Shostakovitch

Shostakovitch

Dmitri Chostakovitch

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Dmitri Chostakovitch
Dmitri Chostakovitch (1942).
Dmitri Chostakovitch (1942).

Naissance 25 septembre 1906
Saint-Pétersbourg, Russie impériale
Décès 9 août 1975 (à 68 ans)
Moscou, URSS
Activité principale Compositeur
Années d'activité 1919-1975

Dmitri Dmitrievitch Chostakovitchprononciation (en russe : Дмитрий Дмитриевич Шостакович), né le 25 septembre 1906 (12 septembre du calendrier julien) à Saint-Pétersbourg en Russie et décédé le 9 août 1975 à Moscou en URSS, est un compositeur russe de la période soviétique.

Sommaire

Biographie

Sa jeunesse, sa formation et ses débuts

Dmitri Chostakovitch est issu d'une famille appartenant à l'intelligentsia russe et au passé révolutionnaire: son grand-père Boleslav, lui-même fils d'un révolutionnaire polonais déporté en Russie, avait été exilé en Sibérie pour avoir été impliqué dans la tentative d'assassinat d'Alexandre II de 1866[1].

Après avoir étudié le piano avec sa mère, elle-même musicienne professionnelle, Dmitri Chostakovitch entre en 1919 au Conservatoire de Petrograd, où il étudie le piano avec Leonid Nikolaïev et la composition avec Maximilien Steinberg. Il se lie d'amitié avec Alexandre Glazounov, alors directeur du Conservatoire.

Bien que cumulant les apprentissages de composition et de piano, Chostakovitch se destine alors plutôt à une carrière d'interprète. Il donne de nombreux concerts, dans lesquels il fait la part belle aux œuvres de Beethoven, Schumann, Chopin et Liszt.

En février 1922, le père de Chostakovitch meurt d'une pneumonie. La famille Chostakovitch se trouve alors dans une situation matérielle précaire, ce qui conduit Dmitri à se faire embaucher comme pianiste de cinéma. Au début de l'année 1923, il effectue une cure en Crimée, où il tombe amoureux de Tatiana Glivienko, à laquelle il dédie son Premier Trio avec piano.

En 1926 a lieu la création de la première symphonie, œuvre d'une maturité de métier si exceptionnelle chez un garçon de vingt ans que des chefs d'orchestre tels que Bruno Walter, Leopold Stokowski et Arturo Toscanini l'adoptent immédiatement et lui assurent une renommée internationale. L'œuvre vaut même à son jeune auteur une lettre de félicitation d'Alban Berg.

En 1927, le gouvernement lui commande sa Seconde Symphonie pour commémorer l'anniversaire de la Révolution russe. Chostakovitch vient alors de composer deux œuvres audacieuses, sa Sonate pour piano n° 1 et son cycle d'Aphorismes et la composition de cette deuxième symphonie lui permet de poursuivre ses expérimentations. La même année, il obtient un diplôme d'honneur au concours Chopin à Varsovie. Entre l'été 1927 et l'été 1928, Chostakovitch s'attelle à l'écriture de l'opéra Le Nez s'inspirant du récit éponyme de Nicolas Gogol issu des Nouvelles de Pétersbourg. La partition résolument avant-gardiste rend à merveille l'ironie et le sarcasme du récit de Gogol.

La période d'avant-guerre

Dmitri Chostakovitch (1935)

Son opéra Le Nez, créé en 1930, connaît un immense succès populaire. Après Le Nez, le langage musical de Chostakovitch se simplifie. Le compositeur s'intéresse aux possibilités expressives de la satire et du comique et se rapproche de la musique légère. Il écrit en 1929 sa première musique de film, La Nouvelle Babylone, puis sa Troisième Symphonie. Il compose ensuite deux ballets, l'Âge d'or et le Boulon, deux échecs publics.

