- Slam (poésie)
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Situé entre la joute oratoire, la poésie et le one man show, le slam est un art oratoire où quiconque veut s'exprimer occupe la scène, sans obligation de bibliographie poétique, de thématique, de mémorisation ou de format de texte. On retrouve le slam soit sous forme de scène libre, appelé aussi micro ouvert, soit sous forme de tournoi, sur base de trois ou cinq jurés choisis dans le public. Il se définit surtout par des règles de temps, d'absence d'accessoires et de musiques, et par la relation du slameur avec son public qui peut réagir même pendant la performance. Au-delà de cela, le slam est une philosophie[1] avec sa "Slam Attitude" et sa "Slam Family".
Sommaire
Étymologie
L'origine du terme slam a été expliquée par Marc Smith[2], l'initiateur du mouvement : ce mot signifie "claquer", car la poésie claque et doit devenir un spectacle et non un cercle de poètes endormis. C'est l'un des premiers objectifs du créateur des scènes slam. Il précise de même la proximité (aussi bien de sens que phonétique) du mot "slam" avec le mot "schelem" (utilisé en tennis, basketball, baseball, bridge, etc.) pour nommer le tournoi de poésie.
De nouvelles déclinaisons sont utilisées : slamerie, slamer, slameur, slameuse, slamlut, slamlutations, slamicalement... On peut aussi parler des "slam jam", c'est-à-dire des scènes où des musiciens improvisent une musique pour chaque passage de slameur, garantissant dès lors les valeurs d'équité défendues par l'habituelle interdiction des instruments.
Le slammaster, MC, ou slamestre, est l'organisateur et l'animateur de slam, garant des règles et de sa slameriephilosophie. Son engagement est avant tout social. Certains interviennent dans le domaine éducatif avec des ateliers de Slam Poésie tant au niveau des jeunes que des adultes.
Le mot "slam" peut également être utilisé pour définir un poème : « Je vais te dire un slam », bien que la différence poème/slam ne trouve sa vraie nature qu'en présence d'un public direct.
Le terme "spoken word" est aussi employé pour décrire une déclamation avec une musique de fond qui ne sert pas de base au rythme comme dans le rap. Grand Corps Malade en est l'exemple type, ayant lui-même expliqué dans divers articles de presse dès son succès que, sur ses cd, il ne pouvait pas faire de vrai slam. De manière générale, les slameurs qui ont suivi ce courant de déclamation sur fond sonore, enregistré, en concert ou en slam jam, peuvent être qualifiés de « spoken word ». Si on peut donner cette définition du côté européen, au Québec c'est strictement l'inverse. Traduisant littéralement l'expression anglaise, le mot « spoken word » désigne chez eux les séquences de micros ouverts dans les scènes slam.
Règles habituelles des scènes de slam
Même si le slam poésie est souvent décrit comme un moyen de liberté d'expression, le spectacle est structuré par des règles qui sont généralement les suivantes :
- Inscriptions ouvertes à toutes et tous auprès du présentateur
- On peut passer seul, en duo, en trio... pas de nombre maximal imposé, si ce n'est la limite technique (possibilité de poème collectif)
- Pas de décorations sonores, lumineuses ou vestimentaires
- Pas d'accessoires (si le slameur ne connait pas son texte, il peut le lire sur scène)
- Temps de parole de trois minutes maximum
- Un texte par passage sur scène
- Texte issu de sa propre création
- Un texte dit = un verre offert (est l'exception culturelle francophone)
Ces règles sont variables selon les scènes. Par exemple, certaines ne seront pas contre un ensemble de plusieurs petits textes lu en un même passage, autoriseront jusque cinq minutes voire supprimeront la limite de temps, d'autres ne donneront qu'un verre par slameur même s'il passe plusieurs fois, d'autres encore imposent un prix d'entrée modique, ou n'interdisent pas la lecture de texte écrit par quelqu'un d'autre, pourvu qu'il cite sa source et l'interprète à sa façon. Quoi qu'il en soit, on peut autant dire, lire, chanter, murmurer, que rapper ou gazouiller son slam. On peut même faire un mime. C'est l'occupation de la scène et le partage oral/corporel qui compte.
