Simon Stevin

Simon Stevin
Simon Stevin, intendant des fortifications et des canaux des Pays Bas.

Simon Stevin, né en 1548[1] à Bruges et mort en 1620, est un ingénieur, un mécanicien et un mathématicien flamand (Belgique).

« Wonder en is gheen wonder [2]  » fut sa devise.

Sommaire

Éléments biographiques

Commis d’un marchand à Anvers de 1564 aux années 1570, Stevin est employé aux finances du port de Bruges en 1577. Il ne parvient pas à obtenir la franchise des droits sur la bière, et s'expatrie l'année suivante : il travaille en Prusse, en Pologne, au Danemark, en Suède et en Norvège. De retour aux Pays Bas en 1581, à 33 ans, il publie un livre sur le calcul des intérêts puis s'inscrit à l'université de Leyde en 1583.

C'est sans doute à l'université que Stevin découvre l'œuvre d'Archimède dans la traduction de Maurolico intitulée les Monumenta (Palerme). Stevin fait dès lors ses premières recherches sur les machines qu'il a vu fonctionner dans les différents arsenaux de la mer du Nord et la fin des années 1580 voit la parution, chez l'imprimeur huguenot Christophe Plantin, de ses principaux ouvrages, notamment la Statique ou l'Art de peser (1586) et l'hydrostatique (1586).

Ces travaux lui attirent la faveur du prince Maurice de Nassau, qui le consulte désormais souvent et en fait le premier intendant des canaux de la République des Provinces Unies. En 1590, Stevin déménage à Delft puis à La Haye. Devant l'ampleur des travaux à mener pour défendre les villes de la jeune république, il plaide pour un enseignement universitaire sur l'Artillerie et les Fortifications. En 1593, Il fait partie des mathématiciens du monde entier pressentis par Adrien Romain pour résoudre son équation de degré 45, et dont François Viète triomphera. En 1600, il fonde à Leyde avec l'appui de Maurice de Nassau une école d'ingénieurs militaires annexée à l'université (mais indépendante de celle-ci) : Jacques Aleaume l'y assiste dès 1607, étant formé à l'algèbre dans l'esprit de Viète. Descartes, Guez de Balzac et bien d'autres jeunes aristocrates français viendront y rechercher la formation scientifique et technique qui fait défaut dans leur pays, dévasté par les Guerres de Religion et en proie à l'instabilité politique.

On connaît peu de choses sur de la vie privée de Stevin ; il a laissé une veuve et deux enfants. À Bruges, une place porte son nom et on peut y voir une statue réalisée par Eugène Simonis. Il a également laissé son nom à la rue Stévin, située dans l'un des quartiers les plus prisés de Bruxelles, à deux pas du rond-point Schuman et du square Ambiorix.

L'ingénieur

Le char à voile construit pour le prince Maurice de Nassau (estampe de 1649, auteur inconnu).

S'adressant à des techniciens et des hommes de guerre, Stevin eut une reconnaissance surtout gouvernementale. Ses contemporains furent essentiellement intéressés par son invention d’un char à voile dont un modèle fut conservé à Scheveningen jusqu’en 1802. Nous savons que vers l’année 1600, Stevin avec le prince d’Orange[3] et trente-six autres personnes l’utilisèrent entre Scheveningen et Petten, et ayant seulement recours à la force du vent, ils allèrent plus vite que les chevaux.

Stevin semble avoir été le premier qui prit pour base de la défense des forteresses, l’Artillerie lourde. Auparavant elle se basait surtout sur les armes de petit calibre. Il fut l’inventeur de la défense par un système d’écluses, qui fut de la plus haute importance pour les Pays-Bas.

Philosophie des sciences

Stevin était convaincu qu'un âge de raison avait existé dans le passé (Hugo Grotius). Patriote, il s'efforça de faire des dialectes bas-allemands parlés dans les Pays Bas une langue à part entière, et s'évertua notamment à trouver un équivalent flamand/néerlandais, pour tous les termes scientifiques et techniques : ainsi le mot hollandais pour mathématiques n'a pas de racine grecque mais germanique : Wiskunde. Stevin voyait l'avantage du néerlandais dans le nombre de mots monosyllabiques et la faculté de composer des radicaux.

Mathématiques

« Merveille n'est pas mystère » (Een wonder en is gheen wonder) : de l'impossibilité du mouvement perpétuel, Stevin fait un principe pour la détermination des équilibres (frontispice de « l'Art de peser »).

La comptabilité en partie double peut avoir été connue par Stevin soit lorsqu'il était clerc à Anvers, soit à travers les œuvres des auteurs italiens comme Luca Pacioli et Girolamo Cardano. Cependant, il fut le premier à recommander l’utilisation de comptes impersonnels dans la comptabilité nationale. Il le pratiqua pour le prince Maurice et le recommanda à Sully.

Son plus grand succès fut un petit traité appelé De Thiende (La dîme), publié comme tous ses écrits en hollandais en 1586 et ne dépassant pas sept pages dans la traduction en français.

Les fractions décimales avaient été employées pour l’extraction des racines carrées quelque cinq siècles avant son époque mais personne avant Stevin n'avait montré l'intérêt de son emploi quotidien.

Notation décimale pour 19,178

Stevin fut si conscient de l’importance de cette contribution qu’il déclara que l’utilisation universelle du système décimal était inéluctable. La notation qu'il propose est plutôt difficile à manier : les décimales sont affectées de leur puissance de dix, marquées par un petit cercle autour de l'exposant.