En mai 1932, Chostakovitch se marie avec Nina Varzar et achève à la fin de l'année la composition de son second opéra, Lady Macbeth du district de Mtsensk. L'œuvre est créée en 1934 et remporte un immense succès, avec trois productions et quelque deux cents représentations tant à Leningrad qu'à Moscou au cours des deux années qui suivent, en plus de nombreuses exécutions en dehors de l'URSS.

Début 1933, treize jours à peine après avoir achevé la composition de Lady Macbeth, Chostakovitch débute un cycle de 24 préludes pour piano puis compose son Premier Concerto pour piano. Cette même année, il compose l'opus 37: Musique pour La Comédie humaine d'après Honoré de Balzac pour petit orchestre (1933-1934)[2]. L'année suivante, il écrit une Sonate pour violoncelle et piano. Ces trois dernières œuvres n'ont stylistiquement rien à voir avec les expérimentations du Nez. Chostakovitch compose aussi son troisième ballet, le Clair ruisseau, qui remportera lors de sa création en 1935, un vif succès.

Au cours du premier Congrès de l'Union des écrivains soviétiques, en été 1934, Gorki présente la doctrine du réalisme socialiste. Les gens du cinéma se réunissent en janvier 1935 et rendent hommage à cette dictature idéologique. La fin de l'année 1934 ouvre une des pages les plus sombres de l'histoire russe: l'assassinat de Kirov marque le déclenchement d'une terreur d'une ampleur sans précédent, donnant le signal à des persécutions massives et à d'innombrables condamnations.

Le 28 janvier 1936 paraît dans la Pravda un article intitulé : Le Chaos remplace la musique, violente diatribe contre l'opéra Lady Macbeth[2]. Staline, accompagné de Jdanov et Mikoïan, avait en effet assisté deux jours auparavant à une représentation de l'opéra au Bolchoï, et l'avait détesté. Trois types de reproches étaient faits à l'œuvre de Chostakovitch : sa musique, faite de « tintamarre, grincements, glapissements »; son « formalisme petit-bourgeois » qui niait simplicité et réalisme socialiste au profit de l'« hermétisme »; et son « naturalisme grossier » montrant sur scène des personnages « bestiaux », « vulgaires ». L'article va même jusqu'à menacer l'existence de Chostakovitch par cette phrase lourde de sens en pleine folie des purges staliniennes : « On joue avec l'hermétisme, un jeu qui pourrait mal finir »[réf. nécessaire]. Les représentations furent aussitôt arrêtées. Le 6 février 1936, Chostakovitch subit un autre coup du sort avec la publication dans la Pravda d'un article éreintant son ballet le Clair Ruisseau[3] (Le Clair Ruisseau est le nom du Sovkhoze que tous les soviétiques de cette époque connaissaient car, à chaque automne, c'est dans cette ferme d'État modèle qu'étaient tournées les actualités cinématographiques montrant que la nouvelle récolte était encore plus abondante que les précédentes). Puis, quelques jours plus tard, il fait l'objet d'une condamnation officielle au cours d'une réunion de la section de Leningrad de l'Union des compositeurs. Beaucoup de ses anciens amis rivalisent alors d'attaques contre lui. Chostakovitch devient ainsi officiellement un « ennemi du peuple », accusation qui, dans l'URSS des années 30, précédait bien souvent une déportation. En juin 1937, il est convoqué par le NKVD pour être interrogé et ne doit sa survie qu'à l'exécution de l'officier en charge de son dossier[réf. nécessaire]. L'attente constante du pire le plonge dans l'insomnie et la dépression. Il est hanté par des idées de suicide, qui ne cesseront de le tourmenter toute sa vie[réf. nécessaire].

La Symphonie n° 4, composée entre septembre 1935 et mai 1936, est le reflet de son état psychologique de l'époque. Cette œuvre bouleversante ne sera créée que dans les années 1960. En effet, Chostakovitch décida de mettre un terme aux répétitions que dirigeait le chef Fritz Stiedry. Selon la version officielle, Chostakovitch retira de lui-même son œuvre, la jugeant imparfaite.

