre de tounka. Le royaume a été plusieurs fois vassalisé par le Djolof à l'époque où celui-ci était un empire, par le Fouta-Toro et par le royaume bambara du Kaarta. Il vivait de l'agriculture, du commerce de la gomme arabique et de l'or. Il fut aussi le plus important carrefour du commerce d'esclaves du Sénégal[2]. Toutefois, le Galam fournissait rarement ses propres esclaves aux négriers français et leur remettait principalement ceux capturés dans les pays voisins[2]. Le Galam a subi des razzias des Maures à la recherche d'esclaves pour la culture de la gomme[3]. Mais surtout du commerce avec les traitants européens initiateurs de la Traite Atlantique et avec les Maures par les voie commerciales transsahariennes. La ville de Bakel se trouve sur l'ancien royaume du Galam. Au XIXe siècle, Mamadou Lamine Dramé, un marabout soninké du Galam, fut l'un des plus grands résistants contre la colonisation au Sénégal.

Population

Le territoire qu'ils occupent s'étend sur 800 kilomètres, d'est en ouest, de la moyenne vallée du Sénégal jusqu'au delta inférieur du Niger[4].

La majorité des Soninkés vivent dans l'ouest du Mali.

Selon le recensement de 1988 au Sénégal, les Soninkés y étaient 113 184, sur une population totale estimée à 6 773 417 habitants, soit 1,7 %[5]. À noter qu'il existe une importante diaspora, notamment en région parisienne. Dans les années 1970 les Soninkés représentaient près de 70% de la population subsaharienne émigrée en France[6].

Les Soninkés parlent la langue soninké, qui appartient au groupe des langues mandé.

Ils sont généralement musulmans sunnites. Il existe également quelques communautés chrétiennes.

Société

Dès l'époque précoloniale, la société soninké pratique le commerce d'esclaves pour progressivement se transformer en société esclavagiste[7]. Ainsi, jusqu'à la fin du XIXe siècle siècle, dans les régions qu'elle occupe, la population peut être constitué d'un tiers ou de la moitié d'esclaves[7]. Face à de si grandes proportions, les Soninkés, pour maintenir le contrôle, se montrent brutaux à leur encontre[7]. Les esclaves habitaient dans un quartier spécifique des villages, une pratique qui s'est maintenue jusqu'à nos jours[7].

Les Soninkés vivent sur la vallée du fleuve, plus particulièrement dans la région de Guidimakha et la région du Gorgol. Ils sont sans nul doute les plus grands cultivateurs de la Mauritanie.

L’organisation sociale des Soninkés est très hiérarchisée. Elle comprend trois niveaux :

  • les hommes libres appelés Hooro auxquels appartiennent les tunkalemmu (princes qui ont vocation au règne) et les mangu (courtisans, guerriers, confidents des tunkalemmu)
  • les hommes de caste ou Ñaxamala (Niakhamala) auxquels appartiennent les forgerons, les travailleurs du bois, les griots (jaaro) et les cordonniers.
  • les captifs ou Komo, qui ont été affranchis au début du XXe siècle.

Ce système est héréditaire. Les mariages se font au sein de chaque catégorie. La société soninké est patrilinéaire.

Le tunka, le roi, est le chef politique. Il est propriétaire des terres de son pays et de ce qui y pousse. Il est issu des tunkalemmu (princes et héritiers de la royauté) auxquels il se réfère avant de prendre une décision. Les chefs de village doivent obtenir la bénédiction du tunka pour exercer.

Il n'est pas rare de trouver des familles soninkés de plus de 100 personnes, partageant les repas quotidiens.

Culture

Femme soninké et sa petite fille à Selibaby (Mauritanie)

Dans le passé, les hommes avaient les cheveux tressés ou des coiffures en locks, qu'ils enduisaient de karité. Les femmes avaient le plus souvent le crâne rasé, mais il y avait aussi des coiffures tressées, très difficiles à réaliser. Elles tatouaient leurs lèvres et leurs gencives pour faire ressortir la blancheur de leurs dents et rehausser la beauté de leur visage. Les femmes portaient toujours un léger voile sur la tête.

Les Sarakhollés ne pratiquent pas la scarification du visage autant que les Bambaras. Hommes comme femmes se font deux ou trois scarifices sur les tempes et les femmes en font trois de plus sur les joues. L'excision des jeunes filles était très pratiquée dans le passé, mais elle ne se fait presque plus aujourd'hui. Les oreilles de la femme sont percées de plusieurs trous dans lesquels sont placés plusieurs anneaux en or pour les plus fortunées, en argent ou en bronze pour les plus modestes. Les bijoux tels que les colliers, les bracelets au poignet et aux chevilles sont très utilisés.

Traditionnellement, les hommes soninkés portent le boubou, souvent de couleur blanche, beige ou bleu indigo. Dans le passé une ceinture de cuir était attachée à la taille. Il y a aussi les babouches brodées appelées moukhou, ou les sandales de cuir, le tepou. Les femmes portent le pagne qui s'arrête en bas des genoux, le fendeli, et pour le haut la camisole, par dessus laquelle elles mettent un boubou le plus souvent de couleur indigo, appelé doroké khori. Le tissu le plus utilisé est le bazin. Sous leurs vêtements les femmes ont plusieurs colliers de perles qu'elles portent sur la taille. Sur la tête elles attachent artistiquement un mouchoir, le tikka.