Stevin note d'ailleurs ainsi dans les équations algébriques les nombres élevés à une puissance : des nombres encerclés dénotent de simples exposants. Stevin utilise les exposants fractionnels, mais ne considère jamais d'exposants négatifs.

La notation décimale de Stevin trouva un écho dans l'Europe savante. La virgule décimale fut introduite par Bartholomäus Pitiscus dans ses tables trigonométriques (1612), et fut reprise par John Napier dans ses deux ouvrages sur les tables de logarithmes (1614 et 1619).

Stevin innova finalement peu en géométrie, mais fut le premier à montrer comment construire un polyèdre en le développant sur un plan.

Mécanique

L'apport de Stevin à la Statique (1586) est considérable. Montrant que tout équilibre peut se ramener en dernière analyse à une forme abstraite de pesée, il donne à entendre que derrière la notion de poids se cache une notion abstraite, plus générale, celle de force. Par cette méthode, il approche de la notion de moment d'une force en généralisant le principe du levier avec une plus grande hardiesse que tous ses prédécesseurs (Cardan, Tartaglia). Il réduit ainsi la loi de l’équilibre sur un plan incliné à celle d'un équilibre de levier. Célèbre est l'analyse de Pierre Duhem de l'épistémologie de ses réflexions (pour Archimède, contre Aristote). Il utilise aussi la notion de déplacement virtuel, qui sera reprise par Galilée. Il dégage enfin le premier les notions d'équilibre stable et instable . Il démontra, un siècle avant Pierre Varignon la méthode du parallélogramme des forces, laquelle n'était connue auparavant que dans des cas particuliers (poussées égales en intensité et concourant à angle droit, ou à 60°). L'anecdote citée précédemment du char à voile montre qu'il a compris comment « remonter au vent », ce qui dénote une large avance sur son époque.

Le paradoxe hydrostatique

Il découvrit le paradoxe hydrostatique : la pression d’un liquide sur le fond d'un récipient est indépendante de sa forme, et aussi de la surface du fond ; elle dépend seulement de la hauteur d'eau dans le récipient. Il donna aussi la mesure de la pression sur n'importe quelle portion du côté d’un récipient.

En 1606, il démontra que deux objets de poids différents tombent avec la même vitesse.

Il tenta enfin d'expliquer les marées par l’attraction de la lune.

Il précède donc Galilée sur de nombreux points ; mais son œuvre immense reste largement méconnue : le courant flamand ne sera traduit que plus tard, et l'on connaîtra surtout la pensée italienne (Benedetti, etc.), issue de Leonardo, Cardan, Tartaglia.

Publications

Stevin écrivit sur d’autres sujets scientifiques — optique, géographie, astronomie — et plusieurs de ses travaux furent traduit en latin par W. Snellius. Il y a deux éditions complètes en français de ses travaux, toutes deux imprimées à Leyde, l’une en 1608 l’autre en 1634 (traduite par le huguenot Albert Girard).

Il publia notamment :

  • Tafelen van Interest (Tables d’intérêt) en 1582;
  • Problemata geometrica en 1583;
  • De Thiende (La dîme) en 1585;
  • La pratique d'arithmétique en 1585 qu’il présenta comme un traitement uniforme pour la résolution des équations algébriques;
  • De Beghinselen der Weeghconst (la Statique ou l'Art de peser), son livre le plus célèbre, en 1586;
  • De Beghinselen des Waterwichts (Principes sur le poids de l’eau) en 1586 sur le sujet de l’hydrostatique;
  • Vita Politica. Het Burgherlick leven (De la vie civile, cf. infra) en 1590;
  • De Sterktenbouwing (De la Construction des fortifications) publié en 1594;
  • De Havenvinding (Le repérage en mer) en 1599, traduit en anglais par Edward Wright l'année même de sa parution ;
  • De Hemelloop (Les orbes célestes) en 1608;
  • Wiskonstighe Ghedachtenissen (Mémoires mathématiques contenant De Driehouckhandel (Trigonométrie), De Meetdaet (L'arpentage), et De Deursichtighe (la Perspective);
  • Castrametation, dat is legermeting and Nieuwe Maniere van Stercktebou door Spilsluysen (Nouvelles manières de construire des écluses) publié en 1617;
  • De Spiegheling der Singconst (Théorie du chant).

Hommages

  • 1846 : statue de Simon Stevin à Bruges sur la place Simon Stevin, par le sculpteur Louis-Eugène Simonis.
  • à Bruxelles, rue Stevin.

Pour en savoir plus...

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article en anglais intitulé « Simon Stevin » (voir la liste des auteurs)

  1. D'après Gravimetry de Wolfgang Torge (de)
  2. Ainsi « la merveille n'est pas mystère » : la phrase, comme le « e pur si muove » de Galilée, (dont il est le contemporain) signe l'importance du primat de la logique dans la science de cette fin du XVIIe siècle : le fait merveilleux est révélé non mystérieux grâce au raisonnement logique. Dans le blason, la chaîne qui entoure le plan incliné est liée à la « démonstration » de l'inexistence du mouvement perpétuel.
  3. Revue des deux Mondes. Journal des voyages de l'administration, des mœurs etc, vhez les différents peuples du globe. [1]

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Simon Stevin de Wikipédia en français (auteurs)

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