- Sheherazade (Rimski-Korsakov)
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Shéhérazade (Rimski-Korsakov)
Pour les articles homonymes, voir Shéhérazade (homonymie).En 1888, Nikolaï Rimski-Korsakov compose sa suite symphonique Shéhérazade (en russe Шехерезада - Cheherezada), sur laquelle Michel Fokine créera, en 1910, un ballet pour les Ballets russes, avec notamment Vaslav Nijinski dans l'un des rôles principaux, ainsi que des décors et des costumes de Léon Bakst.
Sommaire
Une nouvelle forme de composition
Shéhérazade est en quelque sorte à mi-chemin entre la Symphonie fantastique d'Hector Berlioz (1830) et le poème symphonique composé par Franz Liszt en 1854. C'est une pièce en quatre mouvements où le grand public voit souvent deux thèmes principaux : celui de Schéhérazade (violon et harpe) et celui du sultan (cuivres). Ils subissent tous deux des transformations expressives à l'image du thème de la femme aimée chez Berlioz. C'est en cela que cette pièce conserve certains critères habituels de la suite.
Cependant, son argument (les contes des Mille et une nuits) est plus proche du poème symphonique, en ce sens qu'il est moins précis que celui de la Symphonie fantastique. Il sert ainsi l'ébauche du futur poème symphonique. À cela il faut ajouter que le compositeur s'est toujours insurgé à ce qu'on fasse une lecture habituelle de cette œuvre, en y voyant par exemple des personnages évoluer et agir clairement. C'est tout à fait l'inverse de ce qu'écrivit Vivaldi avec la partition des Quatre Saisons annotée des animaux décrits dans sa musique à programme, ou de ce que fera Prokofiev dans Pierre et le Loup, avec des instruments représentant des personnages avec des thèmes propres récurrents. Rimski-Korsakov écrit ainsi violemment dans Chroniques de ma vie musicale :
« C'est en vain que l'on cherche des leitmotive toujours liés à telles images. Au contraire, dans la plupart des cas, tous ces semblants de leitmotive ne sont que des matériaux purement musicaux du développement symphonique. Ces motifs passent et se répandent à travers toutes les parties de l'œuvre, se faisant suite et s'entrelaçant. Apparaissant à chaque fois sous une lumière différente, dessinant à chaque fois des traits distincts et exprimant des situations nouvelles, ils correspondent chaque fois à des images et des tableaux différents. »Et il est vrai que voir resurgir des fragments du thème du Sultan dans le passage La Mer de la quatrième partie par exemple ne s'explique raisonnablement que si l'on sait cela : le compositeur élaborait ici une nouvelle forme de composition, s'inspirant d'un thème mais n'y restant pas de manière trop plaquée. Certes, le passage de la Mer et du Naufrage évoquent nettement une certaine furie, un déchaînement, mais le programme de la musique se borne à cela.
Ci-dessous, deux célèbres thèmes, qui comme expliqué sont souvent rattachés instinctivement (mais par erreur) au Sultan et à Shéhérazade.
Instrumentation
L'orchestre utilisé dans Shéhérazade comporte : 3 flûtes dont 2 jouant le piccolo, 2 hautbois dont 1 jouant le cor anglais, 2 clarinettes en Si♭ et La, 2 bassons, 4 cors, 2 trompettes en Si♭ et La, 3 trombones ténors et basse, 1 tuba, 1 harpe, des percussions (triangle, cymbales, caisse claire, grosse caisse, tambourin), timbales, cordes.