En cas de tournoi, voici comment sont établies les règles de notation :
- Un jury, choisi au hasard dans la salle, note les poètes ou équipes de poètes. Son rôle est de donner des notes, allant de zéro à dix, à chaque passage. Comme le jury n'est pas expert en la matière, il s'agit d'un jugement relativement subjectif et sur des bases différentes d'une notation de type scolaire. Les points sont donnés selon le texte et la performance. Mais il est important de rappeler que le rôle des poètes est de faire de la poésie, et non de gagner à un tournoi.
Les scènes slam pratiquant ces règles de jeu incluent : le Grand Slam de Paname, le Grand Slam National, le Slam United, le Slam So What, la Maison Folie de Mons et divers slams sessions et grands ateliers en France principalement dans les grandes villes du Nord : Reims, Troyes et Chaumont en Champagne, Rennes et Nantes en Bretagne et Tours dans le Centre... Cette approche, inventée par Marc Smith pour ramener du public et rendre les scènes slam plus populaires, est majoritairement pratiquée au niveau international : IWPS (individual world poetry slam), German International Poetry Slam, Harlem Poetry Slam (Hollande)...
Un petit nombre de scènes font voter toute la salle avec des cartons colorés comme dans les matchs d'improvisation ou au moyen d'un applaudimètre, comme le tournoi européen de slam de Berlin.
Histoire
L’idée du slam commence à prendre forme en 1984 lorsque Marc Smith, poète, sociologue et ouvrier en bâtiment, anime des soirées décalées dans un bar à Chicago. Mais ce n'est que le 20 juillet 1986 que le slam naît au Green Mill Cocktail Lounge. Le spectacle à l'origine s'appelait "Uptown Poetry Slam". Il était composé en trois temps : une partie musicale, une performance de poètes invités et le tournoi de poésie.
Marc Smith a déclaré notamment, lors d'une rencontre à Paris en 2008 à l'atelier de slam poésie du Centre Mercoeur (Paris XIème), avoir trouvé le titre du spectacle quand un journaliste le pressait de lui donner un nom. Il regardait à ce moment précis un match de baseball à la télévision et il a entendu le mot "slam" qui décrit le coup de batte qui "claque" au "home run". C’est ainsi que Marc Smith nomma son spectacle "Poetry Slam" - "Slam Poésie".
En Belgique
Les premières scènes slam apparaissent en 2001 à Bruxelles, quelques années après l'arrivée du slam à Paris, introduit entre autres par l'asbl Léz'arts Urbains. Liège a suivi le mouvement dès 2005 grâce à Dominique Massaut, aussi bien à l'Aquilone qu'au Centre de Jeunes La Zone (Liège). Depuis 2007, les scènes slam permanentes se sont développées à Mons (Maison Folie), et en 2008, à Namur. On commence seulement à voir s'ouvrir des scènes slam un peu partout, y compris en Flandre du côté de Gand. En 2007, un Championnat de Slam fut organisé à Bruxelles, mêlant les langues officielles, avec traduction des textes. En effet, dans le contexte actuel du conflit linguistique belge, le slam démontre plus que jamais ses valeurs dépourvues de frontières. On peut y trouver des scènes slam bilingues (exemple : Bru Slam) et des échanges Nord-Sud fréquents.
En avril 2008, La Zone de Liège organisa les "24H du Mot", réalisant la plus longue scène slam d'Europe et sans doute du monde : 24h de scène ouverte sans aucune interruption. Elle a ainsi réuni des acteurs de la scène slam belge, française et suisse. La seconde édition de l'événement s'est déroulée les 26 et 27 septembre 2009 avec autant de succès.
En France
En France, l’apparition du slam est un peu plus tardive même si on évoque dès 1995 la réunion d’un noyau dur (Nada, Joël Barazer, Emmanuel B (Brunet), MC Clean, Pilote le Hot[3]) mêlant poètes, performeurs et rappeurs dans un bar de Pigalle, le Club Club.
