Sannazaro

Sannazaro

Jacopo Sannazaro

Page 1 du De virtu virgine, de Jacopo Sannazaro[1]

Jacopo Sannazaro, parfois francisé Jacques Sannazar[2], né à Naples entre 1455 et 1458 et mort en 1530, était un poète italien de la Renaissance.

Sommaire

Biographie

Dès son plus jeune âge, Jacopo Sannazaro écrivit des divertissements et des rimes en langue vulgaire, connus sous le nom de Gliommeri ; ses éditeurs n’ont pas souhaité nous les conserver ; cela lui donna l’occasion de fréquenter la cour des Aragon (Couronne d'Aragon) à laquelle il voua une fidélité à toute épreuve.

Admis relativement jeune à l’Académie de Naples dont le célèbre humaniste Pontano (en latin Pontanus) était le directeur, il prit le nom d’auteur d’Aetius Syncerus, de l’adjectif latin qui qualifiait les écrivains probes. Sous ce pseudonyme, il écrira, en latin, trois livres d’Elegiae, trois livres d’Epigrammata, cinq Eclogae piscatoriae, célébrant les beautés du golfe de Naples, dont les pêcheurs remplacent les bergers de la tradition bucolique ; ces poèmes, ainsi que le De Partu Virginis, écrit à la fin de sa vie, lui vaudront le surnom de « Virgile chrétien ».

En 1501, Frédéric II d’Aragon, roi de Sicile péninsulaire (roi de Naples), fut contraint de céder son royaume à Louis XII de France contre le comté du Maine, il dut s’exiler en France et Sannazaro le suivit; il ne rentrera en Italie qu’après la mort de ce prince, à Tours, en 1504.

C’est alors qu’il publiera son célèbre poème Arcadia, (L'Arcadie), qu’il avait déjà composé avant l’exil ; considéré comme le prototype du roman pastoral, il eut une influence considérable sur la littérature baroque dans toute l’Europe et donnera son nom à l’Académie d'Arcadie qu’il inspirera ; il est écrit en langue vulgaire italienne, comporte 24 parties alternativement composées de prose et de vers ; l’auteur y figure sous le nom de Syncero.

Il se consacrera ensuite à la publication, en particulier de l’œuvre de Pontanus, de textes latins découverts en France, aux travaux de l’Académie de Naples et à la rédaction de poèmes, tous désormais en latin.

La fin de sa vie fut marquée par des échanges avec les papes Léon X et Clément VII sur des questions de loyauté et de fidélité, et qui ont abouti à la réalisation d’un ambitieux poème religieux sur la Nativité (De partu Virginis, 1526) ;

Biographie détaillée

Titien Portrait de Jacopo Sannazaro (vers 1514-18) (Collection Royale)

Jacopo Sannazaro est né à Naples en 1457.

Sa famille, originaire d’Espagne, s’était établie à San-Nazaro, château situé entre le et le Tessin, non loin de Pavie. Un de ses chefs avait suivi Charles III de Naples (Charles de Durazzo) à la conquête du royaume de Naples et il avait obtenu de ce prince des concessions et des privilèges que ses héritiers ne gardèrent pas longtemps. Jeanne II de Naples, en montant sur le trône, n’épargna pas les favoris de ses prédécesseurs, et les San-Nazaro n’avaient plus qu’un beau nom et un patrimoine borné, lorsque Jacques vint au monde.

Fils de noble ruiné donc, il passa son enfance à Naples ; il commença ses études sous Giuniano Maggio, célèbre instituteur napolitain ; mais bientôt l’amour s’empara de son cœur à un âge inaccoutumé. A huit ans, il aima une noble damoiselle dont le nom n’est pas bien connu, quoiqu’il en soit souvent fait mention dans ses vers ; Crispo, Gaetano Volpi et tous ceux qui les ont copiés ont donné à cette demoiselle le nom de Carmosina Bonifacio ; en revanche, Mgr Coanange combat cette assertion en invoquant le témoignage de Fabrice de Luna, qui dans un dictionnaire imprimé à Naples, en 1636, dit positivement que la personne aimée par Sannazaro était une fille de Pontanus ; il est peu probable que cette jeune sœur de lait, dont le poète écrit : des son ieune age, … semblablement i’avoye esté né & nourry dans les boys, 7e prose de l’Arcadia, ait été la fille de Pontanus auquel Sannazaro ne sera présenté que peu avant d’entrer en son Académie.

Devenue veuve, la mère de Sannazaro, Masella Santo-Mango et descendant d’une noble famille salernitaise, quitta Naples pour aller s’établir dans son fief de Saint-Cyprien, dans la région de Salerne. Obligé de s’éloigner de la capitale pour suivre sa mère, le jeune Sannazaro éprouva de bonne heure les chagrins de l’absence, et pendant tout le temps qu’il vécut dans ce petit village de Santo-Mango, il ne fit que regretter son amie et son maître. Toutefois, c’est au milieu de ces montagnes, à l’ombre des forêts, dans le silence de la nature, que son imagination se développait, en rêvant au bonheur et aux occupations des bergers.