Plan de l'œuvre
- I. La mer et le vaisseau de Simbad (Largo e maestoso — Allegro non troppo)
- II. Le récit du prince Kalender (Lento — Andantino — Allegro molto — Con moto)
- III. Le jeune prince et la jeune princesse (Andantino quasi allegretto — Pochissimo più mosso — Come prima — Pochissimo più animato)
- IV. Fête à Bagdad - La Mer - Le Vaisseau se brise sur un rocher surmonté d'un guerrier d'airain (Allegro molto — Vivo — Allegro non troppo maestoso)
La musique
La partition de Rimski-Korsakov est typique du courant musical du XIXe siècle appelé "écoles nationales". Ce courant consiste en l'utilisation de "couleurs" nationales. Pour certains pays, cela consiste en l'exaltation de ses musiques folkloriques. Il s'agit aussi de l'exaltation de musiques d'autres pays au titre de l'exotisme. C'est le cas de Shéhérazade dans laquelle Rimski-Korsakov dépeint les couleurs orientales du pays des mille et une nuits. Nous allons voir quels sont les procédés d'écriture et d'orchestration utilisés dans cette pièce.
D'une manière générale, l'utilisation du violon solo pour le thème principal se justifie par la sonorité de l'instrument. Le timbre fin et légèrement métallique du violon, surtout dans l'emploi de son registre aigu, dénote d'un certain parfum d'exotisme. Les accords de la harpe rappellent l'instrument d'appartement qui se jouait en intérieur. La conjugaison des deux instruments convient parfaitement pour l'illustration de la conteuse. Dans la suite du premier mouvement, les vagues sont symbolisées par des arpèges par les cordes graves (violoncelles et altos). De brefs rappels du thème, au violon solo, puis à la flûte et à la clarinette permettent une connexion entre la jeune conteuse et son récit, qui lui narre l'histoire du marin qui vogue sur les vagues. Concrètement, cette connexion se traduit par des vagues arpégées en noires et des rappels sur des motifs en triolets de croches. Le tempo, à la blanche pointée, permet de superposer les deux thèmes sans les brouiller. Le premier mouvement se termine sur un "coucher de soleil" : accord de vents ponctué par des pizzicati.
Le second mouvement commence par le thème du violon solo ponctué par les accords de harpe. Mais cette fois-ci, si c'est bel et bien la conteuse qui ouvre le mouvement, c'est l'histoire du prince Kalender qu'elle nous raconte. Le thème du prince est tour a tour interprété par le basson, le hautbois, les cordes puis tout l'orchestre. Un thème brillant et guerrier intervient au centre du mouvement déclamé par le trombone et la trompette, cuivres au son militaire. Toute l'agitation qui en résulte amène à une cadence à la clarinette solo, qui, légèrement modifié, rappelle le thème du prince. Le thème militaire est développé en parallèle avec le thème du prince et aboutit à une seconde cadence, qui vient en écho à la précédente, mais cette fois-ci au basson solo. Juste après, l'enchaînement se fait avec un retour des triolets du thème principal transformé et en réponse au thème du prince. Le mouvement se conclut dans un déchaînement général.
Le troisième mouvement est plus calme, il parle du prince et de la princesse. La poésie et la douceur sont de mise. Seules de véloces et virtuoses gammes de clarinette et de flûte (en réponse) viennent perturber ce climat de tendresse. Climat de tendresse que Rimski-Korsakov crée en utilisant les violons sur la cordes de Ré, donnant un timbre presque plaintif. Au milieu du mouvement, un thème plus léger sur accompagnement de tambourin donne un caractère enfantin. Après un tuti orchestral d'un lyrisme saisissant, c'est sur une cadence du violon solo sur le thème de la conteuse, que l'on revient au climat de la première partie de ce troisième mouvement.
Le quatrième mouvement reprend plusieurs thèmes de la pièce. Notamment les deux cadences du violon solo au début et toute la fin en longue cadence du violon accompagné par l'orchestre de moins en moins fort. C'est la conteuse qui endort le sultan. Au milieu du mouvement, le thème festif (un rythme de base décomposé en deux parties, une longue et une brève) se développe avec des ornements de virtuosité et un accompagnement léger.
C'est aux moyens de ces principaux éléments et de bien d'autres encore, que le compositeur nous emmène au pays de l'orient.
Lien externe
- Interprétation par le Peabody Symphony Orchestra (saison 2003-2004)
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