- Résistance en Alsace et en Moselle annexées
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La résistance en Alsace et en Moselle concerne la résistance à l'Allemagne nazie dans les trois départements annexés (Moselle, Bas-Rhin et Haut-Rhin) lors de la Seconde Guerre mondiale.
Sommaire
Une résistance spécifique[1]
Bien que la convention d'armistice du 22 juin 1940 ne signifia en aucune clause le sort des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, la « frontière de Francfort », celle de la précédente annexion, fut rétablie de fait mi-juillet 1940. Contrairement à l'annexion de 1871 où l'Alsace (Bas-Rhin et Haut-Rhin) et la Moselle formaient le Reichsland Elsass-Lothringen (Terre d'Empire d'Alsace-Lorraine), les Allemands prirent le parti d'annexer séparément la Moselle et l'Alsace pour faciliter la germanisation. La Moselle et l'Alsace furent respectivement annexées au Gau Westmark avec la Sarre et le Palatinat, et au Gau de Bade pour former le Gau Baden-Elsaß destiné à devenir le Gau Oberrhein. Hitler nomma le 7 août Joseph Bürckel Gauleiter (chef de l'administration civile) du Gau Westmark et lui ordonna de germaniser la Moselle en dix ans. Doté des pleins pouvoirs, Bürckel commença la germanisation en adoptant sans tarder toute une série de mesures visant à casser toute tentative de résistance. La résistance en Alsace et en Moselle n'est pas tout à fait assimilable à la résistance intérieure française ni même à la résistance allemande au nazisme. Il s'agit d'une résistance à l'occupant en territoire annexé. Elle ne peut pas être assimilée à une résistance allemande bien qu'elle se déroulait sur un territoire « allemand ». La spécificité de la résistance en Alsace et en Moselle vient avant tout de la résistance massive de la population à la germanisation. C'est de cette oppression dont furent issus les premiers et les plus nombreux actes de résistance. Toute action ou attitude, si minime fut-elle, hostile à la germanisation ou portant atteinte au prestige ou à l'effort de guerre allemand, était non seulement considérée comme un acte de résistance mais également comme un acte de trahison. Malgré quelques contacts, la résistance en Alsace et en Moselle n'avait pas de lien étroits avec la résistance allemande au nazisme. Les mouvements actifs affichaient ouvertement leur caractère français, mais n'étaient pas membres du Conseil national de la Résistance[2] et ne recevaient aucune aide alliée (armes, radios[3]...). Pour autant, ils entretenaient des liens étroits avec la résistance située en territoire non annexé. Ainsi l'Espoir français était en liaison constante avec le réseau Kléber implanté à Nancy.
Premiers faits de résistance
- Dès juillet 1940, peu après l'entrée des troupes allemandes à Metz le 17 juin 1940, un groupe de lycéens rejoint par des apprentis et quelques employés des postes, pour la plupart âgés de 17 à 20 ans, forment « l'Espoir français ».
- Le 12 août, une première opération de sabotage sur des lignes téléphoniques est attestée.
- Le 15 août, pour la fête de l'Assomption, un rassemblement a lieu place Saint-Jacques à Metz où sont déposés des bouquets de fleurs bleues, blanches et rouges au pied de la statue de la Vierge.
- À l'automne 1940, le commandant Scharff et d'autres anciens officiers et sous-officiers forment le groupe « Mission Lorraine ».
La population en action
La population dans sa grande majorité continua malgré tout à afficher son attachement à la France. On continua à parler français et à refuser le salut hitlérien. On bouda les informations allemandes, mais on écouta à ses risques et périls la radio anglaise ou suisse. Un rapport du service de sécurité allemand de la ville de Metz pour la semaine du 17 novembre au 23 octobre 1941 dit que « la grande majorité des Lorrains fait preuve d'une obstination grandissante à l'encontre du Reich ». De nombreuses manifestations symboliques succédèrent à la manifestation place Saint-Jacques, telles les manifestations du 1er septembre 1942 à Metz, place de la Préfecture, et à Sarreguemines. On peut aussi rappeler le drapeau français hissé sur la mairie d'Hagondange le 11 novembre 1942.
De nombreux anonymes ont aidé les résistants matériellement, en informations, en cachant ou ravitaillant des prisonniers de guerre évadés, dont la Moselle est presque un passage obligé vers la France. Nombre d'entre eux ont participé à des actions plus ciblées, notamment à des filières d'évasion de prisonniers de guerre, comme celui de la religieuse sœur Hélène de l'hospice Saint-Nicolas de Metz, sur tout le département. Les trains de marchandises, les passages dans les usines sidérurgiques à cheval sur la frontière, dans les bois ou en campagne furent autant de moyens de passer une frontière pourtant très surveillée.
Plusieurs milliers de jeunes furent réfractaires à l'enrôlement dans la Wehrmacht et le Reichsarbeitsdienst et devinrent donc des clandestins recherchés. Les Malgré-nous (mosellans et alsaciens mobilisés contre leur volonté sous l'uniforme allemand, notamment sur le front russe) furent nombreux à déserter. Enfin dans la région du Donon, ce sont des maquisards aidés de Russes évadés qui libérèrent quelques villages.