Le besoin d’élever ses enfants ramena la mère de Sannazaro à Naples, où elle le replaça sous la direction de son ancien précepteur, qui lui apprit en peu de temps la rhétorique, le latin et le grec ; il acquit ainsi une connaissance étendue de la littérature antique gréco-latine, mais aussi des classiques italiens, et désira bientôt imiter les expérimentations contemporaines des bucoliques toscans.

La passion du jeune élève hâtait donc ses progrès. Maggio parla de lui comme d’un prodige à Pontanus, qui témoigna le désir de le connaître ; et il le prit tellement en affection, qu’après lui avoir ouvert sa maison, il ne le crut pas indigne d’appartenir à son académie.

En effet, les Aragon encourageaient l’humanisme, et Sannazaro trouva dans la ville l’atmosphère culturelle la plus favorable. A la cour des princes d’Aragon, il fit rapidement valoir son habileté a organiser fêtes et divertissements ; en 1480, il écrivit une farce de cour qui a été perdue, ainsi que ses premières poésies en latin.

Satisfait des représentations de Sannazaro, en 1481, Alphonse, duc de Calabre, que notre auteur avait suivi dans ses entreprises guerrières, le reçut parmi ses « officiers de maison » peut-être à la demande de Pontano.

Pour complaire aux goûts de ses spectateurs, il composera d’autres comédies, connues sous le nom de Gliommeri (de Glomerus ou peloton), peut-être à cause de l’art avec lequel l’action en était déroulée ; mais la plupart de ces petites pièces, écrites en langue vulgaire sont perdues ; en effet, plus tard, Volpi, qui avait rassemblé plusieurs de ces Gliommeri, pour les inclure dans la belle édition de Sannazaro, en avait trouvé le style bas et vulgaire ; il crut donc devoir les supprimer, craignant qu’elles ne portassent atteinte à la réputation du poète.

Sannazaro était entré dans l’Académie sous le nom d’Aetius Sincerus, pur, intact, naturel, non altéré, non corrompu, non fardé ; on sait aussi que chez Cicéron, sincerus qualifie un style de l’orateur qui ne dissimule pas, qui rend l’idée directement et que l’on traduit en français par probe, franc ou sincère.

Les vers de Sincerus avaient aussi reçu un accueil très favorable de la part du public.

Toutefois, en cette période de grands troubles pour le royaume de Naples, Sannazaro ne paraît pas avoir été satisfait par sa notoriété grandissante. Il souffrait probablement d’épisodes dépressifs, qu’il voulut combattre en voyageant ; on a dit, certainement à tort qu’il avait voyagé jusqu’en France et qu’il se serait inspiré de ce pays pour composer le paysage de son Arcadie. En fait, ce que l’on sait, c’est que, parti, il était encore plus malade et que son voyage lui fit craindre « de mourir loin de sa patrie, hors des bras de sa mère et sans avoir eu le temps de retoucher les écrits » ; une partie de ses craintes se réalisa puisqu’il apprit à son retour la mort de sa bien aimée Philis qui tiendra une grande place dans Arcadia et que peu après sa mère Masella, tendrement aimée, mourut, elle aussi.

On sait aussi qu’il passa quelque temps à Montella, chez le comte Cavaniglia, son confrère à l’académie de Pontanus, par un tableau de Sabattini, exécuté à cet endroit et où Sannazaro figure l’un des apôtres aux pieds de la Vierge.

A partir de là, il vivra dans l’intimité des princes d’Aragon ; il ne fut pas étonnant que Sincerus se comportât de manière loyale envers eux ; il prit part à la guerre contre Innocent VIII en faveur de ses maîtres, et il seconda Pontano dans les négociations de paix qui suivirent.

Avec l’approbation de Frédéric, le très jeune frère d’Alphonse, il fit paraître son premier recueil de rimes en langue vulgaire, puis il publia ses Pelotes [I Gliommeri], compositions bizarres en hendécasyllabes à rimes médianes, écrites vers 1486.

La composition de L’Arcadie (L'Arcadie) à laquelle, principalement, se rattache la notoriété de Sannazaro, peut être située durant la période qui couvre les années 1481-1486. L’Arcadie circulait manuscrite parmi les lettrés italiens, à la fin du XVe siècle, en dix épisodes en prose et dix églogues.