Obligé de faire des concessions, Chostakovitch donne à sa musique des accents plus traditionnels. Sa symphonie n° 5, dont la facture très classique emprunte à Beethoven et Tchaïkovski, lui permet un retour en grâce. Avec cette œuvre officiellement qualifiée de « réponse d'un artiste soviétique à de justes critiques »[réf. nécessaire], le musicien a simplifié son style sans pour autant réprimer sa personnalité. Toute l'œuvre peut même être interprétée, sous la surface d'un langage conventionnel, comme la marque d'une profonde révolte contre la tyrannie. La création de la 5e Symphonie fut aussi le point de départ de l'amitié du compositeur avec le chef Ievgueni Mravinski.

En mai 1938, Chostakovitch compose son Premier Quatuor à cordes, puis jusqu'en 1941, il s'occupe essentiellement de musiques de films. Entre avril et novembre 1939, il compose sa Sixième Symphonie.

Guerre et après-guerre

Réhabilité en 1941, il est nommé professeur au Conservatoire de Leningrad et reçoit le Prix Staline pour son Quintette avec piano et cordes, œuvre commandée par le Quatuor Beethoven dont Chostakovitch devant tenir la partie de piano lors de la tournée que le quatuor devait faire en 1942 à travers toute l'URSS. Le 8 août 1941, les premiers avions allemands bombardent Leningrad. La mobilisation est décrétée et Chostakovitch est incorporé à sa demande dans un piquet d'incendie du groupe de défense antiaérienne.

Il écrit, au cours de la guerre, trois symphonies. La Symphonie n° 7 « Leningrad » fut écrite (au moins en partie) en 1941 à Léningrad durant le siège de la ville, et créée toujours durant le siège dans des conditions irréelles (des musiciens recrutés parmi la troupe, des haut-parleurs, des bombardements préventifs des lignes allemandes pour assurer le silence). Rapidement populaire aussi bien à l'Ouest qu'à l'Est, elle est jouée 62 fois sur le continent américain entre 1942 et 1943.

La Symphonie n° 8, dite parfois « Stalingrad » (cet hommage n'est pas de Chostakovitch lui-même), tragique et triomphale, est écrite en 1943. Elle est dédiée à Mravinski et est considérée par beaucoup comme le chef-d'œuvre symphonique de Chostakovitch. Elle est parfois comparée à un cri de protestation contre la guerre, le totalitarisme et la volonté de suprématie en général[réf. nécessaire].

Ces deux symphonies, peut-être sombre et pessimiste quant à la seconde, lui valurent d'être soupçonné « d'esprit contre-révolutionnaire et anti-soviétique »[réf. nécessaire], tant elles s'accordaient mal avec la propagande du régime. Ainsi, lorsque la guerre prit fin, le public et Staline s'attendaient à ce que Chostakovitch produisît une symphonie en forme d'apothéose. Tout au contraire, la Neuvième Symphonie ne dure pas plus d'une demi-heure et ne nécessite qu'un petit orchestre classique. Elle contient des thèmes que certains estiment légers, voire ridicules ; les cuivres sont parfois traités comme on le ferait d'une fanfare de cirque, a-t-on même pu lire[réf. nécessaire]. Parmi ses collègues musiciens certains lui demandèrent, incrédules, s'il était sérieux, alors qu'au sein du parti on l'accusait de tourner en dérision la victoire.

Outre trois grandes symphonies, Chostakovitch a beaucoup composé pendant la guerre : les Deuxième et Troisième Quatuors à cordes, la Deuxième Sonate pour piano, l'opéra Les Joueurs d'après Gogol, qui restera inachevé, six romances sur des textes de poètes et des poèmes populaires anglais. Au printemps 1944, Chostakovitch compose, à la mémoire de son grand ami Ivan Sollertinski, son déchirant Second Trio avec piano.