En 1942, Bürckel proposa aux Mosellans n'appartenant pas au Deutsche Volksgemeinschaft et à ceux en ayant été exclus, et donc à ceux qui refusaient toujours d'être allemands, de s'inscrire dans les sous-préfectures pour quitter la Moselle. Les besoins de l'armée et de l'industrie allemande firent dire à Himmler qu'on ne pouvait faire cadeau de sang allemand à la France. Ainsi en janvier 1943, ce sont 10 000 personnes optant pour la France, originaires principalement du bassin ferrifère et houiller, qui furent déportées dans des camps spéciaux en Silésie, en Basse-Saxe, en Autriche, dans la Ruhr, et dans les Sudètes. On les appela les P.R.O., les Patriotes Résistant à l'Occupation.
Principaux groupes de résistance
L'Espoir Français : formé dès le 17 juin 1940, « l'Espoir Français » est décapité entre le 18 juin et le 15 juillet 1941 par une série d'arrestations. Le mouvement agissait essentiellement par diffusion de tracts et par des tâches de renseignement.
Le groupe Mario : il tient son nom du pseudonyme employé par son animateur principal Jean Burger, chargé par le communiste Georges Wodli l'activité des militants des chemins de fer, du secteur sidérurgique et du secteur houiller, mission confirmée par le comité national militaire des FTPF et le comité directeur du Front national. Le mouvement divisa son action en 27 secteurs. Pour suivre le parcours de Jean Burger dès les années trente on peut se reporter à sa biographie dans le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français[4]. Une présentation plus complète est issue des actes d'un colloque traitant de la résistance en France annexée tenu à Strasbourg en novembre 2004 sous l'égide de la Fondation entente franco-allemande (FEFA) et de l'Université de Metz[5]. Son action consistait en la formation de groupes de combat de trois personnes, la constitution de dépôts d'armes, l'aide aux évadés, la réalisation et la diffusion de tracts, les sabotages, l'aide aux familles des militants arrêtés et la préparation de la libération. L'action du groupe fut considérable, mais 752 personnes considérées comme appartenant au réseau furent arrêtées entre août et septembre 1944. Mario avait lui été pris en septembre 1943. A la Libération, le groupe est donc très affaibli. Il s'était constitué autour des nombreux ouvriers présents en Moselle industrielle et notamment des immigrés polonais (mineurs de charbon) et italiens (mineurs de fer) qui payèrent un lourd tribut à leur engagement contre le nazisme[6].
Second groupe notable, le groupe Derhan fut fondé par Joseph Derhan, ouvrier à Hagondange qui avait formé en 1942 un groupe nommé Parti De Gaulle, composé d'une cinquantaine d'ouvriers de la vallée de l'Orne. Actif dans les années 1942 et 1943, le groupe sera démantelé par les Allemands entre janvier et mai 1944. Son principal dirigeant était déjà mort au Fort de Queuleu à Metz. Le groupe s'était donné pour mission l'accumulation d'armes pour la Libération, la propagande pro-gaulliste et l'incitation à refuser l'enrôlement dans la Wehrmacht et le Reichsarbeitsdienst (RAD).
Le groupe La Main Noire : il a été créé par Marcel Weinum et a rassemblé des dizaines d'adolescents de 14 à 19 ans. Ce groupe a vu le jour en septembre 1940 et avait comme but de combattre d'une façon active le développement allemand en Alsace.
Le Réseau Wodli : le cheminot et responsable communiste Georges Wodli joua un rôle déterminant dans l'organisation de la résistance notamment ouvrière en Alsace annexée[7]. Il joua aussi un rôle important en Moselle annexée en rencontrant Jean Burger, instituteur communiste messin, à qui il demanda de structurer la résistance CGT/PC en Moselle (le Groupe Mario). D'autres cheminots jouèrent un rôle de premier plan, par exemple Charles Hoeffel ou le jeune apprenti Jean Geiger qui fut l'un des fondateurs de L'Espoir français[8].
Le groupe Mission Lorraine : le commandant Scharff ("Emmanuel") et son groupe « Mission Lorraine », qui ont intégré l'Armée Secrète le 13 mai 1941, puis l'ORA en octobre 1943, plus en retrait jusqu'à l'approche des forces alliées sortirent de l'ombre en meilleur état que les restes des groupes cités plus haut. Ils sont intégrés aux FFI sous les ordres du commandant Krieger (« Gregor »), Scharff devenant son adjoint. Les trois départements annexés formaient la région C4, sous la responsabilité du chef de la région C, le colonel Grandval. Les 4 000 FFI du département avaient pour mission de combattre l'armée allemande, de rétablir l'ordre public et une administration civile provisoire. Les FFI désorganisèrent l'arrière des lignes allemandes, facilitant l'avance des troupes américaines. Toutefois, Scharff et Krieger étaient rivaux, car le premier jugé trop proche du général Giraud; ils ne se rencontrèrent pour la première fois que le 21 novembre 1944 ! Dans les faits, les quatre brigades de FFI de l'ouest du département restèrent sous l'autorité réelle de l'"adjoint" Scharff dont le poste de commandement était situé à Jœuf (Meurthe-et-Moselle), contre un seul pour Krieger, quand les groupes de l'est mosellan restèrent de facto autonomes.