Sannazaro ne se bornait pas à amuser ses protecteurs ; il savait aussi les défendre. Lorsque le duc Alphonse se mit à la tête d’une armée pour envahir les Etats de l’Eglise, Sannazaro le suivit jusqu’à Rome, dans cette désastreuse campagne, qui fut une des causes des malheurs de la maison d’Aragon. Il racontera ce qu’il a vu dans cette expédition dans la 1re élégie du 11e livre.

Durant la lutte entre les Aragon et Charles VIII, Sannazaro leur resta attaché ; séparé d’eux en 1495, lorsque Charles VIII entra dans Naples et qu’ils durent se réfugier en Sicile, il se refusa à flatter comme Pontanus, l’orgueil de leurs vainqueurs, dont le triomphe ne fut que momentané.

Au retour de Ferdinand II, son courageux dévouement fut payé d’indifférence ; et ce ne fut que sous le règne du successeur de ce monarque qu’il en fut récompensé. En effet, Frédéric, en prenant les rênes de l’Etat, s’empressa d’y rétablir l’ordre public, d’éteindre l’esprit de faction et d’accorder une généreuse protection aux lettres et aux arts.

Au milieu de ces graves occupations, les services de Sannazaro ne furent point oubliés :

Le 4 mars 1492, sur l’ordre et en présence d’Alphonse, duc de Calabre, au château Capurno, une de ces pièces : Il trionfo della Fama, fut représentée sur le théâtre de la cour pour célébrer la prise de Grenade et la chute des Maures en Espagne. C’est de toutes ces farces de Sannazaro la seule qui soit arrivée jusqu’à nous. Elle est écrite en italien, à la différence des autres, qui étaient, dit-on, en dialecte napolitain.

Une véritable amitié le liait alors à Frédéric II, qui montera sur le trône en 1496, et qui lui avait offert, dès 1493, une villa située à Mergaellina, ancienne résidence des princes angevins, au pied du Pausilippe, dans un des sites les plus évocateurs de la baie de Naples, non loin du tombeau de Virgile. Le poète l’immortalisera dans ses vers [1]

Ces bienfaits attachèrent de plus en plus Sannazaro à la fortune de Frédéric. Lorsque la France et l’Espagne alliées, qui auraient dû le défendre, enlevèrent son royaume à Frédéric d’Aragon en septembre 1501, le poète suivit son maître dans son exil volontaire en France ; Louis XII de France l’avait contraint à céder son royaume contre le comté du Maine.

De cette manière, il l’aidait dans la mauvaise fortune, donnant l’exemple d’une foi solide et d’un caractère ferme à une époque de faiblesse morale, témoin de son esprit avant tout sincère et humaniste.

Il mit aussi à profit son séjour en fréquentant les milieux humanistes français et en recherchant activement des manuscrits dans les bibliothèques. C’est ainsi qu’il a découvert, entre autres, les Halieutiques d’Ovide et les Cynégétiques d’Olympius Némésien, les poèmes de Gratius Faliscus, de Rutilius Numatianus, et quelques fragments d’Hippocrate, d’Ovide et de Solin ; il en fera la transcription, amendant le texte en philologue éminent.

Dans cette situation géographique éloignée, et en paix avec sa conscience, il pensa aussi à l’édition de son chef-d’œuvre Arcadia ; mais l’Arcadie avait déjà été mise sous presse par Bernardino da Vercelli à l’insu de l’auteur, en 1501.

L’Arcadia venait donc d’être publiée lorsqu’il revint à Naples. Cet ouvrage, malgré quelques défauts, obtint, lorsqu’il parut, l’assentiment général ; et soixante éditions, exécutées dans le cours du 16e siècle, déposent que ce succès contemporain ne s’affaiblit point sous les générations suivantes. Toutes les classes de la société s’empressaient de lire cette élégante production, à laquelle on ne trouvait rien à comparer dans la littérature moderne.

Auteur déjà célèbre, admiré pour la noblesse de sa conduite, affectueusement entouré par l’affection de ses nombreux amis et de la gentidonna Cassandra Marchese, il se tint cependant soigneusement à l’écart de la nouvelle dynastie espagnole.

Il refusa, en particulier, de chanter les exploits du général espagnol Gonzalve de Cordoue, vainqueur de Frédéric ; toutefois, il tempéra la rigueur de ce refus en se rendant à l’invitation qui lui fut adressée par le grand capitaine de l’accompagner dans une tournée qu’il se proposait de faire à Pouzzoles et à Cumes, pour y admirer les derniers débris de la grandeur romaine. Jamais peut-être un plus illustre étranger ne s’y présenta assisté par un plus éloquent interprète. On rapporte que pendant le chemin Gonzalve lui parlait des victoires récentes de l’Espagne et que Sannazaro lui rappelait la vieille gloire de l’Italie. « Il ne nous reste plus d’ennemis à combattre », disait le guerrier, « C’est ainsi que parlaient nos ancêtres », répondait le poète, en ayant l’air de lui en dire davantage.