Les règles et même le terme "slam" n’étant pas encore connus des pratiquants, le cadre se cherche encore dans des expérimentations sur fonds musicaux la plupart du temps, ou sous la forme de simples scènes ouvertes poétiques. 1995, c'est aussi l'année de la sortie du "Banquet", CD de Gérard Ansaloni édité et produit par les éditions Saravah, CD considéré comme le premier disque de slam français (WakeForest University - le Français Moderne - La poésie de Slam).
En 1998, l’exposition médiatique du film "Slam" de Marc Levin coïncide avec la découverte du mouvement dans l’Hexagone. Suite à la fermeture du Club Club, ce n’est plus un lieu qui unit les "slamactivistes" mais bien une nouvelle forme artistique qui constitue un nouveau terrain de jeu pour partager leurs textes en public. Le plus actif du noyau du début, Pilote le Hot est un des premiers à mettre sur pied des scènes slam dans l’Est parisien.[réf. nécessaire]
Tandis que l'édition poétique et musicale commence à reconnaître le slam au tournant de l'année 2000[4], le premier spectacle Slam en France est joué aux rencontres urbaines de la Villette en novembre 2001 à Paris. Intitulé "Les gens et moi", spectacle mis en scène par Gerard Mendy dans lequel on retrouve le slameur Nebil Daghsen.
Le mouvement slam se développe donc en France sous la forme originelle de tournois mais également sous la forme de scènes ouvertes (sans jury ni points).[réf. nécessaire]
En 2004 paraît le premier album de Spoke Orkestra, Interdit aux Mineurs. En 2006, le premier album spoken word de Grand Corps Malade, slameur plusieurs fois vainqueur des tournois Bouchazoreill’slam, apporte un coup de projecteur supplémentaire sur le mouvement français en pleine expansion.
En 2011, se crée la première coupe de la ligue slam de France en équipe et en individuel à Joués lés Tours ( Indre et Loire).
Dans l'océan Indien
Le slam a été introduit dans l'océan Indien, en septembre 2002, par le poète et slammaster, Stefan Hart de Keating, alias Stef H2k[5], d'abord à l'île Maurice, d'où il est originaire, puis à La Réunion, Madagascar, Mayotte et Rodrigues. Les slams se font dans ces îles autant en français que dans la langue natale du slameur.
Des tournois nationaux, scolaires et internationaux s'y déroulent chaque année sous la houlette de slammasters et d'associations, avec le concours de ministères, de centres culturels, de l'Alliance française, de médiathèques, de restaurants et de bars.
Au Québec
Au Québec, la scène slam trouve ses racines dans la riche tradition de lectures publiques de poésie qui remonte au moins à la fin du 19e siècle avec l'École littéraire de Montréal, mais dont on peut plus raisonnablement situer les origines modernes aux nombreux événements de poésie qui ont eu lieu dès le début des années 1970 et dont le film La Nuit de la poésie 27 mars 1970 constitue un témoignage remarquable. Ces lectures-performances rassemblaient alors autant des poètes de différents courants littéraires comme Denis Vanier, Gaston Miron, Claude Gauvreau, Gilbert Langevin et Michèle Lalonde que des rockeurs-poètes comme Raoul Duguay (souvent accompagné par l'Infonie et le Jazz Libre du Québec) ou Lucien Francoeur (flanqué de son groupe pop-rock Aut'Chose). Ces événements se poursuivirent tout au long des années 1970 et 90 à la Casa Pedro sous l'égide du mécène Pedro Rubio et de l'animateur-écrivain Pierrot-le-Fou-Léger et plus tard, lors des soirées "Place aux Poètes" animée par la poétesse Janou St-Denis. A ce courant, il faudrait ajouter l'influence, dans les années 1990, de la scène anglophone montréalaise de spoken word.