En 1948, emporté par le tout puissant Jdanovisme artistique et son représentant Tikhon Khrennikov, il est, dans un premier temps, critiqué ouvertement (avec d'autres musiciens) lors d'une résolution du parti du 10 février 1948. Il doit faire alors, à plusieurs reprises, son autocritique et perd sa place de professeur, pour ne retrouver un poste qu'en 1961. Son fils Maxime Chostakovitch est même contraint de le condamner publiquement. Alors que le Parti renforce son emprise sur la vie culturelle et artistique soviétique, Chostakovitch, une seconde fois victime de la lutte contre le formalisme, écrit son œuvre la plus ouvertement contestataire, le Raïok, dans laquelle il se moque de Staline et de ses subalternes.

En juillet 1947, il aborde la composition du Premier Concerto pour violon, puis, durant l'été 1948, il écrit ses Chansons juives, notamment en réaction à l'antisémitisme ambiant. Il sera contraint de cacher ces œuvres, comme jadis la Quatrième Symphonie.

En 1949, Chostakovitch, participe à un voyage aux États-Unis organisé à l'occasion d'un congrès culturel. Il écrit la même année son oratorio le Chant des forêts, une œuvre de circonstance, mais non dénuée d'intérêt, ainsi que son Quatrième Quatuor à cordes, dans lequel se fait sentir l'influence du folklore juif, et qui ne sera créé qu'en 1953. C'est également en 1949 qu'il composa la musique du film La Chute de Berlin. En 1950, année du bicentenaire de la mort de Bach, Chostakovitch s'attèle à un cycle de 24 préludes et fugues; puis, durant l'hiver 1952, il compose son Cinquième Quatuor à cordes.

En 1953, alors que la situation de Chostakovitch semblait figée, comme celle de bien d'autres musiciens soviétiques, survient l'annonce de la mort de Staline, le 6 mars 1953. Le compositeur revient alors à l'écriture symphonique, après cinq ans d'arrêt, en composant sa Dixième Symphonie de juillet à octobre 1953. La création en décembre 1953 est un triomphe pour Chostakovitch. Même après la mort de Staline, le dogme du réalisme socialiste règne toujours en maître. Mais les premiers indices de changement se manifestent, et de nombreuses œuvres de Chostakovitch vont peu à peu reprendre place dans la vie musicale : les Chansons juives et le Premier Concerto pour violon sont ainsi créés en 1955 plus de sept ans après leur compositions. Chostakovitch reçoit le prix international de la paix en 1953.

Peu après, le compositeur traverse une période crise: il a du mal à composer des œuvres d'une qualité équivalente à celle des œuvres précédentes[réf. nécessaire]. Il est en outre confronté à la mort de sa femme Nina fin 1954 ainsi qu'à celle de sa mère l'année suivante. Chostakovitch fête ses cinquante ans en 1956, année riche en événements. Lors du XXe Congrès du Parti, Khrouchtchev dénonce les crimes de Staline. Une vague libertaire s'étend à tout l'URSS. Dmitri Chostakovitch est à nouveau réhabilité en 1958, avec la publication d'un décret du Parti sur la correction des erreurs commises en 1948. De nombreux musiciens tels que Prokofiev, Khatchatourian, Chebaline, Popov, Miaskovski sont de même réhabilités.

Mais Chostakovitch n'arrive toujours pas à surmonter la faiblesse de son inspiration: le Sixième Quatuor marque un net recul par rapport aux deux remarquables quatuors précédents. Le Deuxième Concerto pour piano, dédié à son fils Maxime, voit le jour en 1957. L'année suivante, Chostakovitch reçoit le prix Lénine pour sa monumentale Onzième symphonie.