Toutefois, Sannazaro, en rentrant dans sa patrie, y avait trouvé plus de réputation que de bonheur. Il n’y apercevait plus aucun des objets de son culte et de ses affections. En mettant le pied sur le sol natal, il aurait pu se croire encore sur une terre d’exil.

Pontanus, qui était mort en 1503, avait aussi terminé sa carrière en déshonorant par un acte de déloyauté les derniers jours de sa vieillesse. L’académie qu’il avait fondée lui avait survécu, et c’est parmi ses confrères que Sannazaro vint chercher un dédommagement aux pertes douloureuses qu’il avait essuyées. Il se consacra néanmoins à la publication des œuvres de Pontanus et il s’occupa très activement de l’Académie, dont il était devenu président.

A partir de ce moment-là, Sannazaro vécut attristé par le spectacle de la domination espagnole, cependant réconforté, en dehors de ses travaux, par la tendre affection de Cassandra Marchese, que le comte Scanderberg avait répudiée en 1499 pour épouser une Gonzague. Sannazaro s’employa en vain pour empêcher cette séparation et éviter une telle douleur à cette femme respectable ; il écrivit des lettres pleines de noble indignation, à Alexandre VI et à Léon X, qu’il détestait, comme cela se lit dans plusieurs de ses poèmes ; finalement, il passa ses dernières années auprès de cette femme qu’il aimait avec sa pureté chevaleresque.

A partir de son retour d’exil, il abandonna complètement l’écriture en vulgaire, « pour porter son art plus haut ». Son œuvre latine, commencée dès avant l’exil, a donc été continuée.

On y trouve :

Les Épigrammes, écrites en diverses circonstances de sa vie publique et dont le ton peut aller de la nostalgie à l’indignation, et jusqu’à l’invective (contre les Borgia).

Les Élégies, où il s’est confié plus intimement, évoquant son enfance, ses amitiés, son œuvre.

Les Eclogae piscatoriae (Églogues des pêcheurs), qui constituent l’une de ses principales œuvres en latin ; avec ces pièces très appréciées, transposant dans le monde marin l’univers virgilien, il parut avoir créé un nouveau genre littéraire. Du Bellay les propose comme modèle dans sa Défense et illustration de la langue française.

Les Saules (Salices), écrits vers 1517.

En 1518, il donna un recueil complet de ses poésies latines.

Enfin, en 1526, au terme d’un travail irrégulier qui avait duré vingt ans, il publia L’Enfantement de la Vierge [15] en trois livres. Cette œuvre devait à ses yeux assurer son immortalité. Deux papes, Léon X et Clément VII, ont encouragé le projet pendant sa longue gestation. Attendu avec impatience, ce poème en hexamètres, qui unit avec bonheur la théologie et la poésie, connaît une grande fortune, et tout particulièrement en France. Il est divisé en trois parties, centrées sur l’Annonciation, la Nativité et l’adoration des bergers.

Cet ouvrage a été réalisé sous l’influence de son ami Gilles de Viterbe, général des Augustins, et acteur important du concile de Latran ; ce dernier s’était intéressé de près aux spéculations métaphysiques des Pythagoriciens et des Eléates, à leur influence sur Virgile, en même temps qu’il consacrait sa vie à la réforme de l’Eglise. Le grand projet de Sannazaro était donc bien, par le biais d’une évangélisation de l’Arcadie, de mettre la mythologie païenne au service de la foi ; ainsi son grand œuvre rapporte la nativité du Christ à l’âge d’or annoncé par la IVe Bucolique de Virgile ; quant aux bergers, ils sont aussi bien saint Augustin que le poète Sannazaro lui-même.

En 1527, obligé de sortir de Naples pour ne mettre à l’abri de la peste qui s’y était développée, Sannazaro, quasi septuagénaire, se réfugia dans un village au pied du Vésuve, non loin de la retraite où vivait Cassandra Marchèse, cette dame à laquelle on prétend qu’il avait consacré ses dernières pensées. Dès que la contagion eut cessé, il quitta cet asile et reprit ses occupations ordinaires, que la mort vint interrompre au bout de quelque temps. Il expira le 27 avril 1530, âgé d’au moins 70 ans.

Ses restes reposent dans un magnifique tombeau élevé à grands frais dans une église que Sannazaro fit bâtir sur l’emplacement même de son palais de Mergellina. Ce monument fut exécuté à Carrare par Jean-Ange Poggibonsi, de Montorsoli, d’après les dessins de Santacroce, sculpteur napolitain, qui a fourni le bas-relief et le buste. Bembo y lit graver le distique suivant :

"Da sacro cineri flores : hic ille Maroni

Syncerus musa proximus, ut tumulo".