Ce n'est qu'en 2006 que la scène slam, proprement dite, est née, sous l'initiative de Bertrand Laverdure, Catherine Cormier-Larose, Jonathan Lafleur et d'Ivy[6]. Ils ont d'abord initiés les soirées SlaMontréal, soirées mensuelles reprenant les règles du jeu telles que balisées par Marc Smith. Ensuite, Ivy a fondé la Ligue québécoise de slam (LIQS), afin d'encourager la formation d'équipe ailleurs dans la province. Le premier Grand Slam comportait l'équipe de Québec et de Montréal et fut présenté dans le cadre du Festival International de la Littérature au Lion d'or à Montréal. Marc Smith était l'invité d'honneur. On compte en 2009 une équipe de slam poésie à Québec, à Trois-Rivières, à Gatineau, à Sherbrooke et dans Lanaudière.[réf. nécessaire]
Considérations critiques et sociales
Le slam est une forme de poésie sonore considérée comme un mouvement d'expression populaire, initialement en marge des circuits artistiques traditionnels, aujourd'hui largement reconnu et médiatisé. C'est un art du spectacle oral et scénique, focalisé sur le verbe et l'expression brute avec une grande économie de moyens, un lien entre écriture et performance.
Si des poètes, en particulier issus de la mouvance hip-hop, le revendiquent comme issu de la rue ainsi que le rap à ses débuts, il est néanmoins pratiqué par des poètes de tous styles, de tous milieux sociaux, en ville comme à la campagne.
« Marc Smith n'aura eu qu'à modifier le concept de départ pratiqué par les poètes-beat, en l'adaptant à son époque, aux goûts et désirs d'un public moins disposé à la spontanéité : il aura su saisir une opportunité circonstancielle, s'approprier une formule existante en l'ajustant aux nécessités contextuelles de l'heure et du lieu, et donner à une nouvelle génération le privilège de la prise de parole mais, ici encadrée et limitée dans la durée de la prestation (3 minutes!), se plaçant ainsi à l'opposé des aspects déflagrateur et iconoclaste, (voire libertaire et anarchique), intrinsèques aux manifestations scéniques propres à la Beat generation et à la contre-culture québécoise des années 1970... Marc Smith aura relancé la prise de parole poétique sur la place publique et à l'échelle planétaire. Il incombe désormais à chacun d'avoir les mots pour se dire ! »
— Lucien Francoeur
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Le slam au cinéma
Quelques films de fiction se sont penchés sur le phénomène slam : c'est principalement le cas de Slam (1998), réalisé par Marc Levin, avec Saul Williams.
Le documentaire à l'origine de la propagation du mouvement dans le monde est "Slam Nation" de Paul Devlin [7].
Également quelques documentaires tels que "Histoire de dires" de Yann Francès & Matthieu Chevallier, lequel aborde les enjeux singuliers d'un langage pluriel, avec notamment la participation de Marc Smith (Vivement Lundi! 2008). Egalement, sur l'origine du mouvement slam en France , "Slam, applaudissez les poètes!", doc 52', de Deina Galey, Christophe Jarosz et Frédéric Moreau. (JMD prod 2006 )
Notes
- [1] Traduction : philosophie du slam par Marc Smith
- (en) Marc Smith (et alors !!) : Fondateur du slam [2]
- [3] Pilote le Hot : initiateur du slam en France
- Voir notamment la compilation fondatrice "Slameur des villes, slameurs des champ, poésies nomades", aux éditions du Castor Astral, en 2000
- [4] Stef H2k : pionnier du slam à Maurice
- http://voir.ca/societe/2006/11/09/pop-culture-aire-de-jeux-slam-ta-soiree-site-vert-lenfance-de-lart-et-le-desert-avance/ Voir . ca
- (en) Slam Nation : documentaire de Paul Devlin [5]
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Le-Slam.org - Site de référence sur le mouvement : Agenda des scènes, portraits, livres, disques, associations, etc...
- Arte.tv - Arte / Le dossier slam.
- Planète Slam - L'origine historique et philosophie du mouvement slam.
- Slampapi - Site du fondateur du slam poésie, Marc Kelly Smith.
Catégories :- Genre poétique
- Art oratoire
- Hip-hop
- Culture populaire
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