Chostakovitch sort de sa longue crise d'inspiration en 1959 avec la composition de son Premier Concerto pour violoncelle, écrit pour Rostropovitch. Il compose ensuite son Septième quatuor à cordes ainsi qu'un cycle vocal, dédié à Galina Vichnevskaïa, l'épouse de Rostropovitch, les Satires. À l'été 1960, lors d'un séjour à Dresde, Chostakovitch écrit, en trois jours seulement, son Huitième quatuor à cordes qui reste un de ses chefs-d'œuvre absolus.

Le 15 septembre 1960, l'agence Tass publie un communiqué annonçant la candidature de Chostakovitch au Parti. Bien qu'il s'agisse au fond d'une manœuvre du Kremlin, beaucoup de ses amis se détournent de lui, comme Chebaline. En février, le compositeur achève sa Douzième Symphonie.

Le XXIIe Congrès du Parti, en octobre 1961 marque une nouvelle étape dans les transformations intervenues depuis la mort de Staline. On assiste ça et là à des événements d'une portée capitale, comme l'arrivée de Leonard Bernstein et de l'Orchestre de New York dès 1959, ou le retour d'Igor Stravinski en 1962, après cinquante ans d'absence. Un événement musical inattendu se produit : le 30 décembre 1961, l'Orchestre philharmonique de Moscou placé sous la direction de Kirill Kondrachine donne pour la première fois la Quatrième Symphonie de Chostakovitch.

Au printemps 1962, Chostakovitch compose sa Treizième Symphonie, sur des textes d'Evgueni Evtouchenko. Le théâtre Stanislavski et Némirovitch Dantchenko de Moscou met en répétition Lady Macbeth de Mzensk, qui a changé de titre pour devenir Katerina Ismaïlova. En 1964, il écrit ses Neuvième et Dixième Quatuors à cordes, puis s'attèle à un poème vocal et instrumental sur un fragment poétique d'Evtouchenko, l'Exécution de Stépane Razine.

En octobre 1964, on assiste à la chute de Khrouchtchev et la nouvelle équipe au pouvoir s'éloigne de plus en plus de la voie du libéralisme.

Les dernières années

L'année 1966, celle des soixante ans du compositeur, est particulièrement chargée. Des concerts solennels sont organisés dans le monde entier en son honneur. En février, il compose son Onzième Quatuor, puis en avril son Deuxième Concerto pour violoncelle, dédié à Rostropovitch. Le 28 mai 1966, Chostakovitch participe comme pianiste à un concert consacré à ses œuvres. C'est la dernière fois qu'il joue en public. Dans la nuit, il est frappé d'une crise cardiaque, et reste plusieurs semaines à l'hôpital. Cet infarctus est le premier indice de délabrement d'une santé déjà fragile : dès la fin des années 1950, Chostakovitch avait ressenti les premiers symptômes d'une paralysie de la main. Son état de santé l'oblige à mener une vie plus calme, et il doit renoncer à l'alcool et aux cigarettes. En décembre 1966, lors d'un nouveau séjour à l'hôpital, il se plonge dans la poésie d'Alexandre Blok, d'où il tirera un curieux cycle de Sept Romances.

Le Second Concerto pour violon, dédié à David Oïstrakh, est créé à l'automne 1967. En mars 1968, Chostakovitch achève son Douzième Quatuor à cordes. Pour la première fois, il utilise le langage dodécaphonique dans une de ses œuvres. On retrouvera cette technique dans son œuvre suivante, la Sonate pour violon et piano.

Le compositeur passe les mois de janvier et de février 1969 de nouveau à l'hôpital. Il lit beaucoup et se prend de passion pour des poèmes de Baudelaire, d'Apollinaire et de Rilke. Il s'attelle aux premières mesures de sa Quatorzième Symphonie à la mi-janvier. Cette œuvre a pour thème principal la mort, et c'est la première de plusieurs œuvres de Chostakovitch qu'on peut interpréter comme un adieu à la vie.

En juin 1970, il compose son Treizième Quatuor à cordes. Au début de l'année suivante, il se met à composer sa Quinzième Symphonie, qui sera créée à Moscou en janvier 1972, sous la direction de son fils Maxime Chostakovitch. Le 17 septembre 1971, il subit un nouvel infarctus.