Œuvres

Toutes les œuvres de Sannazaro ont été publiées sous le nom d’Actius Sincerus, qui lui avait été donné quand il était entré dans l’académie de Pontanus.

Il en a composé en italien (langue vulgaire) et en latin : ces derniers sont plus nombreux et les plus estimés.

Les œuvres en langue vulgaire.

Les Gliommeri

il convient de les mettre de côté car ils n’ont pas retenus l’attention des critiques et des historiens, après la mort du poète et qui ont, pour la plupart été perdus.

Les Sonetti e canzoni[3]

Après sa mort, on imprima à Rome, en 1530, ses ouvrages en langue vulgaire sous le titre Sonnets et chansons [Sonetti e canzoni di M. Jacopo Sannazzaro]. Si dans ces poésies Sannazaro ne s’est montré qu’un imitateur de Pétrarque, il faut convenir qu’il en a été le plus élégant.

L’Arcadie, son poème magistral[4],[5]

Composé en plusieurs périodes à partir de 1483, et terminé avant le départ en exil en 1501, le livre comporte douze chapitres formés chacun d’une partie en prose et d’une églogue. Ce n’est pas vraiment un récit historique, ni un roman comme le Daphnis et Chloé de Longus. C’est plutôt un itinéraire spirituel placé sous le signe de Mnémosyne, la mère des Muses. On l’a rapproché de la Consolation de la philosophie de Boèce et des Confessions de Saint-Augustin.

Il n’y a aucune péripétie et même pas de relation suivie entre les personnages ; le récit se fait au fil de la remémoration ; le décor est planté lors des haltes que font les pasteurs de brebis, accompagnés de leurs bêtes dans une Arcadie issue des réminiscences de l’enfance du poète et bien peu conforme à un pays qui aurait réellement existé, comme c’est le cas chez Virgile. Le personnage principal porte le nom d’auteur de Sannazaro, Syncero, narrateur exilé loin de Naples ; le lecteur sait que ce royaume est en proie au plus graves crises politiques, aux occupations étrangères et aux trahisons. Chaque halte est l’occasion d’une pause méditative, agrémentée par les jeux accomplis au son de la musette évoquant les lointains souvenirs.

On dit souvent que l’Arcadie est en partie autobiographique, en partie allégorique ; le héros, Sincero, désirant oublier un amour malheureux, décide de quitter Naples et de se retirer en Arcadie où il partage l’existence simple des bergers et prend part à leurs concours de poésie et à leurs fêtes païennes ; à ce thème central, développé au temps de la jeunesse de l’auteur, entre 1480 et 1485, s’ajoute un complément plus érudit et plus élaboré, dans lequel l’auteur raconte comment Sincero, incapable de trouver la paix qu’il cherchait, retourne à Naples par des grottes souterraines sous la conduite d’une nymphe.

En fait, l’œuvre, qui a suscité de nombreuses études à la fin du XXe siècle est terriblement bien construite ; l’histoire de la vie de l’auteur et des êtres qu’il a aimé, est intimement intriquée à la culture tant antique, que contemporaine de l’auteur. Cette advenue du sujet en écho aux bouleversements politiques qui témoignent de l’effondrement de son monde, ponctué par les haltes des bergers et la mise en œuvre de la musette, le détermine à faire le deuil de sa bien aimée et le détermine à revenir à Naples, à la fois le même, à la fois différent, enfin délivré de quelque chose : une conclusion très moderne en quelque sorte.

On comprend que le succès de Sannazzaro soit dû moins à ses artifices formels qu’à l’analyse subtile des émotions humaines qu’il nous propose et au monde de rêve qu’il a su créer, éléments qui donnèrent naissance à une nouvelle forme de sensibilité poétique.

Si cet ouvrage est un mélange de prose et de vers à la manière de l’Ameto de Boccace, Sannazaro y fit usage d’une espèce de vers que les Italiens appellent sdruccioli et qu’on pourrait nommer dactyles, qu’il a maniés avec beaucoup de facilité et de goût. Il empruntait des mots sdruccioli à la langue latine toutes les fois qu’il n’en trouvait pas de convenables en italien, ce qui donne souvent à ses églogues un air tant soit peu bizarre.

Les œuvres en latin

Les élégies (trois volumes)

Il s'agit de ses poésies de jeunesse en latin. Dans ces poésies sur des sujets tristes et plaintifs, comme le veut le genre de l'élégie, il s’est rapproché de Properce, qu’il s’était proposé pour modèle : il faut lui savoir gré d’en avoir su plier le style à exprimer d’autres peines que celles de l’amour. Sannazaro sait les oublier pour pleurer la mort de ses amis et plaindre le malheureux sort de sa patrie.