Comme dans le reste de la France, les femmes jouèrent un rôle important dans l'organisation de la résistance même si elles restèrent souvent dans l'ombre. On peut citer l'exemple d'Annie Schulz, qui abrita dans son logement la planque de Jean Burger, alias Mario dans la Résistance ou Margot Durrmeyer, militante des Jeunesses communistes qui joua un rôle important dans la constitution du Groupe Mario[9].
Selon les archives allemandes, 7 761 ont été arrêtés, soit plus d'un pour cent de la population, dont 1 053 pour appartenance à des mouvements de résistance et 164 pour actes de résistance isolés (2 379 car Juifs, 23 pour passage de courrier, etc...). 5 812 ont été déportés, 2 960 n'en revenant pas ;1 798 ont été internés, 96 y mourant. La résistance dans le département fut donc très active, mais beaucoup y laissèrent leur vie.
La Résistance des Alsaciens et Mosellans de l'intérieur
Les Mosellans ne se sont pas contentés de résister localement : des expulsés, évacués et autres personnes ayant quitté le département se sont engagés dans les Forces Françaises Combattantes (Castille, Gallia, Buckmaster, ...) ou dans les Mouvements Unis de la Résistance / Forces Françaises de l'Intérieur. Pour la seule année 1944, les Allemands arrêtèrent 133 Mosellans (38 dans les FFC, 95 dans les MUR ou FFI)[10].
Liens internes
Liens externes
Sources
- [1] Sur les spécificités de la situation locale, voir les actes du colloque Annexion et nazification en Europe (Metz, 7 et 8 novembre 2003), publiés sous la direction de Sylvain Schirmann (Université de Strasbourg), sur le site internet du Mémorial d'Alsace-Moselle à Schirmeck
- ce qui compliqua la reconnaissance de leur qualité de résistant après-guerre
- Selon Neigert, ce n'est qu'à partir de juillet 1944 qu'un premier poste radio du réseau Mithridate relia la résistance mosellane à la France
- [2] Claude Pennetier (sous le direction de), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier – mouvement social français. 1940-1968 (Le Maitron), 1940-1968, tome 2, Paris, Editions de l’Atelier, 2006, p. 430 à 432.
- Pierre Schill, « Jean Burger, un itinéraire pacifiste, antifasciste et résistant en Moselle (1932-1945) », dans Alfred Wahl (direction), Les résistances des Alsaciens-Mosellans durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), Metz, Centre régional universitaire lorrain d’histoire, 2006, p. 71 à 90
- Sur ce point voir: Pierre Schill, « Les mineurs de charbon étrangers membres du groupe de Résistance ‘‘Mario’’ en Lorraine annexée (1940-1945) », dans Institut d’Histoire Sociale Minière, Mineurs immigrés. Histoire, témoignages (XIXè-XXè siècles), VO éditions, 2000, p. 243 à 261.
- Marie-Louise Goergen (sous la direction de), Cheminots et militants. Un siècle de syndicalisme ferroviaire, Paris, Editions de l’Atelier, 2003, p.422 à 424.
- [3] Sur tous ces cheminots voir leur notices biographiques (souvent accompagnées de photographies inédites) dans Marie-Louise Goergen avec Eric Bélouet (direction), Cheminots engagés. 9 500 biographies en mémoire (XIX-XXème siècles), Paris, Editions de l'Atelier, 2007.
- [4] Laurence Thibault (direction), Les femmes et la Résistance, Paris, AERI-Documentation française, 2006.
- Cercle Jean Macé n°10, 1983 Marcel Neigert, La Résistance en Moselle, Cahiers du
Bibliographie
- Joël Forthoffer, « La Résistance des cheminots en zone annexée » dans Robert Vandenbussche (dir.), « Les services publics et la Résistance en zone libre et en Belgique 1940-1944 », CEGES, Université Charles de Gaulle Lille 3, Lille, 2005, p. 83-100.
- Pierre Schill, « Jean Burger, un itinéraire pacifiste, antifasciste et résistant en Moselle (1932-1945) », dans Alfred Wahl (dir.), Les résistances des Alsaciens-Mosellans durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), Centre régional universitaire lorrain d’histoire, Metz, 2006, p. 71-90.
- Claude Pennetier (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier – mouvement social français. 1940-1968 (Le Maitron), tome 2, Éditions de l’Atelier, Paris, 2006, p. 430-432.
- Pierre Schlund, Souvenirs de guerre d'un Alsacien, Éditions Mille et une vies, 2011, (ISBN 978-2-923692-18-0)
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