Les dernières années de la vie de Chostakovitch coïncident avec celles de l'ère Brejnev, période durant laquelle le régime se durcit. Des mouvements d'opposition émergent toutefois, avec à leurs têtes Soljénitsyne et Sakharov. Parmi les musiciens, Rostropovitch est le seul à rejoindre les rangs de l'opposition. Chostakovitch n'a plus la force ni le courage de se révolter contre la situation politique. Il accepte de signer la lettre officielle condamnant Sakharov.

Après l'achèvement de sa Quinzième Symphonie, il n'écrit plus une note pendant un an et demi. Le spectre de la mort rôde autour de lui et lui enlève beaucoup d'amis proches. Au printemps 1973, il reprend le dessus et écrit son Quatorzième Quatuor à cordes et Six Romances sur des poèmes de Marina Tsvetaïeva. À la fin de l'année, on diagnostique chez lui un cancer.

Au printemps 1974 naît le Quinzième Quatuor à cordes, suivi d'une autre œuvre majeure, la Suite pour basse et piano sur des poèmes de Michel-Ange. En avril 1975, lors d'un séjour dans une maison de santé, Chostakovitch écrit un cycle de mélodies dédié à Nesterenko : quatre poèmes du capitaine Lebiadkine pour basse et piano, sur des textes de Dostoievski. Il compose ensuite sa dernière œuvre, la Sonate pour alto et piano, terminée en juillet.

Admis à l'hôpital, Chostakovitch meurt le 9 août 1975. Les funérailles ont lieu le 14 août. La création de la Sonate pour alto et piano a lieu le 25 septembre 1975, jour de l'anniversaire du compositeur.

La musique de Chostakovitch

Profondément marquée par une époque d'airain, la musique de Chostakovitch se voulait d'abord avant-gardiste. Une première période de création a abouti à des œuvres au style recherché et original, comme sa Première Symphonie ou sa Première Sonate pour piano. Suite à la composition de ces œuvres majeures au succès presque immédiat, il vécut une période moins productive. Les œuvres alors écrites sont actuellement moins connues (Symphonies n° 2 et n° 3).

Ce n'est que par la suite qu'il commence à maîtriser son style dans diverses œuvres. On citera notamment l'opéra Lady Macbeth de Mtsensk (1934) qui lui vaut des critiques, l'artiste étant accusé, en pleine terreur idéologique, de composer de la musique élitiste, s'opposant ainsi au peuple. En réalité, cet opéra fut bien reçu par le public et la critique lors de sa création. Toutefois, lors de l'une des représentations de l'œuvre au Théâtre Bolchoï, Staline quitta ostensiblement la salle pendant le deuxième acte ; le surlendemain, un article parut dans la Pravda, dont chacun comprit qu'il avait été inspiré par Staline en personne, est très sévère pour l'œuvre. L'article critiquait surtout le caractère « immoral » de l'héroïne (cet opéra est une libre adaptation de Madame Bovary de Gustave Flaubert) et le caractère « pornographique » de la mise en scène[réf. nécessaire]. Les représentations furent immédiatement interrompues, à l'initiative de la direction du Théâtre. Quelque temps plus tard, la Symphonie n° 4, dont la création était proche et qui était en cours de répétition reçut une critique difficile dans un nouvel article de la Pravda[4][réf. nécessaire]. Chostakovitch décida à la suite de cet article de suspendre les répétitions et de ne pas publier cette symphonie, car cette critique était manifestement lourde de menaces à son encontre.