S’inspirant des modèles latins de Tibulle et de Properce, les élégies constituent un recueil de très élégants distiques latins ; elles ont été écrites à des dates diverses. Ce sont celles qu’il a composées dans sa jeunesse qui rendent un son délicat et très fin, correspondant aux meilleures qualités de l’auteur : le triste pressentiment de mort, dans l’élégie dédiée à son ami Giovanni di Sangro, goût pour les ruines dans l’élégie qui chante les ruines de Cumes, allégresse païenne des chants qui convient à jouir de la vie, dans l’élégie pour fêter le jour de son anniversaire. Plus tard, une grande mélancolie se dégagera des distiques à Cassandre Marchesse, belle et malheureuse dame qui sera l’amie de ses vieux jours. Ces élégies illustrent quelques-uns des éléments artistiques qui trouveront leur pleine expression dans L’Arcadie. On trouve là la trame de ce linéament contradictoire qui parcourra toutes les poésies humanistes : d’un côté jouir de la beauté du moment présent, de l’autre renoncer à l’objet perdu de l’enfance, en cherchant la paix dans le retour à la nature.

Les épigrammes

Ces espèces de poésies courtes qui finissent par quelque pointe ou pensée subtile, ont été conçues à l’exemple du poète Catulle. Ce sont des témoignages très précis sur sa vie. Ecrite en un latin clair et spontané, mêle à des distiques élégants des morceaux d’une autre forme, entre autres des odes saphiques et des vers hendécasyllabiques. Joies de la volupté, méditations, douleurs s’y entremêlent harmonieusement ; il s’y joint des panégyriques et des satires  : c’est le cas des œuvres écrites à l’intention des humanistes Poggio Bracciolini et Ange Politien.

Les épigrammes les plus célèbres sont des louanges inspirées par la paix de la villa Mergellina sont célèbres, ainsi que le morceau écrit en souvenir des fêtes données par les pêcheurs au pied du Pausilippe (Eglogues pescatoris).[16]

On a remarqué aussi : le poème de l’adieu à Naples lorsque le poète part en exil avec Frédéric d’Aragon, son maître, ainsi que celui écrit en France, composé en l’honneur de Saint-Nazaire, qui lui rappelait le château de Lomellina San Nazario (à présent Sannazaro dei Burgondi).

Dans cette œuvre, « Sannazar nous donne une image exacte et fidèle de ce que furent sa nature et son esprit et, plus encore, de l’esprit humaniste si complexe, nostalgique et sensuel tout ensemble, sensible à l’idéal comme à la réalité immédiate, également disposé à l’égoïsme et au sacrifice, prompt à la satire autant qu’à l’éloge  : sentiments apparemment contradictoires, mais qui se présentent comme des instants complets chacun en eux-mêmes, des aspects vivants, purs, harmonieux de l’humanisme aux nombreux visages ».

L’enfantement de la vierge[6]

Dans un poème sur l’Enfantement de la Vierge, il s’est élevé avec ce sujet si délicat, et il a réussi à ne le point profaner, quoiqu’il se soit jeté dans tous les détails de ce mystère. Le seul reproche qu’on pourrait lui adresser, c’est d’avoir mêlé les rêves du paganisme au langage de la foi et d’avoir rendu l’enfer presque fabuleux, en y renouvelant les supplices de Tartare. Mais au siècle où Sannazaro vivait, l’étude de l’antiquité exerçait une telle influence par la littérature et particulièrement sur la poésie, qu’on aurait cru violer les règles de l’épopée en lui refusant l’appui de la fable. Ces accusations, que depuis Erasme on reproduit chaque fois qu’on parle du poème de l’Enfantement, n’empêchèrent pas deux papes, le regardant comme un ouvrage édifiant, d’envoyer des témoignages d’admiration à l’auteur.

Son poème, qui n’a que trois chants, lui avait coûté vingt ans de travail : chaque vers était soumis à l’examen de Poderico, vieillard vénérable, devenu aveugle, mais d’un jugement sûr, et Sannazaro était souvent condamné à refaire dix fois le même vers avant de réussir à contenter cet aristarque. Cet excès de sévérité pouvait ôter à l’ouvrage cette spontanéité qui est le mérite principal d’un poème. Cependant en lisant ces vers, si péniblement travaillés, on est étonné de n’y rien apercevoir qui annonce la contrainte. Ce poème, qui avait obtenu les éloges de Léon X, auquel il était destiné, ne parut que sous les auspices de Clément VII, qui en fit également témoigner sa satisfaction à l’auteur. Ces marques d’estime que Sannazaro recevait de la cour de Rome ne suffisaient pas pour étouffer son ressentiment contre Alexandre VI et César Borgia, regardés par lui comme les instruments principaux de la chute des Aragonais.