Patronymes

Abdoulaye Bathily, spécialiste de la langue et de l'histoire soninké
Ibrahima Kébé, un artiste plasticien d'origine soninké

Selon Makhtar Diouf, chercheur à l'IFAN[8], certains patronymes sont caractéristiques d'une origine soninké – parfois lointaine – comme : Bathily, Barro, Diagana, Diawara, Dramé, Gassama, Camara, Kébé, Konté, Touré, Sakho, Sylla (ou Silla), Cissakho (ou Sissoko), Soumaré, Talla, Dabo.

Cissé (et ses variantes Cisé, Sise ou Siise) occupe une place de choix, puisque c'était le patronyme des six premiers clans soninké issus des six fils de Dinga[9]. Ci signifiant « cheval », cisé serait « le cavalier ».

Mais on pourrait en ajouter bien d'autres, tels que Diakité, Doucouré, Sanogo, Nder, Khouma, Kaïré, Loum, Khoulé, Diané, Sokhona, Tounkara ou Konaté. En raison des nombreux brassages ethniques, les Soninkés portent aussi bien d'autres noms.

Notes et références

  1. Mamadou Dramé, « Cérémonies et rites chez les Soninké », dans Peuples du Sénégal, Sépia, Saint-Maur, 1996, p. 65
  2. a  et b Abdoulaye Bathily, Les portes de l'or: le royaume de Galam, Sénégal, de l'ère musulmane au temps des négriers, VIIIe-XVIIIe siècle, L'Harmattan, 1989, 379 p. (ISBN 2738402763), p. 264 
  3. Les portes de l'or, op. cit., p. 270-271
  4. Mamadou Dramé, op. cit., p. 69
  5. Chiffres de la Division de la Statistique de Dakar cités dans Peuples du Sénégal, op. cit., p. 182
  6. Bernard Nantet, Dictionnaire de l’Afrique. Histoire, civilisation, actualité, Larousse, Paris, 2006, p. 275 (ISBN 2-03-582658-6)
  7. a , b , c  et d François Manchuelle, Raphaëlle Masseaut, Les diasporas des travailleurs soninké (1848-1960): Migrants volontaires, KARTHALA, 2004, 350 p. (ISBN 284586535X), p. 48-51 
  8. Patronymes identifiés comme soninké par Makhtar Diouf, dans Sénégal, les ethnies et la nation, Dakar, NEAS, 1998, p. 70-71
  9. Alikaou Diarra, Du Wagadou au Mali démocratique, 2002, p. 33-34

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (fr) Abdoulaye Bathily, Les portes de l'or, Le royaume de Galam, de l'ère musulmane au temps des négriers (VIII XVIII siècle). Ed. L'harmattan.
  • (en) François Manchuelle, Origins of Black African Emigration to France : the Labor Migrations of the Soninke, 1948-1987, Santa Barbara, University of California, 1987 (Thèse)
  • (fr) M. T. Abéla de la Rivière, Les Sarakolé et leur émigration vers la France, Paris, Université de Paris V, 1977 (Thèse de 3e cycle)
  • (fr) Amadou Diallo, L’éducation en milieu soninké dans le cercle de Bakel : 1850-1914, Dakar, Université Cheikh Anta Diop, 1994, 36 p. (Mémoire de DEA)
  • (fr) Mamadou Dramé, « Cérémonies et rites chez les Soninké », in Peuples du Sénégal, Sépia, Saint-Maur, 1996, p. 63-96 (ISBN 2-907888-97-8)
  • (fr) Alain Gallay, « La poterie en pays Sarakolé (Mali, Afrique Occidentale) », Journal de la Société des Africanistes, Paris, CNRS, 1970, tome XL, n° 1, p. 7-84
  • (fr) Joseph Kerharo, « La pharmacopée sénégalaise : note sur quelques traitements médicaux pratiqués par les Sarakolé du Cercle de Bakel », Bulletin et mémoires de la Faculté mixte de médecine et de pharmacie de Dakar, t. XII, 1964, p. 226-229
  • (fr) Charles Monteil, La légende du Ouagadou et l'origine des Soninké, IFAN, Dakar, Mémoire n° 23, 1953
  • (fr) Kanté Nianguiry, Contribution à la connaissance de la migration "soninké" en France, Paris, Université de Paris VIII, 1986, 726 p. (Thèse de 3e cycle)
  • (fr) Éric Pollet et Grace Winter, La société soninké (Dyahunu, Mali), Université libre de Bruxelles, 1971
  • (fr) Michael Samuel, Les Migrations Soninke vers la France, Paris, Université de Paris. (Thèse de 3e cycle)
  • (fr) Badoua Siguine, La tradition épique des forgerons soninké, Dakar, Université de Dakar, 198?, (Mémoire de Maîtrise)
  • (fr) Badoua Siguine, Le surnaturel dans les contes soninké, Dakar, Université de Dakar, 1983, 215 p. (Mémoire de Maîtrise)
  • (fr) Mahamet Timera, Les Soninké en France : d'un histoire à l'autre, Karthala, 1996, 244 p. (ISBN 2865377016)
  • (fr) Samba Traoré, Corpus soninké. Parenté et mariage, Laboratoire d'anthropologie juridique de Paris, Université de Paris 1, 1985

Liens externes

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