Le compositeur subit alors des pressions, décide de composer la Cinquième Symphonie (1935) afin de permettre une réhabilitation de son image auprès de l'État soviétique. Cette symphonie reprend des motifs simples (à la manière par exemple de Mozart), en particulier dans son premier mouvement assez austère, et dans un final où la solennité est poussée à l'extrême, peut être jusqu'au sarcasme contre la musique que l'on souhaitait lui voir composer. En réalité, il semble que cette symphonie soit tout entière conçue dans la même veine que la Quatrième Symphonie, Chostakovitch ayant volontairement supprimé toute dissonance trop évidente et l'ayant charpentée en quatre mouvements très typés, sans rien changer dans le fond à sa musique. Cette symphonie remporta un grand succès et fut considérée par le régime soviétique comme un retour du compositeur dans le «droit chemin». Elle est aussi la symphonie du XXe siècle la plus jouée et la plus enregistrée[réf. nécessaire], et beaucoup de grands chefs d'orchestre la tiennent pour "le" chef-d'œuvre symphonique de Chostakovitch[réf. nécessaire].

La Quatrième Symphonie ne fut créée qu'en 1961, soit 25 ans après sa composition. Son style sombre, et son orchestration mahlérienne, en faisait une œuvre que le compositeur ne pouvait librement publier à l'époque de sa composition (1935). Elle était, selon lui, composée « pour le tiroir ». En réalité, c'est une œuvre assez longue, très complexe quant à ses structures, contenant quelques accords extrêmement dissonants notés ffff sur la partition, ayant une absence totale d'allusions politiques, contrairement à un certain nombre d'autres œuvres du compositeur. Elle reçut, lors de sa création, un "succès d'estime", et il n'en exista longtemps qu'un nombre limité d'enregistrements.

À compter de ce moment, ses compositions apparaissent comme sombres, voire très noires, et résolument pessimistes. Sarcastique, grinçant, ou au contraire d'une limpidité et d'un classicisme tout ironique (ses œuvres de « réalisme soviétique » semblent être écrites d'une autre main), il se démarque nettement de ses contemporains par un ton qui ne pouvait que déplaire à la toute puissante propagande stalinienne. Enfin, la musique de Chostakovitch ne peut évidemment se réduire, chez lui comme chez tous ses contemporains, à une analyse purement politique.

Plusieurs de ses quatuors ont été réorchestrés pour orchestre de chambre par Rudolf Barshai ; ainsi, la symphonie de chambre opus 110bis n'est autre que le Huitième Quatuor retravaillé par Barshai. Après avoir réalisé une réorchestration du Boris Godounov de Moussorgski (orchestration aujourd'hui oubliée depuis le retour des orchestrations originales de Moussorgski), Chostakovitch réalisera l'orchestration de référence de La Khovantchina du même Moussorgski.

Il aura composé 15 symphonies, 15 quatuors à corde, 2 concertos pour violon, 2 pour violoncelle, et 2 pour piano. Il s'intéressa également à la musique scénique et à la musique de film.

Dmitri Chostakovitch a lié de profondes amitiés, notamment avec des musiciens comme David Oïstrakh, et Mstislav Rostropovitch, dédicataires de ses concertos pour violon et violoncelle.

Liste des œuvres

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Notes et références

  1. Chostakovitch et Staline, Solomon Volkov, Éditions du Rocher (collection Anatolia) 2005
  2. a  et b Dictionnaire de la musique, de Pierre Vidal, Larousse, 1988, p.152-153 (ISBN 2035113061)
  3. « On voit bien que le compositeur et l'auteur du livret de ce ballet n'ont jamais mis les pieds dans un Kolkhoze, et n'ont jamais partagé le dur labeur des cultivateurs », ce qui était, d'ailleurs, probablement vrai. Extrait du programme du Théâtre Bolchoï, pour la reprise du ballet en 2003.
  4. « La nouvelle symphonie de Chostakovitch n'est, du début à la fin, qu'un abominable chaos sonore, une affreuse cacophonie. On sait que ce compositeur est parfaitement capable de faire de la belle musique, mais il s'obstine manifestement volontairement à faire une musique totalement étrangère au goût du Peuple. Tout cela pourrait très mal se terminer... »

Liens externes

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