Le poète Jacopo Sannazaro ne se laissa jamais éblouir par la protection que son roi lui accordait. Il vivait auprès de lui plutôt en ami qu’en courtisan. Malgré toutes les calamités auxquelles il se trouva exposé sur le retour de liège, il sut conserver cette tranquillité d’âme, cette égalité de caractère, dont on aime à reconnaître l’empreinte dans tous ses ouvrages. Sannazaro a chanté avec le même transport les amours des bergers et les occupations des pécheurs, et pourtant l’Arcadia est l’ouvrage de sa jeunesse et les Eglogues un des fruits de son âge mûr. Par la première, il releva la poésie italienne de l’état de langueur où l’avaient jetée les froids imitateurs de Pétrarque ; et il donna dans les autres un modèle achevé d’un nouveau genre de poésie à peine soupçonné par les Grecs et entièrement inconnu aux Latins. Ses Eglogues pescatoris sont la source à laquelle on a puisé dans la suite, toutes les fois qu’on a voulu retracer les travaux et les mœurs des pécheurs.

Éditions

Arcadia

Édition de 1502[7]

Venise, Vercellese, 1502, in-6°, très rare, mais citée dans le Catalogue de la bibliothèque Capponi. C’est la première édition de l’Arcadia exécutée sans l’aveu du poète, qui se plaignit même de cette publication prématurée.

Édition de Sannazaro[8]

L’Arcadia fut réimprimée à Naples, en 1504, par Summonte, ami de l’auteur, et cette édition a servi de modèle à toutes les autres[9].

L’Arcadia a été réimprimée soixante fois durant le XVIe siècle.

On doit à Jean Martin une traduction française de l’Arcadia, Paris, Vascosan, 1544, in-8e L'Arcadie, au format image sur Gallica[10].

Éditions modernes

  • Jacopo Sannazaro, L'Arcadie, traduction de Jean Martin, édition établie et présentée par Jean-Claude Ternaux, Reims, Presses Universitaires de Reims, Publication du Centre de Recherche sur la Transmission des Modèles Littéraires et Esthétiques, Collection 'Mémoire des Lettres' dirigée par Frank Greiner, 2003.

Sonetti e Cansoni[17]

Naples, 1530, in-4., très-rare.

L’Arcadia, les Sonetti, les Cansoni, une petite pièce sur la prise de Grenade et quelques lettres qui composent le Recueil complet des ouvrages italiens de Sannazaro, ont été publiés, en 1723, en un seul volume in-4, à Padoue, précédés de la vie du poète écrite par Crispe de Gallipoli.

De partu Virginie lib. 3.; Eglogae 5.; Salices et lamentario de morte Christi, Naples, 1526, in-4.

De partu Virginie lib. 3[11]

Eglogae 5.

Salices et lamentario de morte Christi [12]

Le poème de l’Enfantement de la Vierge ne fut achevé qu’après le dernier retour de l’auteur, ce qui n’empêche pas qu’il ait pu être commencé même avant son départ.

Dans quelques éditions postérieures, on a inséré les deux brefs de Léon X et de Clément VII ; le premier rédigé par Bembo et l’autre par Sadoleto.

Ce poème a été traduit en français par Colletet, qui l’a intitulé les Couches sacrées de la Vierge, Paris, 1646,

et en italien par Giolito, Casaregi, Bigoni et Lazzari.

Les Eglogues sont au nombre de cinq et probablement les seules que Sannazaro ait composées.

Le poème sur l’Enfantement et les autres poésies latines de Sannazaro furent réimprimés ensemble, en 1719, à Padoue, in-4e, précédés de la vie du poète, écrite en latin par J.-Ant. Volpi. Cette édition contient, entre autres, les épigrammes que des éditeurs plus scrupuleux ont quelquefois supprimées, par égard pour la cour de Rome ; une des plus belles est celle que l’auteur composa pour Venise, et dont il fut noblement récompensé par le sénat de cette ville.

En 1529, on édita à Venise les Sannazarri odae ; ejusdem elegiae de malo punico.

En 1534,Les Sonetti e canzoni, Vinegia : nelle case delli heredi d'Aldo Romano e Andrea socero, 1534[13]

en 1535, Alde Manuce, à Venise, groupa en un volume toutes ses œuvres latines (Actii Synceri Sannazzarii opera omnia latine scripta)[14]

Sources

Dictionnaires et encyclopédies

Oeuvres de Sannazar

Sur Wikisource

  • Une très belle traduction en français, effectuée par Jehan Martin, L'Arcadie, Paris, Vascosan, 1544, in-8e d'après Gallica. [18]

Sur Gallica

  • 1. Actii Synceri Sannazarii De partu virginis libri tres [19]
  • 2. Arcadia del Sannazaro tutta fornita et tratta emmendatissima dal suo originale [20]
  • 3. Del parto della vergine libri tre / di M. Castore Durante da Gualdo ; ad imitatione del Sanazaro ; con gli argomenti di M. Jeronimo Pallantieri [21]
  • 4. Jacobi Sannazarii Opera omnia latine scripta, nuper edita [22]
  • 5. L'arcadie de messire Jacques Sannazar [23]
  • 6. Libro pastorale nominato Arcadio [24]
  • 7. Sonetti e canzoni del Sannazaro [25]

Textes sur l'oeuvre de Sannazar disponibles sur wikisource

Ouvrages sur Sannazar

Dans le domaine public

  • Crispo (Giovanni Battista ). Vita di J. Sannazaro. Rom. 1585. 8. Ibid. 1593. 8. Napol. 1633. 8. (Oxf.) Rom. 1693. 8.
  • Colangelo (Francesco). Vita di G. Sannazaro. Napol. 1819. 8.
  • (Angelis, chevalier d'). Sannazar. Par. 1824. 18. * (P)

d'après Edouard Marie Oettinger, Bibliographie biographique universelle, tome 2, 1854, Stiénin, Bruxelles.

  • G.-B. CRISPO, Vita di J. Sannazzaro (écrite en 1593), dans L’éd. de 1723.
  • F. TORRACA, Gli imitatori stranieri del Sannazzaro ; Rome, 1882. ; Du même, la Materia dell’Arcadia ; Citta. di Castello, 1888.
  • GASPARY, Storia della lett. ital., II, chap. XXI.
  • E. PERCOPO, la Prima imitazione del’Arcadia ; Naples, 1894.

d'après La Grande Encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres, et des arts 1885-1902

  • Crispo, Vita di Sannasaro.
  • J.-A. Volpi, Sannasaris Vita.
  • Niceron, VIII. - Angelis, Sannazar.
  • Biografia degli uomini ill. del regno di Napoli, t. II.
  • Tiraboschi, Storia della letterat. ital., VII, part. 3.
  • Saint-Marc Girardin, Tableau de la littér. fr. au seizième siècle, p.137 et suiv. [26]

d'après Nouvelle biographie générale Hoefer 1852-1866

  • E. Gothein, Die Culturentwickelung Süd Italiens, Breslau, 1886.
  • E. Peiropo, Vita di Jacopo Sannazzaro, Naples. 1894, réédité en 1931.
  • A. Sainati, J. Sannazaro e Joachim du Bellay, Pise. 1913.
  • E. Carrara, Jacopo Sannazaro..., Rome, 1930.
  • P. de Montero, La Béatrice d’Ambroise Leone de Nola.., in Mélanges Henri Hauvette, Paris, 1934.

d'après Dictionnaire des auteurs, Tome IV, p. 218, Laffont-Bompiani, 1989, article Sannazar Jacques.

Sous copyright

  • Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, 1982, Tome 13, article Sannazaro Jacopo.
  • Dictionnaire des auteurs, Tome IV, p. 218, Laffont-Bompiani, 1989, article « Sannazar Jacques »
  • Sannazar, in Centuriae latinae (Mélanges Chomarat), dir. Colette Nativel, Genève, Droz, 1997, pp. 711-718, article de Jean-Claude Ternaux où l'on trouvera une bibliographie.
  • Encyclopedia Universalis, 2008.

Notes et références

  1. a  et b Hactenus, ô superi, partus tentasse verendos
    Sit salis ; optatam poscit me dulcis ad umbram
    Pausilypus, poscunt Neptunia littora, et udi
    Tritones, nereusque senex, Panopeque, Ephyreque,
    Et Melite, quœque in prunis mihi grata ministrat
    Otia, Musarumque cavas per saxa latebras,
    Mergellina, novos fundunt ubi citria flores,
    Citria Medorum sacros referentia Lucos,
    Et mihi non solita nectunt de fronde coronam.

    Et maintenant les frais ombrages du Pausilippe, les rivages de la mer, Neptune, ses tritons, le vieux Nérée et ses nymphes m’invitent au repos ; vous surtout, bords charmans de Mergellina, avec vos grottes chères aux Muses, avec vos orangers chargés de fleurs odorantes, l’oranger qui donne à nos climats la beauté des bois de l’Orient et ceint mon front d’une couronne plus belle que le laurier.
    De partu Virginis, 1526
  2. La forme francisée est vieillie, la forme courante étant Jacopo Sannazaro (voir la notice BnF [1], l'article de l'Encyclopedia Universalis [2] ou encore les éditions récentes (L'Arcadie, Paris, Les Belles Lettres, 2004)
  3. [3]
  4. [4]
  5. [5],L'Arcadie
  6. [6]
  7. [7]
  8. [8]
  9. [9]
  10. [10]
  11. [11]
  12. [12]
  13. [13]
  14. [14]
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